A petits pas l P.V. Alth

Il n'est encore jamais allé la voir seul. A chaque fois qu'il avait franchi les marches et les portes de l'Eglise où se situait le coeur de Yurai, c'était en compagnie de sa mère, quand cette dernière lui racontait tout ce qu'il y avait à savoir, ou plutôt tout ce qu'elle savait, sur l'entité. Finalement, c'était bien peu de choses. Non pas que ce ne fut suffisant, mais MamEva n'était pas d'ici et manquait parfois de repères historiques.

Ces discussions avaient d'ailleurs été l'occasion de lui poser des questions sur son ascendance, sur ce qu'elle faisait ici, mais aussi sur ce drôle de loup-paon qui était revenu avec Lewis et l'autre inconnu, au Dédale, quelques semaines plus tôt. Un cousin, lui avait-elle expliqué. Avant de parler de nouveau de sa famille.

De cet endroit où tous avaient des ailes, et planaient si délicatement dans les airs. Un monde qu'elle dépeignait comme merveilleux, mais dans lequel pourtant il ne pourrait jamais envisager trouver sa place. Eh, un monde où les aviaires migrent régulièrement et découvrent de nouveaux territoires éloignés chacun de milliers de kilomètres ? Quelle idée, lorsqu'on ne peut parcourir que le sol de ses pattes. Il pince les babines.

Quelle ascendance étrange, il avait là. Il était bien capable de comprendre, maintenant. Ou plutôt de comprendre qu'il ne comprenait pas. Via, une solitaire pleine de vie joviale et incroyable, dans tous les sens du terme, qui s'était retrouvée ici à moitié par hasard. Grande amie d'Eva, l'aviaire qui n'était pas d'ici. Et un père qu'il n'avait jamais vu.

Des personnes qui ne se côtoyaient pas.

Il avait été élevé dans l'amour et la fraternité Nakhu, mais c'était toutefois un sentiment qui restait étrange, surtout depuis qu'Octavia était partie du Dédale. Un petit sentiment de déchirure. Et la présence, toujours plus importante, d'Ajani aux côté de mère Eva. Ajani, qu'il pourrait facilement appeler père, s'il osait. Une famille qui ne trouvait de sens dans aucun des livres qu'il avait trouvé à la bibliothèque. Une famille, vraiment ?

C'était étrange, ce sentiment. De ne pouvoir se plaindre, mais de sentir toutefois que quelque chose manquait, il n'aurait su dire comment. Il leva la tête vers la statue de Yurai, fronçant les sourcils. Et cette déesse, qui les protégeait, pourrait-elle l'éclairer ? Mais avait-il vraiment besoin de lumière ? Peut-être son coeur se posait-il juste trop de questions.

Oui, c'était ça.

Trop de questions.

Il déglutit et commença à marcher le long des murs de l'église, appréciant la finesse des vitraux et les arc-en-ciels que leurs reflets jetaient au sol. C'était un lieu qui ne ressemblait à aucun autre, mis à part peut-être les bâtiments de l'Île Chuchotante... Et encore. Menthe, devant lui, agitait sa queue en pompon en passant d'un banc à l'autre. Lui, au moins, ne se posait pas de question, simplement heureux de vivre chaque jour l'un après l'autre en se repaissant la panse de noisettes.

Un exemple à suivre, probablement.

Des pattes se déplaçant à un rythme rapide, à l'entrée du temple, lui firent tourner la tête jusqu'à apercevoir sa silhouette. Son coeur bondit dans sa poitrine, jusqu'à cogner sans cesse. Elle était là. Autre source de questionnements, autre source de désarroi, autre source de confusion. La louve-aux-grenouilles. Cendres ne fit pas un bruit, se contentant de l'observer depuis les ombres, attentif.

Lewis

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Petits pas, petits pas… SHOUUUUUUU !

Les pandas étaient des bestioles vénères en fait. Suffisait que tu t’approches un peu trop de leur terrain de bouffe pour qu’ils réagissent mal et veillent te chasser… Puis alors un gros truc comme ça qui se couche sur toi, aïe… Tu devenais une crêpe, ou un pancake en fonction de l’épaisseur. Heureusement que Poe avait servi de diversion, le placer au milieu du chemin avait suffit à attirer l’attention de l’ours noir et blanc, jusqu’à ce que Lewis siffle pour que l’amphibien la rejoigne. Fallait pas déconner non plus, Poe c’était sacré, surtout que celui-ci il était loin d’être aussi bêtes que certains. Peut-être étais-ce parce qu’il venait des terres Nakhus… Les autres de chez les Raeders s’étaient montrés particulièrement débiles. Entre ceux qui s’étaient noyés dans le rhum, finit croquer, ou qui ne restait pas suffisamment cachés pour échapper aux mouettes… Aïe y’en avait eu des pertes.

Serrant les petites tiges de bambous durement acquises, Lewis se faufila loin de la vigilance du panda, pour rejoindre l’église. C’était toujours calme là-bas, puis il faisait bon ! Avec son pelage épais, la louvette commençait déjà à avoir chaud avec la température qui se réchauffait. s’installant dans un coin, elle tenta tant bien que mal de vider l’intérieur des tiges, observant en même temps le livre emprunté à la bibliothèque, intitulé « Nager comme un poisson dans l’eau. »

Parce que Lewis avait bien vu que Cendres restait pas longtemps sous l’eau, bien trop souvent elle oubliait qu’il était plus jeune qu’elle. Aussi, la louvette s’était mise en tête de lui confectionner quelque chose qui l’aiderait à être plus à l’aise.

Pour préparer sa surprise.

« — R’garde Poe, faut accrocher ce bout là avec l’autre ! »
« — Risque d’finir noyé le p’tit. »

La louvette fint l’indignation.

« — C’est po vraiiii ! »

Bon pour cela, il fallait pas se rater dans la construction du tuba de bambou quand même… Lewis prit donc son temps pour s’appliquer, une tâche qui nécessitait une certaine concentration vu la pile électrique que c’était. Cela l’occupa un moment, le temps que le liant sèche, que Poe teste la marchandise aussi, même si avec lui ce ne fut pas trop concluant.

Au moins ça ressemblait au schéma du livre.

Peut-être même plus beau !

Ravie Lewis jappa, faisant mine de poursuivre sa queue, avant de sautiller autour de Poe.

Mais ce n’était visiblement pas le seul observateur de la scène…

Parce qu’elle n’avait pas encore remarqué Cendres.

Elle ne l'avait pas vu.

Cendres se figea et s'assit sans un bruit sur le sol dallé de l'église. Elle avait avec elle tout un bordel qu'elle bidouillait de ses pattes, un grand sourire aux babines comme à son habitude. Toujours joyeuse. Toujours débordante de vie. Poe, sur son épaule, assistait sans un bruit à ses recherches et l'assistait parfois de mouvements de pattes inutiles.

Qu'elle était belle.

Les reflets des vitraux dansaient sur son pelage et faisaient du mauve un camaïeu chamarré empruntant à tout le prisme de la lumière. Son visage, en permanence éclairé d'un sourire enfantin, et surtout cette étincelle qui éclairait son regard. Cette étincelle si vibrante, qu'il ne pouvait qu'observer des ombres, qu'il ne trouvait dans aucun autre regard. Le capuchon rouge qui retombait sur son museau, parfois l'aveuglait et l'obligeait à le redresser d'un coup de patte rapide, créé par l'habitude.

Il ne se lassait pas de la contempler, caché dans les ombres, volant ces images au temps.

Menthe n'était pas si patient. Vibrant de retrouver ses amis, d'un squiik qui résonna dans toute l'église il finit par se ruer vers Poe et Lewis. Cendres sourit de l'attitude de son familier et se releva pour émerger des ombres, se dirigeant droit vers son amie :

Lewis ! Qu'est-ce que tu fais ?

Son coeur battait un peu vite, peut-être. Mais calme et appliqué à son habitude, il n'en montra rien.

Lewis

Ce fut Menthe qui attira l’attention de la louvette, qui se mit en position de jeu pour l’accueillir. Oh mais si l’écureuil était là, c’est que Cendres aussi était à proximité. La pirate se redressa, sa queue recourbée remuant. Ah il tombait à pic ! Elle se saisit du tuba improvisé, avant de lui cases ça entre les crocs. Maintenant fallait qu’il ferme bien !

« — Tiens sers les dents ! »

Sinon il avalerait de l’eau en situation réelle. Fallait pas le noyer quand même ! La mauve vint lui pincer la truffe.

« — Tu triches pas, hein, tu respires par le tuba ! »

Histoire de vérifier si tout était bon. Plutôt fière d’elle, Lewis sautilla tout autour du loup blanc, particulièrement contente à la fois de le voir, mais aussi de son travail.

« — Alors tu trouves ça comment ? »

Est-ce que au moins, il se doutait à quoi cela servirait ?

Comme souvent, lorsque Lewis lui faisait découvrir quelque chose, la première sensation qu'il ressentit fut une peur panique alors qu'il n'arrivait plus à respirer, puis par petites goulées seulement. Passé le premier instant de désorientation, il gonfla ses joues et se pencha en arrière pour respirer dans les tubes de bamboo. Bien trop occupé à la contempler elle, il n'avait pas fait attention à l'engin qu'elle construisait. Visiblement, il lui était destiné. A moins qu'il ne soit que le crash-test, le patient zéro ? Souhaitait-elle se lancer dans la confection d'objets pour l'ensemble des meutes et en tirer ainsi salaire ?

Imaginer la louve violette en pdg d'entreprise lucrative lui tira un rire et, le museau toujours accroché au bamboo, il manqua de s'étouffer.

Mais il finit par réussir à en tirer quelques goulées d'air, bien que maigres et oppressantes pour qui n'avait pas l'habitude d'un tel attirail. Il le prit dans l'une de ses pattes pour pouvoir lui répondre, sourire au babine, suivant du regard ses sautillements incessants :

Ca m'a l'air pratique pour boire dans la tasse de son voisin !

Il affichait un air légèrement narquois. Il avait bien en tête quelques autres utilités à ce tube, mais rater l'examen lui semblait beaucoup plus amusant.

Lewis

Oh, mais c’est que ça avait l’air de fonctionner ! C’était vraiment trop génial, le manuel c’était pas du pipeau. Un instant, on aurait pu croire que des étoiles brillaient dans les yeux de la mauve, qui peinait à contenir sa joie. Les activités manuelles elle en faisait peu, rien de ce qu’elle ne portait n’avait été confectionné par ses soins. Entre des trucs amassés par-ci et par-là, le capuchon hérité de son paternel, au final rien de vraiment très spécial qu’elle avait pu confectionner de ses propres pattes.

« — Faut tester dans la tasse à Bibiiiiii ! On rajoutera une petite fiole dedans ce sera si drôle. »

Parce qu’il buvait sans protester ce que la louvette lui donnait.

Et ça Lewis appréciait.

Mais c’était pas pour faire les idiots qu’elle s’était appliquée à construire tout ça.

« — C’est pour ta surprise ! Comme ça tu auras plus de facilité à respirer ! »

Mais elle n’en dirait pas plus.

Parce que tout devait être par-fait.

Wow. Lewis avait souvent l'air de bonne humeur, mais là elle était particulièrement joyeuse, et Cendres sentit de nouveau son coeur s'emballer. S'il parvenait à accrocher sur ses babines tel sourire plus longtemps... Ah, Cendres ! Tu as lu bien trop de romans, dont nombres visant la gent féminine ! Te voilà bien trop fleur bleue. Avec quelqu'un qui, tu le sais parfaitement, l'est bien trop peu. En l'entendant mentionner Sobieski, Cendres rit doucement :

Je suis sûr que ça le ferait rire.

Petit doute cependant.

Quelle fiole ?

Curieux, le petit Cendres.

Mais tout explosa lorsqu'elle parla de sa surprise. Son masque blanc se transforma, tel celui d'un mime, en la surprise même. Il pencha la tête sur le côté et ses yeux brillèrent. Elle lui préparait une surprise ? Avec la précision sur la respiration, il imaginait bien qu'il s'agissait de quelque chose sous l'eau, mais de quel genre de surprise s'agissait-il ? Bon, c'était une surprise. Ah ! Elle ne voudrait jamais lâcher le morceau, et lui de sa curiosité maladive voudrait absolument savoir. S'annonçaient de longues soirées à ne pas réussir à dormir.

Et puis, l'idée qu'elle puisse prendre le temps de lui préparer une surprise réveillait ces sentiments qu'il ne parvenait à enterrer. Est-ce que c'était une blague dont, comme souvent, il serait le dindon de la farce ?

DIS MOI !

Il avait piaillé un peu fort, bien trop enthousiaste, bondissant vers elle pour l'attraper et l'obliger à cracher le morceau. Il était déjà plus grand qu'elle, sans avoir finir sa croissance, mais elle le dépassait en force comme en vitesse. Surtout en force.

Lewis

Les fioles, c’était si facile de les remplir. Des fois on en oubliait certaines dans un coin, si bien qu’elles pourrissaient, d’autres contenaient des mélanges dangereux ou tout simplement immondes. De nombreuses expériences tellement intéressantes à mener !

« — C’est pas important ça, on peut en créer plein ! » Elle se pencha vers lui. « Mais il aime particulièrement les colorées. »

Alors ça, elle avait pu le constater au cours de la fête…

AH !

Le p’tit curieux qu’il était, malheureusement pour lui, Lewis ne cracherait pas le morceau, même sous la torture ! Peut-être en échange d’un gage… Ce serait drôle, mais pas sur Cendres. HAN, AVEC LA DOMINATRICE ! Avec l’incroyable collaboration de Maître Corbeau… Hum y’avait clairement un truc à tenter. En attendant, il fallait prendre garde au blanc, qui se préparait à l'attraper.

« — Non non nonnnnnn ! »

À défaut de lui dire, peut-être pourrait-elle lui montrer directement ?

« — Mais on pourrait y aller… maintenant. »

Parce qu’ils étaient sûrement dans le lagon.

Cette histoire de fioles lui semblait bien mystérieuse. Mais il n'insista pas vraiment, il avait fini par comprendre qu'avec elle il fallait parfois laisser le flot aller, si on voulait réussir à suivre. Et là, clairement, cette histoire de fiole n'était pas prioritaire et lui demanderait beaucoup trop d'énergie et de négociations pour parvenir à son but, il ne s'en sentait pas la force. Mais alors qu'en renard elle échappait à sa course, le maintenant fit briller ses yeux.

D'accord. Maintenant !

Et il passa près d'un banc pour récupérer Menthe qui séjournait tranquillement, loin de l'agitation, avant de saisir délicatement de ses crocs le tuba improvisé et suivre son amie.

Lewis

Ouaisssssss ! La louvette siffla pour appeler sa plate-forme volante à elle. Parce qu’à défaut d’avoir une paire d’ailes, elle avait eu quelque chose d’encore mieux.

« — Montes ! »

Parce que l’aventure qui se profilait, promettait d’être gé-niale.

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