Un grain de sable dans la tête ✡ Alexandrine

D'un commun accord, il fut décidé de se retrouver sur le chemin vers l'Atoll.

Il avait quitté Alexandrine, partit d'un claquement d'aile retrouver Anette pour la tenir informé de son expédition. Ses yeux avaient suivit le corps large et haut, en prise d'envol. Sans jamais s'en détacher, jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière les cimes lointaines des pins.
Malgré son corps médioligne, son ossature puissante et la complexité de sa musculature... Il paraissait maigre et petit, quand il se tenait à côté d'elle. Plus encore. Il paraissait maladif, avec sa gueule tirée quand c'est une expression si entière et vivante qu'arborait la louve.
Mais qu'aurait-il pu espérer devenir, en étant fils de Pepper, plus petite louve de cette meute mais pourtant l'une des plus redoutables ; face à une fille d'Anette, si grande, si forte, qui de sa seule présence s'imposait.
Il ne tenait pas beaucoup de Pepper. On le lui avait fait remarqué, déjà.

Quand a regarder Alexandrine, il ne pouvait voir qu'Anette doté d'ailes.

Quand il pose une patte en dehors des frontières, sans doute est-ce là qu'elle vient le rejoindre. Il avait un peu trainé en chemin, s'arrêtant pour soulager ses démangeaisons récurrentes, grattant frénétiquement un flanc d'un postérieur pour en arracher des poils comme en faire sauter des puces. Il en avait profité, tant qu'elle n'était pas là.
Désormais, il se devait davantage de contrôle.

Il en est capable, Désastre. C'est ce qu'il sait le mieux faire. Se contrôler. Refouler. Ne pas se laisser exister.
Il contracte ses abdos et tend ses muscles alors qu'il adopte un trot rapide, lève la tête vers celle qui vole. Il ne sait pas vraiment où ils doivent se rendre, il compte sur elle pour lui indiquer le chemin.
Il ne sait pas s'il doit lui dire, qu'il calque ses mouvements sur ses déplacements aériens, en assurance qu'elle ne suive ses pas de ses ailes.
Mmh.

« C'est toi que je suis. »

La précision est donnée, maintenant il lui faisait confiance.
Le chemin est donc fait, jusqu'à ce qu'il trouve le sable sous ses coussinets. C'est un contact qui le fait à chaque fois frémir, cela titille les perceptions de ses doigts.
Puis l'eau salée succède à la plage.

Soulagement intense, que l'eau fraiche venue apaiser ses démangeaisons.
Et la chaleur de s'oublier, quand il est ainsi rafraichit.

Parfois, sa tête est immergée et il nage longtemps sous l'eau, profite de ce don gagné en cherchant à venir au secours de Holly, avant que Dairo ne leur porte aide.
Parfois, il ouvre ses yeux, observe ce monde marin. Plus encore aux abords de l'atoll. L'eau est si clair.
Il revoit les poissons clown.
Il ne sait toujours pas pourquoi ils sont drôles.
...
En sortant de la mer il ne prend la peine de s'ébrouer, garde son regard sur ceux que l'on voit nager en transparence.

« Tu les trouves drôles, toi ? »

Alexandrine riait de beaucoup de chose, Désastre faisait lui beaucoup de raccourcis.

En brochette, elle les trouvait drôle. Peut-être, ce n'était donc pas certain.
Soit.
Il va juste oublier, passer à autre chose. Un haussement d'épaule, pour laisser de côté cette question posée de lui-même ; comprendre un jour pourquoi on les nommait clowns. Il se doute qu'il lui manque quelque chose, dans cette notion inexistante d'expressions de langue qu'il possède et qui souvent le prend à revers.
Comme là.
Pètes-burnes.
Il fallait s'en douter, que ça le fasse tiquer, un peu.

Il a relever le museau et ne pense soudain plus à ses citrons. Ceux qu'il doit chercher et trouver sur l'Atoll, pour ses puces, pas...

Il cille et pose une vague réflexion sur ça aussi, lui qui analyse et réfléchit trop à côté, qui pense trouver raison quand ça n'est que désillusion. Qu'importe, ce n'était qu'une façon comme une autre d'occuper l'esprit en constant mouvement.
S'il sait quelle partie est concernée par la deuxième partie de ce nom composé, n'en reste que l'ensemble revêt quelque chose de spécial. Il entrouvre la gueule, hésite un vague instant durant lequel il reste en suspend.

« Tu dis ça... Parce qu'elle a fait quelque chose à Narcisse, ou bien c'est une expression ? »

Il y a quelque chose d'inquiétant derrière l'air qu'emprunte son visage, à Alexandrine, dans la façon dont elle jette un coup d’œil à la plage. Elle parle presque avec agacement, il se demande aussi si elle n'est pas inquiète.
Il n'a pas l'habitude de lui trouver telle expression, est-ce le cas de le dire.
Au cas où... Le panseur prend ce même statut d'observation, balaye le littoral de ses yeux carmins, cherchant une silhouette féminine sans forcément s'attendre à y voir une autre forme d'Anette, conscient de la différence de stature qui pouvait opposer parent et enfant.
Lui n'avait que l'encolure garnie de Pepper, après tout, et ces étoiles dans les yeux, pour la rattacher un peu à elle.
Il ne voit rien, la réponse se trouverait-elle dans cette seconde partie de phrase ? Celle du doute, qui suppose que les mots prononcés étaient une expression plutôt qu'un fait avéré. Il le doit à Holly, ça. Plusieurs fois rattrapé sur le fait qu'il n'avait pas su comprendre l'une de celles-ci, de ses erreurs il avait appris, y pensait maintenant plutôt que d'y foncer tête baissée.
Pourtant, se ferait un jour réavoir, quand de réflexion il baisserait, il le sait.

L'oreille entendante s'agite, il plisse un peu les yeux.

« Je ne savais pas. Qu'elle n'était pas Etelkru, la mère d'Anette. »

Murmure. Raccourci fait, là aussi, puisque celle-ci était isolée du reste de la meute. Loin des terres, vivant sur une plage...
Une vie étrange. Sans personne à servir, sans aucun devoirs. Sans ce précieux objectif qu'était celui d'être utile à la meute.
Une vie qu'il ne pouvait comprendre, Désastre, emprisonné dans celle qu'on avait choisit pour lui.

Casser les couilles était semblable au fait d'être une vieille conne. Il hoche la tête, à l'air de comprendre maintenant. Aussi inutile que puisse être cette information, il se décide à la retenir. Cela pourrait être utile. Plus tard, face à Alexandrine. Ou devant Holly, aussi, qui plus qu'une autre usait d'expressions.
A l'annonce de Piclou il redresse un peu les oreilles, répond machinalement.

« Non, c'est vrai. »

Il ne les avait jamais écouté, pour parler plus simplement. Il n'était qu'un loup qu'il avait observé, de loin, dans sa carrure pataude et son âge avancé. Il le savait père d'Anette, et grands-pères des amis ; voyait qu'il possédait un air plus sage et vénérable que sa propre grand-mère, Pomme. Bruyante, expressive, à toujours resserrer ses pattes autour de ses épaules et à trop le toucher de son museau, à l'aimer de façon si démonstrative...quand parfois avec elle il passait un peu temps.
Moins depuis qu'il était adolescent, et que Pepper n'avait plus à le laisser en garde à sa mère.
Mais elle n'avait jamais trop eu d'histoires à lui raconter.
Peut-être devrait-il lui en demander. Peut-être était-ce là le devoir des grands-parents.

Cette réflexion est laissée de côté, quand Alexandrine revient vers lui. Elle tient quelque chose entre ses crocs, qu'il regarde puisqu'elle le lui avait demandé...
Fronce les sourcils, un peu.
C'est quoi, cette araignée cuirassée ?
Ah, oui. Un crabe.
C'est la première fois qu'il en voit un autre qu'illustré, il ne fréquente pas beaucoup la plage.

Et trop habitué à obéir, Désastre ne bouge pas quand Alexandrine le lui demanda.
Peut-être un peu curieux, de savoir pourquoi il ne doit pas bouger.

C'est comme ça qu'il se retrouva avec ce crabe sur le nez.
Parfait, dit-elle.
...
...

Et lui doit faire quoi, maintenant ?

Il arrondit ses yeux en regardant l'animal si proche d'eux -avec ses pinces, qu'il ne le fasse pas borgne avant l'heure- bouge sa tête pour le garder présent sur son museau, ne pas le laisser joindre le sable de sa plage. Penche la tête, à gauche, à droite, avance son cou et fléchit ses antérieurs pour redresser ensuite le museau.
Il bouge, le crabe, lui pique le nez de ses pattes. Il veut fuir mais lui toujours se positionne de sorte à le conserver là, en équilibre instable.
C'est ça ?! C'est ça qu'il doit faire ?!
Il se concentre dans cette tâche, que de conserver l'animal sur sa tête. Prestation unique qu'il délivre dans un sérieux trop grand pour le jeu que cela est, bon à devenir bientôt otarie gardant un ballon sur sa gueule.

C'est plus difficile qu'il n'y parait.
Il veut vraiment se sauver, le crabe.
Et Désastre veut vraiment réussir, à l'en empêcher.

« Q-quel est cet entrainement, c'est ce que tu fais avec Anette ?! »

Ah, tiens, c'est presque si tu bafouilles Désastre. C'est rare.
Et d'ouvrir la gueule fait chuter le crabe, qui à une babine se rattrape. Le fait mi-grogner mi-couiner, quand il lui arrache une moustache au passage avant de chuter dans le sable.
Pour ne pas aller bien loin.
D'une patte qui s'abat sur la coquille, Désastre le bloque. Relève ses yeux carmins vers Alexandrine.

« Trente-neuf secondes. Montre-moi comment tu fais, pour tenir plus longtemps. »

Il croit comprendre l'exercice, en saisit tout l'intérêt. Garder une chose en mouvement sur sa tête, c'est améliorer sa capacité de concentration et ses mouvements fins, s'est appendre à mieux se gérer dans l'espace.
Allez.
Bientôt le palmarès de celui capable de garder le plus longtemps possible un crabe sur son museau.

Elle rit fort.
Brouhaha dans sa gueule qu'elle retenait jusqu'à là, avec ses pattes plaquées contre son museau, et qui maintenant éclate à la tombé du crabe. Non. Un peu avant. A la question.
C'est ça, qui l'amuse autant ? Il agite une oreille, celle qui entend, plisse les yeux et l'écoute lui apporter la réponse. Ah. Il s'était mépris, avec le crabe.
Il avait mal compris.
S'était même bien emballé, à penser tout de suite à l'entrainement. Il lui revient comme un malaise, ressenti lorsqu'il avait cru que les chatouilles d'Anette était un combat, alors qu'il n'était que tout, tout petit, et qu'Alexandrine n'existait pas vraiment encore.
C'est un peu la même chose. Encore une fois, c'était la première pensée qui lui venait. Et elle était souvent fausse. Pour ne pas dire toujours.
Il plisses ses yeux, tant qu'il en a encore deux.

Bien sûr, qu'avec Anette elle ne jouait pas avec un crabe.
Comme lui ne joua pas avec Pepper, à ce qu'elle énuméra en réponse, de ces exercices de souplesse et de ce renforcement connu trop tôt.

Il se contente d'hocher la tête.
La surprend toutefois à relever ce qui se trouvait être un défi, de cette tête qu'elle rejette en arrière. Et sur son nez, la fille-dragonne pose ce crabe, qu'elle dit tout énervé.
Se laisse aller au même manège que lui, le tient en équilibre.
Désastre recule de quelques pas, quand elle ferme les yeux et que ses mouvements amples lui laisse craindre de recevoir par inadvertance sa queue dans les côtes. Il voulait bien regarder, mais préférait éviter de rentrer blesser.
Un dernier bond, et puis ! Le crabe disparait sous l'eau, Alexandrine aussi.

Un souffle s'échappe de son nez, alors qu'il se rapproche d'elle, tourne un peu la tête et clos à demi les yeux pour épargner ses yeux des gerbes d'eaux qu'elle envoie de ses ailes. Plutôt que de s'y jeter dedans il préfère rester debout, l'eau jusqu'au jarret. Toujours modéré, portant toutefois un regard autre sur cette situation.

« Trente-cinq secondes.
Mais il était plus énervé. »

Comme une pincée d'humour qu'il gratte de sous une griffe, petit grain de sable qui se retrouve dans des paroles quittant la stricte vérité pour s'autoriser un peu de liberté dans ses pensées.
...
Il redresse le museau et porte sur lui un air de réflexion, gueule entrouverte. Comme s'il humait.

« C'était... Drôle. »

Oui. Quelque chose comme ça. C'était drôle, de faire tenir en équilibre un crabe sur son nez.
Puis il se détourne et cesse de trop cogiter, lui tourne le dos pour rejoindre la plage. Il ne tourne qu'après un pas la tête dans sa direction, par dessus son épaule.

« On va chercher les citrons, maintenant ? »

Que de cette expédition, il en résulte quelque chose.

Il plisse les yeux et relève le museau dans un air de profonde réflexion, à l'idée d'un concours de tenue de crabe sur le museau. Mmh. Il se questionne, sur le temps que tiendrait les nommés. Réfléchit sur l'agilité et la patience de chacun, sur leur sens de l’équilibre.
Achève par cette conclusion.

« Je pense que Narcy aurait un avantage. A cause de son nez...Ça aiderait à tenir le crabe, enfin à l'empêcher de tomber vers l'avant. Il pourrait bien être le roi. »

Oklm tes réflexions Désastre.
C'est avec le plus grand des sérieux, et avec une réelle logique imputée à ces mots, que le jeune mâle avait émit ces mots-là. Non pas qu'il ait eu quelque chose contre le singulier nez de son ami proche, appréciant même cette forme pointue qui rappelait les chauves-souris qui survolaient la rougelande au crépuscule. Mais il pensait réellement que cela pourrait l'aider à faire tenir quelque chose sur son museau, dans une sécurité supplémentaire que cela octroyait à la tenue de la dite chose.
Il n'y aurait plus qu'à le constater, maintenant.
C'était un jeu, comme un bon entrainement ; lui rappelant la pensée première que c'était Anette qui aurait montré telle chose à Alexandrine.

« On pourrait la défier, elle-aussi... Anette. »

Le portée de crabe allait devenir sport collectif de leur nation.
Son esprit s'allège au fur et à mesure de la communication avec Alexandrine, ses pensées s'éclaircissent à chacun de ses pas fait dans l'eau.
Il regagne la plage, serein.

Les citrons, maintenant.
Il hoche la tête en guise de réponse.
Jaune, et sur les arbres...

Auprès des arbres de l'île, ils s'avancent, se fondent dans les vergers. Ignore les grosses noix de coco, dont il trouve la coquille singulière (une très grosse noix, poilue, étrange, avec trois yeux noirs ; elle ressemble un peu à une araignée sans patte, ou à un monstre, et il décide de ne pas aimer ce fruit moche).
Alexandrine fut la première à trouver les citrons.
Un piaillement et elle s'envole, du moins bondit et ouvre la gueule pour en attraper un.

Il la rejoignit.
La regarde.
...
Ecarquille les yeux et penche en avant la tête, pour l'observer d'un air peu coutumier quand elle semble prit de quelques démons.
...
Comment ça, putain de merde ?
Qu'est-ce qui ne va pas ? Est-ce qu'elle allait faire une réaction allergique devant lui ? Est-ce qu'il devrait la toucher et lui donner ses puces, mais ainsi la sauver ?
Il ne sait même pas quoi faire, en cas de réaction allergique, seulement la reconnaitre à moitié. C'est bien malin.
...
Il avance encore un peu plus sa tête, le panseur, respecte la distance.

Ca pique ?

Les yeux deviennent ronds, lui donnant l'air choqué alors que son regard tombe sur le coupable de l'état d'Alexandrine, mâche à demi un murmure.

« Mais où sont les épines..? »

Il ne le connaissait qu'en rondelle, dans un thé. Abruti. Et il était acide, non piquant.
Il avance une patte et tâte la peau.
La recule vite, une fois le contact fait. Par précaution. Au cas où il se taperait lui aussi un truc qui pique. Merde, quelle mauvaise idée, de partir en trouver.
Il se sentit un peu comme un chat devant un concombre.

Pas de dégoût en la regardant cracher, ne cesse de l'observer agiter sa mâchoire et se défaire de quelque chose. Elle bave beaucoup, quand même.
Un peu inquiétant, non ?
Voyant toutefois que d'épine il n'y avait pas, que la peau était lisse et de relief faite... Il ouvrit la gueule et reconnecta quelques pensées entre elles.
Piquer la bouche, une expression, encore.
Oui.
Ok.
C'est bon.
Enfin, bon... Non, c'est peut être dangereux.

Ses oreilles s'agitent et il a l'air de se reconcentrer, du moins se reconnecte avec la réalité quand Alexandrine reprend la parole.

« A-Ah non c'est pour le poil, pas pour manger...Je crois que ça ne se consomme que en infusion dans le thé, et pas pour la..kisine. »

Ses crocs supérieurs se referment sur sa lèvre inférieure. Réflexion. Encore.
Il chauffe un peu là.
Léger coup de stress, il ne se défait plus d'elle, au cas où subviendrait des symptômes.

« ...
Mmh.
...
Est-ce que tu es sûre de ne pas faire une allergie au citron ?
...
Tu devrais ouvrir la gueule pour que je vérifie si tu n'as pas tes amygdales qui gonflent. »

S'en devient une obsession, c'est bon, il se doit de s'en assurer maintenant qu'il y a pensé, parce qu'il n'arrive pas à en décrocher.
Et qu'il est chiant, quand il ne décroche pas, avec les yeux presque prédateurs.

« Je- »

Desastre.exe cessa de fonctionner lorsqu'elle évoqua lorsqu'elle évoqua des mygales dans sa gueule.
Il la regarda avec un regard plus vide que jamais, l'expression bugué. Blue screen dans son regard, cerveau déconnecté, il était visiblement perdu et pourtant resté accroché à ses lèvres.
Pourquoi...
Pourquoi lui parlait-elle de mygales..?
Est-ce qu'il avait dit ça ? Est-ce qu'il avait employé ce mot au lieu d'amygdales, occasionnant chez la louve une erreur de réflexion ?
Il n'a pas assez articulé.
C'est ça. C'est forcément ça. Sa voix est grave et il n'énonce pas forcément très bien, il parle bas dans un timbre morne et il est fréquent que ses mots se mêlent où entre eux se collent. Elle n'a pas pu bien le comprendre, parce qu'il ne parle pas très bien.
Oui. Oui, forcément.
Tout s'explique.
...
Ou peut-être possédait-elle un bouchon de cire dans une oreille ? Ah. Oui, ça aussi c'était possible. Mais il ne se voyait pas aller regarder dans celles-ci. Quand bien même son regard, déjà, y remontait, alors qu'elle continuait à parler et que d'une oreille moins attentive, il écoutait ses propos...

...
Merde, comment ça ça grattait dans la gorge ?
C'est bon.
C'est une allergie.
Mmh.
Il croit.

Il finit par poser des yeux écarquillés (non, exorbités) dans les siens. Lâche le plus naturellement du monde, à ses dernières brides de parole.

« ...C'est quand on dort, que les araignées entre dans la bouche. »

Il l'a entendu quelque part, Désastre. Et il y a cru : s'il ne l'avait jamais constaté chez lui, il ne l'avait jamais invalidé non plus.
Il voyait parfois une araignée, dans un recoin de sa grotte, dont la toile finissait un jour vide. Ne l'ayant jamais vu emprunter une quelconque sortie, s'était permit de poser parmi plusieurs hypothèses que c'est au fond de sa gueule, qu'elle avait terminé de façon imprudente.
Il n'en était pas mort, si c'était le cas. Alors...

« Mais ce n'est pas grave, si ça arrive. Grandes-Pattes ne doit pas être dangereuse, même si elle vient...du...manoir. »

Sans doute. Oui. Grand scientifique qu'était le Professeur Désastre, aux compétences égales à son nom dans le domaine des hypothèses et des conclusions.
Enfin.
Il cessa de penser à tout ça, se focalisant sur la bouche d'Alexandrine.

« ...Tu as vraiment une grande gueule. »

On dirait un crocodile. Il ne sait pas, s'il serait capable de l'ouvrir aussi grand qu'elle pouvait le faire elle. Il ne pense pas.
Et lui s'approcha, jusqu'à ce que presque son museau se glisse entre ses deux rangées de dents bien écartées. Se redresse un peu, sur le bout de ses doigts, pour se donner un peu plus de hauteur et pouvoir mieux observer le fond de sa gorge. Avec sa glotte qui palpite, son palais plissés, sa langue qui occupe beaucoup de place.
Mais il ne voit rien d'anormal.
...
Montre un signe d'arrêt, une patte qui se lève en attente pour vérifier dans le reflet qu'il peut avoir de lui. Il n'était pas un panseur s'occupant des maladies, étant particulièrement mauvais quant à leur soin (si l'on pouvait rester loin de lui, lorsqu'on était malade, c'était...mieux). Il n'avait, de ce fait, que peu connaissance de l'intérieur de la gueule et de la forme d’amygdales saines et malades.
Mais s'estimant non malade, et concluant que celles d'Alexandrine avaient même forme, il put poser le diagnostique, ou plutôt l'absence de celui-ci.

« Non, c'est bon. Tes amygdales sont normales, il y a pas d'allergies...ni de mygales. »

Cette réflexion provoqua chez lui cet ombre de sourire qu'il parvenait à retrouver désormais, presque amusé par une telle réflexion.

« Oui. »

Il était sérieux. Il était toujours sérieux, Désastre, incapable d'être autrement que ce pour quoi on l'avait fait. Il partagerait donc cette prétendue connaissance, bien qu’erronée, à Alexandrine. Assuré de lui dire la vérité, ne sachant que de bêtise il ne faisait que partager. Et que de la meute, ils finiront un jour par être les deux seuls à croire à telle chose.
Et il continue à entretenir ce fait, avance même quelques arguments qui aurait pu être dit par un enfant.
Pour n'en avoir jamais été totalement un, il gardait toujours en lui quelques fragments de cette époque incomplète.

« De l'acide, oui...Dans l'estomac. Il ne remonte pas dans la gorge, alors elle aurait pu s'y rendre. Ou s'arrêter sur ta langue. »

C'est peut-être confortable pour un insecte, une langue. Qu'est-ce qu'il en sait. Il n'a jamais été dans la gueule d'un monstre plus gros que lui, et d'expérience n'a pas envie de tester.
Puis elle se laissa tomber, la louve, dans un bruit sourd qui fait voler du sable sous son derrière.
Elle en revint aux citrons, les fameux citrons qui piquent sans épines. Et lui toujours les regarde, avec leur peau lisse dardés d'aspérités.

Goute.

C'est ce qu'elle lui demande.

Goute.

C'est ce qu'il fait.

Et ses yeux de se plisser brusquement, sans qu'il ne contrôle cette réaction, en deux petites fentes exagérément fermées. Son museau se fronce et affiche ses incisives et ses canines, mue son visage en quelque chose de vivant.
Putain, que c'est dégueulasse.
Il salive et il bave, essuie le filet qui coule sur le devant de ses lèvres d'une patte qu'il lève.

« E-erh.
...
Ca n'ira que sur le poil. »

Plus dans la gueule, jamais, parce qu'il pouvait sans peine savoir que ça, vraiment, plus que les moches noix de cocos... Il n'aimait pas ça.
Passé le dégoût sur son visage et une neutralité qui ne parvient à le recouvrir, il s'en va aider à la ramasse de quelques autres citrons. En compagnie de l'amie.
Complice d'une stupidité partagée qui leur saillait bien.
Achevant ainsi cette frasque, pour dans un futur mieux recommencer.