L'amour d'une mère | Anianka & ses enfants

« L'amour d'une mère »
Anianka & Elely, Mildred, Maxim, Isrâ, Vénuve

Son cœur est lourd, elle a passé la nuit complète à réfléchir au point où des creux se forme sous ses yeux. Son visage est marqué bien plus que d'habitude par la fatigue, probablement que les récentes émotions jouent dessus. Son fils lui avait tourné le dos et il n'avait pris aucune pincette pour lui faire ses adieux.

Comment être plus douce quand son cœur ne fait qu'être brisé ?

Ce pincement constant, celui de la lame que son fils avait prit soin d'aiguiser pour mieux qu'elle transperce son cœur.. Elle l'accueille désormais comme la caresse d'une faucheuse. Anianka n'a pas beaucoup de cœur et malgré les regards parfois haineux qu'on lui porte à cause de cette rumeur, elle ne change pas de comportement pour autant. Elle est la prêtresse de la somptueuse Moiro, la dernière des anciens Lazulis a être restée fièrement debout. Jamais, ô grand jamais elle ne s'inclinera devant une autre entité, qu'elle soit divine ou mortelle.

Comment leur montrer l'amour inébranlable qu'elle ressent pour eux?

D'abord Akira, puis Mildred qui disparaît et Méridor qui la fuit comme la peste. Puis alors qu'elle récupère l'une de ses filles, elle observe avec impuissance une autre s'isoler et l'aîné partir loin de tout ce qu'elle essaye de bâtir. Et voilà qu'aujourd'hui le cadet va le rejoindre, non pas en exprimant un au revoir mais un adieu déchirant. Une succession de blessures qui ne font que noircir davantage son cœur glacé.

Comment sourire quand on sent la chair nous dévorer la poitrine de l'intérieur ?

Ses paupières se ferment, elle est assise seule près du temple. Que doit-elle penser de tout ceci, Moiro ? Anianka était-elle à la hauteur de la prêtresse qu'elle espérait ? Avait-elle été une bonne prêtresse.. Une bonne mère ? Tout ce qu'elle a fait jusqu'ici, quand même bien si cela a pu lui arracher le cœur, est pour le bien être de ses enfants.

S'accoupler avec un mâle de sang royal.
Porter un masque impitoyable, glaciale.
Leur enseigner la méfiance, la loyauté, la force.
Surveiller et se renseigner sur chaque ennemi potentiel, quitte à prendre des dangers.
Tuer ceux qui les menacent.

Depuis leur naissance, sa vie entière n'a été vécu que pour eux.
Et c'est ce qui causera sa perte.

Sa gueule s'ouvre et orienté vers le ciel, elle lance un hurlement bien spécifique, à la fois doux et dominant, il n'appartient qu'à leur famille. L'hurlement d'une mère qui appelle ses enfants à elle.

Un hurlement qui convoque, un hurlement qui rassemble.
Les Lazulis n’étaient plus et ce n’était plus le cri d’un Alpha qui en poussait les éléments restants à converger en un même point - désormais, seuls ces fragments d’une famille qui avait su rester presque complètement unie répondaient à la voix d’une cheffe qui en avait toujours été une à leurs yeux.
L’Alpha mâle avait été leur père et désormais n’était plus. Leur mère n’avait accédé à ce grade mais dans leur coeur en était l’équivalent.

Les pattes de Mildred traînaient encore un peu au sol quand elle marchait. Grâce aux soins d’Isrâ elle avait évité le pire, et le temps avait coulé comme les pluies pour qu’elle puisse s’en remettre. Mais quelque part elle avait perdu dans cette confrontation davantage que du sang et des poils. L’amertume rongeait son coeur sous mille nuances, exacerbée par cette culpabilité venue s’ajouter comme une couronne quand elle avait réalisé que Gloriel ne reviendrait pas - par sa faute, bien que ses adelphes prétendirent ne pas y croire.
Elle, elle savait.
Et désormais Maxim n’était plus seule à porter le poids de la mort d’un être qui partageait leur chair. Une partie d’elles-mêmes.

Quand son regard se posa sur la figure de sa mère après avoir dépassé le dernier arbuste qui la séparait de la vue du rassemblement, elle vit que déjà Isrâ était là. Qu’il avait progressé, ce frère qu’elle hésitait désormais à appeler soeur. Là où lui s’était élevé, obtenant don divin, indépendance, regain de forme physique et esprit acéré...
Elle, elle n’avait que régressé.
Le museau ne demandait qu’à s’affaisser et à pointer vers le sol - mais en serrant les crocs elle s’en empêcha, tira avec force sur une corde imaginaire reliée au haut de son crâne. Elle avait le droit de se sentir faible et inapte, savait ne pas avoir tout à fait tort, cédait parfois à la tentation de se morfondre - mais résistait toujours, tant elle savait qu’alors elle aurait perdu toute estime d’elle-même et n’aurait plus été digne de se montrer face aux autres.
Mais devant Mère... Devant Mère et les autres, hors de question de laisser place aux doutes qui assaillaient son esprit et harcelaient ses pensées.
Son regard d’argent se fit alors plus perçant, d’une mine sévère et sans expression elle masqua la moindre faiblesse qui aurait pu ramollir son visage. Les pas s’appliquèrent à marcher avec plus de précision, et son corps svelte ondula jusqu’à rejoindre le rassemblement de pelages roux et terre brûlée.
Pas de honte quand elle releva la tête vers la Prêtresse, présentant sans fléchir son corps et son visage désormais marqués des quelques traces de ce combat perdu.

Et elle s’assit, droite et attentive, guettant d’un oeil froid la fin du bref échange entre Isrâ et sa mère.
A son tour elle inclina respectueusement la tête, se forçant à ravaler rancoeur et jalousie, peine et inquiétude.

— Nous t’écoutons.

Peu importe la tempête qui pouvait bien s’abattre dans les pensées de ses enfants, Anianka avait appelé, et ceux restés fidèles à la famille avaient répondu.

Elely

Il ne manquait plus qu'elle et son arrivée ne tarda pas après celle de Maxim. Son corps élancé et fin vola au dessus d'un buisson pour atterrir avec précision et légèreté près du petit groupe déjà formé. Sa cape de plume se déposa délicatement sur son dos, relâchant la fougue de l'air pour s'endormir sur le pelage ondulé de la louve. Elle afficha un sourire à sa fratrie et fit une légère révérence de la tête pour saluer leur mère. Les oreilles agités et l'estomac serré, cette réunion la rendait nerveuse mais comme les autres elle portait elle aussi un masque de sang froid inébranlable. Ils étaient tous devenus si forts et c'est en les regardant tous discrètement qu'elle s'en aperçut, car quand bien même la disparition de leur père les affectait tous, aucun ne montrait signe de tristesse ou de colère. Le ressentaient-ils aussi, ce pincement à la poitrine ? Ce grand trou béant qui se creuse un peu plus chaque jour, conséquence de la peine et du manque de l'être aimé. A voir ces visages aussi droits, elle en doutait presque.
Son attention se figea sur celui, intransigeant et dominant de mère et l'attente parut interminable avant qu'elle ne parle enfin.

Anianka

Un à un ils arrivèrent, la saluèrent et c'est avec chaleur qu'elle leur offrit une caresse, un sourire ou un mot doux. Les prunelles luisantes, elle les admira silencieusement et fièrement, ces petits bébés devenus de forts, magnifiques et puissants adultes. Chacun de leur visage fermé reflète tant d'épreuves, tant d'endurance, la vie est injuste et impitoyable et aujourd'hui il en prenne enfin conscience. La douleur n'est qu'illusion, chaque obstacle n'est qu'une épreuve pour devenir toujours plus fort. Ses oreilles se dressent et sa voix résonne, douce et maternelle.

Mes enfants, merci d'avoir répondu à mon appel.

Son regard ambré resta immobile, encré dans celui de Mildred. Son état lui fendit le cœur mais elle ne devait montrer aucune pitié non, ce serait une insulte à son effort si encouragé.  

Vénuve, ta place n'est pas derrière un rocher, rejoins nous s'il te plaît.

Bien qu'elle ne portait pas leur sang, elle portait le même héritage, la même éducation alors elle méritait sa place dans cette réunion familiale. Elle avait su faire ses preuves mais manquait encore de fierté et d'assurance. Elle cligna doucement des yeux et tourna son regard devenu plus ferme sur elle. Relève la queue Vénuve, aucun de mes enfants ne se cache ici.

Vous avez sans nul doute remarqué qu'il manque Méridor, et c'est avec tristesse que je dois vous apprendre son départ. Votre frère ne reviendra pas avant un long moment sur cette île.

Il avait mentionné la grève gelé et c'est tout ce qu'elle devait savoir. Ils le reverront très certainement, mais inutile de se voiler la face en ce qui la concernait elle, son fils n'est plus qu'un souvenir, qu'une plaie ouverte dans sa chair.

J'ai longuement réfléchi et j'ai pris une décision.

Elle marqua une pause, son regard croisa celui d'Elely, puis d'Isrâ. Sa voix se fit plus dure et froide.

Je pars dès demain pour rejoindre mes fils dans le Nord et pour participer à la lutte contre ces prédateurs. Il est hors de question que je les laisse seuls au combat, je dois leur apporter mon aide.

Ses iris s'arrêtèrent sur Maxim.

Vous êtes libres de me suivre ou de rester protéger le territoire, quoi que vous décidiez, sachez que je respecterai cette décision et que je resterai toujours fière de vous.

Mildred croisa le regard de miel, sentit une chaleur monter et se développer dans sa poitrine face aux yeux qui s’étaient liés aux siens. Un sourire manqua même de fleurir sur ses babines, la commissure de ses lèvres se relevant d’un tremblement.
Puis tombèrent les paroles suivantes.
Qui jetèrent une pluie de glace sur les braises ayant à peine commencé à la réchauffer. Elle tourna vivement la tête vers la Vermine qui s’avançait désormais vers eux, s’extirpant des buissons dans lesquels elle s’était vicieusement cachée, lui jetant un regard courroucé dans lequel l’argent brillait d’une lueur assassine. Si elle pouvait de ses dagues lui arracher ce sourire angélique qu’elle osait prendre en intégrant leurs rangs, comme si elle avait quelconque légitimité, alors que seule la présence d’Anianka la protégeait de leur colère conjuguée. Il n’y avait vraiment pas de quoi être fière, Vermine.
Mildred ne put retenir un spasme de contracter son museau, révélant brièvement une canine, mais elle se força à lisser de nouveau son visage et à détourner le regard de la louve noire et orange – quelle tâche elle faisait, parmi leurs pelages fauves si bien assortis.
Devant Mère, elle savait bien qu’elle devait accepter l’inacceptable et masquer son mépris.

La louve prit une longue inspiration pour se calmer, tenta de canaliser de nouveau ses pensées sur le reste de la conversation et sur sa véritable famille, laissant une mèche carmin retomber sur l’un de ses yeux pour occulter encore un peu plus Vénuve de son champ de vision, la retranchant dans des recoins négligeables.
Ainsi, Méridor était parti. N’était-ce pas déjà à moitié le cas ?
Si la Prêtresse prenait la peine de le préciser, c’était que quelque chose avait changé. Qu’il était venu lui annoncer.

Et pour sa fratrie ? Pas un mot, alors qu’ils étaient toujours resté là pour lui malgré son choix de vie différent des leurs ?

Une tâche de déception vint s’ajouter sur sa pile d’émotions en vrac.

Les paroles continuèrent de couler en suite de l’annonce. Le point final de ce rassemblement. Mildred prit à peine le temps de réfléchir – là où sa mère irait, elle suivrait aussi. Elle avait été suffisamment éloignée de nombreux mois durant, lorsqu’elle était jeune. Renaissait finalement l’espoir de faire ses preuves pour de bon, après toutes les opportunités manquées.
Elle attendit qu’Isrâ ait fini de parler, remerciant sa participation d’un léger signe du museau – cachant la brève et coupable réjouissance de savoir qu’il ferait concurrent de moins sous le regard attentif de leur mère, lui qui avait commencé bien bas et avait finalement prodigieusement remonté la pente.
Là où elle continuait de glisser pour s’enfoncer et s’embourber.

— Je vous suivrai. Nous nous préparerons ensemble – et là-bas, nous vaincrons.

Elle laissa un sourire farouche prendre place sur ses lèvres, tentant de se convaincre elle-même de ses paroles. Si ses autres sœurs l’accompagnait, alors en retrouvant au Nord Rhaegar et Méridor… Leur famille serait presque complète à nouveau.
Un mouvement dans le décor attira son attention soudaine – une seconde à peine avant que le monstre ne se dévoile de toute façon de lui-même, annonçant à tous les autres sa présence d’un souffle inélégant.
Cette fois-ci, Mildred ne retint pas sa grimace de dégoût. Elle n’avait jamais vue proie plus disgracieuse, et il venait piétiner de ses énormes sabots leur belle Île.
Et puis il avait l’air d’en avoir après eux, en plus, à les regarder de ses petits yeux bêtes et sombres.

Un grondement remonta le long de sa gorge, son échine se hérissa et les crocs effilés se dévoilèrent.
Et la première, elle bondit sur l’envahisseur.

Anianka

Les informations venaient d'être données, lourdes de ressentiments et pourtant aucun masque ne tomba après leur digestion. Les réponses furent longues à arriver et la première lui vint d'Isrâ vers qui elle tourna ce regard impénétrable qui provoquait jalousie et mépris au sein de la fratrie. Cet enfant qui face à la conscience de son impuissance s'était battu toute sa vie et qui aujourd'hui peignait des traits fiers et forts. Cet enfant qui, selon l'inquisitrice, avait toutes les qualités nécessaires pour survivre dans ce monde impitoyable grâce à son élévation et les progrès qu'iel avait obtenu. Bien qu'en désaccord avec une telle dévalorisation Anianka acquiesça cependant sans discuter d'un mouvement de la tête.

Je ne doute pas que tu nous seras précieux, Isrâ. C'est sans craintes que je te confie la protection de cet île.

Puis ce fut la voix de Mildred qui suivie, toujours aussi droite et déterminée. Cette fille qui lui fut arrachée durant les années les plus importantes de sa croissance et qui depuis, tente de prouver sa valeur avec ténacité. Bien que le doute aie pu être semé après son retour de cette meute démoniaque, Anianka ne se méfiait plus aujourd'hui de la loyauté de sa fille. Cette âme torturée qui essaie par tous les moyens de faire remonter sa propre estime alors même qu'il n'y a pas lieu de tels efforts aux yeux de la prêtresse. Mais ô grand jamais Anianka ne crachera sur la détermination de ses enfants, car c'est grâce à ça qu'aujourd'hui ils se présentent la tête haute, délaissant leurs faiblesses ainsi que leurs peurs.
Et c'est un sourire qui lui fut rendu comme réponse, comme une patte posée sur son épaule pour montrer son soutien et surtout, sa gratitude.

L'arrivée d'un prédateur peu commun attira l'attention de toute la famille ici rassemblée et la pression monta d'un coup au sein du petit comité. Anianka assise quelques secondes plus tôt était désormais parfaitement campées sur ses quatre pattes, les muscles bandés sous son pelage ondulé, déjà prête à bondir sur l'assaillant. Son regard analysa la bête en quelques instants, ses énormes crocs, la finesse de ses sabots, cette masse de fourrure gigantesque qui lui entoure les épaules. Elle observa ses enfants avec inquiétude puis son allure changea pour devenir bien plus imposante et menaçante. La queue haute derrière elle, l'échine soyeuse gonflée et le visage tordu en une expression agressive, elle n'affichait plus désormais que férocité et assurance.

Il semblerait que le dîner soit servit. Dit-elle avec amusement, passant sa langue sur ses canines acérées.

Les crocs mis à nus, elle gronda entre ses mâchoires ouvertes à l'intention de ses enfants comme pour leur insuffler la fougue, la rage qui grossissait ses muscles. Parce qu'à eux tous réunis, ils sont invincibles et cette bête va être le premier témoin de leur puissance.

Montrons à ce porc qui nous sommes.

Car jamais le sang royal ne sera la proie de quelque chose ou de quelqu'un.

Son corps décolla du sol, vif tel un éclair rose et sa gueule se referma sur l'un de ces sabots, entaillant, broyant, faisant gicler le sang sur son pelage si propre.

Elely

Elle était la plus émotive et la plus instable de la fratrie, Elely. Elle s'entraînait tout aussi durement pour porter ce masque et pour voir ne serais-ce qu'une seule fois le regard fier de leur mère se poser sur elle. La concurrence était née au sein de leur sang à l'abri du regard d'ambre mais bien cachée aussi se terrait de l'amour. Elely le ressentait, ce sentiment si profond d'être entouré, d'être protégé et de vouloir protéger à son tour, mais jamais elle n'oserait le confier à qui que ce soit.

Les prunelles héritées du paternel suivirent l'adoptée non sans une certaine pitié lorsqu'elle vint s’asseoir dans ce groupe qui la méprisait comme la peste. Empathique malgré elle, Elely pouvait comprendre le sentiment hargneux de sa fratrie tout comme elle pouvait analyser la difficulté qu'endurait cette jeune adolescente à s'intégrer. Cet air si hautain ne lui allait pas du tout et la future assassine préféra détourner le regard sur mère pour ne pas monter en pression.

Lorsque l'annonce de la trahison de Méridor fut prononcée son cœur se trancha d'un coup sec et précis dans sa poitrine. Bien qu'ils ne soient pas très proche, il était leur frère, leur sang et perdre un membre de leur famille revenait à perdre un bout de leur être. Les crocs serrés, elle s'efforça de contrôler le liquide qui se formait au bord de ses yeux, érigeant un mur invisible à la barrière de ceux-ci. Mais la douleur elle, persistait, surtout lorsqu'elle s'imagina la souffrance qu'avait pu éprouver mère lorsqu'il lui avait tourné le dos, une énième fois encore. Quel con tu peux être Méri, de tourner le dos à l'unique mère que tu as, à celle qui t'a tout donné.

Les oreilles agitées, la proposition qui suivie fit naître un silence intimidant et Elely hésita longuement avant de prendre la parole, devancée par Isrâ. Mère n'avait pas besoin de demander car pour la disciple rose la réponse était plus qu'évidente. Alors qu'elle voulut confirmer sa venue, un foutu phacochère préhistorique l'interrompit et elle gronda dans son coin, décidément incapable de s'imposer devant la prêtresse. La tension monta d'un coup et Elely sauta sur place pour se mettre en position d'attaque, prête à en découdre. Les quelques plumes rosées de sa cape se mirent à briller et se détachèrent de sa cape pour venir flotter à côté d'elle, telles des lames tranchantes. L'enragement de mère s’immisça dans ses veines et fit gonfler son pelage à son tour, comme une maladie contagieuse. Ses crocs claquèrent et elle sentit l'adrénaline familiale lui donner des ailes lorsqu'elle bondit aux côtés de sa fratrie. C'était comme si rien ne pouvait leur arriver, comme si elle était accompagnée des dieux eux-mêmes.

La pluie de crocs et de griffes ne tarda pas à s’abattre à sa suite, marquant violemment l’être disgracieux de plaies qui se multiplièrent en l’espace de quelques instants. Corps fauves et harmonieux se jetaient dans la défense de cette terre sacrée pour eux, terre de Moiro sur laquelle ne saurait être tolérée la présence d’un porc géant.
Ses crocs s’étaient refermés sur l’une des pattes au poil dru, faisant couler le sang, mais pas assez de celui-ci.
Alors que dans son dos surgirent Mère et Elely, faisant elles gicler un déluge rouge, éclaboussant leurs pelages déjà accordés à la teinte morbide.
Le stylet qu’elle voyait en action pour la première fois ne tarda pas à fuser à son tour, puis enfin ce fut la silhouette musclée de Maxim qui s’infiltra entre les prédateurs entremêlés à la proie qui avait osée se montrer.

Et celle-ci hurlait ; hurlait de mugissements aigus et s’énervait de cette situation fort à son désavantage.
Percée par la douleur, la créature rendue folle se débattit et se dégagea de l’emprise conjuguée de leurs crocs, fonçant tout d’abord sur la bâtarde, sur celle qui se disait de leur famille mais n’avait pas bougé une oreille pour venir les aider à l’abattre. Bien fait.
Aucune émotion ne vint comprimer sa poitrine quand Vermine se retrouva balancée plus loin par un violent coup de défenses. L’indigne fille était hors de vue, hors de l’arène, hors du jeu.
La bête se déchaîna ensuite sur le reste de sa famille, et ça, Mildred l’accepta bien moins - surtout quand c’est sur Mère que se heurta l’une de ses ruades. Un feulement de rage s’échappa de sa gueule et elle bondit en arrière pour mieux évaluer la situation, se léchant les babines et secouant la tête pour se débarrasser des mèches folles venues brouiller sa vue.

Un instant pour souffler, sa poitrine se soulevant rapidement.
Un instant pour analyser les mouvements erratiques de la bête.
Un instant pour constater l’étendue des dégâts ; que sa famille tenait encore debout malgré les blessures.
Seuls Isrâ et elle n’avaient pas été visés d’une réplique, eux qui n’avaient pas fait beaucoup plus qu’une égratignure et que la créature ne devait pas considérer comme étant de réelles menaces.

La colère réchauffa son torse et ses joues, inonda ses veines et tordit les muscles de son visage sur une grimace de rage.

Il verrait, ce porc !
Il chancelait, se dégageant à peine de ses assaillants. Malgré le déferlement de violence, il ne s’agissait là que des derniers tréssauts d’une proie mortellement blessée qui n’était qu’à quelques secondes de devenir cadavre.
Et elle serait celle qui l’achèverait. Elle serait celle qui aurait la glorieuse place d’avoir mis à terre le monstrueux et profane animal.

Sans attendre davantage, de risque que quelqu’un d’autre ne saisisse l’occasion, Mildred gronda et aboya et se lança de l’avant.
Droit vers une plaie déjà ouverte d’où pendaient lambeaux sanguinolents et pulsait le sang.
Droit vers où ses crocs s’enfonceraient pour lui arracher un dernier râle et l’amener de vie à trépas.  

Courant un instant aux côtés de la bête affolée et enragée, la louve synchronisa ses foulées souples aux siennes si chaotiques, mesurant ses mouvements, calculant le moment où elle bondirait.
Au dernier moment, pour le surprendre.
Alors au dernier moment, la louve quitta la trajectoire qu’ils décrivaient ensemble pour se jeter sur le point ciblé.
Mais au dernier moment la bête en fit de même, bifurquant vers elle, et à poussées égales son corps massif l’emporta sans difficulté sur la stature plus frêle qu’elle venait de propulser dans les airs.

Le choc fut rude - son visage rencontrant le poitrail solide et nauséabond, la force de l’impact faisant monter le goût du sang dans sa gueule, avant que l’instant d’après elle ne se retrouve au sol, échouée parmi les hautes herbes dans le nuage de poussière qu’il laissait dans son sillon.
Pantelante, elle redressa la tête juste à temps pour le voir s’éloigner à grands galops, s’offrir pour qu’un autre qu’elle puisse le cueillir, tandis qu’elle - elle si victorieuse l’instant d’avant gisait dans la poussière.
Destinée à échouer.

Encore.

Et bien qu’elle s’interdit de les laisser éclater, les larmes de rage s’accumulèrent au bord de ses paupières, et sa frustration s’échappa dans un aboiement rauque lancée vers les cieux.

Anianka

Elle pensait qu’une nuée aurait suffi à l’abattre, et peut-être que ça aurait été le cas si l’une des filles n’avait pas hésité, ou si Méridor s’était joint à eux. La bête était presque morte, mais l’instinct de survie n’était pas à négliger dans ces moments, Anianka le savait par expérience. Leur proie se déchaîna dans un déferlement de coups de défenses et la prêtresse par impulsion maternelle tenta de l’immobiliser en tirant plus violemment sur sa patte. Elle espérait ainsi le faire tomber et surtout le déstabiliser dans son attaque pour éviter qu’un de ses enfants ne soit touché.

Le coup était prévisible et inévitable dans sa posture et elle l’encaissa violemment dans les côtes. Pour eux, pour le bien-être de ses enfants.. Oui.. Elle fut projetée plus loin mais aussitôt au sol, son corps se releva — non sans difficultés — pour reprendre le combat. Quand bien même la douleur lui comprimait la cage thoracique et lui enflammait la peau, elle griffa la terre et se remit en mouvement, ignorant le mal qui la rongeait. Furieuse de voir l’une de ses filles au sol, elle revint à la charge telle un assassin, vive comme une étincelle rouge et rose elle frappa, au nom du sang versé, au nom de ses enfants touchés, au nom de leur fierté. Elle agrippa fermement sa gorge de ses mâchoires acérées et dans son élan, son corps vola par dessus le porc et elle le fit basculer en arrière, le retournant complètement en accompagnant sa volée. Elle sentit les carotides se briser entre ses crocs et leurs deux corps s’écrasèrent dans un craquement sec sur le sol. Sa blessure paralysante lui avait fait rater sa réception et elle s’était échouée douloureusement sur l’autre flanc, les canines toujours logées dans sa chair broyée.

Recouverte du sang de l'animal et du sien, elle garda l’imposant animal dans sa gueule un petit moment, essoufflée, blessée. Seulement lorsqu’elle fut assurée qu’il ne bougeait plus, elle finit par le lâcher et elle releva la tête pour examiner les dommages.

Tout le monde va bien ? S'enquit la prêtresse en essayant de se mettre debout, l’expression alerte.

Elely

Les plumes avaient tranché les pattes, coupant ses tendons pour l’immobiliser et ses crocs avaient gouté le sang, la chair tendre qui bientôt ferait office de repas à la famille complète. Son attaque fut puissante et précise, à sa plus grande satisfaction car la proie s’affaiblissait. Elle avait visé le cou et le liquide écarlate s’était déversé sur son visage à l’allure innocente.
La vois-tu, la mort ? L’ombre de leur famille planer au dessus de toi et te condamner ? C’était inévitable et la bête le savait. Sa vie devait probablement défiler devant ses yeux et son pauvre petit cœur s’affoler dans sa poitrine jusqu’à s’en décrocher. La peur, puissante émotion qui a le don de donner des ailes, s’empara de lui et se transforma en rage dévastatrice, la plus forte des adrénalines qui comme décrit dans ses contes, ne s’octroie qu’à l’approche de la mort, par instinct de survie. Elely savait que le contre-coup serait puissant car ce serait le seul qu’il pourrait infliger, alors elle repoussa le corps gras de ses pattes pour s'extirper mais elle manqua de rapidité et se prit une défense dans l'épaule, avant de finalement bondir en arrière.

Ses yeux s’écartèrent et elle poussa une exclamation d’effroi lorsqu’elle aperçut Mildred à terre et Mère encore accrochée à la bête, son cœur marqua un temps d’arrêt quand elle prit conscience de son impuissance. A cette distance et avec sa blessure elle était dans l’incapacité d’agir assez rapidement pour l’aider et elle devint incontestablement spectatrice de l’attaque qui lui fut assénée. Tout se passa si vite, ses plumes elles-mêmes ne furent pas assez rapides et quand bien même l’ordre avait été donné, le temps qu’elles mirent à se défaire de la chair avait suffit à ce que l’animal plonge ses défenses dans le corps de sa génitrice et à ce qu’il l’éjecte plus loin. Horrifiée, le visage d’Elely ne put se détourner de Mère et elle se précipita à son chevet pour l’aider, mais à peine eut-elle le temps de faire un bond que la silhouette gracile de la prêtresse s’était remis en mouvement pour achever son assaillant. Gueule ouverte, la disciple rose observa l’attaque avec un mélange de frustration et d’admiration jusqu’à ce que les deux corps s’aplatirent sur les fleurs. Tout devint soudainement silencieux et Elely se paralysa d’angoisse à l’idée que le cadavre de Mère soit écrasé sous celui de la bête. Son cœur battait si fort dans sa tête qu’elle était sur le point de s’évanouir.

Mère…. ?

La rétine brûlante à force de paupières grandes ouvertes, les larmes commencèrent à monter et son souffle s’accéléra.

Mère relevez-vous. Relevez-vous. Relevez-vous. MERE !

La gorge nouée comme si le vent l’étranglait, elle était totalement tétanisée, toute tremblante. Le sang coulait de sa blessure ouverte mais elle était si crispée qu'elle n'y prêtait même pas attention. Et puis enfin quand le visage tant attendu de mère apparut, elle hoqueta et tomba sur ses rotules, relâchant toute la pression qu’elle venait d’emmagasiner. Les larmes coulèrent sur ses joues contre sa volonté et elle les cacha derrière sa mèche en baissant son museau. C’était beaucoup trop d’émotions pour elle, elle devait se ressaisir avant que quelqu’un ne la voit.



1er lancé de dés attaque par Anianka (3PC FOR)
2ième lancé de dés esquive par Elely (2PC AGI)

C’était depuis le sol qu’elle était destinée à observer la conclusion se jouer.
Elle n’avait même pas eu le temps de commencer à se relever qu’elle avait vu la silhouette fauve de sa mère se propulser sur les talons du cochon en fuite. Le corps encore vaillant de la Prêtresse s’élança à la suite de l’imposant intrus d’une foulée souple et puissante, rattrapant la distance, puis bondissant pour atteindre la gorge et y verrouiller ses mâchoires.
Le porc s’effondra, Anianka encore accrochée à sa haute carcasse.
Le souffle de Mildred se fit court ; non loin de là ses soeurs tournèrent également des regards inquiets vers la scène et la louve sentit monter de l’une d’elles un pic d’angoisse.
Mais leur Mère était forte, et elle émergea sans dommage supplémentaire, s’enquérant de leur état.

Mildred acheva de se relever pour hocher silencieusement la tête, le regard sombre.
Au moins était-ce leur mère qui avait tué la bête, et pas l’un de sa fratrie qui s’était précipité pour lui voler sa victoire.
N’empêche, c’était quand même un échec. Mère aurait été si fière d’elle, si elle avait été celle ayant coupé net à la course de cet horrible monstre.
Isrâ s’était déjà rapproché pour appliquer les soins dont lui avait le secret bien d’avantage que les autres de la famille, prêt à déployer ses atouts. Mildred fronça un instant le museau, frustrée.
Que lui restait-il, à elle ?
Au moins parvint-elle à relever la tête et la queue malgré le pelage ébouriffé qui lui donnait l’air d’une sauvageonne, pour les rejoindre en portant en étendard le peu de dignité qu’il lui restait sur cet instant.
Mildred referma ses mâchoires sur le cou déjà blessé du cadavre et tira de toutes ses forces pour éloigner sa puanteur de Mère, traînant la masse un peu plus loin. La priorité était à se remettre, à faire en sorte que leur mère puisse avoir du repos. Maintenant que leur proie était abattue, ils pourraient bien s’en occuper un peu plus tard.

La louve le déplaça suffisamment loin pour s’éclipser peu à peu de la vue de sa fratrie et, quand elle fut hors du champ de vision, elle le lâcha pour faire volte-face et trotter un peu plus loin, vers des bosquets isolés.
Là, elle laisserait éclater les larmes de rage qui avaient refusé d’être ravalées.

Là, elle laisserait passer le temps jusqu’à ce que, plus tard, l’on finisse par remarquer son absence et qu’on la réclame peut-être. Elle sortirait alors, prétextant une brève prière à leur Déesse d’avoir apporté cette victoire à leur famille, et puis elle les rejoindrait pour les aider à préparer la peau.

Comme si de rien n’était.