Wait. Really ? l Feat Kala & Dhys

La veille, elle avait parlé à Saqquarah qui avait mentionné les sous-sols. Alors, imaginez son excitation toute la putain de soirée ! Elle avait été intenable, faisant des messes basses avec Tita (à qui elle n'avait pas pu cacher cette information) et elles s'étaient raconté, avec les autres, des histoires à faire peur jusqu'à s'endormir, épuisée, en tas sur MamAnette et MaSheina.

Le lendemain matin, à l'aube, elle avait été une véritable plaie. Elle courait partout, aboyait sur tout et tout le monde, posait des questions, se jetait sur ses frères et soeurs - imbuvable ! Et rien n'avait réussi à la calmer jusqu'à ce que l'heure soit assez avancée pour qu'ils puissent aller chercher le petit loup gris. Elle piailla et tourna autour de Tita.

Viens ! C'est chez les panseurs ! C'est par là !

Elle courut dans le boyau, tombant et roulant au sol et se relevant, battant de ces ailes qu'elle ne maîtrisait pas encore et qui la déséquilibraient en permanence. Un jour ! Un jour elle saurait les utiliser. Mais pour l'instant... Elle devait se contenter de tomber et se relever beaucoup. Elle s'y habituait, les coudes et le coeur meurtris de tant d'échecs, mais la tête haute. Peut-être, un jour ! Serait-elle un vrai dragon.

Pour l'instant, elle avait les genoux cagneux.

Elle piailla et se jeta en courant dans l'antre des Panseurs :

QUARRRRRRAAAAAAAH-

Ne prenant pas même le temps de voir s'il était là.

Parfois, Anita se demandait comment faisait Axie quand elle réussissait parfois à échapper à la vigilance des adultes.
Parce qu’elle produisait quasi systématiquement, comme là, actuellement, un volume assez impressionnant de décibels qui aurait pu alerter tout loup même vaguement endormi à un petit kilomètre à la ronde. Surtout avec les échos et les résonances qui se répercutaient dans les boyaux de pierre.
Le tout se ponctuant des éclats de rire d’Anita à chaque fois que sa sœur trébuchait sur ses ailes ou dans ses propres pattes et avalait deux ou trois mètres en roulade avant de repartir comme si de rien n’était.

Bref, il était tout à fait impressionnant qu’une masse comme elle lancée à pleine puissance et hurlant à pleins poumons puisse ne pas se faire arrêter après trois pas en zone interdite. Et là, actuellement, Anita espérait qu’aucun adulte ne suivrait leurs cris à travers les couloirs, parce que sinon, adieu la mission secrète en petit comité !
Suivant le rythme sans difficulté, Anita bondissait derrière sa sœur avec légèreté, courant d’air qui se faufilait avec discrétion derrière le bulldozer.

Les deux sœurs débouchèrent sur une plus grande salle aux douces odeurs d’onguent avec la délicatesse d’un hurlement perçant poussé par Alexandrine, au grand dam des quelques rares qui dormaient encore dans les salles non loin.
Elle laissa sa sœur en roue libre rentrer dans tout ce qu’elle voulait, préférant elle s’éloigner de quelques pas souples et aériens pour prendre le temps d’inspirer à pleins poumons les douces fragrances flottant autour d’elles, s’émerveillant de la lumière dorée qui filtrait à travers quelques puits de lumière, observant avec attention les détails de cet endroit. Elle n’était encore jamais venue chez les panseurs ! Et elle trouvait l’atmosphère agréable et relaxante.

Saqqarah ne fut pas le seul à la morigéner alors qu'elle déboulait dans l'Antre, mais seul un froncement de sourcils recueillit les remontrances qui lui étaient adressées.

C'est à ce moment là qu'elle se rendit compte qu'elle n'était encore jamais venue chez les panseurs.

Et qu'en fait, elle détestait ça.

Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi. Son museau se posait sur les loups allongés à l'ombre de la grotte, des cataplasmes sur les membres fragiles ou des baumes collant à leur poil généralement emmêlé. Ca puait les plantes. Ca puait les crèmes en tout genre. Ca empestait, tout simplement. Mais c'était pire que ça, si encore elle n'avait que son nez à cacher, mais non. Ca la tiraillait. Dans son dos. Dans ses tripes. Dans son estomac. C'était désagréable, et ça la poussait à s'avancer vers les malades qui dormaient, plus loin.

Ca l'attirait.

Effrayée, Alexandrine sentit son poil ras frémir, et elle cacha ses émotions d'un grand sourire avant de sortir prestement, marche arrière et demi-tour :

C'est Tita, c'est pas n'importe qui ! Et évidemment qu'on est prêtes !

Le Grand Petit que les deux sœurs cherchaient émergea d'un coin de la salle, l'air vaguement agacé par l'entrée bruyante de la petite dragonne, ce qui ne put qu'ajouter au contraire une couche d'amusement supplémentaire du côté d'Anita. C'était marrant de voir sa sœur se faire gronder par un adolescent même pas encore adulte !
Elle ne sembla pas vraiment s'en formaliser, se contentant de faire une mauvaise tête et d'ignorer toute remarque contraire. Comme d'habitude. Si celui-ci pensait pouvoir dresser Axie, il se mettait toutes les griffes puis la patte entière bien profondément dans l’œil.  Elle observa paisiblement la scène, retranchée dans un coin et sa longue queue s'agitant en rythme, sourire aux lèvres, quand le frère d'Ortie remarqua finalement sa présence aussi.

Elle n'eut même pas le temps de répondre à sa salutation qu'Alexandrine poussait pratiquement tout le monde vers la sortie en répondant à sa place, reculant à grands pas comme si elle avait hâte de sortir de cette salle alors qu'elle avait mis tant d'énergie à investir tout l'espace disponible. Anita aurait bien aimé passer quelques secondes de plus à observer l'endroit, mais tant pis !
Elle bondit à la suite de sa sœur, retrouvant sa souplesse et sa présence habituelle. L'une de ses foulées la ramena tout près de Saqqarah, frôlant presque son épaule et se mettant à trottiner à son rythme. Sa sœur, elle la connaissait par cœur, mais lui, pas encore. Alors elle laisserait filer le boulet de canon qu'était Axie à l'avant le temps d'émerger des boyaux et en attendant, elle parlerait un peu au nouveau.

— Moi, c'est Anita, mais Axie m'appelle Tita ! Toi tu peux m'appeler comme tu veux. Saqqarah, c'est ça ? C'est un peu bizarre, mais original ! On va où ?

Voir les prisonniers, ça elle avait compris. Mais elle voulait savoir où, puisque apparemment, ce n'était pas chez Tante Pepper.

Qu'est-ce qu'ils étaient LENTS. C'EST PAS POSSIBLE ! Ils n'avaient donc pas envie de découvrir les geôles ? Elle, n'en pouvait plus, d'attendre ! Alexandrine sautillait autour de Saqqarah et Tita, ne se formalisant même pas des mots du mâle qui habituellement l'auraient fait râler.

DEPÊCHEZ VOUuUUUuuuUUUuUuUuUS !

Plus qu'un hurlement c'était une supplique qui s'échappait de sa gueule emplie de quenottes. Elle sautillait partout, incapable de rester en place :

Je m'en fiche où on passe JE VEUX VOIR LES PRISONNIERS !

Elle était beaucoup trop joyeuse à cette perspective. Bien plus qu'elle n'aurait du l'être. Et, par dépit, elle commença à poser plein de questions :

Ils sont grand ? Y'en a combien ? Ils ont des noms ? On leur a fait du mal ? Ils ont des secrets ? On va pouvoir leur parler ? Tu penses qu'ils nous répondront ? Tu crois qu'ils sont gentils, en fait ? Ils ont fait des grosses bêtises ? Tu les connais ? Y'a des solitaires ?

Elle voulait TOUT savoir. Et vu que Saqqarah avait dit qu'il savait...

Elle pencha la tête sur le côté au mot princesse, toujours aussi intriguée que certains puissent l'appeler ainsi. Elle avait pas fait exprès d'être la fille d'une Alpha ! Ça changeait pas grand chose, alors c'était pas la peine d'utiliser un mot exprès. Elle était un louveteau comme tous les autres. Elle ne le releva pas pour autant, se contentant de le fixer pendant qu'il répondait à sa question. Elle haussa les épaules en réponse, pas tout à fait concentrée sur l'endroit où ils allaient devoir passer et plutôt occupée à se retenir de rire en regardant Alexandrine piaffer d'impatience et courir autour d'eux, exprimant ses pensées à sa place de toute manière.
Elle ne put contenir son rire plus longtemps face aux milles questions d'Axie et elle bondit à son tour à ses côtés, sautillant en rythme avec elle alors que la marche reprenait, les menant toujours un peu plus vers leur destination.

— Mais t'inquiètes Axie ils vont pas disparaître les prisonniers, c'est le principe !

Sinon ils seraient déjà plus là et ils se seraient enfuis, heh. Personne n'aimait rester prisonnier. Pas elle en tout cas ! Passer trop d'heures d'affilée à l'intérieur alors qu'il y avait tant de choses à faire dehors, c'était terriblement ennuyant.

— Peut-être même qu'il y aura des squelettes.

Ça, elle le dit tout bas, se mettant à ramper près du sol en avançant à la manière d'un serpent. Elle appuya tout particulièrement sur le dernier mot - ça lui en donnait presque des frissons.

Saqqarah était bien patient de vouloir répondre à toutes les questions de sa sœur !
Pourtant, ce n'était pas très drôle de tout savoir avant même d'arriver aux geôles. Ça voudrait dire qu'il n'y aurait plus rien à découvrir - or cela faisait selon elle partie du plaisir lorsque l'on s'intéressait à quelque chose de nouveau.
Elle n'écouta donc que d'une oreille distraite les informations délivrées par l'adolescent reptile, préférant tirer la bourre à Axie, se bousculant l'une et l'autre d'une épaule quand le passage devenait trop étroit pour les laisser passer toutes deux en même temps, lui chipant le bout d'une oreille en riant quand celui-ci passait devant son nez. Elle ne retint qu'un mot du discours de leur accompagnateur : Raeder. Elle en avait entendu beaucoup, sur les Raeders, ça oui ! On disait à tous les petits Eelkrus de se méfier d'eux. Mais Anita, elle, n'en avait jamais vu de vrai et se demandait s'ils étaient si effrayant que ça.

Saqqarah les dépassa en les pressant d'aller plus vite, et sa sœur puis elle lui emboitèrent bien évidemment le pas - courir à toutes pattes dans les tunnels du Castel, ça, elles avaient l'habitude. Elle éclata de rire quand Axie appuya sur le mot discret qui résonna en échos à travers les grottes et, hilare, se prit au jeu.

— De toute façon personne pourra nous ATTRAPER !

Eh oui. Déjà, elles étaient rapides quand elles le voulaient, ensuite elles connaissaient plein de planques, et en plus elles étaient encore assez fines pour se glisser dans des endroits inaccessibles pour les adultes. Bon, peut-être que pour Saqqarah ça aurait du mal à passer, mais... Bon. Elles aviseraient à ce moment-là.
De toute façon, leur ami hybride leur avait dit de se dépêcher : c'est donc sans hésiter et en se laissant prendre par l'idée que tout cela devenait une course qu'elle accéléra sa foulée jusqu'à dépasser de nouveau le mâle gris pour foncer tête baissée vers le fond du couloir.

Enfin, la lumière !
Elle la voyait, plus loin dans le tunnel, ovale blanchâtre qui les narguait un peu plus loin. Les deux sœurs accélèrent encore, se bousculant et riant à qui mieux-mieux pour être la première à passer la porte de pierre.
Déboulant dans une cavalcade désordonnée, Anita resta un moment interdite… Avant que sa sœur n’exprime sa pensée immédiate en braillant sur leur guide. Truffe au sol elle trottina de ci, de là pour tenter de trouver quelque chose, une piste –même de leur propre garde-, une odeur fraîche, quelque chose d’un peu plus intéressants que juste d’autres grottes comme ils en avaient déjà mille. Bon, d’accord, dans celles-ci il y avait des drôles de trace et des grilles.
Mais c’était pas franchement aussi bien que vendu.

Elle ne put qu’acquiescer aux paroles d’Axie – qui rendraient Piclou très fier, il fallait lui dire quand elles lui raconterait ! – avant de tourner autour d’elle en bonds rapides, oubliant un peu Saqqarah.

— Ouais ! Sinon c’pas grave, on mettra quelqu’un d’autre dans les cages pour jouer à la prison !

A deux, elles auraient pu y pousser Saqqarah, peut-être. Il était plus grand qu’elles, mais… Elles étaient rusées et avaient déjà développé moult stratégies entre elles.
Mais bon, il faudrait probablement y penser une prochaine fois. Pour l’instant elle ne put que sentir son estomac gargouiller en réponse à la déception des cellules intégralement vides –elle qui avait toujours voulu voir à quoi ressemblaient les loups de l’extérieur ! – et n’avait qu’une envie : le combler.

— Allez v’nez ! Ce sera pour une prochaine fois.

Et elle remonta à toute vitesse le tunnel de pierre pour être prem’s au goûter.