L'enfant du terrier - Alexandrine

La famille.
C'était une chose dont elle avait toujours rêvé, de si loin qu'elle se souvienne. Alors enfant, elle posait les yeux sur sa mère, espérant un sourire, un regard empli de tendresse, attendant un signe d'affection qui ne vint jamais. Et elle du se faire une raison. Sa seule véritable famille était partie avant sa première année de vie, la laissant avec ce manque, terrible, ce besoin d'avoir à nouveau cette famille, lorsque d'autres se retrouvaient si bien entourés.
Elle n'avait jamais été jalouse, cependant : C'était bien pour eux, qu'ils ne soient pas seuls, et elle n'aurait pu souhaiter à son pire ennemi de se retrouver dans sa situation.

Et pourtant, ce petit-être, celui porté sur ses épaules, la connaîtrait, cette situation.
Elle avait marché longtemps, Holly, à la recherche d'une odeur, proche de celle de l'enfant. Elle avait questionné tous les loups croisés, pour savoir si ce visage leur disait quelque chose, pour n'entendre que des réponses négatives. Elle avait parfois regretté de ne pas avoir laissé Cendres l'emmener aux Nakhus mais se disait, ensuite, que ce n'aurait rien changé et qu'il ne serait probablement pas plus malheureux chez les Etelkrus.
Ici où la bas, il ne serait qu'un entend trouvé, ne devant sa survie qu'aux pattes qui prendraient soin de lui. A qui appartiendraient-elles, d'ailleurs, ces pattes ?
C'était une bonne question.

Forcément, elle avait songé à l'élever elle même, à le prendre pour... fils adoptif. Elle avait des valeurs à lui transmettre, bien qu'elles soient parfois contestables, elle en avait elle même confiance, pourrait lui apprendre à sa battre, à lire, même, désormais, à aimer, lui offrir un foyer, tout simplement.
Mais en sera-t-elle seulement capable, de ça, celle qui connaissait bien mal le bon fonctionnement d'une famille ? Celle qui n'avait d'autres repères que ceux qu'elle s'imaginait ? Pouvait-elle prendre le risque de mal faire les choses ? Il était vivant, cet enfant, et n'était pas une expérience. Elle n'aurait pas le droit à l'erreur, dans toute la rigueur qu'elle s'imposait.
Seule, ce serait difficile.

La seconde possibilité était toute aussi évidente : Elle pourrait le confier à Pomme, la nourrice, qui l'élèverait très bien, avec d'autres orphelins. Il ferait sûrement un bon Etelkru, une fois plus grand.
C'était peut-être le mieux à faire.

C'était sûrement le mieux à faire.

Comme conscient des doutes qui l'habitaient, le tout jeune loup s'accrocha un peu plus fort à ses épaules, la faisant frémir.

- Nous ferons pour le mieux, d'accord ? Je te promet, qu'on fera pour le mieux.

Elle inspira profondément et gravit les derniers mètres qui la séparaient du Castel.

Elle continuait d'avancer sans savoir où elle allait, hésitant toujours entre deux options.
Devait-elle aller chez elle ? Chez Pomme ?

Son questionnement fut interrompu par une voix familière. Une voix qui hélais son prénom. La Conseillère bleue s'arrêta donc, la laissant la rejoindre par ce que, de toutes manières, elle ne savait vraiment pas quoi faire d'autre. A la seconde question posée, elle fronça légèrement les sourcils.

- Bien sûr que non !

Elle laissa le petit, si petit, descendre de ses épaules et frémit, encore, lorsqu'il vint se blottir contre ses pattes avant.
Elle évita soigneusement de le regarder. Pas tant que la décision ne serait pas prise. Par ce qu'elle avait si peur de flancher, là, maintenant, face à un regard implorant et... Il ne serait pas sain de faire un choix en fonction de ce genre de choses.
Enfin, c'était ce qu'elle pensait.
Elle soupira.

- J'étais au terrier. C'est là que je l'ai trouvé. Il était tout seul.

Tout seul.
Comment pouvait-on laisser un louveteau tout seul. Comment pouvait-on mettre un, ou des, bébés au monde et les lâcher, comme ça, sans la moindre considération, dans un endroit tel que le terrier où ils étaient promis à une mort certaine, si des loups n'étaient pas là pour les trouver.
C'était peut-être pour cela, qu'on l'avait déposé là, si petit et vulnérable.

- Il n'a personne.

L'enfant cilla, intrigué, il avait bien compris qu'on parlait de lui, par ce qu'il était un petit louveteau super intelligent... Mais lui même savait pas trop ce qu'il s'était passé dans le terrier. Il était tranquille, avec Maman, mais elle l'avait laissé là, et elle avait demandé d'attendre. Alors lui, vu qu'il était super sage, eh bah il avait attendu longtemps... très longtemps... très très très longtemps, mais Maman elle était pas revenue. Et du coup, maintenant, il avait super faim.
Ca tombait bien, la madame avec des ailes elle avait du manger !

Remuant joyeusement la queue, il s'en approcha, se tapissant au sol et offrit à la grande madame son regard le plus mignon.

En faire quoi?
Evidemment.
Comment pouvait-on l'imaginer élever correctement un gamin. Elle devait être... ridicule, avec sa nouvelle trouvaille, à se poser ce genre de questions, à gratter de précieuses minutes en la compagnie du petit loup plutôt que d'aller, directement, le confier à quelqu'un de plus expérimenté... De plus stable, aussi, peut-être. Peut-être qu'elle n'était pas faite pour avoir des enfants, qu'elle ne saurait pas s'y prendre, qu'elle...
Ouep, c'était ridicule. Elle ferait mieux d'oublier, ça, maintenant, de faire comme si ce n'était pas important.

Alors pourquoi, est-ce que son cœur se serrait comme ça ?
Elle ne répondit pas tout de suite, son expression se figea, morne.

- Chui Haniel. Et toi grosse madame tu t'appelles comment ?

Elle était quand même balèze la madame, fallait bien le dire, eh.
Il avait arrêté de manger pour lui répondre, par ce que c'était un garçon super sage et qu'il allait devoir continuer à être super sage si il voulait rester avec les deux madames, d'abord.

- Pomme s'en occupera bien.

Et ce serait bien mieux comme ça.
Cet enfant n'était pas sien, il n'était, et ne serait jamais de cette famille dont elle rêvait tant... et qu'elle n'aurait peut-être jamais. Il fallait se faire une raison, voilà tout.
C'était comme ça.

Le petit Haniel agita son aile unique, piaillant joyeusement.

- Tu pourras montrer comment on bute des dinosaures madame ?

Ca devait quand même être hyper cool d'être super musclé. Personne devait trop oser l'embêter, la grosse madame... La musclée madame pardon, il avait déjà oublié.
En tout cas, il la regardait avec des yeux tout brillants.

Holly, elle, fut prise d'un léger sursaut lorsque son amie pris conscience de sa tristesse... Qu'elle ne pouvait pas nier.
Et en même temps, plus les minutes passaient et plus le choix de le laisser à Pomme lui paraissait raisonnable. Elle n'avait aucune expérience, avec les gosses. Et puis, adopter un môme que l'on venait de trouver...
C'était difficile, de réfléchir, de faire des choix objectifs.

- J'ai de la peine pour lui.

Elle souffla.

- Ce n'est pas... facile... D'être l'enfant de personne.

Ca la renvoyait, sans qu'elle le veuille, à ses propres stigmates, encore présent malgré les années écoulées. A ce regret, de ne jamais avoir connu l'amour d'un foyer.
En sortirait-il indemme, lui ?

- Je crois que je préfère être un guerrier.

Simple constatation qu'il faisait là.

Holly, elle, passa par tous les états. D'abord, une expression un peu sceptique par ce, qu'en tant qu'orpheline, elle savait ce que c'était, d'être élevée par une nourrice. Ce n'était pas pareil que posséder une famille, des parents, des frères et des sœurs avec qui jouer. C'était être élevé par obligation, par ce qu'on serait probablement un futur guerrier ou autre rang utile à la meute et pas pour l'individu que l'on était.
Mais ça, Alex, elle ne pouvait pas le savoir. Par ce qu'elle était née dans une vraie famille et qu'elle avait, et était toujours, sincèrement aimée par les siens.

...

- Oh.

Elle réfléchit.

- C'est vrai qu'il serait bien, là bas.

Mhh. Comme dirait Daisy.

- Mais est ce qu'elles seront d'accord ?

La louve bleue hocha la tête.

- D'accord, allons y !

La perspective de le savoir non loin lui plaisait. De même de savoir qu'Haniel aurait une vraie famille... La plus formidable des familles, même, tant elle n'avait aucun doute quant au fait qu'il puisse être accepté, désormais.
Alors la femelle emboîta le pas de sa compagne après avoir juché le petit loup sur son dos.