Tombe le mauvais temps [Te hari]

Lorsqu'il vivait encore dans ses souterrains, Junlahdwiin aimait la pluie. C'était quelque chose de rare qu'il ne pouvait avoir que lorsque son toit s'ouvrait en une immense cavité inatteignable sur le monde extérieur. Il avait passé tant d'heures, le museau pointé vers ce ciel trop haut à profiter de ces eaux qui ruisselait le long de son pelage court et ses pièces de métal. Durant ces moments là, il avait l'impression que cette pluie si douce, si rafraîchissante, si purifiante formait un pont entre ces deux mondes, celui du ciel, celui de la terre qu'il habitait. Son pelage se faisait laver de toute poussière, il pouvait ouvrir la gueule et goûter un peu de cette eau extérieur si douce. Durant sa vie dans les souterrains, il avait vraiment adoré la pluie.
Il fut assez déçu de se rendre compte que dans le monde extérieur, elle était beaucoup moins agréable.

Il pleuvait depuis ce matin. Oh pas un déluge non, mais ce genre de pluie qui vous détrempait tout de même au bout de dix minutes et elle n'avait fait aucune pause. Les montagnes se faisaient également plus dangereuses, plus glissantes pour lui qui pesait trop lourd alors en désespoir de cause, Jun avait essayé de s'abriter. Mais trouver un endroit au sec quand on l'a si peu fait durant sa vie et qu'on connaissait mal les lieux n'était pas chose aisée. Le loup ocre s'était finalement installé sous quelques taillis épais et il s'y tenait maintenant assis mais on ne pouvait pas vraiment dire que ça l'abritait véritablement. Une petite marre se formait à ses pattes mais elle se formait partout, sa tête était à demi dans les feuilles, ses cornes presque emmêlées dans les branches les plus basses tandis qu'un léger filet d'eau tombait en gouttière du bout de son menton. Il attendait que le mauvais temps passe, les oreilles à l'horizontale, les yeux fermés dans une tentative vaine de se reposer un peu, la tête un peu rentrée dans les épaules et la mine de chien laissé dehors.

Au delà du clapotis des gouttes de pluie sur le sol, les feuilles et ses pièces de métal, une voix enfantine au dialogue difficile. Junlahdwiin ouvrit doucement les yeux pour voir apparaître devant sa truffe et visiblement nettement moins dérangée par la pluie que lui, la silhouette d'une louve aux traits encore très jeune, dotées d'immense ailes mais différentes de celles qu'avait la louve ange et à la queue longue et fine. Le mâle ocre resta interdit quelques instants, se contentant de faire du clair dans son esprit alors que la jeune elle, riait d'une voix clair. Dans un son mécanique, le diaphragme de son faux œil fit la mise au point, comme s'il avait du mal à voir l'existence de cette apparition soudaine, Jun lui même était surpris en réalité, ne s'attendant pas à une nouvelle rencontre, piouvant encore compter toute celles passées sur les doigts d'une patte.
Il ouvrit la gueule, légèrement avant de la refermer, incertains. La seconde d'après, une feuille céda sous le poids de l'eau et vint faire tomber tout son contenu sur le  haut du crâne de Jun qui afficha une tête encore plus dépitée, il la pencha un peu sur le côté, ses oreilles toujours à l'horizontale.

« Je ne dirais pas non à un véritable abris. »

Il commençait également à avoir un peu froid, à cause de son pelage fin et la fraîcheur de l'altitude en ce temps de pluie.

Il la suivit, être mécanique qui progressait sans discrétion derrière la jeune louve. A chaque pas, le mâle ocre prenait soin de ne pas glisser dans les pentes formées par la montagne, laissant derrière lui sans vraiment le vouloir mais sans pouvoir l'éviter, de grosses traces de ses pattes d'acier dans la boue du chemin. Le froid le saisissait jusque dans ses os, Jun n'était pas vraiment un loup fait pour les temps de pluie dans les fraîcheurs montagneuses, ni pour supporter quelconque intempéries, son pelage s'étant bien plus habitués à la pénombre et la poussière des souterrains après toute ces années.
Lorsqu'ils arrivèrent devant la petite grotte abris connue de la jeune femelle, Jun l'imita, s'ébrouant lui aussi mais avec bien moins d'aisance qu'elle à cause des larges pièces de métal qui composait son corps. Au moins put-il essorer sa longue tresse gorgée d'eau qui gouttait en discontinue avant de lui aussi prendre place à un endroit de la caverne. Il s'assit, puis hérissa son pelage avant de rentrer sa tête dans ses épaules dans quelques tentatives vaine d'avoir plus chaud. Son œil mécanique pivota vers la petite femelle lorsqu'elle se présenta.

« Junlahdwiin, enchanté. »

Il détourna son regard, dans un excès de timidité.

« Merci pour... cette aide. »