Funérailles pour une Valkyrie [Libre]

Il n'aurait su y croire.
Il n'auraient tous su y croire.

Ce sont des yeux rougis d'avoir trop pleuré qui se posèrent sur le monument qu'il avait passé la nuit à construire avec le croquemort.
Étendue sur un lit de bois et de paille, elle semblait dormir paisiblement, ses paupières closes à jamais. Ses blessures profondes avaient été recouvertes d'une pâte médicinale épaisse, absorbant le sang et dissimulant la réalité des plaies. On lui avait reproché le gaspillage de ressources précieuses, et pourtant il avait insisté, rigide comme le fer. Joy ne partirait pas dans l'au-delà avec des coupures béantes.
Kalashnikov avait le cœur lourd comme il ne l'avait jamais été. Fier guerrier, droit militaire, les années et son ego lui avait appris qu'un mâle ne pleure jamais. Et pourtant, une nouvelle leçon se dressait devant lui aujourd'hui, l'une qui avait été le combat de celle qui reposait à ses côtés. Une fois de plus, elle le forçait à baisser la tête, humble. À apprendre d'elle, lui qui croyait ne plus avoir rien à apprendre. Et les larmes avait coulé, tombant sur son visage emmuré dans la douleur. Mouillant le pelage sable de la mère de ses enfants.

Un petit corps se serra contre lui. Artyom avait été silencieux, plus qu'à l'habitude. Regardant tendrement ses enfants dans le deuil qu'il avait rassemblés auprès de lui, protégeant ceux-ci de son corps massif, une patte entourant Épine, la tête appuyée contre Taehyung. Etna à ses côtés, avec Artyom.

- Il est temps de dire au revoir, les enfants. Sa voix était grave, éraillée.

Arty' s'éloigna un peu. Il le laissa s'approcher, le jeune loup retenant du mieux qu'il le pouvait l'eau qui lui brouillait la vue. Peut-être était-ce plus facile ainsi, réduisant la vision d'horreur du cadavre de sa mère a une forme brouillée, floue. Il appuya ses pattes antérieures sur le monument, posant sa petite tête sur le corps rigide, enfouissant une dernière fois son museau dans le pelage familier. Son chapeau retomba sur ses yeux, mais cette fois, ce n'était pas par accident. Il ne voulait pas qu'on le voie pleurer. Il murmura à l'oreille de sa mère, des mots destinés pour elle seule. Lorsqu'il se releva pour laisser place à son frère et ses sœurs, de jeunes glaïeuls blancs avaient poussés tout autour, là où ses pleurs avaient tombés.

Joy n'aurait pas de funérailles ordinaires. Le militaire avait jugé un cimetière régulier grossier pour la personne que la guerrière avait été. Ainsi reposait-elle sur un lit d'honneur, destiné à être brûlé devant son Dieu, devant Aka. Une fin digne d'une valkyrie. Si le Prêtre et elle n'avait jamais été partenaires de cœur, ils avaient été des amis précieux, des compagnons à l'histoire tumultueuse mais grandiose. Et sa mort, si soudaine... si inattendue lui perçait le cœur comme jamais auparavant. Tant de chose qu'il n'avait pu lui dire. Tu as été une mère merveilleuse, petite luciole... Une louve d'une grande sagesse. Merci de m'avoir appris à être meilleur, mieux. À être un loup plus grand.

Un hurlement grave fendit l'air, un appel à ceux qui voudrait les accompagner dans leur deuil. Non loin, à l'ombre d'un pin géant, Atsuko attendait, la tête baissée en guise de respect. Même si elles ne s'était pas beaucoup connues, Joy avait été plus mère pour elle que ne l'avais jamais été Bamboo. Son familier de flamme battait des ailes doucement sur l'écorce rude, attendant le bon moment pour enflammer le lit de mort. Devant les têtes rassemblées, le militaire retira son béret en signe de respect, et commença.

- Aujourd'hui, Aka accueille auprès de lui une guerrière formidable. Si son départ nous peine tous au plus profond de chacun, veuillez ne pas la voir comme une victime des événements; Joy aura donné sa vie pour sauver l'une des nôtres, ma fille Épine, et il n'y a plus noble départ pour un guerrier que de partir en remplissant son devoir. L'Ours aura à ses côtés une louve forte, au courage non égalé pour se battre à ses côtés sur les champs de batailles des Dieux.

Il pris une pause pour essuyer ses yeux du revers de la patte.

- Honorons-là en se souvenant d'elle comme ce qu'elle a toujours été: un exemple à suivre.

Il s'approcha doucement d'elle. Des bougies luisaient paisiblement au pied de la structure de bois, des fleurs déposées tout autour. De son écharpe il sortit une pièce de métal doré, qu'il déposa au centre de l'autel. Une médaille militaire.
Une décoration d'honneur.

[prio à ses enfants et Pepper]

EPINE
★ 4 mois ★ 7 PVs
F A E I

Elle observait, silencieuse comme une ombre, elle, l'enfant coupable, l'enfant fautive. Combien de temps faudrait-il aux autres pour voir qu'elle était la cause du malheur ? Joy semblait dormir, heureuse sereine. Peut-être plus qu'elle ne l'avait été ces derniers mois... Maintenant elle ne t'entendra plus jacasser Pep's. Elle n'aura plus à écouter des jérémiades. Une boule douloureuse s'était coincé dans la gorge de la louvette au pelage couleur forêt. Le contact puissant de la patte de son père la fit vaciller, pas par brutalité, mais parce qu'il était si stable là où elle n'était plus qu'un fétu de paille ballotté par le tempête de son jeune esprit encore choquée par cet événement improbable. Sa mère allait bien, et n'était finalement jamais revenue en vie. Leur mère était morte seule, loin, alors qu'elle était l'invincibilité même. Epine ne parvenait pas à pleurer, pas encore. Elle ne pouvait acceptait cela, elle n'était pas capable de comprendre. La petite femelle était dans unn déni complet. Maman allait se réveiller, après une très longue sieste dont elle avait eu vraiment besoin... Simplement.

Mais Joy n'ouvrit jamais ses prunelles d'or.
Joy ne prit pas de nouvelle inspiration.
Joy n'était plus qu'un corps vide de l'âme de sa guerrière.

Epine enfuit son museau contre la patte du Prêtre Rouge dans un hoquet misérable.

« Pardon Papa... »

Elle n'estimait pas mérité la vie alors que sa mère l'avait perdu pour elle. Elle pensait véritablement que son elle, jamais le louve beige n'aurait subi cela, et qu'aujourd'hui encore, elle serait parmi eux.

La brise se leva en réponse aux paroles du soldat, faisant danser quelques épines et feuilles mortes. Le vent, plutôt chaud, souleva les cheveux des loups présents dans un souffle doux avant de tomber et de laisser le silence prendre possession de la montagne... Sans doute une simple coïncidence.
De son côté, le Fossoyeur s'était éloigné pour laisser place et intimité aux proches de la guerrière envolée. Il rejoignit tranquillement Atsuko et patienta prêt d'elle sans un mot. L'heure était aux paroles de la famille et des amis, pas aux siennes. Son office était sur pause, le temps de cette cérémonie pour la fille d'Aka. Il s'occuperait ensuite des formalités, unne fois chaque coeur épanché au dessus de la louve endormir pour son ultime chasse.

Pour une fois, la fratrie ne jacassaient pas.

Tous étaient silencieux. Par confusion, peine et malaise. Depuis que la sombre nouvelle soit parvenue aux oreilles de tous, le quatuor verdâtre suivait leur père de très près. Jamais ils n’avaient vu leur géniteur fragile et triste comme aujourd’hui. C’était perturbant et curieux.

Etna, pas nécessairement en symbiose avec ses émotions face au traumatisme de perdre un de ses parents, était de glace. Elle se grattait parfois l’arrière de l’oreille, par anxiété de ne rien faire. Elle regardait aussi autour d’elle, en prenant le temps de voir qui était présent à l’enterrement de Joy. La loupiotte était fière qu’autant de loups de son clan soit touchés par la perte de sa mère, au moins elle avait eu le temps de faire une différence.

Elle regarda son frère s’approcher du corps de leur mère, pensive. Que se passait-il quand notre âme quittait notre corps de loup ? Joy allait-elle veiller sur eux comme le dieu rouge ? Était-elle disparu à jamais ?

Se sentant inutile et idiote dans cette situation lourde d'émotion, Etna décida de s’approcher d’Épine et lui fit une lèche sur la joue, une façon de lui dire que ce vide au cœur pouvait être guérit.