Comme chaque matin, Ely avait observé le soleil se lever. Pattes jointes, corps allongé raide sur la roche du temple de Dairo où il vivant plus que nulle part ailleurs. Le quittait-il parfois ? Rarement. Lorsqu'un croyant souhaitait sa part de Dairo, et ne voulait pas la voir partagée. Alors, docile, il disparaissait entre les branches, partait découvrir un nouveau paysage ou chasser une bête pour mieux la ramener. Mais aujourd'hui, tout était calme. De toute façon, rares étaient les visites à cette heure où la brume n'avait pas encore quitté le sol, une heure où la rosée continuait d'apparaître et de perler les sombres feuilles des plantes vivaces.
Ely finit par se redresser, pensif.
Il devait trouver, comment aider au mieux. Aider le clan, aider Dairo. Elle avait cité les apprentis. Non pas qu'il manquât de volonté. Plutôt... De compétences. Un fait qu'il acceptait. Il voulait en changer, bien sûr ! Mais il craignait à chaque mouvement de faire plus de mal que de bien. Une parole trop lointaine des attendus de la société, une grondement qui apparaîtrait déplacé, et c'est son monde qui s'effondrerait. Il avait songé, longuement, à son altercation avec Salazar. Ce dernier n'avait pas été si innocent qu'il l'avait d'abord pensé, même s'il lui avait fallu beaucoup de temps pour comprendre.
Comme les autres, il ne l'aimait pas. Lui faisait-il peur ? Il était différent, il le savait. Mais en quoi ? Etait-ce quelque chose qu'il pouvait régler ? Il en doutait. Quelque chose, au fond de lui, lui murmurait que ça n'était pas la peine d'essayer. Alors, se résigner ?
Ou devenir autre chose, peut-être. Quelque chose de nouveau. Mais quoi ? Le loup gris passa une langue sur sa truffe, avant de se relever.
Mais quoi.Son regard se perdit dans la roche, dans la verdure et les escaliers. Les escaliers. Il y avait quelqu'un qui montait. Quelqu'un qu'il n'avait jamais vu, ou à qui il n'avait jamais fait attention ? Tout était possible. Dressé, droit, figé comme une pierre ou une statue bien mal placée au milieu du passage il la fixait de ses yeux dorés.
C'était un renard.Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Une incompréhension, aussi. Des mouvements vifs, et brusques, alors que la Bête approche. Marche par marche. Et Ely, figé, l'attend. Elle vient à lui, cette envoyée de Dairo, cette louve qui se faisait renarde, et qui déjà cachée sous son masque faisait vibrer son coeur, son coeur noyé de foi. Il ouvre à demi la gueule, pour mieux respirer. Son coeur, ses poumons ne demandent qu'à éclater.
Elle approche.
Ely finalement rompt sa position, pour lui livrer passage avec une attitude toute déférente.
A cette louve qui rentre chez elle.Il n'ose lui adresser la parole. Elle, ici à sa place. Alors qu'il n'est, aujourd'hui comme tous les autres jours, qu'un imposteur dont personne ne veut.