Je veux VOLER. l PV Alth

J'en ai mAAAAAAAaaAAARrREUUUuuUUh !

Alex brailla un grand coup, exutoire à la frustration qui l'envahissait de plus en plus alors que la matinée avançait et avançait encore. La fatigue n'aidait pas non plus. Elle avait envie de taper des trucs, de hurler PLUS FORT ENCORE était-ce possible (s'il vous plait faites qu'elle se taise), ou de mordre un machin.

Une fois encore, elle était tombée de sa branche et s'était écrasée au sol comme UNE GROSSE MERDE alors qu'elle essayait de se servir de ses ailes. Qu'est-ce que c'était COMPLIQUE bordel de merde de ta race sa mère la pute. La petite louve couleur sable agita ses ailes aux couleurs si éclatantes, qui n'étaient pour l'instant qu'appendices inutiles. C'était LOURD et ça servait MÊME PAS A VOLER.

Une frisson la parcourut, glissant sur son échine pour faire vibrer sa queue.

Et si... Et si elle ne réussissait jamais à voler ? Peut-être que ses ailes ne pourraient jamais être que... Décoratives ? Peut-être que même si sa mère les lui avait léguées, ça ne voulait pas dire qu'elle pourrait les utiliser un jour ? Après tout, si elles ressemblaient aux ailes de Sheina, Alex n'avait pas sa carrure. Elle était peut-être trop grosse ? Trop lourde ? Trop... Trop tout ?

Tiny gasp.

Effrayée, Alex commença à se tortiller sur place, et avoir envie de pleurer. C'était si... Si difficile ! Elle était sûrement trop mauvaise. Oui, c'est ça. Ou alors, c'était quelque chose d'autre...

Elle renifla, et passa une patte sur son museau.

Elle avait pas le droit de pleurer ! Pleurer, c'était pour les FAIBLES. Alex se remit debout, et sautilla sur place, avant de jeter un regard rageur à la branche basse qui lui servait de rampe de lancement.

Mais la rage et le découragement se battaient à armes égales dans son petit coeur. Si Anita avait eu des ailes, elle, elle saurait déjà voler. Elle était si légère, si agile ! Narcisse aussi. Il était fort, déterminé et minutieux. Il allait au bout des choses. Même Floyd avec sa tête de cochon il aurait fait en sorte de pouvoir voler s'il avait des ailes ! Mais ils n'en avaient pas, et elle ne pouvait même pas leur demander de l'aide.

Elle, elle n'était qu'une grosse empotée avec des grosses pattes qui n'arrivait à rien.

Un sourire vint étirer les babines de Sheina.

Les enfants ne devaient-ils pas apprendre d’eux-mêmes ? La prêtresse de Kiro se montrait plus que souple sur les activités de ses enfants qui avaient un peu tendance à vagabonder par-ci et par-là. Après tout, découvrir le monde n’était-il pas leur mission ?

« — Apprendre à voler, c’est comme apprendre à marcher Alexandrine. Au début tu tomberas, puis tu t’élèveras. Après, tu pourras courir. »

La queue pointue de Sheina remua doucement alors que son regard était rivé vers l’horizon, ses yeux privés de vision le jour. Elle devinait sans difficulté la mine contrariée de sa fille, bien plus sensible que le reste de sa fratrie. Alexandrine était la seule à avoir hérité de la silhouette musclée d’Anette, probablement pour le mieux. Ses grandes ailes lui permettraient de se soulever sans mal, une fois qu’elle pourrait voler sans mal. Sheina inclina l’avant de son corps, parlant d’une voix douce.

« — Montes sur ma tête. »

Alex comprendrait rapidement le but de la manoeuvre.

En entendant sa mère arriver derrière elle, Alexandrine se tut instantanément avant de l'observer avec de grands yeux admirateurs. Elle était là ! Elle pouvait tout faire, MaSheina ! Elle glapit et sautilla tout autour d'elle, sans cesser d'écouter ses précieux conseils. Elle fronça le museau, avant de gratter le sol du bout d'une patte, soupirante :

J'suis tombée au moins... Cinquante treize fois. Non ! Plus !

Elle trépigne, se relève, et finalement pencha la tête sur le côté :

Sur ta tête ? Mais je vais t'écraser !

Elle bondit quand même, entre l'épaule et l'encolure de sa douce maman, grattant sans blesser la peau délicate de la chauve-souris, et trouva un point à peu près stables sur son dos entre ses deux ailes de cuir, si semblables aux siennes.

Tomber, ce n’était pas la fin après tout. La preuve, Alex évoqua le fait d’être tombée... cinquante treize fois ? Un sourire vint étirer les babines de l’hybride alors que ses oreilles pointues remuaient doucement, amusées.

« — Ne dis pas n’importe quoi. »

L’enfant protesta, mais accepta néanmoins de monter sur le dos de Sheina. Après tout, ne les avait-elle pas tous porté en son ventre ?

« — Fermes les yeux, Alexandrine. »

La prêtresse se redressa, ses paupières closes quand bien même la lumière du jour lui ôtait la faculté de voir.

« — Que ressens-tu ? »

Ressentait-elle la maigre chaleur que procuraient les rayons du soleil ? La brise qui soulevait ses poils ?

Elle gigota un peu et finit par se stabiliser sur le dos de sa mère. C'était pas n'importe quoi ! Enfin si, peut-être, si MaSheina le disait. Elle avait du se tromper quelque part. Mais qu'importait ?

Elle ferma les yeux et patienta un instant avant de déclarer :

Ca pue la boue, comme toujours. Et il fait bon.

Elle agita sa longue queue reptilienne et huma l'air de plus belle :

Il y a des proies, pas loin. Et des crocodiles. C'est nul les crocodiles.

Oui, Alexandrine n'était définitivement pas la plus poétique.

Un rire s’échappa de la gorge de Sheina, amusée de la réponse de sa fille. C’était un bon début, même si ce n’était pas ce que cherchait à lui faire sentir l’hybride. Cette dernière fit quelques pas, faisant en sorte de ne pas déséquilibrer l’enfant, se plaçant face au vent.

« — Déploies tes ailes maintenant. »

La queue pointue de Sheina remua doucement, le bout de ses longues oreilles bien droites en attente de la réponse de l’enfant.

« — Et là qu’est-ce que tu sens ? »

C'était rigolo, que d'être sur le dos de MaSheina. MaSheina elle était toujours douce, attentive, présente sans être envahissante. Elle était stricte, et elle laissait pas faire des bêtises et des fois elle râlait. Mais que quand on faisait des bêtises - donc bon. C'était normal.

Alexandrine ferma les yeux et inspira à plein poumons, ouvrant grand ses ailes et dévoilant le cuir souple et délicat qui les parait. Les bourrasques s'y prenaient en tourbillons, claquant les extrémités. Alex laissa échapper un éclat de rire.

Ca chatouille ! Il y a plein de vent ! Je le sens, qui pousse mes ailes !

C'était ça, qu'elle voulait lui montrer ? Le vent ? C'est vrai qu'elle n'y faisait jamais attention lorsqu'elle essayait de s'envoler... Elle se concentrait sur ses épaules, les battements d'aile, et le sol, oh le sol, qui se rapproche toujours...

Un sourire étira les babines de la louve.

« — Concentres-toi sur cette sensation, penses au fait que le vent pourrait te porter. Remues doucement des ailes pour voir. »

Sheina remua le bout des siennes, afin d’éviter qu’elles ne s’engourdissent par l’inactivité. Les conditions étaient parfaites pour un vol, mais ce qui tracassait le plus la prêtresse était le fait qu’elle devait se fier à ses autres sens à défaut de voir pour surveiller Alex.

« — Ne penses pas à la chute Alex, je suis là. »

Et tu la rattraperais, hein Sheina ? Parce que tu tomberais pour chacun d’eux afin d’éviter qu’ils ne se blessent…

Alors que Sheina se réajustait, millimètres par millimètres, pour être en face du vent, Alex se mit à crier de joie (parce qu'Alex, évidemment, ne savait que crier) :

AH ! Aaaaaaah !

Elle ouvrit plus grand ses ailes pour augmenter la surface de contact avec les courants d'air qui gonflaient ses membranes et les faisaient vibrer. C'était... C'était grisant ! Beaucoup plus efficace que lorsqu'elle se jetait des branches basses ! Elle trépigna légèrement sur le dos de sa mère, de plus en plus haut. Elle battit des ailes une fois, deux fois sans jamais retenir les bourrasques dans ses épaules, mais là ! Elle sentait ! C'était différent, et tout de suite elle comprenait ce que voler voulait dire. Ca n'était pas juste se jeter d'un point haut et battre des ailes, en espérant que ça serve à quelque chose, non. Il fallait composer avec son environnement.

Ses cris de joie s'étaient tus, pour laisser place à une froide concentration. Elle avait besoin de toute sa tête, pour appréhender ce moment. Les muscles, finalement, ne suffisaient pas. Comme toujours. Qu'est-ce qu'elle avait, une fois encore, été bête ! Elle se ramassa sur elle même, étendit ses longs doigts de cuir, et attendit. Patiemment.

Une belle bourrasque, qui tira sur ses épaules. Avec un cri, elle bondit, le plus haut et le plus loin possible par dessus la tête de MaSheina. Et elle battit des ailes. Une fois ! Deux fois ! Elle s'élevait !

Son cri se mua en hurlement de joie, faisant encore plus de bruit s'il était possible.

Ca ne dura pas ; elle retomba de plus haut, de plus loin qu'elle n'était jamais allée. Mais un coup d'aile supplémentaire elle ralentit le tout et réussit à se poser, oui on pouvait appeler ça se poser, devant la chauve-souris. Elle se tourna vers elle.

Tu es une MAGICIENNE ! Tu peux apprendre à voler aux gens !

Et elle se jeta dans ses pattes pour une embrassade prolongée.

Attentive, Sheina écoutait le moindre son que produisait sa fille, sachant pertinemment les dangers qu’un vol non maîtrisé représentait. Alex était encore inexpérimenté...

« — Alex ! »

Les oreilles de l’hybride se penchèrent vers l’arrière, sa queue pointue remuant plus nerveusement alors qu’elle entendait les longues ailes de la loupiote claquer au vent. Alex parvînt à se poser et Sheina la réceptionna au moment où elle se jeta sur elle, l’entourant de sa patte.

« — On volera ensemble bientôt d’accord ? La nuit de préférence comme ça je pourrais mieux t’aider. »

La prêtresse colla sa truffe pointue contre celle normale de la petite.

« — C’est toi ma source de magie, mon petit dragon. »

Lorsque la truffe se posa sur la sienne, Alexandrine éclata de rire avant de frotter vigoureusement les museaux entre eux. Elle recula d'un pas et bondit en tournant en rond avant de se jeter dans son encolure dans une seconde embrassade :

Je t'aime MaSheina ! Avec MaManette vous êtes les meilleures des mamans du monde !

Elle agitait ses déjà bien grandes ailes pour agripper plus fort sa mère, ne jamais la laisser partir.

Oh oui ! Tous les soirs, si tu veux ! Ce serait génial !

Elle piaillait, sans jamais s'arrêter. Furieusement sympathique, mais fatigante.

Sheina rit doucement, sa queue pointue remuant allègrement. Là où la louve faisait attention avec ses ailes, sa fille s’en servait pour arriver à ses fins. Décidément…

« — Oui trésor, tous les soirs si tu veux. »

Les yeux mauves de la louve se perdirent dans le vague, un sourire doux aux babines alors qu’elle passait une patte dans la tignasse de sa fille.

« — Tu verras les soirs d’été, comme c’est agréable de voler sous les étoiles. »

Parce qu’il n’y avait pas plus belle sensation de liberté.

Elle agita ses oreilles, et gronda de bonheur lorsque la patte se glissa dans ses cheveux. Si elle avait été un chat, si elle avait pu ronronner, c'est ce son très exact qu'elle aurait produit. Mais elle ne pouvait que piailler et gronder, et palliait de cette façon.

C'est bientôt, l'été, Maman ?

Elle n'en avait, après tout, jamais vu la couleur.

C'est comment ? C'est plein de fleurs, non ?

Les vieux en parlaient, dans leurs histoires, mais n'éveillaient que fantaisies dans les pensées d'Alexandrine.

L’hybride se mit sur son dos, casant sa fille entre ses pattes avant, dans une position qui lui serait certainement confortable si elle ne remuait pas dans tous les sens.

« — Bientôt je l’espère, le temps est capricieux ici. »

Tellement capricieux et tellement imprévisible.

« — Oui, plein de vie, plein de couleurs. Les nuits sont de toute beauté aussi. »

Les pluies d’étoiles filantes, les champs de fleurs, le chant des oiseaux…

« — Tu le découvriras bientôt. »

Elle piailla :

J'ai hâte ! Ca va être géniaaaAaal-

Elle se laissa renverser sur le côté et rangea sagement ses ailes autour de son corps, mordillant les pattes de MaSheina qui l'entouraient doucement. Et soupira d'aise. Tout cet exercice l'avait bien fatigué ! Elle gigota encore un instant et s'étendit de tout son long contre sa mère, avant de se laisser aller à une petite sieste, entourée d'amour et emplie de sérénité ; réchauffée par les rayons du soleil.

Bien que voilà le jour, le regard de Sheina se rempli d’une certaine douceur, alors qu’Alex se blottissait contre elle pour profiter d’un sommeil réparateur. Doucement, l’hybride effleura le visage de sa fille de sa truffe pointue avant de refermer ses deux grandes ailes sur elles deux.

« — Reposes-toi, je veille sur toi, mon dragon. »

Aujourd’hui et les autres jours.