Elle venait de quitter Mido. Ses pas foulaient les terres qui autrefois offraient richesse et abondance. Malgré les efforts effectués, la Nature continuait de peiner à survivre ici. Des plants implantés étaient déjà courbés. L'eau était encore un Or Bleu, ne zébrant plus bien des endroits qui se retrouvaient dans un état d'assèchement inquiétant. Serket-Beatriz lâcha un soupir. Elle lança un regard à son ventre. Si enfant il y avait, devrait-elle continuer à vivre ici ? Ces terres ne semblaient plus vouloir abriter des êtres à peine né. C'était un milieu où même les adultes pouvaient plus côtoyer la Mort que la Vie. Non. Elle ne pourrait élever ses enfants ici. Ce n'était pas possible. Elle les condamnerait. Mais où irait-elle ? Un nouveau soupir s'échappa. Elle chassa ses pensées, ignorant encore avec certitude que la vie fleurissait en elle. Elle ne devait se projeter mais se focaliser sur aujourd'hui.

Le soleil tapait. Sa végétation commençait aussi à en souffrir mais il n'y avait nulle ombre pour s'abriter. Elle accéléra un temps le pas, la langue bien pendante. Elle finit par mettre les pattes au Bourbier. La boue dévorait encore bon nombre de lits mais d'autres laissaient voir l'espoir de leurs efforts. De l'eau circulait, certes en petite quantité mais au moins, elle commençait à être de nouveau acheminer et à redonner Vie. La Rose s'arrêta, lapant un micro lac. Cela faisait du bien se boire puis lorsqu'elle eut fini cette petite pause, elle s'enfonça un peu plus dans le Bourbier, chassant les moustiques du mieux qu'elle put. Elle ne fut pas longue à trouver le sentier menant au temple de la Dragonne. Elle hésita un instant. La dernière fois qu'elle y était allée, elle était haute comme trois pommes et Neït ... Neït était en vie. Pendant des années elle n'avait pu y remettre les pattes. Puis Ao avait ensuite maudit son frère qui était encore disparu. Etait-elle celle qui l'avait envoyé au-delà du dôme les séparant à jamais ?

Elle trembla un instant. La Dragonne devait bien rire de sa couardise mais Serket-Beatriz finit par relever la tête. Déterminée, elle s'engagea sur l'épais chemin. Elle pénétra dans le temple et elle fut émerveillée par le travail. Des pierres précieuses jouaient le rôle d'éclairage, des plantes luminescentes ... OH mais s'en était du terrier ! Elle s'en approcha. Elles semblaient bien se plaire dans cet endroit, cela était parfait. Puis, comme se rappelant où elle était, elle fit volte-face à la Statue et la salua d'une révérence que Moiro pourrait applaudir haut la patte.

« Bonjour, Ô Azur Ao.

Elle se releva, regardant les traits de la Déesse sur les nombreuses statuettes à son effigie. Serket-Beatriz pouvait sentir un grand nombre de loup s'étant occupé de ce lieu. La Dragonne devait être bien aimée. Elle garda son silence un instant puis enfin, elle s'agita, attrapant un objet de sa sacoche qu'elle déposa sur le rebord de la fontaine. Elle s'éloigna d'un pas, souriante. Une fiole arrondit trônait fièrement. Elle abritait un liquide d'un bleu royal magnifique. De son bouchon pendouillait une magnifique plume.

« Il s'agit là de la dernière création de votre feu prêtresse Neït, ma mère. Elle y a travaillé de nombreuses heures, ici, dans le fond de votre temple. Je pense que vous vous en doutez mais la fiole contient un poison des plus mortels. J'ignore quels composants elle y a mis pour ainsi le créer. J'ignore beaucoup de chose et je n'en aurais nullement l'usage ... A dire vrai, j'ose espérer qu'il était une Offrande pour vous. Un dernier acte avant que la Mort ne la frappe.  

Elle releva les yeux vers la Déesse. Ou du moins son effigie. Elle n'était pas là uniquement pour offrir ce dernier présent de Neït ...

« Je viens aussi chercher réponse. Mon frère vous a tant haï. de par Moiro, je sais qu'il porte votre punition. J'aimerai savoir où il se trouve. Ses yeux ont été clos pendant trop longtemps. Je souhaiterai lui effacer sa rancune et sa haine envers vous ou même envers d'autres âmes. Mère n'est guère morte par votre faute mais par celles d'autres mortelles. J'ose espérer lui faire entendre raison.

Et enfin, elle se tut. Elle se demandait si Ao serait comme Mido, gardant le silence sans prendre l'Offrande. Elle pria en silence, patientant.

Si Mido ne s'était montré, ce ne fut le cas de la Dragonne. Elle se montra sous sa forme draconique, impressionnant la fleurie, elle accepta le dernier ouvrage de Mère, avouant que le destin funeste de Neït avait été injuste à son égard ... Comme pour beaucoup d'autres vies. Ses oreilles s'agitèrent lorsque la Déesse l'en informa pour son frère. Disparu chez Yurai pendant le dôme, revenu à la chute de ce dernier. Elle était heureuse, déçue et peinée. Il n'avait daigné venir lui rendre visite. de s'inquiéter de son état après la prison verte qui avait coûté de nombreuses vies. La détestait-il au moins de ne pas plus la chercher ? Elle ravala un sanglot à cette révélation. Il était au moins en vie, c'était déjà cela. Et la fratrie se reverrait. Un jour.

Ce fut les dernières paroles d'Ao qui lui arrachèrent une joie colorée de crainte. Elle portait la vie ! Elle en était rassurée, elle serait bientôt mère mais il ne restait plus qu'à éviter les créatures du grand Nord. Elle réfléchit un instant. les nakhus, maîtres du Nord, connaissaient-ils ce danger ? Ne devrait-elle pas aller les en avertir ? Aux mots de la Déesse, les créatures étaient déjà là. Donc ils devaient le savoir ... Serket-Beatriz se retrouvait cependant bloquée. Elle devait aller justement dans le grand Nord mais le pourrait-elle en sachant la vie en elle ? Elle soupira, chassa ses pensées. Pour l'heure, elle ne devait pas y réfléchir.

« Vos réponses me vont droit au coeur. Je suis navrée de vous avoir importuner à son sujet.

Elle s'inclina.

« Puissiez-vous être bien-heureuse, Déesse Ao.

Et sur ces paroles, la fleurie quitta le temple, filant vers le terrier lumineux pour réfléchir à tout ce qui venait de lui être révélé.