Symptômes · Sobieski

Quelque chose persiste.
Innommé, qui se faufile dans son être.

Lézarde dans son dos avec douleur, tire ses muscles jusqu'à la courbature comme un petit diablotin. Elle sait que ce n'est celui de Yersine, à force elle reconnaît les mensonges dans son ton de vipère. Ce quelque chose fatigue aussi ses pattes, dérobe son souffle lors des efforts. Il agite ses nuits aussi. Tout cela isolé pourrait expliquer à eux seuls son humeur, mais elle sait aussi qu'il la fait osciller plus que d'habitude. Elle est grincheuse, pleureuse, rieuse, parfois en l'espace de quelques minutes seulement.

Elle énumère ses symptômes en s'avançant dans le dédale, elle doit trouver son frère. Son jumeau, sortcellier, maître de la nourriture, maître en plantes médicinales. Il saura lui indiquer ce qu'est ce quelque chose qui dure depuis quelques temps maintenant. Il est important d'en parler, puis-ce que ce mal ne se résorbe de lui-même.

Quand enfin elle aperçoit son frère, son pas s'accélère, elle arrive auprès de lui pour un contact si familier, une accolade tendre qu'elle lui réserve, partageait avant avec mère et frères aujourd'hui souvenirs.

"Bi !"

Salue-t-elle comme rarement, un peu de préoccupation dans la voix. Son esprit logique pense à un candidat en particulier, qu'elle doit annoncer en préambule pour qu'il saisisse son inquiétude qui si elle reste légère, est présente.

"Je pense que j'ai une carence, j'ai besoin de toi pour tout confirmer, mais ça expliquerait beaucoup de choses."

Elle soupire, s'assoit, laisse respirer la conversation une seconde pour ne pas l'ensevelir. Elle lui énumène, un a un, ce qu'elle a ressentit récemment. Maux de dos, courbatures, fatigue et essoufflements, agitation, irritabilité. Toute cette collection pourrait correspondre à beaucoup de choses !

"Ce qui fait pencher la balance pour moi, est l'attirance pour certains aliments. Le corps sait, il veut ce qu'il lui manque."

Le corps sait, quelque fois, c'est plutôt le cerveau qui déçoit.

Il l'allonge.
Et si elle ne l'avoue pas, un léger soupir contenté trahie le plaisir qu'elle trouve dans ces oreilles moelleux. Installée avec un peu plus de discrétion que bêtement s'y pavaner, elle s'y est lovée malgré tout alors avec plaisir. Elle le laisse expliquer son plan, quelles herbes il compte utiliser et la méthode d'administration. Elle le sait très bien, de toutes façons : elle ne protestera jamais, ne prononcera jamais 'non'. L'ordre d'un guérisseur possède déjà haute valeur pour elle ; le sien est absolu. Elle ne conteste pas non plus la palpation. Le dos continue de tirer sans douleur, la patte réveillant le un bruit blanc, colonie de petits flux. Les flancs restent silencieux sous la manipulation, Nocera ressent l'instant où il glisse dessus comme calme, sans évènement.

Elle oublie le fourmillement.
Vers le ventre ses coussinets glissent, et révèlent une gêne. Elle le contracte par réflexe, surprise par cette étrange sensation. Elle tourne la tête vers son jumeau, s'apprête à parler de ce que le contact lui a évoqué quand elle voit son visage changer. Elle s'inquiète, son abdomen doit avoir murmuré ses secrets pour que son jumeau s'arrête. Et quelle confidence, pour causer les larmes, la voix tremblante à son frère !

Il l'enlace.

Il n'y a que très peu de choses qui terrassent la voix féconde de son frère, toujours premier pour épancher ses émotions. Les tragédies ne sont pas assez, il trouve toujours au moins une phrase à formuler, une demande à plaider. Non, non, il n'y a bien que... les immenses moments de joies, pour les mots lui voler.

Quelque chose tape dans son ventre.
Son cœur rate un battement.

Un hoquet la prends, avec un petit rire. Le museau perdu parmi les mèches folles de sa famille, elle fait enfin le lien que celle-ci va s'agrandir. Tout son visage se tire vers le haut. Un sourire le découpe, l'ouvre en deux. Immense comme un ravin, il n'y en a jamais eu d'autre pareil sur ses traits. Un second hoquet et elle serre Sobieski encore plus fort contre elle. Tout son corps se met à frémir, incapable de contenir toute la joie qui se déverse en elle et l'hilarité de n'avoir pas compris plus tôt.

Elle se soulève un peu et les secoue tous les deux.
Elle tremble jusqu'à n'en plus pouvoir, le monde n'existe plus, juste le rire qui la prends.

La joie, pure et intense, sans limites.

"Par les dieux... !"

Ce n'était pas une carence, simplement... La vie.