Ely était CONTENT.

Mais Ely avait chaud et était trempé en arrivant en haut des milliers d'escaliers qui menaient à la Crypte de la Renarde, trainant derrière lui un énorme sac de jute qui avait bien failli l'envoyer par le fond. Ses muscles tremblaient, pas loin d'être tétanisés sous l'effort. Il s'écrasa plus qu'il n'arriva sur la dernière marche, et se hissa au milieu du temple. Le trajet n'avait pas été particulièrement long, pour un loup. Mais Ely ne pratiquait pas vraiment d'activité physique au quotidien, et l'épreuve avait été pour lui intense. Il resta là à reprendre son souffle un long moment, sans vouloir lâcher du bout de ses crocs le sac de toile si précieux.

Il ne payait pourtant pas de mine. Mais il rassemblait tout ce qu'Ely avait pu trouver dans la grotte sur l'Île Abysse, et c'était à ses yeux particulièrement précieux. Le loup gris finit par reprendre sa respiration et s'avancer vers le fond de la grotte. Plus il s'approchait de la statue de la déesse qui ornait le mur du fond, plus il se redressait, son poil se hérissait légèrement et sa cadence s'accélérait, son pas plus léger, le sac trainant au sol. Un vrai gamin qui arrive avec un collier de pâte en revenant de l'école.

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Il ouvrit le sac, et les objets se répandirent sur le sol. Il y avait là un énorme tas de pièces un peu terreuses, autant qu'il avait pu en emporter sans se noyer, un calice finement ouvragé, et la pièce finale : un énorme diamant brillant de mille feux, qu'il avait trouvé dans la pièce la plus profonde qu'il avait trouvé... Non, osé visiter serait plus juste.

Ely passa une patte sur ses trouvailles.

Mmh. C'était un peu sale.

Alors, il s'attela à la tache. Une par une, il prit les pièces et les frotta sur son poitrail jusqu'à ce que leur couleur retrouve leur éclat d'antan. Le jaune passé laissa place à un doré éclatant, qui agrippait l'orange délicat de la fontaine et le reflétait mille fois autour du loup gris, sur les façades de pierre. Et plus le tas de pièces sales diminuait, plus le tas de pièces resplendissantes augmentait, moins Ely tenait en place. Il avait du mal à se concentrer. Il gigotait. Plusieurs fois, il fit tomber la pièce qu'il travailler, et dut courir après pour qu'elle ne se perde pas dans les tréfonds de la grotte. Heureusement qu'elles brillaient autant ! Cela rendait l'exercice plus aisé.

Finalement, il n'y eut plus qu'un tas propre devant lui. Son ventre gargouillait un peu. Il n'y avait pas fait attention, mais le soleil avait décru, la lune avait pris place au milieu du ciel et plus rien n'éclairait l'intérieur de la grotte que les reflets dorés de la fontaine. Il était... Tard. Au moins trois ou quatre heures du matin. Et il avait passé la journée à crapahuter dehors, il était exténué. Mais il restait la meilleure partie !

Ah, non. Le calice ! Quel imbécile, il avait oublié le calice ! Il gémit, mais attrapa le gobelet doré avant de le frotter à son tour frénétiquement sur son pelage, le souillant de terre. Mais il était déjà gorgé de sel, et il aurait tout le temps d'aller se laver plus tard. Il y avait, plus, important. Tellement important. De ses griffes il chassait des bas-reliefs la boue qui s'était incrustée des années auparavant sur l'objet, polissant de ses coussinets les entrelacs de métal les plus fins. Il mit longtemps encore à redonner au calice son éclat d'antan. Il ne pouvait pas se contenter d'une pièce à demi-finie ! Non, il visait l'excellence - Dairo ne méritait que ça.

Alors, il polissait, et polissait encore.

Enfin, le tour du bol brilla autant que le socle sur lequel il reposait, et Ely s'estima satisfait.

Bien.

Il restait donc, enfin !, la meilleure partie.

Délicatement, il commença à placer les pièces sur le sol, une à une, au millimètre près, pour qu'elles forment une arabesque fantastique sur le sol de la Crypte, juste devant la fontaine. Au centre de cette arabesque, il déposa le calice, et au centre de ce calice, la pièce maîtresse : le Diamant. Ce dernier était le seul objet impeccable récupéré dans le Tombeau. Il semblait irradier de son propre éclat. Ely, alors, se permit de s'adresser à Dairo, la Renarde.

Dairo Renarde, vois ! J'espère que ces menus-objets vous plairont ! Ils viennent d'une grotte de l'Île Abysse, au sud d'ici. J'ai pensé que vous pourriez les apprécier.

Sa vois était douce et sombre, affirmée, grondante et hypnotisante. Rien de ce qu'elle reflétait lorsqu'il parlait à ses congénères. Là, il était dans son élément ! Il s'adressait à cette déesse qu'il aimait plus que tout. Il reprit, se rappelant :

Oh ! J'ai aussi peint votre Ode sur les murs du Grand Castel, au fond de la Salle du Trône.

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Il hésita un instant et se reprit, comme un gamin pris en faute :

Bon, comme c'était en Salle du Trône, j'ai aussi dépeint Aka et Kiro. Mais c'est avant tout pour Vous, que je l'ai fait.

Et sûrement pas pour le reste des Etelkrus, même s'il s'était senti obligé d'inclure tous les dieux dans la démarche. Enfin, si, peut-être un peu pour la petite Mildred qu'il avait en tête à cet instant... Elle, le méritait. Oui. Il repensa ensuite à la petite altercation qu'il avait eu avec Joy, qui lui tira un très léger sourire polisson. Un gamin qui se rappelait ses bêtises. Mais signala tout de même le reste de ses activités de ces derniers temps :

Et j'ai commencé à peindre le Mur et les Escaliers extérieurs en votre honneur. Je trouvais ça... Un peu triste, tout gris de pierre. Maintenant, c'est éclatant de couleurs. Que c'est beau, lorsque le soleil se lève et tape dessus ! J'espère que c'est à vôtre gout. Je n'ai pas fini, je continuerai demain. Et après.

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Il n'avait pas conscience de se jeter des fleurs en agissant ainsi, tout à ses pensées et à ce qu'il faisait en étant toujours tourné vers la déesse. Trouverait-elle cela futile ? Peut-être. Mais espérons qu'elle ne le lui dirait pas, Ely risquerait d'être brisé, lui pauvre âme qui ne jurait que par l'Orange.

Sur son dos, les éclairs partaient dans tous les sens, marque de son excitation. Il avait fini de parler. Il n'attendait pas de réponse, juste heureux de pouvoir s'exprimer à sa déesse, celle qui représentait tout pour lui. Il prit une large inspiration, pour une fois...

Pour une fois, il était

Oui, heureux. C'est ça. Il était heureux. D'être là. De ce qu'il faisait. D'exister. Pour une fois, un sourire étirait ses babines, lui qui ne connaissait pas le sens de ce mot, lui qui n'était pas comme les autres.

Lorsque la pièce commença à irradier de cette lueur orangée si chaleureuse et vibrante, le poil d'Ely se hérissa sur son dos. Il le sentait. Elle arrivait. Elle était là.

Dairo.

La Déesse Renarde.

Elle était là. Elle venait. Elle allait venir ! Lorsqu'elle se matérialisa, en face de lui, il sentit son coeur battre dans sa poitrine. Tellement fort, qu'il crut qu'il allait sortir, éclater, exploser. Il tambourinait tellement fort, qu'il faillit ne pas entendre parler la déesse orange.

Lorsqu'elle parla, ses mots touchèrent Ely en plein coeur. Elle était... Si gentille... Si douce, si...

Reconnaissante.

Elle le regardait, lui, pour qui il était. Elle voyait son Oeuvre qu'il lui dédiait, elle appréciait son travail, le temps qu'il y passait. C'était bien plus que ce qu'il escomptait, tellement plus... Lorsque l'or et les pierres précieuses se fondirent dans le sol pour créer l'oeuvre d'art à l'image de la déesse, son coeur se fendilla. C'était... exquis. Parfait. La délicatesse des traits, la beauté d'exécution, la finesse...

C'était Beau.

Au milieu du temple. Devant la déesse.

Et un petit peu grâce à lui, son coeur lui disait aussi. Ses yeux étaient vitreux, emplis de larmes qu'il endiguait à grand peine. Elle lui offrit encore quelques mots doux, critiquant sans vergognes ses frères dans une remarque à laquelle il ne prit pas garde, enveloppé qu'il était de sentiments positifs. Le coup de hanche le déporta sans mal, complètement mou qu'il était, il glapit même légèrement, incapable de rien dire devant tant d'attention.

Elle disparut comme elle était venue, évanescente.

Et le coeur d'Ely tambourinait dans sa poitrine, ses pattes tremblaient, ses yeux étaient vitreux. Il recula d'un pas, deux, pour pouvoir mieux contempler le renard au sol.

Il releva le museau vers la statue, les yeux emplis de déférence.

Ma déesse...

Sa voix cassée résonnait bizarrement dans la crypte.

Merci...

Il ne l'avait pas revue depuis son épreuve de glowstick, longtemps auparavant. Il n'avait rien oublié de cet épisode, gravé au fer rouge dans sa mémoire. Et voilà qu'une fois encore elle se dévoilait à lui, dans toute sa splendeur et magnificence.

Ely était inconscient de ce cadeau qu'elle lui avait laissé, mais rayonnait de bonheur comme ça ne lui était pas arrivé depuis des lunes et des lunes, et ça n'avait pas de prix.