Un faux pas [Libre]

Et son existence entière fut chamboulée. Le Ruban aux Sept Couleurs ne laissa pas passer cet écart. Même si il n'était pas fautif, Fenouil fut absorbé sans aucune pitié. Il perdit tout consistance et se dilua dans le pont éphémère. Là-dedans il n'y avait ni notion de temps ni d'espace. Il n'était tout simplement plus. Comme les Âmes des Défunts qui filaient à ses côtés. Jusqu'à ce que l'Arc-en-ciel, se rendant peut être compte de son erreur, recracha l'être qui n'était pas à sa place. Et l'intrus atterrit la tête la première dans le sable chaud.

Chaud ? Cette sensation brutalement retrouvée lui fit l'effet d'une bombe. Il recouvrit suffisamment ses esprits pour découvrir qu'il était échoué sur une plage. La proximité immédiate avec l'océan le poussa à s'éloigner immédiatement de cette eau peuplée de prédateurs aux dents longues. N'étant pas assez remis de son passage entre les mondes pour se redresser, il rampa le plus vite possible. Telle une larve d'insecte, il se contorsionna en laissant derrière lui une trace de son chemin. Il ne s'arrêta que lorsque le sable laissa la place à un sol plus frais. La terre meuble de la forêt lui paraissait bien plus sécurisée. Il effectua une roulade sur le flanc pour se mettre à l'abri sous les larges feuilles d'une plante. Et il essaya de comprendre où il était.

Des heures s'écoulèrent. Il n'avait aucune notion du temps. Il savait simplement qu'il faisait jour car le soleil brillait. Sa patience fut rongée et finit par s'évanouir. Son regard fixé vers la mer meurtrière, il n'avait aperçu aucune créature en sortir. Pas de long cou ni de gueule garnie de crocs. Il semblait bel et bien seul sur cette plage. Et il en avait marre de se cacher sous ces feuilles. Il avait beau réfléchir, il ne trouvait pas le plus petit début de réponse à sa situation. Etait-il mort ? Ou vivant ? Qu'importe, il avait envie de bouger maintenant. Çà tombait bien, sa longue pause forcée lui avait permis de retrouver sa motricité habituelle. Sans attendre, il se redressa. Il fit quelques mouvements et sourit en sentant ses muscles répondre à ses sollicitations. Il était prêt. Mais avant, il s'approcha de l'arbre le plus proche. A l'aide de sa corne, il grava un symbole sur son tronc. Un repère qui lui permettrait de ne pas se perdre. Ici il était tombé. Il n'avait plus qu'à découvrir le reste de cette terre. Il abandonna la lisière du sable pour s'enfoncer dans la forêt.

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'Hasard' :
Un faux pas [Libre] Bgyj

L'Atoll Tropical était un lieu qu'il affectionnait particulièrement. Bon, il était vachement loin des Terres Désolées où il avait choisi d'établir sa maison (une belle petite cabane en bois construite par Exxus, qu'il est bon âme ce loup), et un peu loin de la fontaine rose de sa déesse, mais il prenait le temps de venir y plonger les pattes. L'eau ici était toujours agréable, et se dorer la pilule sur le sable la tête à l'ombre d'un cocotier, clairement il disait pas non. Et c'était exactement ce qu'il était venu faire aujourd'hui. Farniente. Il avait passé un sacré moment à se peler le cul dans les Grèves Gelées, et une petite pause au soleil lui ferait le plus grand bien.

Asclepia gloussa en sentant les grains de sable s'immiscer entre ses coussinets, et agita sa longue queue irisée qui capta les rayons du soleil et projeta mille lueurs sur le sol. Un crabe, apeuré, fila se cacher vers la végétation. Curieux, le loup-paon s'élança à sa suite. Mais la petite bête ne voulait pas se laisser rattraper. L'aviaire plissa le museau - rentrait-il voir sa mère, allait-il encore une fois tomber sur un espèce de crabe géant increvable avec des pinces de dingue ? Il grimaça. Sans façon.

Mais un bruissement de feuilles, plus trop important pour être provoqué par un crabe ou même mère-crabe, lui fit dresser la tête.

Là. Y'avait un truc, sous les feuilles. Asclepia bondit et donna un coup d'aile pour se percher sur une branche et observer avec curiosité la tâche fauve qui se glissait sous la végétation. Il piailla, pour attirer son attention. Le loup avait une drôle de tronche, mais qui était-il pour juger ?

Eh ! P'tit père ! T'es perdu ?

Sa première impression de la forêt fut qu'elle était ridicule. C'était quoi tous ces arbres si petits en taille ? Ces racines sortant de terre n'étaient même pas assez grandes pour fournir un abri pour la nuit ! Où est-ce qu'il allait pouvoir dormir lui ? Il n'y avait même pas de troupeau pour se fondre dans la masse. Hors de question qu'il resta exposé durant son sommeil ! Il commençait déjà grommeler lorsqu'un son inattendu éclata à ses oreilles. Rendu soudainement muet, il leva la tête et fouilla les frondaisons du regard. Là-haut, une bestiole ailée était perchée sur une branche. Immédiatement il sentit son pelage s'hérisser. Première réaction instinctive face à un danger. Mais le monstre, au lieu de lui bondir dessus, lui adressa la parole. Ce qui ne calma pas pour autant les battements du cœur de Fenouil. A pas lents, il se mit à reculer sans perdre l'animal du regard. Il s'aperçut que celui-ci était coloré de bleu et de vert. C'était la période de reproduction ici ou quoi ?

"Je ne suis pas comestible le Volant."

A défaut d'avoir répondu à sa question, il avait mis les choses au clair. Pas question de se faire manger par ce truc qui ne ressemblait pas du tout à un Ptérosaure. Il continua son mouvement de recul. Plus il sera loin et plus il gagnera du temps pour contrer une offensive. Jusqu'à ce que la température se mit à progressivement augmenter au niveau de son derrière. Il n'avait pas le choix. Il devait vérifier ce qui se tramait derrière lui. A toute vitesse, il décrocha son regard de l'arbre pour jeter un coup d’œil en arrière. Il découvrit avec horreur l'existence d'un point d'eau. Encore un nid à prédateurs. En plus celui-ci n'était pas normal. Il y avait comme de la brume à sa surface. Le voilà pris au piège entre deux menaces aussi étrangères l'une que l'autre.

Le Volant. C'était quand même vachement moins fun que "Bel Oiseau". Pourquoi tout le monde ne l'appelait-il pas "Bel Oiseau" ? Le monde serait quand même plus beau ainsi. Ah, soupir alors que la désillusion s'étale sous son regard. Mais Asclepia se reprend bien vite ; il n'a pas choisi encore le rôle qu'il voudrait jouer face à ce loup au faciès si étrange. Non mais regardez moi ces oreilles ridicules... De vraies paraboles. P'têtre que ça lui servait à capter les ultrasons, ou un autre truc méga classe du genre ? ... Ou alors c'était pas des oreilles, c'était possible.

Oui, vous lisez bien : Asclepia jugeait.

Et l'autre qui se planquait sous les plantes là, comme s'il allait disparaître.

Bah j'vais pas t'bouffer. Pis j'suis pas sûr que j'en serais capable, si ça peut te rassurer : l'autre jour j'me suis déjà fait boloss par un crabe j'ai pas très envie de remettre ça.

Asclepia redressa la tête et bondit sur une branche un peu plus proche, sans se soucier d'effrayer plus avant le loup brun. C'était quoi ce truc derrière lui ? Oh !

'Pis t'as peur de l'eau en plus ?

Il gloussa.

Enfin. Pas tant que ça, en pensant au mammouth qui s'était visiblement fait bouffer par un truc marin. Mais là, au milieu de l'Atoll ? Boah.

La première décision fut facile à prendre. Il arrêta tout simplement son mouvement de recul. Il n'avait pas le choix. Un mètre à peine le séparait du point d'eau. Il ne voulait absolument pas tomber dedans ! Tout doucement et avec grande prudence, il décala son corps de manière à pouvoir avoir les deux dangers dans son champs de vision. Voilà. C'était parfait comme çà ! Tiens, le Volant lui parlait encore. Il était bien bavard pour un Prédateur. Trop peut être. A moins que ce ne fut une ruse ? Il ne comprit pas tous les mots qui étaient énoncés. Mais le sens général était plutôt clair.

"Tu es une proie alors. Pas très discrètes tes couleurs. T'es en rut ?"

D'ailleurs, c'était un mâle ou une femelle cette chose ? Il ne voyait pas bien ses organes génitaux d'en bas. Mais après tout qu'est-ce que cela pouvait changer à sa situation ? D'un gros soupir il chassa cette futilité. Son corps se tendit lorsque la Bestiole changea de place. Il était drôlement agile ! Toujours en hauteur et et bien plus proche de lui. Il n'aimait pas du tout cette sensation d'infériorité qu'il ressentait. A la moquerie, il redressa la nuque et pointa sa longue corne vers le ciel.

"Saute dans l'eau et on verra qui restera vivant."

Qu'il se jette dans ce trou, comme çà Fenouil découvrira les monstres qui s'y cachent ! Il pourra même en profiter pour fuir vu que les deux menaces se seront mutuellement neutralisées. Quelle bonne idée !

En rut ? Mais quelle hideuse façon de dire les choses ! Et si éloignée de la vérité ! S'il avait pu l'être, Asclepia se serait vexé. Il se contente de faire la moue et de s'approcher encore, gagnant une branche plus proche encore du grand loup mordoré. Il était d'une belle couleur, et avait de drôles d'idées. Il semblait sorti... Tout droit d'une grotte, un peu. Oh, il en avait vu des rustres ici Asclepia, oui ! Mais des comme lui...

Il agita un peu sa queue et ses ailes, pour faire vibrer au soleil ses teintes chatoyantes.

Tu aimerais ? ~

Sa voix se fait plus aigüe, le ton aguicheur. A la mention de l'eau, il penche le cou en avant. Loin en avant.

Il ne lui faut pas longtemps pour identifier ce qui coule à proximité. Ses yeux s'écarquillent de plaisir. Une source chaude ! Il change encore de branche pour s'en rapprocher, et l'observe. L'eau est claire, semble agréablement profonde et... Fumante. Ils sont sur une île tropicale et la vision est curieuse, mais eh. Ici, tout est possible ! Asclepia ne se fait pas prier et saute pour planer jusqu'à un rocher au centre de la source. Derrière lui, une petite cascade prenant source dans la fente d'un rocher alimente l'endroit. Il glisse une patte et goute la température, avant d'y plonger la tête avec délice. Il glousse. Puis s'immerge complètement, à un endroit où il garde pied.

C'est agréable.

Il jette un regard au loup brun qui n'a pas bougé. Il lui fait un petit signe encourageant.

Elle est boooonne, viens te décrasser avec moi je te gratterai le dos !

Quelle proposition, mes aïeux.

Et la bestiole ailée continua de gagner de la proximité grâce aux branches. Ce n'était plus très grave. Fenouil était paré à l'éventrer d'un coup de corne si il décidait de lui bondir dessus. Tiens, il pourrait même goûter sa chair si il le tuait. On ne faisait jamais de gaspillage chez lui. En plus, çà pourrait attirer des prédateurs bien plus gros que lui ! Et ... oh ! Les rayons du soleil jouaient magnifiquement avec les plumes du Volant. Cela lui donna d'autres idées. Il fronça le museau à l'intonation séductrice et répondit du même ton brut.

"Oui. Je pourrai profiter de ta parade nuptiale pour te piquer des plumes. Je suis qu'avec çà, toutes les femelles me tomberont dans les pattes."

Ces teintes si colorées étaient inexistantes dans son monde. Il était sûre de faire fureur en les portant. Après tout, il y a quelques heures, il était en train de combattre ses rivaux pour avoir le droit de s'accoupler. La testostérone sillonnait encore son corps et influençait son esprit. Malheureusement le propriétaire de sa nouvelle convoitise décida de mettre fin à sa vie. Il vola jusqu'au milieu de l'eau et enfonça sa tête dedans. Déjà Fenouil imagina le corps sans tête et sans vie. Il était trop loin pour qu'il put récupérer les plumes sans se mettre en danger. Mais à sa plus grande surprise, le Volant ressortit indemne. Pire, pas calmé du tout par son horrible expérience, il plongea entièrement dans l'eau ! Une mine horrifiée s'afficha sur le visage du loup-dinosaure. Il pouvait faire un croix sur ses belles plumes vertes et bleues. Là, il n'y aura plus rien à récupérer. Il allait se faire dévorer vivant. Malgré le peu de temps qui lui resta à vivre, l'Inconnu continua à lui parler comme si de rien n'était. C'était incompréhensible.

"Non. Je sais me gratter tout seul. Et je ne m'approche pas des morts en sursis."

Il recula de quelques pas et finit par poser son postérieur au sol. A cette distance, il pourra observer sans danger le Volant se faire happer par les Monstres des Profondeurs. Le spectacle pouvait commencer.

Asclepia était très mitigé de la réponse de l'individu. D'un côté, il avait avoué que ses plumes étaient jolies, assez pour attirer les femelles. De l'autre, il voulait le déplumer comme un vulgaire poulet, et ça n'était quand même pas particulièrement agréable. Ueh. Victoire, ou non ? Il n'arrivait pas vraiment à décider. Asclepia fit quelques brasses avant de se rapprocher du bord le plus proche de sa nouvelle rencontre, avant de s'y accouder. Tiens d'ailleurs :

Tu t'appelles comment au fait, Monsieur Jaime-Les-Loups-En-Rut-Qui-Ont-De-Belles-Plumes ?

Il agita ses ailes pour faire bonne mesure, les étalant sur la berge, bien visible. Mouillées, elles chatoyaient encore plus en accrochant la lumière. Il fit claquer sa langue contre son palais, engeôleur :

Allez, laisse toi tenter !

Il grattait la terre de ses antérieurs. Et minauda :

Si tu viens avec moi, je te donnerai une plume.

Ou deux. Ou zéro. Qui savait !

Il ne se passa rien. Pas de remous, pas de gueule garnies de crocs happant le Volant, pas de cris de terreur. Aucun bain de sang. C'était à n'y rien comprendre. A faire doucement basculer ses certitudes vers le doute. Aurait-il tort ? Pourtant les souvenirs de loups-dinosaures jouant innocemment dans l'eau et s'y faisant dévorer restaient encore frais dans sa mémoire. Ceux-là, il ne les avait pas rêvés. Çà avait été un enseignement bien trop bruyant et sanglant pour l'oublier aussi facilement. La question de son interlocuteur écarta momentanément son incertitude. Il accordait tellement d'importance et de fierté à son nom qu'il se laissa aller à le lui révéler.

"Fenouil. C'est le nom qui m'a été offert par les Ancêtres."

Orgueilleux comme il l'était, il bomba le torse et redressa fièrement la tête. Parce qu'il fallait faire honneur aux Esprits qui l'avaient choisi. Et aussi parce qu'il était suffisamment fort pour avoir été choisi. Bref, il méritait amplement d'avoir ce nom.

"Si tu le retiens, je retiendrai peut être le tien."

Voilà que le Volant mit bien en évidence l'objet de sa convoitise. Qu'est-ce qu'elles étaient belles ces plumes ! On voyait mieux leurs magnifiques reflets lorsqu'elles étaient étalées. Le loup-dino focalisa un moment son regard dessus. Il avait vraiment envie de les avoir. Mais ce désir se cognait contre sa peur des habitants de l'eau. Il émit un grognement de frustration. Il ne voulait pas mourir aussi bêtement. Mais en même temps la Bestiole avec laquelle il discutait, se déplaçait tranquillement dans cette satanée eau. Il finit par trouver un compromis. Il s'allongea et rampa doucement en direction de l'aile la plus proche. Couché, il sera une proie moins facile à attraper et à voir depuis les profondeurs. Il arrêta sa reptation lorsque son museau effleura l'aile. Il n'ira pas plus loin que çà. Pour l'instant.

"Prouve-moi que cette eau n'est pas dangereuse. Qu'elle ne va pas m'avaler."

Il avait parlé dans un murmure, n'aimant pas trop claironner sa présence aussi près de la menace aquatique.

Il se redresse. Il bombe le torse. Il s'annonce, comme une star. Voilà un point qu'Asclepia ne manque pas de noter, qu'il pourra utiliser plus tard. Enfin, plus tard...

Fenouil, c'est un très beau nom. Valeureux !

Il ne savait pas vraiment si un nom pouvait être valeureux, mais ce loup là avait l'air d'un guerrier pas d'une grand-mère. Fenouil. Quand on y pensait. C'était vachement drôle fenouil comme nom pour un loup aussi steackos. C'était à propos de ses oreilles qui ressemblaient à des bulbes là ? Il eut envie de rire mais se retint. Il allait probablement le vexer, alors qu'il avait bien du mal à-

Mais qu'est-ce qu'il branlait à avancer ventre à terre comme ça ? Bon, Asclepia était quand même vachement touché de l'attention dont ses plumes bénéficiaient, même si honnêtement il avait peur de s'en faire piquer une poignée.

A la questions susurrée à voix basse, Asclepia se pencha vers lui.

Je peux te le prouver très facilement.

Il lui jeta une gerbe d'eau sur le museau, tout sourire.

C'est de l'eau chaude. Aucun poisson ne survit là dedans. Et t'as vu la gueule de la mare : il serait bien triste, elle est toute petite. Allez. Viens !

Il agite un peu les pattes, savourant la douceur de l'eau.

Au fait. Je m'appelle Asclepia. Un beau duo de plantes, n'est-ce pas ?

Au moins, ils auraient ça en commun.

Il cligna doucement des yeux d'un air satisfait, appréciant le compliment sur son nom. Il reconnaissait sa valeur, n'était-ce pas une preuve que finalement le Volant était inoffensif ? Normalement, on ne complimentait que les gens que l'on admirait ou que l'on craignait. Fenouil était donc plus fort que lui, dans l'esprit du plumé. Cette information lui redonna confiance en plus de le conforter dans sa position de dominant.

La suite des évènements le déconcerta. Il se fit asperger de la terrible eau ! Il ne s'attendait pas du tout à une preuve de ce genre. Il en resta bête, comme deux ronds de flan. Heureusement rien de mauvais ne se passa pendant son instant d'ébahissement. Pas d'attaque venue des profondeurs. Ses poils touchés par l'eau ne partirent pas en fumée. Tout était comme normal. A l'exception de la température du liquide. Son cerveau finit par recommencer à fonctionner normalement et tous les nouveaux éléments dévoilés par le dénommé Asclepia s'emboitèrent. Parfaitement. Les mots du partageur de nom de plantes brillaient de logique. Et il fut convaincu.

"Alors, si je me soulage en me déplaçant dans la mer, je serai protégé contre les attaques !"

Il devrait simplement prévoir le coup et boire beaucoup beaucoup d'eau. Il ne restait plus qu'à tester cette nouvelle vérité. Sans attendre, il bondit dans la mare, cherchant à entrainer Asclepia dans son plongeon. Il comptait bien l'utiliser comme bouée ou appât en cas d'imprévu.

Ses paroles lui firent ouvrir grand les yeux - c'était une idée intéressante mais complètement con, dans une étendue plus grande :

Si tu veux les attir-

Il ne s'attendait pas à ce que, sans attendre, le loup brun se jette sur lui. Asclepia se mit à hurler, hurlement vite étouffé par l'eau qui lui rentrait dans la truffe, dans la gorge. Il allait. Fuck. Il allait se noyer comme une merde, envoyé par le fond par ce loup brun très bête. Il commença à se débattre, s'agiter, agripper de ses serres et de ses griffes le corps de Fenouil pour remonter.

Il finit par y parvenir, avalant une goulée d'air délivrante :

T'es CON PUTAIN-

Il nageait assez mal, Asclepia, et n'avait aucune envie de crever fut-ce dans un endroit aussi joli.

Il se fit avoir en toute beauté. Lui, qui était habitué à la solide constitution de ses pairs, se retrouva fort démuni lorsqu'il ne rencontra aucune résistance particulière. Ce Volant était aussi léger qu'une brindille ! Il s'enfonça sous lui. Oups ! Fenouil ne voulait pas le noyer. Pas volontairement. Il pouvait encore lui être utile. Et puis, il n'avait pas faim.

Heureusement, l'ailé avait une envie de vivre suffisamment forte pour survivre à cette apnée forcée. Comme une tique, il s'accrocha à la fourrure brune. Le loup-dinosaure grimaça en sentant ses griffes le pincer. Il eut envie de s'en débarrasser d'un coup de crocs. Mais il avait plus important à faire. Il fallait trouver un endroit où il avait pied. Pour perdre sa vulnérabilité. Il pataugea un petit moment, s'aidant sans vergogne de son camarade comme support. Lorsque enfin ses pattes touchèrent le fond, il se retourna vers lui. A son exclamation, il haussa un sourcil réprobateur.

"T'es nul comme bouée. Tu coules trop vite."

En plus, il ne savait même pas encaisser un choc. Il comprenait mieux pourquoi il avait de si jolies couleurs. C'était pour combler son manque de force. Çà devait être le plus beau et le plus coloré qui gagnait l'intérêt des femelles. Quel peuple si faible ! Si proie ! Juste bon pour le plaisir des yeux. Tiens en parlant de çà, maintenant qu'il avait fait un effort et qu'il était dans de l'eau chaude, Asclepia lui devait quelque chose.

"Plume ?"

Çà restait quand même son objectif primaire. Lui aussi voulait pouvoir parader avant d'affronter à violents coups de tête ses rivaux.

Leur barbotage dura un moment jusqu'à ce qu'ils puissent tout deux reprendre pied. Asclepia alors fit la moue, avant de prendre une gorgée d'eau dans sa bouche et de la lui cracher en plein dans les yeux :

C'est parce que je ne suis pas une bouée.

Que ça lui apprenne un peu là ! Le loup-paon souffla un filet d'air de sa truffe et agita ses ailes :

Tu as failli me noyer. Je ne suis pas sûr que tu les mérites.

Il affichait un air vexé. Mais Fenouil était maintenant à portée de pattes - il était temps de s'amuser. Il glissa ses pattes sous son menton, pour le gratter délicatement dans le cou, les enfouissant dans les longs poils de son col.

p'têtre que si tu me fais quelques câlins, je serais de nouveau disposé à t'en donner une.

Après tout, et étrangement, ça semblait important pour lui. Assez, en tout cas, pour qu'il quémande.

Et il se fit cracher dessus. Cette attaque était si inattendue que ses yeux furent touchés. Il les ferma et une mine horrifiée s'afficha sur son visage. Ses yeux allaient fondre ! Il allait finir aveugle à cause de cette eau bien trop chaude pour être tout à fait normale. Il allait devenir faible et une proie pour le premier prédateur passant par là ! La peur le fit respirer fort et il n'osa plus bouger. Çà y était, il était condamné. Sa fin était venue. Et... minute ! Une lumière s'alluma dans son cerveau. Asclepia avait osé mettre l'eau dans sa bouche. Cela voulait dire qu'elle n'était pas dangereuse ! Ragaillardi par cette conclusion, il papillonna vivement des paupières et éjecta le liquide indésirable. La vision lui fut rendue.

Il eut un sourire un peu béat, extrêmement soulagé de ne pas mourir aujourd'hui. Bon par contre, le Volant perdait la tête. Il lui parlait de câlins en échange de plumes et recommençait à jouer à la tique. En plus délicat car au lieu de se faire pincer, le voila grattouillé ! Fenouil en fut médusé. Il finit même par douter du sexe de son interlocuteur. Mâle ou femelle ? Impossible à dire. C'était aussi flou que la vapeur de ce trou d'eau chaude. Par contre, il eut une idée du pourquoi de ce contact physique. L'autre voulait bien entendu se faire pardonner de sa lâche offensive de crachat d'eau ! Mouais, il n'allait pas l'excuser aussi facilement. Il avait quand même crû devenir aveugle.

"Je ne veux pas me reproduire avec toi. Nos petits seront magnifiques, mais ils risquent d'avoir la même constitution faible que la tienne. Ils se feront dévorés parle premier Albertosaure venu."

Pour prouver ses mots, il posa l'une de ses grosses pattes sur le crâne de l'ailé. Il ajouta doucement de la force pour pousser progressivement la tête dans l'eau. Tout en douceur pour montrer qu'il maitrisait la situation et qu'il était le plus fort. Il n'allait pas le noyer une deuxième fois. Parce que là, il avait le temps de se dégager ou de prendre une grande inspiration avant que ses narines soient englouties.

"Un de mes câlins te briserait les os."

Il se laissa couler doucement, acceptant le contact en roucoulant, jusqu'à ce que l'eau lui rentre dans la truffe. Alors, il se déporta sur le côté et vint même se lover contre le col et le corps du grand mâle brun. Il se mit à lui mordiller la mâchoire, le premier contact ayant été concluant (il ne s'était pas fait briser une aile, ou deux, c'était pas mal) :

On est pas obligé d'aller jusqu'à se reproduire ~

Il piaille, frottant ses épaules contre la masse musculaire non négligeable de son acolyte :

Et puis imagine ! S'ils avaient ta force et ma couleur !

Il ne propose pas l'autre éventualité. S'ils avaient sa force, et cet orange étrange en guise de bleu. Bon. Asclepia minaude :

Un tout petit câlin alors.

Il devait avouer qu'il ne s'attendait pas d'autant d'esprit de participation de la part de ce loup qui ne souhaitait de prime abord même pas s'approcher de lui. Mais ne le regrettait pas : que c'était rigolo ! Quoi qu'un peu dangereux. Mais le loup-paon avait foi de pouvoir se sortir d'éventuel mauvais pas.

N'est-ce pas ?

Asclepia reconnut sa force et ne chercha même pas à se débattre. Il émit même d'étranges sons d'oiseaux. Il devait être vraiment croisé avec un volatile. Sauf que Fenouil ne parlait pas ce langage. Il haussa les épaules, ne se prenant même pas la peine d'essayer de décrypter. La suite lui plut moins. L'autre finit par se coller contre lui. Certes, il avait l'habitude des contacts physiques. C'était très utile pour faire face à une menace. Une barrière de cornes et de collerettes dressées intimidaient toujours un prédateur. C'était bien aussi pour ne pas grelotter de froid. Mais là, il n'y avait ni danger ni basse température. Il faisait même très chaud ! Fichue eau très bizarre.

"Tu es mouillé. Ce n'est pas agréable. Ni même utile."

Et puis, le Volant le mordilla et poussa des cris aigus et se frotta. Très désagréable pour ses oreilles. Trop intrusif. Trop demandeur. Le loup-dinosaure rejeta brusquement la tête en arrière et vint refermer ses crocs sur le museau de son interlocuteur. Il exerça une rapide pression, sans pénétrer sa chair. Un simple rappel à l'ordre. Ou un câlin particulier, tout dépendait des points de vue. Il rouvrit sa gueule et lâcha quelques mots d'une voix autoritaire.

"Non. Reste à ta place. Tu n'es pas Lame."

Il n'acceptait les excentricités qu'uniquement de son partenaire. Il lui passait tout, de l'idée la plus folle aux jeux physiques les plus étranges. Il le lui devait bien, vu qu'il avait pris soin de lui dès sa naissance. Il lui avait tout appris et protégé. Depuis presque deux ans, ils prenaient soin mutuellement l'un de l'autre. Ils formaient un duo inséparable. Il se sentit soudainement démuni sous la présence rassurante du Stygimoloch. Avec son intelligence, il lui aurait sûrement expliqué pourquoi cette eau était chaude et pourquoi Asclepia se comportait de cette façon. Mais il était seul face à tous ces mystères. Il était obligé de réfléchir et de décider par lui-même.

Il grommela des choses incompréhensibles concernant sa piètre situation avant de se dégager et de s'éloigner vers le centre de la mare. Il se déplaça prudemment, vérifiant la présence de sol sous ses pattes. Arrivé au rocher, il se débrouilla pour grimper dessus. Voilà, il était bien mieux au sec. De son nouveau point de vue, il put découvrir la petite cascade. Il songea à la boucher. Comme çà, il n'y aurait plus d'écoulement d'eau chaude. Sauf qu'il n'avait rien sous la patte pour çà. Temps pis. Plus tard peut être. Il reporta son attention sur ce qui l'avait poussé à patauger là-dedans.

"Une plume et je te pardonne."

Il se montrait grand seigneur. Car son pardon valait bien plus qu'une plume dans son esprit.

Le loup-paon gloussa, muselé de la plus belle façon qu'il soit. c'était drôle ! Tant que la violence n'était pas de mise, évidemment. Asclepia observa son grand ami aller prendre place sur les pierres, l'oeil sombre de jugement. Décidément, il ne pétait pas la forme. Asclepia l'observa un instant avant de complètement détourner la conversation :

Tu parlais tout à l'heure d'un Albertazur. C'est quoi ? Une fleur ?

Evidemment, il jouait à la bécasse avec son grand sourire innocent et ses présomptions qui n'avaient aucun sens. Mais peut-être le grand mâle aurait-il pitié de lui et lui répondrait-il. Peut-être même oublierait-il cette plume qu'il lui avait promise ?

Booon il finirait bien par lui donner. Mais il avait peur que ce don ne sonne le glas de leur discussion.

Le Volant ne sembla pas intéressé par le marché qu'il lui proposait si gentiment. Il ne fit pas mine de s'arracher une plume pour la lui offrir. Fenouil fut déçu. Il allait finir par être obligé de se servir par lui-même. Allait-il s'en prendre à l'aile ou à la queue ? Laquelle fera la meilleure sensation une fois accrochée sur son robuste corps ? Il hésitait encore. Il allait prendre le temps de réflexion. Et puis, il en avait marre d'être mouillé. L'eau était trop chaude pour retenter une deuxième baignade.

La question dégoulinant d'innocence d'Asclepia lui provoqua un froncement des sourcils. Comment pouvait-on confondre un Albertosaure avec une fleur. C'était une blague de très mauvais goût !

"Sérieusement ? Tu viens d'où pour ne pas les connaitre ? Bouarf. Tant mieux pour toi si tu as été suffisamment chanceux pour ne pas les croiser."

Ce prédateur était inloupable. Ou alors, on se rendait compte de sa présence bien trop tard. Lorsque ses crocs massifs se refermaient sur nos flancs et crac ! Pluie de sang et de chair. Plus de Styracosaure. Brrrr ! Cette simple image le fit frisonner. Sa fourrure s'hérissa et le voilà devenu un loup-hérisson tout mouillé. Finalement, il se sentait bien trop exposé, sur ce rocher au milieu de l'eau. Il se ramassa sur lui-même et bondit en direction de la berge la plus proche. Il retrouva un certain soulagement à retrouver le sol dur sous ses pattes. Il jeta un long coup d’œil autour de lui avant de se tourner le joli oiseau.

"Où sont les abris des tiens ? J'ai besoin de me reposer dans un endroit sûr."

La question, bien qu'aléatoire, ne tombait pas si mal. Parce qu'Asclepia non plus n'était pas d'ici, et soudain sa curiosité fut piquée bien plus profondément. Peut-être que ces Albertas étaient bien plus intéressants qu'ils n'y paraissaient ? Que c'était quelque chose de spécifique à ce bout de continent, qu'il n'avait jamais vu ? Il plissa les yeux et se trémoussa dans l'eau chaude, en appréciant pour sa part le contact rassurant et délassant. Ca n'était pas tous les jours, qu'il trouvait ça. Il faudrait absolument qu'il le note quelque part ! Avec un p'tit monticule, peut-être, pour retrouver l'endroit ?

Il agita ses pattes sur la berge, alors que l'autre la rejoignait, visiblement prêt à partir. Il roucoula :

Tu peux dormir avec moi si tu veux !

Et se rembrunit.

J'ai une piaule mais loin. C'est pas pratique là avec vos pattes aussi c'est lent.

Il fait des gestes de patte qui l'englobent tout entier :

Mais si tu me parle des Albertas je t'aide à trouver un coin trop cool où dormir !

Ouais, il se baladerait avec lui quoi. Pas que le coin soit craignos, de toute façon.

Dormir avec le Volant ? Il ne faisait pas assez froid pour un partage mutuel de chaleur corporelle. Il était même très dubitatif sur la capacité de ses plumes à tenir chaud. A la limite, Asclepia pourrait faire le guet pendant qu'il se reposa. Et encore, il n'était pas très convaincu pour lui confier aveuglément sa vie. Il ne voulait pas se réveiller avec une gueule autour de sa gorge parce que l'autre n'avait pas sû donner l'alerte à temps. Non, il lui fallait un abri suffisamment costaud et discret pour éviter ces désagréments.

Malheureusement, il ne pouvait pas compter sur son interlocuteur. Sa forteresse était trop éloignée ou trop en hauteur pour un loup-dinosaure comme lui. Il poussa un soupir agacé par ce contre-temps et par la comparaison. Il n'était pas lent. Il était sûr de pouvoir briser les os de ce fragile oiseau avec un coup bien placé. Tiens, il voulait à tout prix des informations sur l'effrayant prédateur ? Il allait les lui en donner. Temps pis pour lui si il avait des cauchemars après !

"Tu vois, l'Albertosaure avec ses puissantes mâchoires peut aisément te chopper en plein vol. Et te déchiqueter. Couic, plus d'Asclepia ! Il s'en fout de tes plumes lui. Il est sans pitié. Nous sommes ses proies de prédilection."

Il termina sa phrase par un profond grondement de courroux. Qu'est-ce qu'il pouvait détester être la proie de quelqu'un. Il refusait cette étiquette, qui était si proche de celle des faibles. Sans prévenir, il se détourna et commença à s'éloigner. Trop énervé pour garder une allure lente, il finit par céder à son émotion. Il se mit à courir, à foncer sous la végétation luxuriante. Un très bon moyen pour extérioriser ses sentiments négatifs et ne pas déplumer violemment le joli oiseau. Il eut d'ailleurs une pensée minuscule pour le Volant. Si il était aussi rapide qu'il le disait, le rattraper ne devrait pas lui poser de soucis. Et son esprit se ferma à ces pensées parasites. Il n'était plus qu'un corps brut, dépensant l'énergie alimentée par la colère.

Une sorte de monstre, donc, rapide et avec des grosses mâchoires. Mmh. Soyons honnêtes, ça n'impressionnait pas tant que ça le loup bleuté. Et ne vous méprenez pas ! C'était loin d'être parce qu'il avait une confiance totale en ses capacités ou parce qu'il s'imaginait déjà vainqueur de pareil adversaire, non ! C'était simplement parce qu'habitué à vivre son semi statut de proie, Asclepia avec ses os d'oiseau fragiles était bien en dessous des loups dans la chaîne alimentaire. S'il savait se défendre, il n'était clairement pas fait pour se battre.

Mais déjà l'autre... S'enfuit ? Doucement, tout d'abord, puis à fond de balle. Meh. Eh ! Asclepia s'ébroue et galope derrière lui, bien plus léger mais pris par surprise. Il est trempé, c'est pas pratique, il peut pas s'envoler comme ça ses plumes sont bien trop lourdes !

Mais Fenouil ne semble pas vouloir s'arrêter et après quelques foulées le loup-paon bondit et bat des ailes dans un envol chaotique pour le rattraper. Le chemin était plus court d'en haut. Profitant de son vol plus apaisant que la course barbare de l'autre babouin au sol, Asclepia d'une pirouette arracha de son séant une des plumes qui menaçait de toute façon de s'en détacher. Le fruit de son action entre ses crocs, il vint battre des ailes hardiment sous le nez de son nouveau copain :

Eh ! Attrape moi ! Si tu m'attrapes j'te la donne !

Elle était détachée, cette fois, prête à s'offrir.

Plongée dans sa colère, il perdit rapidement la notion du temps. Mais en réfléchissant, elle lui avait déjà été enlevée depuis bien longtemps. Depuis sa chute dans le Ruban aux Sept Couleurs. Depuis son passage dans le Royaume des Morts. Royaume dont il ne savait même pas si il en était sorti. Il pourrait même croire être en plein rêve. Enfin, cauchemar plutôt ! Non, il n'y avait pas assez de danger. Rien ne le poursuivait et il n'avait pas une seule blessure. Il n'était qu'une boule trop pleine d'énergie et de rancœur. Une flamme rousse dans une végétation verte. Mais une flamme inoffensive malgré elle. Qui haïssait sa position de proie.

Son arrivée particulière lui avait déjà consommé une grande partie de sa vitalité. Son corps ne pouvait pas lui fournir une énergie illimitée, même alimenté par la fureur. Sa course ne tarda pas à ralentir et son feu intérieur s'étouffa. Il n'était plus qu'un loup courant bêtement devant lui, avec les babines et le poitrail tâchés de bave. Tiens, il avait dû oublier de fermer sa gueule. Il la refermerait après avoir repris son souffle. Parce que là, il respirait aussi fort qu'un brachiosaure. Tout la propreté acquise par sa baignade avait disparu. Tant mieux, il se préférait sale que mouillé par de l'eau chaude. Sa propre odeur était la meilleure de toute façon.

Il ralentit l'allure et se sentit soudainement bien seul. Par où était-il arrivé déjà ? Et où allait-il ? Il ne connaissait pas cet endroit. L'inconnu était toujours inquiétant. Il ferait mieux de plonger dans la première grotte qui se dressera sur son chemin. Heureusement, son sentiment de solitude fut brisé par l'arrivée du joli oiseau. Il pensait l'avoir perdu car trop faible pour suivre son rythme. En tout cas, c'était la première fois qu'il le voyait voler et non sauter de branche en branche. A son défi, il lui lança quelques mots d'un ton moqueur.

"T'as réussi à me suivre ? Et tu sais voler ? Magnifique ! Tu mérites donc ton nom, le Volant."

Et son regard se posa sur l'objet de sa convoitise. La plume qui était agitée si près de son museau. Si belle. Si séduisante. Elle l'attendait. Elle sera à lui. Rien qu'à lui. Ses yeux s'illuminèrent sous l'envie de la posséder. Il bondit et vint claquer des mâchoires près des oreilles d'Asclepia. Il ne chercha pas à attraper la plume. Pas tout de suite. La manière brutale l'abimerait. Et il la voulait telle qu'elle l'était : magnifique.

"Vole, petit oiseau. Tu n'échappera pas longtemps à mes crocs."

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