Messy plants l P.V. Alth

C’était pas si loin de la marre qu’elle se trouvait Lewis, t’étais pas si loin d’elle que ça Cendres, au moins tu l’entendrais parler… mais à qui ? Là était toute la question.

« — … et là splash, le frangin il s’est pointé et me sort qu’il a tué le paternel. »
« — Mais arrêtes ! »

La pirate avait manié sa voix pour la faire dans les tons dramatiques. Perchée sur la branche d’un arbre, différentes grenouilles l’entouraient, Braise se tenait là aussi, dormant en contre-bas, comme si les activités de sa maîtresse l’ennuyaient. Faut dire que c’était plutôt calme en ce moment, la louve cherchait plus de noises que d’habitude aux prédateurs un peu trop grincheux, cherchant un peu plus le danger à chaque fois, comme si elle cherchait à se prouver quelque chose… mais quoi ? Là était toute la question encore…

En attendant de trouver la réponse, elle s’occupait avec son petit public d’amphibiens.

« — Mais si j’vous jure, rohlala, j’me demande bien ce qu’il est devenu, il a dû être rongé par la malédiction… »
« — Coup dur… Vous vous êtes pas revus depuis ? »

La louvette observa le ciel un long moment, avant de finalement répondre à la grenouille brune.

« — Non. Ce qui appartient à l’océan revient toujours à l’océan. »

C’était l’ordre des choses.

Lewis aussi y retournerait à la fin, parce que c’était là-bas qu’elle était née, que le sang de l’océan coulerait toujours en elle, quand bien même, elle était devenue une parjure aux pirates.

Qu’importe.

N’étaient-elles pas magnifiques toutes ces grenouilles ? Parfaites amies silencieuses, qui n’exigeaient jamais rien, aucune fidélité, aucun principe…

La patte de Lewis vint effleurer leurs têtes avec douceur, un sourire attristé étirant ses babines. C’était si compliqué d’être ami avec ceux dont d’apparence elle ressemblait. Les Nakhus avaient une vision des choses tellement différente, si éloignée de sa perception du monde… Ah… étais-ce pour cela que Trixie était partie des terres de Punk Wolf ? Pour fuir ce monde où elles n’auraient jamais dû avoir leur place ? Tant que de questions auxquelles Lewis n’aurait jamais de réponses.

Le museau de Cendres venant trouver le sien surpris Lewis, bien plongée dans ses pensées. La louvette écarquilla les yeux, surprise de le voir, après l’épisode de la tortue. Elle n’avait pas cherché à le trouver, pas suite à l’épisode de la tortue, ni à sa conversation avec Oiseau-Qui-Échappa-À-L’-Océan.

« — Cen… dres ? »

Les pattes de la mauve viennent se refermer autour du cou de Cendres, alors qu’elle enfonce sa truffe dans les poils de son encolure.

« — Toi aussi tu m’as manqué p’tit loup. »

Parce que ses amis étaient si rares et que lui seul semblait comprendre plus ou moins son mode de vie. La pirate se recula, penchant sa tête sur le côté, plutôt curieuse.

« — Mais qu’est-ce que tu fais là ? »

Les grenouilles coassèrent doucement.

La louvette attendit la réponse de son ami, qui semblait bien pensif… Hum… Lui cachait-il quelque chose ? La pirate n’eut pas le temps de la questionner davantage que déjà il lui parlait d’un crapaud. Rien de mieux pour changer de discussion !

« — Ouaiiiiiis ! »

Lewis jeta un rapide coup d’oeil aux grenouilles déjà amassées autour d’elle. Bah, elles étaient toute unique, même si certaines se ressemblaient physiquement, leur caractère lui, était bien différent. La louve pinça donc les joues du loup blanc.

« — Bouh Cendres, dis pas n’importe quoi y’a jamais assez de grenouilles ! »

Le monde devrait en être repeuplé d’ailleurs, parce que ces petites bêtes étaient vraiment incroyables.

Il jouait sur les mots Cendres, c’était intéressant… Lewis l’observa un moment pensive.

« — Hummmm. »

Mais l’observation fut de courte durée, lorsqu’il lui mit un crapaud sous le nez. Ah ! Il était en bon état et semblait déjà avoir vécu de belles années. Lewis n’était en mesure d’estimer son âge exact sans les livres de la bibliothèques, mais pas sûr que le batracien se laisse conduire aussi loin.

« — C’est un crapaud commun ! À l’état sauvage ils peuvent vivre presque aussi longtemps que nous, c’est vraiment fascinant… » Lewis se tourna pour laisser Poe grimper sur sa tête. « Ça veut dire que Poe sûrement cela après ma mort ! »

Une petite trace d’elle sur ces terres, quand bien même son esprit se sera envolé. Une perspective qui ne l’attristait nullement comme le montrait si bien sa mine joviale. Mourir c’était dans l’ordre des choses, rien de plus, rien de moins.

Un sourire compatissant vint étirer les babines de la louve qui posa alors sa patte contre la joue de Cendres.

« — Chuuuuut. »

Lui n’avait pas encore connu la perte d’un être cher.

Encore si jeune, si innocent.

Lewis, elle, pleurait encore la mise à mort de son père au fond. Lui qui n’avait eu le temps de la guider dans le chemin semé de pièges que représentait la vie. Celui-Qui-Fut-Emporté-Par-La-Fumée-Du-Renard, en réalité déchiqueté par sa propre chair, son propre fils. Un autre dont la pirate ne pouvait que regretter l’absence. Oui, elle avait tant perdu, au point qu’elle n’avait plus rien à perdre.

Sauf peut-être ces débuts d’amitiés qui lui semblaient bien étranges.

Sauf peut-être son lien avec Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort.

La mauve se contenta de soupirer.

« — La mort n’est que le commencement. Je serais toujours là. »

Lewis vivrait au travers du souvenirs de Cendres et des autres, parce que c’était ainsi que les choses fonctionnaient n’est-ce pas ?

Étais-ce là, ce que les autres appelaient le désir de vivre ? Le regret de la mort ? Que se passerait-il si Lewis venait à trépasser ici et maintenant ? La mort ne lui avait jamais être une punition, ni même une menace, simplement le fait des choses, car elle n’avait rien à laisser derrière elle. Du moins, avant. Qu’en serait-il maintenant ? Qu’est-ce que la mort l’obligerait à abandonner ?

Tout

Son lien avec Celle-Qui-Se-Tient-Tranquille-Dans-La-Mort.
Son amitié à l’égard de Maître Corbeau, Rhaegar, Oiseau-Qui-Échappa-À-L’-Océan.
Son amitié, son lien précieux avec Cendres.

Par le gamin lui avait montré comment oublié, sans même sans rendre compte, il lui avait permis d’aller de l’avant, de mettre les morts de côté, d’oublier les pirates, mais aussi de ne pas regretter ses choix.

Un sourire étrange vint étirer les babines de Lewis.

« — D’accord p’tit loup. »

Fermant ses paupières, la louve posa son front contre celui de Cendres, scellant sa promesse.

« — Je ne m’éloignerais pas. »

Pas tant que la mort ne l’arrache de ce monde.

Pas tant qu’elle aurait quelque chose à préserver.

Poe en profita pour coasser, perché sur sa tête. Visiblement l’amphibien était plutôt content de retrouver ce loup avec lequel il pouvait parler. Lewis se contenta de sourire, sa queue remuant alors lorsqu’il parla de construire une cabane pour le crapaud. Si seulement il n’y avait que lui ! Ils pourraient construire un abris suffisamment grand pour abriter plusieurs amphibiens, voir même eux en plus !

« — Une grande, grande cabane alors ! »

Parce que malgré sa petite taille, la pirate aimait voir les choses en grand.