Du premier regard ✡ Joaquìn

Trompant l'ennui comme bien trop souvent ces derniers temps, Joaquín flirtait dangereusement avec la frontière Etelkru.

Il fallait bien dire que le fait d'avoir pour voisins une meute d'extrême droite avait tout d'une aubaine, pour un gars comme lui : il n'avait pas de famille à défendre, strictement rien à perdre, et pouvait donc vivre sa vie comme il le voulait, à savoir aussi dangereusement que possible.
Enfin, dangereusement : pas trop quand même. Pour le moment.
Mais ça n'avait de cesse de le tarauder. De le prendre aux tripes, de lui filer des sueurs froides.
Depuis son retour de l'Upside Down, Joaquín s'ennuyait.

Sans personne à qui parler, sans clan, sans famille, sans véritable aspiration — en tout cas sur laquelle il ait pu mettre des mots – et sans rien à faire si ce n'est manger et boire pour maintenir son système en vie, Joaquín se sentait en vérité dépérir. Il n'avait pas de job : il n'y avait pas vraiment de jobs ici. Pas de bar à tenir, pas de diligence à braquer, pas même de prime à chasser — il avait même cru comprendre que si prime il y avait, elle était plutôt sur sa tête que sur celle d'éventuels malfrats locaux. Il était donc totalement désœuvré. Au chômage. La vie était bien fade, et ça le mettait à cran. D'autant plus qu'il risquait de se ramollir, à ne rien faire de ses pattes.
Il avait donc décidé cette fois-ci d'aller se faire une petite randonnée dans les montagnes. D'attraper peut-être un chamois ou une marmotte, histoire de se mettre sous la dent quelque chose d'un peu exotique, venu d'un milieu dont il ne s'approchait guère en temps normal, en raison des températures froides qui y régnaient. Longeant une corniche particulièrement raide, il observait d'un air las le paysage, et espérait de toutes ses forces que pour une fois, Grands Dieux, une seule petite fois, quelque chose pourrait le tirer de l'ineffable ennui dans laquelle il pataugeait depuis de trop nombreuses lunes.
Lorsqu'il son ascension déboucha sur une vaste zone plane, où les premiers bourgeons s'extirpaient finalement de la glace qui emprisonnait les arbres, il ne vit pas grand chose pour égayer sa journée, si ce n'est la perspective d'un printemps qui approchait enfin.
Lorsqu'après avoir traversé au petit trot cette surface plane et avisé un nouveau sentier, il ne croisa pas âme qui vive, il se dit que la vie était décidément bien morne, et décida d'aller carrément voir s'il pouvait trouver un peu d'animation à la frontière. Quitte à se foutre dans la merde, autant ne pas le faire à moitié.
Lorsqu'il ne trouva personne, pas même une piste fraîche, à ladite frontière, il envisagea vaguement de se jeter d'une falaise, avant de se dire que quitte à y passer, autant que ce soit chez l'ennemi. Il aurait pu aller visiter un de leurs temples. Voire même avoir l'audace de réclamer un glowstick dont il n'aurait que faire.
Cette idée n'eut cependant pas le temps d'être véritablement envisagée, car tandis qu'il longeait, impassible, la ligne imaginaire qui séparait les terres Etelkru des terres libres, son attention fut attirée par une petite tâche écarlate, à une centaine de mètres de là. Une tâche écarlate qui appartenait à un ensemble bien plus grand prenant l'agréable allure d'un congénère et qui semblait l'avoir repéré aussi, à en juger par les deux petits yeux braqués droit sur lui. Il n'hésita pas un instant et ajusta sa trajectoire pour se rapprocher en trottinant.

A en juger par l'odeur, c'était indéniablement un membre de la meute. Mais plus il s'approchait et plus Joaquín constatait que l'individu était très jeune. Un sourire narquois fleurit sur ses babines. Ainsi donc ils trouvaient le temps de se reproduire, lorsqu'ils n'étaient pas à la messe ou occupés à agresser gratuitement les pauvres manants qui avaient le malheur de croiser leur chemin. A bien y réfléchir, c'était là le premier jeune qu'il croisait depuis qu'il était arrivé sur ces terres, et le hasard avait voulu qu'il s'agisse d'un Etelkru. Très curieux à l'idée de voir ce qui pouvait bien se passer dans le crâne d'un extrémiste en devenir, et carrément partant à l'idée de venir mettre un peu de bordel dans ce qu'on pouvait bien lui inculquer — si ça pouvait faire chier ses parents, c'était bonus. Il ajusta donc sa trajectoire et couvrit rapidement la distance qui le séparait de sa cible.
Baladant en silence son regard doré sur les courbes incertaines du pré-adolescent — il remarqua d'ailleurs que ce dernier était affublé d'une queue de chat : ces gens avaient décidément un rapport particulier à la normalité telle qu'il la concevait –, il haussa un sourcil interrogateur lorsque ses yeux se posèrent sur les oreilles du petit.

— Joder, qué pasó con tus orejas, ¿ son tus padres los que te hicieron eso ?

Il plissa les yeux, s'approchant un peu plus pour ne plus laisser qu'une poignée de mètres entre eux.

— Tes oreilles, fit-il en tendant la patte vers lui. Pourquoi elles sont comme ça ?

Qu'on n'aille pas lui dire qu'il était né comme ça parce que ça n'avait strictement aucun sens, aucun animal ne pouvait naître de la sorte, ou alors Dame Sélection Naturelle devait être sacrément imbibée le jour où elle avait fait le tri dans les gènes qu'elle comptait refiler au petit.

Ce gosse était bien loin de ceux qu'il avait eu l'occasion de côtoyer, au pays.

Mais il doutait sincèrement que ce soit une histoire de culture, ni même une seule divergence de personnalité. Les enfants étaient tous les mêmes, selon lui. Chacun d'entre eux venait avec les bases comportementales procurées par l'édition standard : ça parle beaucoup, ça pose des questions, ça crie, ça court, ça n'a pas de filtre et c'est bien souvent gênant, ça a le don pour générer des malaises en demandant la pire chose à demander au pire moment en présence des pires personnes, ça rigole bruyamment, ça vous agace souvent, ça cherche systématiquement à attirer votre attention, ça ne réfléchit pas beaucoup, ça ne dort jamais quand il faut, au contraire ça va chouiner parce que c'est fatigué quand il faut pas, ça vous met en danger mais pourtant vous vous devez de les protéger parce qu'un instinct animal absurde et incontrôlable vous l'ordonne.
Pas une seule de ces manoeuvres de base ne semblait se retrouver chez ce petit. D'accord, il venait tout juste d'arriver, mais quand même. Il voyait derrière ces étranges yeux aux iris zébrés d'étoiles s'activer une mécanique qu'il n'aurait pas cru trouver chez quelqu'un d'aussi jeune.
Il avait en l'instant présent l'impression de se retrouver face à un adulte, enfermé dans le corps d'un gosse. Pourtant il s'agissait bien d'un enfant : pas de doute là-dessus. Ou alors qu'on n'aille pas lui faire le coup de la malformation venue du trou du cul des Enfers qui aurait conduit un individu à se retrouver éternellement bloqué dans le corps d'un pré-adolescent : il commençait à en avoir foutrement sa claque, de ces conneries d'anomalies génétiques. A croire que ce continent avait été bâti sur une ancienne centrale nucléaire japonaise.

Certes, Joaquín savait qu'il existait des enfants un peu différents du lot. Des enfants prostrés sur eux-même en dépit d'un ADN sain. Des enfants qui fuyaient les autres et chérissaient au contraire les moments en solitaire. Des enfants qui donnaient par la suite des bons petits psychopathes comme feu son aïeul Miguel, et qui n'était comme ça que parce qu'on leur avait infligé des traitements de merde à partir de leur naissance.
Etait-il de ceux-là ?
Ca ne l'aurait même pas surpris, vu la meute qu'il se coltinait. Ca aurait même justifié pas mal de choses.
Joaquín n'aimait pas spécialement les gosses : de manière générale ils l'indifféraient, quand ils ne le mettaient pas mal à l'aise. Mais là, tout de suite, il eut de la peine pour celui-là. Et envisagea vaguement de le kidnapper pour sa propre sécurité, de l'arracher aux griffes de ces nazis quadrupèdes, au point où on en était, un de plus, un de moins, ils n'auraient pas vu la différence et après tout pourquoi faire dans l'originalité.

— Mmh... C'est à cause de Pepper.

Les sourcils de Joaquín se froncèrent. Pepper s'était amusé à lui découper les oreilles à la naissance pour faire joli ? C'était une espèce de rite de passage pour entrer dans les jeunesses hitlériennes locales, peut-être ?

— Avant la question... Ça voulait dire quoi ?

A son tour il pencha légèrement la tête sur le côté, interloqué. Avant de réaliser ce que voulait dire le gamin ?
Il s'éclaircit la gorge.

— ... à peu près la même chose. Il marqua un temps d'arrêt, avant d'ajouter : Qui est Pepper ?

Il n'avait toujours pas eu la réponse à sa question, et entendait bien tirer tout ça au clair. Ce n'était pas non plus comme si ses journées étaient fantastiquement remplies, ces derniers temps. Il avait donc tout son temps.

Et s'il pouvait par la même occasion en apprendre plus sur ces fameux Etelkrus et leurs moeurs, en dialoguant pour une fois avec l'un d'entre eux au lieu de se battre à mort, c'était bonus. Peut-être que ça lui aurait permis de comprendre.
Notamment ce qu'on avait pu faire à ce gosse.
Il avait fallu que le premier qu'il croise soit comme ça. Le seraient-ils tous ?

C'était sale, de se retrouver comme ça condamné dès la naissance, juste parce qu'on n'était pas né au sein de la bonne famille, pas au bon endroit, pas au bon moment.
Pas de la bonne couleur.
La vie pouvait être mal fichue.

— Pepper est l'alpha, avec Anette. C'est aussi... maman.

Une quantité inespérée d'informations transita par son esprit, apportant son lot de pièces cruciales au petit puzzle mental qu'il s'était fait de cette meute, dont il ne savait au final pas grand chose, si ce n'est qu'il ne l'appréciait guère. Le nom des alphas, notamment. Il n'en avait pas la moindre idée, jusque là. Et si Joaquín n'était clairement pas du coin, il en savait assez sur cet endroit ainsi que sur la langue qui s'y parlait pour différentier un nom masculin... d'un nom féminin.

— Me cago en Dios, lesbianas ? ¡ No me jodas ! lâcha-t-il dans ce langage si fleuri qu'on connaissait aux rustres de sa trempe.

Il se montrait bien plus loquace que d'habitude, sans pour autant distiller plus d'informations. Fait était que ce petit était décidément bien intriguant, et semblait surtout source de surprises.
Etait-il réellement possible qu'un couple de femelles soit à la tête de la meute la plus chiante de tout le comté ? La meute de bourrins dont la spécialité semblait être de cataloguer les gens à la gueule, de taper d'abord et de poser les questions au cadavre ensuite ?
Deux
Femmes ?!
En COUPL-
Non, se ressaisit-il, émerveillé par cette découverte inattendue. Il était juste possible qu'il s'agisse d'une paire de cheffes et non d'un couple au sens le plus strict du terme. Le gosse ne semblait avoir désigné que la dénommée Pepper comme étant sa mère. L'autre, Anette... n'était peut-être qu'une co-cheffe.
L'idée que ce clan qui le débectait tant et dont il n'avait de cesse de se foutre de la gueule soit paradoxalement bien plus tolérant que les gueux de son pays en ce qui concernait la question de l'homosexualité lui faisait un mal de chien.
Quoi qu'il en soit, il était intéressant de voir que ce n'était pas parce qu'une paire de femelles était à la tête d'une meute que celle-ci adoptait de manière générale un comportement doux, empathique et altruiste. Ca lui rappelait cette histoire qu'on lui avait raconté, enfant. Sa grand-mère l'avait lue dans un livre — car sa grand-mère faisait partie des très rares personnes de son entourage à savoir lire –, un roman qui parlait de femmes, qui se découvraient le pouvoir de balancer des décharges électriques, et qui à partir de là prenaient le dessus sur les hommes. Ca étudiait globalement l'évolution du monde et de la société à partir de là, et ça montrait qu'au final, eh bien, tout était très relatif. Etant plus ouvert d'esprit que la plupart de ses compatriotes, il accueillit la nouvelle avec surprise, mais l'accepta sans contester.

Le deuxième point important de ce que venait de lui dire le gamin, c'était que Pepper était donc sa mère. Sa mère était à l'origine de cette forme étrange qu'avaient ses oreilles, et dont il ne parvenait à envisager qu'elle soit naturelle.
Il n'eut pas le temps de répondre que l'autre lui demandait s'il comprenait tout ce qu'il lui disait.
Joaquín hocha la tête.

— Pour le moment oui.

Il abandonna l'idée d'en apprendre plus sur ces étranges oreilles, son esprit ayant choisi de dévier dans une autre direction.

— Y tu Maman te laisse te promener seul comme ça si près de Terres Libres ?

Il arqua un sourcil interrogateur, sans jamais cesser de fixer l'adolescent.

Parce qu'il ne passait pas les frontières.
C'était une raison valable, supposait-il. En tout cas, ça tenait la route. Il trouvait malgré tout cela assez inconsidéré, dans la mesure où il doutait fortement que les membres de cette meute et par voie de fait leurs rejetons soient particulièrement appréciés par les peuples environnants. Là encore, ce n'était qu'une supposition qui découlait de son propre mépris : il doutait cependant d'être le seul à avoir un problème avec la politique du coin. A moins qu'il n'ait été particulièrement susceptible. Ce dont il n'avait pour le moment jamais eu connaissance.
Mais peut-être là encore son jugement était-il biaisé par ses propres origines. Chez lui, les rapts étaient coutumiers. Pour s'en prendre à l'individu, on kidnappait un membre de sa famille. Des fois il arrivait que du coup la famille du kidnappé kidnappe à son tour un membre de la famille du kidnappeur. A partir de là, ça pouvait aller loin.
Les enfants avaient beau avoir quelque chose de sacré, il n'était pas impossible de s'en prendre à eux, non plus. On avait alors généralement deux cas de figure. Premier cas, le gosse était traité comme un roi chez son ravisseur, une manière particulièrement vicelarde de narguer sa véritable famille en leur sous-entend que l'ennemi ferait sans doute mieux le job à leur place. Entre autres. Deuxième cas, le kidnappeur était un putain de psychopathe et on retrouvait le gamin mort. En un seul morceau ou non. Il n'était d'ailleurs pas toujours franchement reconnaissable. Home sweet home. Un pays où la vie se vivait pleinement.
N'y avait-il pas de psychopathes qui rôdaient dans ces montagnes ? Jamais ? Du tout ?

— ... et toi non plus, tu ne passeras pas.

Il expira rapidement de l'air par ses narines, ébauche d'un rire qui se perdit dans sa gorge. Un fin sourire étira le coin de l'une de ses babines. Ce petit semblait si sûr de lui.
Au final, il avait tout l'air d'être un jeune dont on s'appliquait à laver systématiquement le cerveau depuis sa naissance. Une sorte d'animal-machine comme ce connard de Descartes le fantasmait. Et ça ne le surprenait pas vraiment, vu l'endroit d'où il venait.
Mais il était trop jeune pour parvenir à susciter du mépris chez Joaquín. A la place, tout ce qu'il parvenait vaguement à éprouver, à part une mesquine satisfaction de type hah, j'en étais sûr, c'était de la tristesse. Pour ce gosse à qui on volait définitivement son enfance et qui semblait condamné à suivre une voie toute tracée par ses aïeuls. Une sacrée voie de merde, soit dit en passant.
Même lui qui avait un passé familial assez obscur et n'était pas né sous la meilleure des étoiles avait pu jouir d'une enfance correcte. Voire même carrément chouette, parfois, même si ces souvenirs-là étaient loin d'être les plus fréquents.

— Pourquoi tu es ici ?

Du haut de son perchoir, le gosse le toisait toujours, et Joaquín en venait à songer qu'il était peut-être le premier étranger à la meute qu'il croisait. Si l'on excluait donc les à-priori que les siens avaient probablement tenté de lui inculquer, on pouvait dire que le terrain était relativement vierge. Il pouvait aussi bien décider de coller à l'image de connard sans vergogne qu'on tentait de lui assigner, mais il pouvait également essayer d'élargir un peu les horizons du jeune homme. Peut-être plus pour faire chier ses parents que par véritable désir de rendre le monde un peu moins pourri qu'il ne l'était, pour être honnête.

— J'aime me promener, fit-il en haussant nonchalamment les épaules.

Il se pourlécha les babines, avant d'ajouter :

— Et si je passe, qu'est-ce que tu feras ?

Alors il devrait mordre.
Plus qu'un simple sourire, c'est cette fois-ci un rire étouffé qui vint rompre l'impassibilité habituelle de Joaquín. La tournure était intéressante, et il trouvait remarquable la neutralité avec laquelle le gamin était capable de faire état de son propre kidnapping. Il avait l'impression de se retrouver face à une machine qu'on aurait programmée à décliner les différentes options de vie qu'on lui avait inculquées. Il ne semblait pas particulièrement terrifié à l'idée d'être enlevé — il ne semblait pour être honnête pas terrifié du tout. Restait à savoir s'il se montrerait un peu plus émotif s'il se retrouvait en véritable situation d'enlèvement.
Etaient-ils tous comme ça, chez lui ? Cette meute lui semblait de plus en plus fonctionner comme une putain de secte.

— Et pourquoi je t'enlèverais ? ricana-t-il en haussant les sourcils. C'est ce que font les solitaires ?

Solitaires qui se sentaient donc bien seuls au point d'en être réduits à kidnapper des petits robots Etelkrus ? Pour quoi faire ?
S'il était vrai que l'instinct de meute était fort chez Joaquín, il était loin d'être assez fou pour s'encombrer d'un gamin. La perspective n'aurait eu de réel intérêt pour lui qu'au moment où ses parents seraient revenus le chercher : ça, ça aurait eu le mérite de mettre un peu de piquant dans sa vie. Le petit était par ailleurs trop maigrichon pour servir de repas correct. Le jeu n'en valait clairement pas la chandelle.
Dans une autre vie, dans un autre pays, il aurait pu demander une rançon. Mais qu'auraient-ils bien pu avoir qu'il ne pouvait se procurer, lui ? Des glowsticks qui impliquaient qu'on prête allégeance à l'une de leurs divinités ? S'il en voulait un, il irait le chercher lui-même.
Problème était que Joaquín ne prêtait allégeance qu'à lui-même. Ca coupait court au débat.

Ses yeux vinrent de nouveau trouver les prunelles rouges de l'adolescent, et avec un grand soupir, il fit quelques pas de côté, jusqu'à dépasser allègrement la frontière d'un ou deux mètres. Là, sagement campé en territoire Etelkru, il fit mine de regarder autour de lui, avant de lever à nouveau le nez vers le jeune.

— Les autres n'ont pas l'air très réactifs.

Ou alors devait-il s'enfoncer de quelques mètres supplémentaires dans ce territoire qui lui était interdit ?

A la première réponse du gosse, Joaquín pencha légèrement la tête sur le côté. C'était presque imperceptible, mais c'était bien là. Traduisant le sentiment intrigué qui germait en lui. Il la pencha un peu plus à sa seconde réponse. Peut-être que tout prenait un peu de sens, au final.

Peut-être que cette crainte invétérée des Solitaires trouvait sa source là-dedans. Une succession de mésaventures, d'attaques visant directement le coeur et l'avenir de la meute : ses enfants. Sans être lui-même père, il savait très bien le genre d'effroi qu'un tel acte pouvait susciter. Il avait eu l'occasion de le voir chez les autres. Et s'était juste estimé heureux que cela n'ait jamais été chez les siens : à présent qu'il était plus vieux, plus mûr, et que de sa famille — la vraie, sa famille de sang, et non ces imbéciles qui lui servaient de famille rattachée, et encore, famille était là un bien grand mot : ils ne l'avaient jamais aimé de toute évidence, et il lui paraissait évident qu'ils n'avaient d'ailleurs jamais dû le considérer comme un membre de la leur – ne subsistaient plus que des souvenirs chargés d'une profonde mélancolie, la seule idée de les savoir sujets à la perte ou au vol d'un enfant lui soulevait presque le coeur.
Qu'avait-il bien pu se passer, là-bas, depuis qu'il était parti ?
Etait-il oncle ? Avait-il d'autres soeurs ? Des frères, peut-être ?
Les siens avaient-ils perdu des gens ? Des enfants, peut-être ?
Il n'avait guère envie de laisser son esprit s'égarer dans des sentiers aussi dangereux.
S'il avait été là-bas, avec eux, il aurait pu les protéger.
Mais au lieu de ça il était là, à taquiner un gosse comme un pauvre connard, à tromper l'ennui comme il le pouvait, seul, sans le moindre patrimoine. Sans le moindre héritage. Sans le moindre but, autre que celui de voir un nouveau jour défiler sous ses yeux sans que jamais rien d'important ne s'y passe.
Sa vie n'était que poussière.

Lorsqu'il franchit la frontière, le petit se décida finalement à bouger. Dire qu'il était réactif ne lui aurait guère rendu justice : il était extrêmement vif à réagir. A la seule exception près qu'il semblait ne pas trop savoir quoi faire. Si son enseignement devait lui dicter de protéger le territoire, il se retrouvait confronté à un problème de poids.
La différence de taille.
D'âge, et d'expérience.
Joaquín avait connu ça, lui aussi. Quand Nacho et ses fils l'avaient mis à terre, lui qui se croyait alors si brave, si intouchable, et avait gravé dans sa chair le chiffre qui ornait désormais son épaule et son vieux tatouage avec une aiguille chauffée à blanc.
Il se demandait s'il pourrait prendre le dessus, maintenant. Jamais contre le mâle et ses fils unis : s'il se savait plus malin qu'eux, il ne pourrait jamais prendre le dessus sur une telle accumulation de puissance et de force brute. Pas en combat singulier. En dépit de tout ce qu'il avait pu apprendre.
Pas tout seul.

Un nouveau sourire amusé fleurit sur ses babines, et pour seul mouvement, il s'assit.

— Alors, que vas-tu faire ?

Sur le sol, sa queue remua vaguement. Il avait hâte de voir ce que le petit soldat lui réservait.

Face à l'indécision apparente du petit loup, Joaquín demeurait stoïque. Attendant que le petit finisse de démêler la situation dans son esprit, fasse un choix, ou réalise enfin l'absurdité de la situation et de la position dans laquelle le dogme que son clan lui imposait le plaçait.
Mais il n'y avait pas de questionnement dans les étranges prunelles étoilées du petit. Juste le constat de sa propre incapacité à appliquer correctement les préceptes qu'on lui avait inculqués toute sa vie et l'indécision de la marche à suivre, à partir de là.

Néanmoins, il finit par égrener quelques mots prononcés d'une voix sèche et sans passion avant de se mettre en mouvement.
Comme une machine qui s'enclenche — une petite machine guère dangereuse pour lui mais à la rapidité notable –, l'adolescent fondit sur lui, étonnamment inexpressif — cela contrastait nettement avec la rage qui déformait presque immédiatement les traits de Joaquín dès qu'il se lançait dans une attaque –, lançant son épaule droit dans sa direction. Choix intriguant au vu de la différence de poids qui les séparait, et de la constitution visiblement plus solide de Joaquín — on n'allait pas se mentir, ce gosse était plutôt fin. Quand bien même tout dans son corps criait actuellement à la riposte ou au moins à l'esquive, car même si elle n'était guère dangereuse, une attaque demeurait une attaque, et le combat étant un jeu auquel Joaquín s'était adonné toute sa vie, cela faisait bien longtemps que des réflexes difficilement répressibles s'étaient inscrits en lui. Il sentit le coup, se retint de bondir en arrière lorsqu'il vit les petits crocs fuser droit vers l'une de ses pattes, et eut une vague grimace lorsque ces derniers se plantèrent désagréablement dans celle-ci. Le pincement était douloureux : il n'allait pas jouer les gros durs insensibles et le nier, le petit avait de la force, et probablement un bel avenir de guerrier devant lui, enfin, jusqu'à ce que son corps préparé bien trop tôt et de manière bien trop intensive à la bataille ne s'effondre rapidement sur lui-même comme un château de cartes au premier coup de vent un peu plus brusque que les autres. Cela n'avait néanmoins rien de comparable avec ce que Joaquín avait pu connaître, et il se força à ne pas bouger, baissant ses yeux sur le petit corps agrippé à lui. La différence d'âge était tout simplement trop grande. Le gamin ne pouvait rien y faire.

— Et maintenant ?

Ses mots étaient calmes, presque un souffle. Ainsi à ses pieds, la nuque pliée et dangereusement exposée alors qu'il maintenait son étreinte, le mâle s'offrait presque à lui comme la plus facile des proies.

— Tu crois vraiment que le seul but dans la vie des solitaires est de venir s'en prendre à ta famille ?

S'en suivirent quelques secondes vaguement malaisantes au cours desquelles le tout jeune mâle resta accroché à sa patte comme une sangsue ou ma tortue lorsque je la laisse mordre mon pyjama et qu'elle ne sait plus quoi faire une fois qu'elle l'a dans le bec. La pression exercée sur sa patte se faisait de plus en plus agaçante, peut-être même plus que le tiraillement induit par les petits crocs plantés dans sa peau : le problème était que Joaquín n'avait jamais été très patient. Et s'il faisait de son mieux pour rester impassible, il sentait peu à peu une pression qui s'emparait de ses muscles, contractant son dos dans l'espoir d'une soudaine relâche. Un soubresaut, un bond. Quelque chose. Un mouvement.
Heureusement pour tous deux, sa question eut l'air de faire effet et l'autre relâcha sa prise, le détaillant avec ce qui ressemblait presque à une vague forme de curiosité. Eclat de vie faiblard dans un visage bien trop inexpressif pour quelqu'un de son âge.
Si ses soeurs, qui lui reprochaient son éternelle mono-expression neutre et l'accusaient par là de faire la gueule en quasi permanence depuis qu'ils étaient tout jeunes avaient pu voir ce gosse...
Joaquín ressentait les émotions. Il les ressentait même probablement un peu trop. Il se contentait de les cacher.
Ce gosse... il n'était pas vraiment sûr qu'il se soit passé grand chose, là, dans cette tête. Dans ces tripes. Dans tout ce corps.

— ... c'est à l'origine des entrainements.

Su-per.
De toute évidence on privilégiait les cours d'EPS aux cours d'éducation civique et sociale, chez les Etelkrus.
La question que lui posa ensuite le gamin coulait presque de sens, au vu de la manière dont il semblait avoir été élevé. Et cette vision particulièrement manichéenne qu'on semblait lui avoir inculquée dès son plus jeune âge — et, sans déconner, il était déjà bien jeune – rendait le comportement des Etelkrus qu'il avait croisés plus compréhensible. Mais ne le justifiait pas. A quel moment dans l'histoire de ce pays une meute avait-elle décidé de s'enfermer ainsi dans une haine aveugle, presque dogmatique ? Même son peuple n'était pas aussi sauvage et imbécile que ça.

— Ils font ce qu'ils veulent. Puis d'ajouter : Tu devrais essayer. Le monde est grand. Il y a beaucoup de choses à faire.

Il y avait là une forme d'ironie dont il était bien conscient : lui-même, Joaquín, peinait à s'occuper et mordait de plus en plus allègrement sur la frontière Etelkru dans l'espoir de pimenter un peu son existence, qu'il trouvait bien trop monotone.
Ca aurait été différent au pays.
Mais il n'était pas au pays. Il était ici.

— A part à vous battre et à détester les solitaires, ils vous apprennent quoi, dans ta meute ?

Il doutait qu'on leur enseigne à resituer le fruit de leurs entraînements martiaux dans un contexte, mais sa curiosité était piquée, et l'opportunité d'en apprendre plus sur ces mystérieux Etelkrus était trop belle.

Mais il restait ici.

C'était indéniable. Il était bien là, à arpenter la frontière dans l'espoir d'une petite étincelle pour venir embraser un quotidien bien monotone. Etincelle qui prenait ce jour la forme d'un pré-ado peut-être plus perspicace qu'il ne le paraissait.
Peut-être était-ce le pragmatisme. L'absence de masque social. Au final quand on discutait avec les autres on s'escrimait surtout à éviter les sujets qui fâchent. Lui ne s'embêtait pas avec de genre de fioriture.
Il y avait une grande part d'hypocrisie dans le discours que tenait actuellement Joaquín, hypocrisie dont il espérait vaguement qu'elle soit un peu pardonnée par — il ne savait même pas quoi, la Grande Echelle du Cosmos, le Karma, un Dieu en lequel il ne croyait pas, ou peut-être tout simplement sa propre culpabilité ? –, sur la seule base du fait qu'il était pleinement conscient de cette hypocrisie. Si la vie de solitaire avait clairement des avantages, qu'il savait apprécier à leur juste valeur et dont il était reconnaissant, elle n'était pas adaptée à tout le monde.
Elle n'était pas adaptée à lui.
Et dire que tandis qu'il s'échinait à gravir cette même chaîne de montagnes où ils se trouvaient actuellement, bien des années auparavant, alors qu'il débarquait tout droit de terres lointaines, il était quasiment convaincu qu'il intègrerait rapidement l'une des meutes qu'il trouverait sur ce continent. La seule ombre au tableau avait alors été ces mystérieux glowsticks dont Arabella lui avait parlé, glowsticks auxquels il n'avait pas voulu prêter une grande attention à l'époque, plus par choix que par ignorance. Il savait bien, au fond de lui, que cela allait créer conflit. Mais se serait-il donné tant de mal à venir jusqu'ici, et surtout à se convaincre de rester vivre ici, s'il avait, à l'époque, déjà su qu'il n'y trouverait jamais meute à son goût ?
Il était venu ici dans le déni. Il le savait déjà, dès cette époque. Mais c'était bien le seul endroit qui s'était imposé à lui lorsque, chassé de son cher Canyon, il avait dû chercher un endroit où se construire une nouvelle vie. Il aurait pu se poser bien plus tôt, rester plus près de Mexico, dans un climat bien plus adapté à ses besoins et désirs, mais ça aurait peut-être juste remué le couteau dans la plaie. Savoir ses soeurs si proches et pourtant si inaccessibles. A guetter bien malgré lui chaque jour l'horizon dans l'espoir de les voir débarquer pour lui. En vain.
En venant ici, il avait malgré tout gardé une connexion avec sa famille. Avec sa grand-mère.
Mais ce n'était pas la joie. Il savait très bien qu'il avait besoin d'un groupe pour s'épanouir un minimum. Comme il avait besoin de violence et de conflit.
Pour la première partie, ce n'était définitivement pas ça, pour le moment, et ça commençait un peu à le désespérer.
Pour la deuxième... eh bien il longeait cette frontière, dans l'espoir que quelque chose se passe.
Et écopait d'une petite morsure à la patte, à défaut du bain de sang qu'il aurait tant espéré.

— On a tous nos caprichos, marmonna-t-il de manière évasive.

S'en suivit une énumération des grand mantras Etelkrus — ces Raeders semblaient décidément bien menaçants, ce qui l'étonnait franchement dans la mesure où il n'en avait jamais croisé un seul. C'est le dernier point qu'il choisit de relever.

— Ensemble, mais pas avec tout le monde.

Visiblement, les solitaires n'étaient pas pris en compte dans le calcul. Sans doute parce qu'ils étaient trop méchants et prédisposés au rapt de jeunes pour être considérés comme des individus à part entière.

Un long soupir s'échappa de ses narines. Peut-être avait-il été trop sûr de lui et de cette vérité qui était sienne. Vérité qu'il jugeait incontestable et flagrante, pour peu qu'on ait daigné vous poser le nez dessus. Ce qui lui apparaissait comme une évidence, à la portée de tous, se heurtait visiblement au mur d'un esprit formaté depuis sa naissance. L'absence de doute chez le petit mâle le dissuada de chercher à aller plus loin : de toute manière, le soleil avait déjà bien amorcé sa descente dans le ciel et le gosse semblait soudain se rappeler qu'il avait probablement bien mieux à faire que de converser avec un mec comme lui.

Pepper.
Qui était-elle, cette alpha pleine de haine dont même la progéniture ne l'appelait pas mère ?
Cette meute était décidément bien étrange.
Il avait jusque là supposé qu'on pouvait la voir comme une sorte de prolongement dégénératif de l'esprit familial qui régissait la vie sociale de son pays : ici, la famille ce n'était plus simplement les gens liés à vous par le sang, mais votre meute toute entière. Ca, il était capable de le comprendre.
Il connaissait la chaleur du cercle familial, le sentiment de sécurité et d'appartenance que vous ressentiez en présence des vôtres. Ce désir de les défendre au péril de votre vie s'il le fallait. Il aurait également haï sans le moindre discernement quiconque aurait voulu s'en prendre aux siens. Il n'aurait pas réfléchi un seul instant.
Mais était-elle vraiment une famille, cette meute Etelkru ? Ce gosse appelait sa mère par son prénom et semblait imperméable à toute émotion. La seule chose qu'il semblait capable d'éprouver, c'était une vague réminiscence de la curiosité dont faisaient preuve tous les loups à son âge ; curiosité qui bravait impétueusement le dogme d'une éducation si stricte qu'elle virait au conditionnement militaire. Où était la chaleur ? Où était la sécurité ?
L'aimait-il réellement, cette meute, ou ne la défendait-il que parce qu'on l'avait programmé pour ?

Les yeux de Joaquín se plissèrent, tandis que l'autre se détournait, petite silhouette trop haute sur des pattes toujours trop larges, prête à retourner dans un chez-lui qui semblait n'avoir de foyer que le nom.
Et il ne put s'empêcher de s'interroger sur ce qu'aurait pu être sa vie, s'il était né ici, chez les Etelkru, et non dans son morceau de Canyon, à des milliers de kilomètres de là.

— Joaquín, répondit-il distraitement, un frisson de dégoût agitant subrepticement son épais pelage tandis que s'imposait dans son esprit la vision d'un loup noir, copie-conforme de lui-même, longeant ces mêmes frontières qu'il se plaisait à suivre, mais de l'autre côté cette fois-ci. Ses yeux jaunes comme deux billes d'ambre poussiéreuses, que toute once d'émotion aurait quitté depuis bien longtemps.

Au moins n'aurait-il pas été sujet aux caprices de sentiments et de désirs aussi confus que tumultueux. Pas de regrets ni de doutes.
Pas grand chose, en fait.
Rien, si ce n'est la certitude factice d'un devoir accompli. La vague conception d'un honneur entretenu sur fond d'une machine bien huilée dont il n'était qu'une pièce facilement échangeable pour peu qu'elle casse.
Au final, sa vie n'était peut-être pas si merdique que ça. Il n'avait plus grand chose, mais il était vivant. Avec toutes les merdes que ça impliquait.

— Tu les aimes, ceux de ta meute ? demanda-t-il du bout des lèvres, songeur.

Sa question demeura longuement suspendue dans les airs. Pas franchement sûr d'obtenir une réponse, il attendit quand même, curieux. Rassuré, d'une certaine manière, de voir que le gosse ne s'empressait pas de lui recracher un oui mécanique, allant puiser dans une base de données de réponses insérée dans son crâne au moyen d'un conditionnement qui ne lui faisait guère envie.
Elle parut faire écho à quelque chose.
Et le jeune Etelkru sembla réellement chercher quoi dire, en lui, au lieu de lui balancer quelque ânerie dont il n'étais même pas sûr qu'il en comprenne véritablement le sens.

— Je crois.

Finalement, une réponse qui ne le laissait pas sur sa faim. Quelque chose de satisfaisant, qui laissait supposer qu'il y avait encore quelque chose qui valait la peine d'être sauvé chez cet enfant-machine.
Inutile d'ajouter quoi que ce soit : ça aurait été insister lourdement, et ça n'aurait pas vraiment eu d'intérêt. La discussion était de toute manière close, il était temps que chacun s'en retourne en sa demeure, de part et d'autres de ces hautes montagnes.
Il s'apprêtait à faire volte-face à son tour lorsque le petit se stoppa une dernière fois pour lui donner son nom. Désastre. Un sourire en coin étira ses lèvres, une lueur amusée dansant dans ses yeux.
Désastreux. C'était le mot, littéralement.

— Joder, tío, tu madre debe estar muy loca.

Peut-être n'était-il pas si mal tombé que ça, au final. Si la plupart de sa famille étendue n'avait jamais pu le piffer, ils avaient au moins eu la décence de lui offrir un véritable nom, une identité. L'avaient reconnu comme une véritable personne, si peu désirée soit-elle.
Ca valait mieux pour lui. Désastre témoignait d'un semblant d'imagination. Au vu du manque cruel de créativité dont jouissaient les membres de sa communauté, il aurait fortement risqué de se retrouver avec un nom bien moins poétique, du genre tesson ou rebus. Voire Braquage-qui-tourne-mal ou reste-de-tabac-froid, en cas d'élan lyrique sans doute porté par moult effluves d'alcool. Ou pire. Verre-d'eau. Quelle angoisse.
Désastre n'était peut-être pas si mal. Mais c'était quand même pas la grosse folie non plus.

Sur un dernier haussement d'épaules, Joaquín tourna les talons à son tour, et sans un regard en arrière, entreprit de reprendre le petit sentier par lequel il était venu, songeant qu'il était grand temps pour lui de rentrer également. La nuit allait bientôt tomber, et si la nuit était généralement favorable à l'action, il doutait sérieusement qu'il puisse se passer quoi que ce soit d'autre de potentiellement intéressant au cours des prochaines heures. Il avait sans le moindre doute épuisé son quota d'évènements vaguement palpitants pour le reste de la journée. Autant aller tenter de trouver le sommeil.
Pour le reste, il aviserait demain.