Adieu joli Terrier [Libre]

Ce n'était pas bien, de suivre les gens sur d'aussi longues distances.
De les pister, à l'aide de son flair, comme me l'avait appris Eva. C'est quelque chose que je ne faisais jamais ! Laissant à chacun la liberté de faire ce que bon lui semblait ; de n'aller vers eux que si je percevais quelque part l'envie d'une compagnie (de la mienne, surtout).
C'est pourtant ce que je fis, aujourd'hui.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, c'est comme mu par l'instinct que...Je devais le faire, voilà. C'est comme ça. J'aurais pu prêter à mon glowstick violet quelques facultés de perception, me faisant dire que tu aurais alors eu besoin de moi.
Mais ça aurait été mentir.
Et plus encore, en usant le don de Yurai, sagesse même !

Il est toutefois possible qu'il y eu l'histoire d'une envie, quelque part.
Celle présente ou à venir.

C'est jusqu'au bois que je connu étant enfant que je te trouva, ma gentille Kerguelen.
Tu m'avais déjà parlé, du terrier qui se trouvait en ces lieux. Je m'en souvenais bien, tu sais ! Et même si je n'étais pas le plus intelligent, oh, je compris vite la raison de ton chagrin. De pourquoi tes larmes coulaient si forts, roulaient comme des grosses billes sur tes joues pour tomber sur le sol.
J'espera un instant qu'il en pousse une fleur, sorti de la terre infertile.
Juste pour qu'il se passe quelque chose de beau.
Juste pour que tu regardes autre chose que ton malheur.

Parce qu'il n'était plus, ton terrier, ma gentille Kerguelen. Il était tout effondré, d'accès bloqué.
Et si certain t'aurait dit, que ça n'était qu'un lieu... Moi je savais, à cause de toutes les étoiles que tu avais eu dans les lieux en me l'évoquant, à quel point il t'était important. Son lac, et la voix chantante. Tes griffes de diamant, trouvé ici bas.
Les lumières. Tes espoirs sous-terrains.

Il pleut toujours aussi fort, pourtant tu viens à ne plus pleurer autant.
Parce que tu te redresses.
Ma gentille Kerguelen.
Ma flamboyante Kerguelen.

Nous ne sommes un peuple de guerriers, mais tu es pourtant la plus noble des combattantes.
Et tes mots, je les entends en même temps que c'est de toi dont je m'approche.
Sur ton épaule pose une patte.
Un sourire, je t'offre.

« Il ne sera pas oublié, ce monde secret. Il restera toujours en toi, il fait parti de toi. Il est devenu le tien, rien que le tien, et ça personne ne sera un jour capable de te l'enlever. »

Je ne t'abrite pas de la pluie.
Car elle est bonne, cette pluie.

« Tu n'as pas à te forcer à sourire, c'est ton droit d'être triste. Il faut pas mentir, sur ses émotions... Il faut pas mentir, Kergu'. »

Mes sourcils se haussent dans un air désolé alors que le contact de ma patte devient étreinte autour de toi. Je l'ai bien vu, ton air que tu veux garder humble et heureuse, quand de joie tu n'es pas. Je ne veux pas que tu te forces, pas devant moi.
Ça me peine d'autant plus, que de te voir essayer d'être ce que tu n'es pas. Ne fait pas ça, ma jolie amie.
Oh.
Et ne dis pas ça !
Tu te serres tout contre moi et je t'enveloppe de mes longues pattes, pose ma tête sur la tienne. Toi louve la plus généreuse de ces terres, toi qui donne et qui donne encore et toujours... Comment aurait-on pu un seul instant te trouver égoïste ?
Je te serre un peu plus fort, laisse ma cape entourer tes épaules et te cacher aux yeux du monde.

« Ne dis pas de bêtise, comme ça. Tu ne l'as pas été, égoïste. »

Ma patte caresse tes cheveux, plaque un instant ta crête avant de la laisser se relever. Et tes larmes dans mon cou apporte avec elles d'autres mots, qui en font naître en mes yeux et font trembler le bas de ma lèvre. Tout, tout légèrement, ton émotion me gagne.
Tout, tout légèrement...

« ...et si ton cœur pouvait parler... »
...Il brille, le glowstick. D'un mauve se mêle au tien.
« ...Tu crois qu'il nous les raconterait, tes beaux souvenirs ? »
...Il a entendu ton envie, comme un appel à l'aide.

Il y a autour de nous une valse du paysage, en lumière se trace au sol les cristaux et les racines. Il y a tes souvenirs en image, les clapotis d'un lac en réminiscence. Il y a les ombres et la luminescence, il y a ce que tu as perdus mais qui persiste pourtant.
Et il y a mon sourire.
Tu vois, Kerguelen.

C'est pour ça.

C'est pour ça que je garde toujours espoir.

Tu l'acceptes. Mon aide, mon réconfort. Ma présence et ma chaleur. Tu l'acceptes et c'est bien, comme ça.
Parce que toute personne en pleur mérite une épaule.
Parce qu'on a pas à s'en vouloir, de montrer ce qu'on ressent à quelqu'un. Ses émotions, même les plus vives... Il n'y a pas plus belle preuve de confiance.

Et c'est parce que tu es personne formidable, que sans doute mon don s'éveille ainsi. Il nous transcende tous les deux, dévoile à nos yeux ce mirage bien trop vrai. Il répond à ton envie, oui, celle grande qui pulse en toi. Ressent ton besoin. Le violet souligne ton regard doré et le constelle de milles paillettes.
Voilà que ta volonté est faite, maintenant, que de me présenter ton beau terrier.

Je penche la tête, le regard sur le côté. T'invite à te soustraire à mon étreinte pour...
Oh !
Danser. C'est ça, c'est ce que tu fais.
Tu deviens alors une petite valseuse au cœur si pur, chasse d'un pas en arabesque les larmes de ses joues. Tu progresses entre les ombres et les cristaux, me montre le lac sans le savoir. Me fait entendre, l'appel qui n'est que mélodie.

C'est magnifique, de voir le bonheur ainsi renaitre et prendre forme.

Et moi... Je suis emplie d'une joie immense, tu sais, que de te voir ainsi revivre.
Parce que c'était là la preuve de ma réussite à tes côtés, qui si je la constate n'en fera mon orgueil. Parce que c'était la preuve, que quelle que soit l'obscurité dans laquelle tu te trouvais... Je serais là, tu vois.
Avec une lumière, prêt à chasser les ombres.
C'est moi. C'est moi, le phare, c'est comme ça que tu m'avais qualifié et il me fallait te montrer, que jamais tu ne mentais.

Ta patte sur ma poitrine me tire autre sourire, plisse mes yeux émus. Un merci que j'accepte puis chasse d'un battement de cils, tes mots qui me tirent ce petit rire tout doux.

« Oh, oui ! Que je t'ai vu danser. Et c'était beau. Très beau.
Et...Tu vois ! Tu auras pu les partager, tes souvenirs. »

Je ne suis qu'affection, me penche vers toi pour toucher ta joue de mon museau. Nous sommes Nakhus et nous offrons beaucoup, je ne déroge à cette règle et aime le contact des miens.

« Yurai m'a offerte cette possibilité parce qu'elle non plus, ne veut te savoir triste. Il ne répond pas seulement aux envies, mon petit don. Il aspire au bonheur. »

Je glousse, déploie mes trois pattes sous moi pour me relever.
Alors, maintenant... Alors maintenant, m'accompagnerais-tu dans une danse un peu folle sous cette pluie qui nous trempe ?

Soyons heureux, ma chère Kerguelen.
Soyons heureux, jeunes et fous.

« Jamais je ne les oublierais. »

J'ai levé une patte et tapé un doigt contre ma tempe. Là, tu vois ! Ils y resteraient.
Mon sourire qui s'étend et montre toutes mes dents affirme cette promesse que je te fais, de ne jamais oublier. Je pourrais même, pour toi, illustrer ce que tu montras en ce jour que l'on voulu triste mais qu'on décida de ne pas laisser ainsi. Dans un recueil d'images, dont les pages seraient à ta guise détachable. Pour que tu puisses les offrir à d'autre, pour que tu puisses les garder et les accrocher.
Oui. Oui, c'est un projet que j'installe dans un petit coin de mon cœur. Il est noté, là, tu ne le vois pas encore mais il n'est que pour toi.
Tu faisais tant, pour nous ! Tu méritais bien que j'investisse tel effort pour t'en faire ce plaisir, car tel était un peu mon rang parmi les nôtres.

Puis tu parlas du bonheur que l'on crée, des amis que l'on se fait. Et moi... Moi, je suis d'accord avec toi. Je sens une chaleur m'envahir, au creux de ma poitrine. C'est quelque chose de bon.
Je me sens bien.
Et c'est en toute quiétude que je hoche la tête, te laisse filer quelques minutes. Quelques minutes qui sont tiennes et au cours desquelles je n'interviens pas, te laisse extraire de toi ce deuil au travers de ces griffes que tu fais crisser contre un caillou plat.
Tu lui fais une tombe, à ton terrier.

C'est un hommage magnifique.
Que tu signes, du trait léger de ton prénom, Kerguelen.
Puis... Tu me proposes de rééquillibrer ce monde, et dans ton ton je ne saisis qu'une chose.

« Oh ! C'est une invitation~ ? »

Alors à cette patte tendue j'y réponds, la saisie et t'aurais bien fait tourner autour de mon bras. Ce n'est pas moi qui mène cette danse, je me fais ton partenaire et te laisses me faire valser. Je suis maladroit, sur trois pattes, mes pas ne sont pas les plus gracieux. Mais je fais de mon mieux et c'est ça qui compte le plus.
Qu'importe, la prestation.
Ce qui est important est ce que nous transmettons.
Un pas.
Nos flancs qui se frôlent quand se croisent nos corps.
Un pas.
Je tourne sur moi-même quand d'arabesque de lumières tu deviens.

Et je ris, aux éclats !

Autant en emporte la pluie, quand nous déversons amour et émotions.

Je ne sais pas combien de temps nous dansons. Je crois que c'est un de ces moments hors de celui-ci, de ces moments que l'on vit une fois dans sa vie mais dont on se souvient tout du long.
Nous atteignons un état de transe, je crois, quand nos pas nous emportent toujours un peu plus loin sur une partition que nous sommes les seuls à pouvoir entendre, de nos oreilles accordées.
J'aime ce que nous devenons en cet instant présent. Des lumières et des rires.
Des amis un peu plus proches.

Et je m'enthousiasme de ce que tu me fais alors voir.

Je ne sais d'abord si c'est mon imagination ou ton pouvoir qui crée ces ombres turquoises autour de nous. Mais je suis forcé de le comprendre, quand tu deviens toi-même présente en cette ronde, quand tu deviens toi aussi une aura plutôt qu'une louve.
Mes yeux s'émerveillent et mon cœur bondit.
Je m'étrangle dans un rire alors que je tourne sur moi-même pour suivre cette chorégraphie. Pour en prendre part, en si petite partie, jusqu'à en perdre l’équilibre et dans un dernier éclat, en même temps que tout explose, finir assis par terre.

Mon cœur bat si vite, dans ma poitrine ! Je n'entends un instant plus que lui, plus que la pluie qui jamais ne s'est arrêtée.
Et tu me reviens, fragment après fragment, quand souffle après souffle je reprends mes esprits. Tu es allongée, fatiguée autant que je peux l'être.

Tu as l'air heureuse, quand tu me souffles quelques mots auxquels je dois répondre.

« Magnifiques lumières. Magnifiques souvenirs. Merci à toi. »

Je m'en souviendrais toute ma vie.