♰   Lymphalème


Il marchait sur la terre froide. Les brindilles d’herbes s’étaient recouvertes d’une fine couche blanche et brillante qui signait le premier gel de l’année. Les temps froids de l’année. Il s’était levé, ce matin-là, avant Nott, avec qui il partageait la tanière des guérisseurs, en réfléchissant. Les enfants des louves enceintes du tournoi de reproduction ne tarderaient à arriver et il avait fait un choix. Il désirait prendre en apprentie la fille d’Athelstan folle. L’ex-Solitaire au regard meurtrier.
Cela pouvait sembler une décision peu sage, mais il l’avait observé, et il avait estimé que ce n’était pas dans les rangs de guerriers qu’elle trouverait sa place. Au contraire, bien qu’elle y trouverait plein d’occasions pour se défouler, elle n’était pas en accord avec leurs mœurs et leurs coutumes, et il pensait que peut-être, en tant qu’ancien Lazuli fils de Solitaire, il pourrait la comprendre le mieux, et lui apprendre à vivre chez eux. De manière plus importante, il fallait qu’il la convainque que sa place était ici, chez les Etelkrus, avec sa famille. La petite était futée et vivace d’esprit, il avait pu l’observer dans sa façon de parler et de faire, et elle ferait une excellente disciple de Dairo, si un jour elle en faisait le choix. Il allait falloir qu’il développe de sérieux talent de persuasion et de fourberie pour essayer de la persuader et de la convaincre de devenir une Etelkrus. Il allait falloir qu’il réussisse à lui donner l’impression que ce désir venait d’elle-même. Il était donc parti lire à la bibliothèque, des livres sur des histoires de Ruse et de Tromperie qui avaient marqué les esprits Punk Wolfiens, pour essayer de s’inspirer les mêmes talents. Il avait ensuite consulté les ouvrages de psychologie infantile. Il fallait qu’il use de la psychologie douce de l’enfance de la petite pour la transformer en la meilleure Etelkrus que la meute ait vue depuis des lunes, et également pour la transformer, il l’espérait, en ce qu’elle serait de mieux, et de plus heureuse.

Ses pas le menaient entre les étagères remplies de livres aux couvertures de cuir luisant, sur lesquels étaient gravés en lettres dorés d’étranges titres sonnant de psychanalyse et de prédiction du futur. Il reposa les livres qu’il avait consulté dans leurs rayons respectifs, et pris le chemin du retour à la course. C’était une habitude qu’il avait pris grâce à l’enseignement de Bamboo. L’endurance s’acquierait par l’entraînement, par l’effort, même quand on n’en avait pas forcément envie. Alors à chaque fois qu’il allait à la bibliothèque pour s’instruire, c’était en courant qu’il s’y rendait.

Toutefois, il n’allait pas, aujourd’hui, rentrer directement chez les Etelkrus. Il passait, chez Dairo, mais il devait d’abord trouver un présent, on ne venait pas les pattes vides chez un dieu Etelkrus ! Les disciples d’Aka avaient l’habitude de rapporter des présents qui attestaient des qualités principales du dieu Ours, lorsqu’ils s’y rendaient : Des animaux imposants, qui avaient pris beaucoup de force à abattre, le sang de leurs ennemis, également … Mais ce n’était pas, au sens de Lymphalème, le type de présent qu’apprécierait Dairo. Ou alors, il espérait qu’elle apprécierait plus le présent d’un animal qu’on ne pouvait chasser sans ruse. C’est ainsi que Lymphalème avait choisi de lui apporter la pelisse d’un raton laveur. Ces petites bêtes qui vivaient dans la forêt avaient été vues, une fois, à s’emparer de denrées alimentaires chez les Etelkrus, et ils s’échappaient avec une rapidité et une intelligence qu’on ne leur aurait pas conféré à première vue.
C’était à leur instinct, leur vie en groupe et leur rapidité que le gris voulait se mesurer aujourd’hui.
Il s’était terré dans les sous-bois, allongé par terre dans les fougères, couvert de boue, pour masquer son odeur, et avait attendu qu’ils sortent de leur arbre, jusqu’à où il les avait pistés à l’odeur. Après plusieurs longues minutes, quasiment une heure d’attente, un petit museau pointu et gris se profila, et la fameuse face masquée de noir sortit d’un trou dans l’arbre. Lymphalème était par terre, silencieux, sans un mot (ce qui ne lui était point compliqué, car habituel), et observait de son regard d’or et de flamme la petite bête, qui décrivit un tour du tronc avant de piailler quelque chose qui fit sortir de nombreux autres museaux. Hm. Embêtant. Il pensait leur voler quelque chose, et le ramener à la déesse, mais ils étaient trop nombreux… Et s’il les tuait ? Tous ?

Ce serait compliqué, car si l’un d’entre eux le voyait ils iraient tous se cacher, et Lymphalème n’était pas assez agile pour les sortir de leur trou, tout là-haut dans les arbres …
Alors il attendit qu’ils s’en aillent et se redressa, pour partir faire un tour dans les bois. Ils aimaient la viande des autres ? Alors il allait leur en trouver. Il dénicha un renard qui mangeait un gros pigeon, et lui bondit dessus, lui volant son repas. C’était au plus fort, mais Lymphalème avait trop de respect pour l’emblème de sa déesse pour assassiner le renard. Il prit le pigeon entre ses crocs, puis fit le tour de la forêt, avant de s’enduire de boue de nouveau, ôtant l’odeur du sang de la bestiole de son pelage, et alla le poser sous l’arbre des ratons-laveurs.

Ils sortirent de nouveau, cherchant du regard la bestiole qui venait de faire tant de bruit, avant de se rendre compte du festin qui avait été oublié sous leur arbre. Il y eut un instant de méfiance générale, avant qu’ils ne le prennent entre leurs pattes et leurs crocs, et le ramène en haut dans l’arbre en se chamaillant. Lymphalème n’eut pas longtemps à attendre, avant le premier.

« PAF ! »

Quelque chose venait de tomber de l’arbre, dans les fougères sous-jacentes. Mais le loup gris ne bougea pas.
« PLOF »
Une autre chose, qui dégringolait des hauteurs des pins pour atterrir dans la mousse. Le gris se redressa, et s’approcha avec un sourire. C’était ses proies. Il avait mis du curare, dans le pigeon qu’il leur avait si gentiment laissé, et les baies, dont l’odeur était masquée par le sang de la bête, avaient paralysé les rongeurs.

Quelques autres tombèrent de leusr arbres, et Lymphalème les trouva, les tuant rapidement d’un coup sec de crocs. Une fois qu’il en avait plus que ce qu’il pouvait porter, il le prit par la queue, entre ses crocs, et partit de la scène de crime. Ceux qui n’avaient pas eu une grosse dose et qui respiraient encore se réveilleraient plus tard. Mais cela les empêcherait de prendre leur viande pendant encore quelques temps.

Il arriva dans le temple de la déesse, et posa les bêtes sur son autel, avant de faire un pas en arrête et de s’incliner respectueusement. C’était en silence, dans son esprit, qu’il la remercia encore d’avoir remis Pepper sur ses pattes, et d’avoir aidé les autres membres de la meute qui étaient ses disciples a garder la tête haute durant ces durs derniers temps. Bientôt, leurs rangs seraient renforcés de nombreux petits loups, et elle aurait de nouveaux disciples à choyer. Il se redressa, ses remerciements impersonnels finis et regarda la statue de la déesse.

« Je vous remercie, Déesse Dairo, pour toute votre aide. Je viens vous donnez ces ratons-laveurs, que j’ai chassé en votre honneur. »

Il prit un instant de silence, puis reprit :
« Mais je viens aujourd’hui faire une prière pour Rowena, la fille de Athelstan, revenue des Solitaires. Trouvera-elle l’etelkrus en elle ? Comment l’aider ? »

Il parlait tant, pour quelqu’un qui aimait le silence, mais il lui importait tant, que cette petite louve devienne une etelkrus, et soit heureuse, surtout. Son regard se porta sur la statue. Ce n’était pas dans l’habitude de Dairo, de venir répondre aux questions de ces disciples, mais peut être pouvait elle lui donner un indice, quelque chose pour l’aider à atteindre la psychisme de cette petite.

Lymphalème


Ainsi, ni lui, ni la déesse ne savaient exactement comme procéder, ni si leur essais allaient réussir à transformer la fille de Athelstan et de la guerière morte, Lucie, en une Etelkrus. Toutefois, il nota ses propositions. Ce seraient des choses compliqués à accomplir, mais il était déterminé à essayer aussi sérieusement que possible. Il y mettrait tout son talent, toute la viciosité qu'il avait apprise et tout son travail de disciple de la renarde. Il s'inclina de nouveau, alors qu'elle disparaissait, puis se redressa sur ses pattes arrières, pour regarder sur l'autel, le petite attrappe rêve orangé qui brillait là.

"Je vous remercie pour votre aide, dame Dairo, je ferais tout en mon pouvoir pour ramener la fille de votre disciple à votre lumière." dit-il.

Il enfila l'attrappe-rêves autour de cou, ou il tomba juste en dessous du crâne qui brillait de la lumière de la déesse. On dirait presque qu'il avait deux glowsticks de la même déesse, avec ses deux pendentifs. Il se redressa, et s'inclina profondément. Il espérait que la prochaine fois qu'il reviendrait ici, ce serait avec une Rowena changée.
Mais jusqu'à cette prochaine fois, il remerçiait la déesse, et il repartit au clan.

Il était armé. Mais était-il prêt ?