Bad boys in town l P.V. Littie

La psychologie de la Nakhu est une chose qui dépasse sa compréhension.
De l'accord tenu avec les poules, lui se demande s'il possède parmi eux un loup murmurant à l'oreille des animaux. Pour ainsi leur promettre train de vie. Leur ôter leur plaine, au profit d'un enclos, un peu comme eux mettait en cage les solitaires ayant franchis les frontières de leurs terres.
La sécurité, contre la liberté.
Et des prédateurs, s'en retrouvaient pourtant incapable de fuir si celui-ci venait à rentrer dans le poulailler. Ils en avaient eu la preuve. La promesse était un mensonge, mais Désastre ne dit rien : parce qu'elle parle de la mort, ensuite, et que face à celle qu'il n'a pas connu, il n'a rien à dire.
Alors il se tait.
Pour une fois, c'est mieux.

Mais les autres paroles lui font redresser la tête et les épaules, dans un port qu'il prend peu. Quelque chose qui se veut plus écrasant, quelque chose qui tend ses muscles et ancre plus fermement ses pattes au sol.
Et l’œil fixe.
Elle.
Il la fixe.
Elle ne l'a pas compris, croit-il d'abord, il s'est mal exprimé. C'est quelque chose qui arrive fréquemment, il le sait. D'être trop avare en mot, on en perd sa compréhension ; la voix grave et trainante n'aide pas. Mais elle évoque les sens. Que l'on s'en sort, un défaillant.
Elle ne l'a pas compris. Vraiment pas. Elle ne peut pas le comprendre. Croit-il là aussi, avant que sa patte ne remonte sur une de ses oreilles. Désastre surprend le geste plus que l'absence de celle-ci, détail qui avait son importance pour la louve mais dont il était totalement passé outre.
L’interprétation qu'il s'en fait est mauvaise, fait gonfler son échine et redresse son échine alors qu'Alexandrine est passée devant lui.
Elle sait. Pour l'oreille sourde, elle sait.
Comment ?
...
Que sait-elle d'autre, de lui ?
...
Elle est dangereuse.
...
Quelque chose ne va pas.

Son souffle se fait profond, l'extrémité de sa queue s'agite dans de brefs mouvements rapides qu'il ne cherche à éteindre. D'abord il répète, mécaniquement. Détache les syllabes, accélère un peu sa voix pour lui faire prendre allure plus normale.

« Non. Pas les poules, mais Alexandrine. A cause de l'expression. »

Et ensuite. Les sens. Le sujet de discorde sur lequel il n'arrive pas à se détacher. Et qu'importe si ses mots ne s'attachent à ceux d'Alexandrine, il focalise sur Kerguelen et en oublie de s'accorder.

« On est moins performant, un sens et un demi en moins. On ne peut plus s'en sortir partout.
...
Comment tu sais, pour l'oreille ?
...
Aveugle, on ne soigne plus. Je ne peux pas devenir aveugle. C'est pour ça, la peur. »

Les maladies, sans doute. Mais lui ne soignait pas, les maladies. Les plaies quant à elles devenaient alors intouchables, car tâter pour chercher n'était plus chose possible. Il fallait trop de précision. Et aveugle, on ne la possédait plus, cette précision.
Il serait condamnée à devenir ce qu'il n'avait pas voulu être.
Il aurait aimé lui faire comprendre, à quel point il y tenait, à son rôle de soigneur. A quel point c'est sa vie, qu'il orientait autour de celui-ci.
Espérait au moins dissiper tous les malentendus qui lui font gagner en agacement ; reste en parallèle focalisé sur le don potentiel d'omniscience de la louve (il craint toujours, ce genre de pouvoir).

Alexandrine parle encore, d'avoir gardé oreille en écoute sur Kerguelen lui avait fait oublié si elle avait parlé avant ou après lui, ou peut-être avant et après lui.
Ca n'avait pas d'importance.
Elle était toujours devant lui, et lui était toujours aussi tendu. Mais il ne bougeait pas. Il ne ferait pas de mouvements brusques, il n'irait pas à son encontre...

Plus que ça.

Désastre a rancune aussi tenace que celle d'Alexandrine, et une mémoire plus ancrée sur le moment présent que sur le reste.
Les explications données, ce qu'il devait rétablir comme vérité octroyée aux oreilles (dont l'absence, encore, restait omise) de la louve, il laisse la tension disparaitre en même temps que sa queue hérissée retrouve son aspect lisse et retourne frôler le sol.
Elle dit qu'il faut offrir une dernière demeure, aux poules.
Pour Raison et son vieux cœur.
...
Et ça aussi, ça fait tilt chez Désastre. Le regard a changé, il s'y est allumé l'étincelle qui le gagne lorsqu'il se penche sur les maux des siens.

« D'accord. »

Il creuse. Les deux antérieurs trouvent le sol et envoi  la terre avec puissance, entre ses postérieurs écartés pour mieux le maintenir en position.
Et quand Alexandrine achève de lui poser toutes ces questions, lui enchaine des siennes.

« Vous n'avez pas expérience, sur les vieux cœurs ? J'ai de quoi aider.
...
Tu sais tout ? C'est ton pouvoir ? »

Il revient sur l'oreille sourde. Il ne s'en détache pas, de cette crainte.

« C'est vrai. On ne va pas attaquer, on a jamais dit qu'on voulait te blesser.
Ne pense pas faux.
...Ce serait déjà fait, sinon. »

Il tente maladroitement de soutenir les paroles d'Alexandrine, Désastre.
Il fait de son mieux, ne veut surtout que rétablir la vérité : il le faut, c'est important. Et il le sait, le gris, qu'Alexandrine tout comme lui n'avait eu intention de faire du mal à la Nakhu. Ils ne s'étaient pas montrés hostiles à son égard, avait accepté de l'écouter. Ils étaient restés à leur place, n'avait rien fait qui puisse laisser croire qu'ils allaient s'en prendre à elle, mais elle...
...
Elle allait dire à Pepper qu'il n'avait pas respecter un ordre, que celui de protéger les Nakhus autant que les Etelkrus, tant que c'est sur la glace qu'il vivait. Elle allait lui mentir, et c'est elle que Pepper croirait. Il le sait, il en est conscient, Désastre. Alors il s'agace, un peu plus, face aux erreurs que fait la louve en face d'eux.
Celui qui n'avait jamais cherché à se faire comprendre perdait désormais ses contrôles face à celle qui ne pouvait le comprendre.
Et il n'est plus certain, qu'elle sache tout.
A bien y réfléchir...
Elle doit juste savoir certaines choses.

Il se demande quand même ce que ça veut dire, le bâton dans le cul.
Il demanderait plus tard, à Alexandrine.
Quand il aura détaché les yeux de l'arme. Celle qu'elle touche, la Nakhu.
Il ne connait pas son fonctionnement.
Il sait, pourtant, qu'elle était dangereuse. Et cela suffisait à presque le déclencher. Il fut louveteau fait Épée plutôt qu'enfant, il agit par reflex et répond à ses instincts. La peur, souvent en premier.

Les babines frémissent, sans jamais afficher ses crocs ni qu'on l'entende grogner. Ce n'était pas dans son fonctionnement, lui ne menaçait pas : il attaquait directement, sans avoir besoin d'y prétendre avant..
Son échine se courbe sous les ailes d'Alexandrine, se gonfle encore. L’œil reste rivé, l'amie gère et le protège. Elle cherchait leur attaque, croit-elle ? Voulait-elle les inculper de son agression ? Sa poitrine se soulève et la respiration se mue en un halètement rapide.
Il surchauffe. De trop mal réfléchir.
Pepper lui dirait de ne pas bouger. Qu'il n'a pas le droit, de lui faire mal, même si elle cherchait à les faire réagir. Il ne faut surtout pas, c'est important ! Elle crierait. Alors il ne fait rien, le soldat. Il reste à sa place et laisse sa queue décrire des mouvements plus amples dans son dos, quand l'agacement doucement se mue en froideur des émotions.

Laisse toute place à Alexandrine. A ses grandes ailes et à ses paroles qu'il estime être bonnes. Il n'aurait pas pu dire mieux.
Il a toute confiance, en elle, au point qu'il finit par cesser de fixer Kerguelen pour plutôt la regarder elle.

Elle qui reparle, pour qu'à nouveau Alexandrine y réponde.

Et puisqu'il estime sa meilleure amie bien plus fort que lui dans ce jeu de discussion où il ne trouve que frustration, Désastre s’éclipsa oralement d'une dernière révérence :

« Mmh. »

Il n'avait pas tout compris, de toute façon.
Encore une fois.

Le Mmh sembla pour une fois être la meilleure réponse qu'il puisse donner au cours d'une conversation. S'il en usait d'ordinaire lorsqu'il ne voulait prendre peine à réfléchir à une réponse adéquate, que le sujet l'intéressait peu, qu'il ne comprenait pas totalement ce que l'on attendait de lui et qu'il ne voulait commettre d'erreur, ou qu'il...Bref, qu'il l'utilisait de façon mécanique et universelle, pour ne pas dire systématique ; il fut pour une fois mot le plus approprié.
La tension retomba chez Alexandrine et lui de la même façon que l'arc se baissa.
Immédiatement.
La louve grise s'excusa et il fit abstraction des sentiments qui pouvaient bien suinter dans sa voix, incapable de percevoir quoi que ce soit chez elle. Lui collant ce visage triste par défaut, maintenant qu'il avait eu temps de bien la regarder.

Elle aussi, avait du mal à comprendre les autres.
C'était un point commun qu'il nota, haussant ses musculeuses épaules qui lui donnait facilement deux largeurs de la Nakhus quand il était dans la norme de sa meute. Baisse même le museau, acquise les paroles d'Alexandrine.

« Vrai. »

Il lui est fréquent, de s'emmêler avec les mots des autres. De ne pas interpréter correctement ce qu'ils lui renvoient, de passer à côté de signaux évidents pour d'autres mais inconnus et donc invisibles pour lui. Tout était une histoire d'analyse et de confrontation dans ce qu'il possédait dans la base de donnée construite depuis sa petite enfance ; une absence dans celle-ci occasionnant chez lui une défaillance du système et une nécessité de commettre une erreur pour mieux savoir, la prochaine fois, quelle serait réponse la plus adaptée.
La communication était un art complexe, en constante évolution.
Peut-être un jour, la saisirait-il au même titre que l'usage des expressions, cessant d'avoir visage si morose.

Figé, il regarde Kerguelen partir s'occuper des poules. Il n'oublie pas, la demande d'enterrement.
Figé, il saisit aussi le mouvement d'Alexandrine et son invitation à réparer la grange.
...
Mmh.
C'est deux choses qu'il doit faire, il le sait ; il ne peut désobéir à l'une comme à l'autre.

D'abord, il se tourna vers l'amie.

« D'abord je dois creuser mon trou. »

Il respecte la liste de ses tâches, celle-ci est notée avant la grange car demandée avant. Aussi, rapide, va-t-il d'abord vers la Nakhu, le creuser son trou.
C'est rapide, ses pattes sont puissantes, ses griffes taillées cours ne risque de se casser contre les rocailles. La terre ici est humide, c'est moins compliqué qu'en territoire Etelkru ; des grosses mottes compactées sont envoyées dans son dos.
Et quand il l'a fait, son trou, quand il estime le devoir accompli auprès de Kerguelen, il la laisse sans un mot à l'hommage que sans doute elle voudrait rendre, l’œil devenu vif par l'esprit occupé par des objectifs.

De retour, aux côtés de la dragonne. Elle a analysé la structure et demande du bois, cherche des attaques. En métal.
Ses babines frémissent. Il dévisage le trou, Désastre.
Et répond ce qui lui semble être logique de faire. Parce qu'il ne se focalise pas, sur ce qu'il ne sait pas faire. La banque de données, elle toujours elle.
Peut-être que pour une fois, il essaye aussi d'utiliser ses quelques neurones, et d'honorer ses trois PCs ING.

« Je pense qu'on arrivera pas, à bien réparer.
Mmh. On peut améliorer.
Au lieu de réparer, oui... On pourrait construire une tour. A côté. Collée. Ça cacherait le trou, il serait comme une porte pour y rentrer.
...J'ai beaucoup regardé celles de l'île Abysse et celle des falaises.
...C'est Pepper, qui les a faites avec d'autres.
...Je sais comment elles s'établissent. »

Une extension, plus qu'une réparation. Améliorer plus que réparer leurs erreurs. Surtout, ne pas en commettre d'autres, des erreurs.
Ses babines s'étirent et il plisse l’œil, s'enferme dans une bulle de réflexion alors qu'il se penche au-dessus du sol. Et il dessine, Désastre.
...Enfin, il fait de son mieux, en même temps qu'il essaie d'expliquer. Montre ce que représente ce qu'il trace de ses griffes dans le sable, pour donner plus de clarté au brouillon.

« La grange. Le trou. La tour.
...Pepper avec Sly a fait une base solide en rocher, les a soudé avec du feu. Tu cracheras du feu, les dragons font ça. Pour faire pareil... C'était son pouvoir, à Sly. Le feu.
Moi j'assemblerais les rondins de bois, en forme Quetzalcóatl.
...A la fin, les poules pourront monter au sommet et surveiller les prédateurs.
...Ok ? »

Un plan d'architecte, avait-il tracé au sol.
Vraiment.

L'idée de la tour lui plait. Beaucoup.
Et d'un mouvement de la queue, Désastre accuse la satisfaction de l'idée. Parce qu'ils peuvent montrer, que de cet accident il peut en sortir quelque chose de mieux. C'était comme l'amputation du postérieur du Nakhus, de Sobieski, une patte en moins qui le forçait à se muscler davantage et à finalement entretenir meilleure forme physique qu'initialement ; d'un trou il advenait une condition plus favorable.
Mmh.
C'est pour ça, que Désastre ne métaphore pas. Parce que c'est bien trop maladroit, et qu'il choquerait par une divulgation de telles comparaisons.
La réflexion quant à Holly lui fait redresser le museau et plisser l'oeil, pour répondre de façon tout à fait évidente que :

« C'est parce que sa spécialité est la taille de pierres. Elle m'a offerte des statuettes.
...Très belles. »

Le ton porte l'assurance de celui qui était convaincu de cela. Parce qu'il les trouvait vraiment jolies, ces statuettes mises en avant sur une roche un peu en hauteur, dans sa grotte, et qui se parait de plus de rouge encore quand le peu de soleil qui y rentrait venait les frapper, tôt le matin. Il lui semblait donc légitime qu'elle sache moins bien dessiner, puisqu'usant de son talent ailleurs.
Tes raisonnements sont formidables, Désastre.

Par chance il ne perd plus de temps à réfléchir quant aux talents de Holly, revient se concentrer sur la conception de la tour. Il laisse Alexandrine lui évoquer ce qu'elle pouvait faire, et lui enchaine.

« Oui.
...
On va ramener des pierres des Monts Célestes et aller chercher des troncs de pins aux dents de rocs. Pour ne rien prendre chez eux. »

Pour montrer aux Nakhus que ce n'était qu'un accident qu'ils réparaient. Pour compenser les pertes par du matériel venu d'ailleurs.
Il faut qu'il pense à ça pour que Kerguelen leur revienne. Elle a finit d'enterrer les poules, parle d'aller rendre compte à leur Oracle et dépêcher sur places quelques Nakhus.
Il hoche la tête, Désastre.
Il ne voit rien de plus à dire, comprend qu'il faut s'occuper des animaux en vie (eux ne sont pas habilité, ils ne connaissaient pas leur nom) et établir un rapport à son chef comme lui en aurait fait de même avec les Alphas si une tour avait été endommagée de la sorte, chez eux.

Il saisit moins de choses qu'Alexandrine, qui porte sur le départ de la louve sous forme d'aura lumineuse (ah. C'était ça, son vrai pouvoir, il en était certain maintenant) une autre suite.
Elle est tournée vers lui.
Les mots lui font effet d'un coup de fouet.
On va se faire engueuler sévère, je pense. J'espère que t'es prêt.
Une réflexion amicale, presque dit le sourire aux lèvres. Il ne sait pas, il ne la regarde plus, Alexandrine. Il a le regard focalisé sur l'avant, semblait presque choqué d'une réalité qui, soudain, serait venu le frapper. S
es muscles se sont tendus et le maintiennent immobile, il serre les croc et accusent les mots.
Elle lui donne des conseils, il croit, il peine à les saisir mais répond quand même.

« D'accord. »

Le mot filtre, d'un ton maladroit.
L'esprit turbine.
Désastre ne pose de mot sur cette gorge qui se serre, ou ce bref, si bref pincement au cœur qu'il surprend à peine et se décide à ignorer. C'est une tornade qui se déclenche en lui parce que voilà qu'il réfléchit trop et déjà il se demande, ce qu'elle voulait dire, Alexandrine.
Il lui manque des informations, c'est ça qui le perturbe le plus. Alors il demande :

« ...Ils, c'est qui ? »

Si elle lui disait qu'ils allaient se faire engueuler sévère par les Nakhus. Dans ce cas... Dans ce cas, ce n'était pas grave. Parce qu'ils n'usaient pas des crocs, pour corriger. Parce qu'il ne pinçait pas le cou pour forcer à s'écraser au sol et à se faire tout petit. Parce qu'il les voyait engueuler sévère comme l'avait fait Kerguelen, témoin de la scène. Beaucoup de mots, de longues phrases difficiles à suivre et qu'il écouterait (du mieux possible) puis oublierait.
On leur dirait de réparer, c'est ce qu'ils faisaient déjà. Du mieux possible... Non, encore mieux que l'état initial. Alors, on ne pourrait pas saluer leurs efforts, accepter leurs erreurs et leur offrir pardon.
L'erreur était acceptable si on la comprenait puis qu'on la corrigeait, qu'on ne la refaisait plus. Tel était son fonctionnement.
Il estimait avoir aussi beaucoup fait. Il avait fait des efforts, pour s'inclure. Il avait travaillé longtemps avec Eva, pour améliorer ses techniques et en apprendre davantage. Il avait sauvé Noé du froid (croit-il) et ils discutaient beaucoup. Il avait aidé à cette grande tente, avec tous les autres. Il s'était battu, il avait soigné, sans distinction. Il avait traqué, l'un des leurs, même si le sort ne lui fut favorable.
On ne pouvait pas lui reprocher éternellement ça, face à ce qu'il avait fait à côté. Si ?
Une erreur, une seule; quand ailleurs il n'y en avait pas eu.

Il sait, Désastre.
Que cette erreur, pourtant, ne passerait pas aux oreilles de Pepper, si dans les ils celle-ci prenait place.
Et qu'elle le corrigerait. Parce que le soldat se devait d'être irréprochable.
Il ne l'avait pas été.
Il le sait, oui, Désastre.

C'est peut-être pour ça que même en déglutissant, il n'arrive pas à enlever cette gêne dans sa gorge, comme s'il avait mal avalé un os de poulet.

J'y suis presque, Alexandrine.
Elle est enfin fière de moi.
Elle m'appelle Astre et parfois me souris en coin.

Elle ne doit pas savoir ça, tu comprends, parce que...J'y suis presque.

« On doit avancer dans la tour. »

Il lâche ça comme pour faire taire les voix qui lui hurlent ses craintes, il lâche ça comme si c'était une solution à laquelle il s'accrochait. Parce qu'il se persuadait que s'ils réalisaient une tour meilleure encore que celles présentes sur les terres, que s'ils s'appliquaient dans cette putain de tâche, alors...

Alors, tout irait forcément bien.

Sa réponse n'a rien ni pour le convaincre, ni pour le rassurer. Elle sème un peu plus le trouble et le convint qu'il doit travailler du mieux possible, pour espérer rattraper telle erreur.
Parce qu'elle n'avait pas voulu dire ils, mais plutôt elles. Elles, leurs mères. Les deux siennes, et son unique, à lui. Les daronnes, ou quelque chose comme ça. Il n'a jamais appelé Pepper comme ça, il se dit qu'il essayerait puisqu'elle en était une et que jusqu'à présent il ne le savait pas : c'était peut-être quelque chose qu'elle attendait de la part de son fils, en gage de leur lien ou de cette relation de supériorité qu'elle possédait face à lui. Et peut-être, qu'alors! elle lui tannerait moins fort le cuir.

« D'accord. »

C'est mécanique, comme réponse. Encore une fois.
Il sait d'ailleurs comment on tanne le cuir, il a fait des capes. Il se dit que Pepper frappe fort, mais qu'Anette doit frapper plus fort encore. Aurait pu se surprendre un peu de savoir que cette dernière, par ailleurs, était capable de taper ses enfants. Ne parlons même pas de Sheina, que Pepper disait contre toute forme de violence et donc contre elle.
Ça doit être normal, quand on est daronnes. C'est comme ça qu'on éduque, sans doute : il ne s'est jamais intéressé à la façon dont on s'occupe d'un enfant. Il n'est pas prêt d'en avoir un et c'est un sujet qui peut donc attendre avant d'être porté à son analyse ; il ne sait d'ailleurs même pas s'il a le droit.
De toute façon, il reste mitigé quant au fait de frapper pour éduquer, et non pour blesser. Parce qu'il ne comprend pas vraiment, lui. Parce qu'il n'a jamais eu l'impression de mieux retenir, avec des coups. Au mieux, aura eu moins envie de recommencer l'erreur, bien que les mots toujours auraient suffit.
A choisir, après réflexion, il préférait peut-être un geste violent plus que des phrases criées.
Alors pourquoi pas, hein, se faire tanner le cuir.

La proposition d'Alexandrine le fait subitement redresser le museau, alors qu'il s'extirpe avec mollesse de ces réflexions, redressant vers elle un œil aux allures fatiguées. Ce qu'elle dit n'est pas vrai, c'est une erreur.

« Mmh.
...
Je ne peux pas mentir. »

Parce qu'il ne sait pas. Parce qu'il ne faut pas.
Dans ses difficultés à appréhender les autres et à s'exprimer, il n'était en capacité d'inventer une histoire qui n'était rattachée à la stricte réalité. Au mieux, garderait sous silence quelques parties, pour en raconter plus en détails d'autres. Au pire, se tairait, ou laisserait échapper un Mmh en guise de réponse.
Peut-être que ça décevrait Alexandrine, un peu. Il ne sait pas, il ne la regarde plus, préfère contempler cette partie de grange détruite, ce vide sur le mur qu'il faut faire devenir tour.

Mouvement vif de la tête, en guise de D'accord à la proposition qui s'ensuit.

Et quand elle redevient puissante dragonne, lui entame cette danse pour redevenir rapide Quetzalcóatl. Il n'a besoin que de quelques pas, parce qu'il est déjà saisi par les tensions. Que la nécessité de réussir est grande, elle crée plus que de l'adrénaline en lui.
Il tourne sur lui-même, allonge son corps qui demain trouvera maintes courbatures. Il déploie les ailes, celles qui laisseront le dos douloureux. Il se métamorphose, grandit plus qu'il ne s'épaissit.
Une forme légère d'abus, il le sait et en paiera de ça aussi les conséquences. Une concession, que de s'affaiblir pour quelques jours pour mieux réussir aujourd'hui ; car demain déjà il sera trop tard.

Un envol est prit.
Les plumes embrassent le vents et se soulèvent, le serpent à plumes tournoient sur lui-même en prend de la hauteur en même temps que décolle l'amie.
Elle va vers les Monts Célestes.
Il prend direction opposé et s'en va vers les Dents de Rocs.

Retrouver leurs terres est toujours un bien, là-bas les mœurs sont plus simples et où on différencie assez les familiers du bétail pour ne pas les parquer tous ensemble, ni les laisser sans surveillance.
On ne peut pas croire qu'ils sont là pour être manger, on les sait unique.

Son corps s'enroule autour d'un tronc, sa tête se pose contre l'un d'entre eux. Il prend une inspiration profonde, Quetzalcóatl, son expiration fait trembler sa couronne de plumes.
Et le voilà qui devient constrictor.
Sa queue s'enroule et il agite ses ailes. Il force sur un tronc penché, déjà à moitié déraciné. Il est grand, il s'est fait balayé par les vents ; il sera facile à récupérer, il pense.
Comme cet autre, là. Combien en aura-t-il besoin ? De quatre, au moins.
Il déracine les terres d'Aka, fait respirer la forêt en lui retirant ces quelques poids morts. Ceux qui gagneront ailleurs en utilité, dans ce qu'ils érigeront sur les terres Nakhus avec un savoir-faire de débutants porté par la hargne du repentir.

Et enfin, il rassemble les troncs, qu'il tient par une moitié de son corps. L'envol sera plus compliqué, la charge est importante.
Il espère sa force suffisante, il la déploie intégralement.

- PC FOR : 2-

Et le bois est attrapé et transporté, il apporte sa cargaison jusqu'aux terres Nakhus. Là où il lâche tout, aux côtés des pierres.
L'extrémité de sa queue s'agite.
Contrairement à Alexandrine, il ne peut pas parler sous cette forme. Juste siffler, c'est moins clair encore que ses mots.
Il lui indique les pierres, et le côtés de la grange.

Il la laisse entamer la base de la construction.
Et lui...
Lui se rappelle de la lavvu et des côtes du mosasaure. Il se dit qu'en plus des troncs, c'est ce qu'ils placeraient entre ceux-ci, dans un maintien de la structure.
Ça plairait à celle qu'ils avaient offensés, parce qu'il lui montrerait qu'il n'avait pas oublié ses idées.
C'est ce qu'il croit fermement, Désastre.

Aussi, le temps qu'elle entame cette base, lui repart sous cette forme chercher quelques ossements.

Il vole au-dessus des plaines, dans la vitesse qu'il obtient dignement de ce pouvoir aux valeurs de l'Anaconda. Il est Serpent à Plumes, fendant le ciel sans prêter moindre attention à ce qui peut se passer au sol. Répand son ombre, immensément longue. Il est de trois loups de longueur, mais sa hauteur et le soleil qui le frappe dans le dos lui confère des allures de géant sur le sol.
Les plumes embrassent le vent, un peu plus.
Il tourne sur lui même et d'un claquement d'ailes se rend plus rapide.
Non.
Il se rend torpille.

Inarrêtable, dans cette quête leur.
Ils obtiendront pardon des Nakhus s'ils parvenaient à leur offrir tour parfaite.

Et sans doute surprendra-t-il les oreilles de sa daronne, en passant si proche du camp sous cette forme. Parce qu'elle le connait si bien. Elle en a fait sa monture comme son objet d'entrainement, elle sait reconnaître ce fils qui trouve toute magnificence sous cette forme à lui en faire oublier son désagréable corps lupin. Se dira sans doute qu'il s'entrainait, à dépasser ses limites.
Quand lui ne faisait que se rendre sur ce qui restait de la structure du mosasaure. A s'entortiller autour des côtes, comme il l'avait fait pour la lavvu.
Dans une méthode efficace, à laquelle il est déjà entrainée. Pour les détacher, les uns après les autres. Les regrouper, sur un tas.
En prendre assez, défaire davantage ce squelette de trente mètres dont la vision, la nuit, le dérangeait lui et son œil disparu.

Comme une vengeance qu'il s'accapare.
Quelques os en plus, c'est plus léger que les troncs des pins imposants.

De sa queue, il s'enroule alors autour de ce qu'il récupère. Le froid gèle l'extrémité de ses plumes, ce n'est pas une terre adaptée pour lui : quelque soit sa forme, il avait toujours si froid.
La prise se resserre. Constriction, autour des ossements que d'un nouveau battement de rouge qui teinte ce ciel trop blanc, il soulève alors.
-PC FOR pour rapporter tout ça-

Et tous ses muscles reptiliens se mettent à fonctionner dans leur plus grande efficacité. Chacun sait lorsqu'il faut se contracter ou se détendre, l'électricité les parcours et tout n'est qu'une histoire d'efficacité.
Son corps est une mécanique dont il connait le fonctionnement, il s'est longtemps entrainé à gagner maîtrise de cette apparence, pour la rendre aussi grande que celle lupine.

Tous les efforts payent, aujourd'hui.

Il revient sur le territoire des Nakhus, tournoi autour de la dragonne avant que son chargement ne trouve chute sur le sol. Aux côtés des quatre pins, dont il s'occupait maintenant de retirer tout branchage, coupant des crochets tranchants ce qui pouvait dépasser du bois central.
Rendre les troncs glabres.
Les transformer en poutres, celles qui bientôt viendraient trouver place dans cette pierre qu'Alexandrine façonnait avec brio de son feu.

Un œil, pour elle.

Il est prêt à les porter, pour les glisser sur le socle.

Pour amorcer, toujours un peu plus, cette ambitieuse construction.

Il aime ça, il croit.
Travailler avec elle... Avec cet dragonne qui sue, quand lui n'en est capable sous cette condition, ne dépendant que de son environnement pour trouver rafraichissement. Le fond de l'air est froid et c'est suffisant pour qu'il maintienne température correcte, lui qui est aussi encore marqué par le vent glacial de la grève.
Ainsi peut-il continuer, oui.
Travailler avec elle...

Elle ne ménage pas ses efforts, elle le suit dans la construction de cette tour. Si Pepper acceptait de voir les efforts faits pour réparer l'erreur, ce soir, ce serait moitié par sa volonté de réussir, moitié par la sienne. Il en était conscient, Désastre, il n'oubliait pas tout ce qu'elle pouvait faire pour lui.
Prête à mentir, à porter toute entière la charge d'une action qu'il avait pourtant initié lui. Prête à s'investir de toute son âme, et surtout de tout son corps, dans une idée qui n'était sienne.
Pour lui, il y avait dans les choix d'Alexandrine beaucoup de choses non naturelles. Il aurait dû réfléchir, pour prendre de telles décisions, il aurait dû penser à ce que l'autre attendait de lui. Elle... Elle, elle tout était spontanée.

Un respect s'élève, pour elle.
Autre chose, aussi, qu'il n'aurait su décrire. Une forme d'admiration, discrète et d'une définition qui lui aurait été bien trop personnelle pour oser prendre ce terme d'admiration, cette forme qu'il réservait d'ordinaire à Pepper ou Anette.

Quetzalcóatl tourne autour de la tour, sent la chaleur du brasier que la dragonne souffle sur la pierre.
De sa queue qui s'enroule et crée une prise autour d'un tronc, il soulève celui-ci et d'un battement d'elle le redresse droit. Il le transporte, tire à nouveau sur tous ses muscles.
Elle, elle le guide.
Sa patte épaisse lui montre, et lui vise de telle sorte à ce que la poutre entre dans la pierre, dans cette fente qu'elle crée et qui n'attendait plus qu'à accueillir le bois. Voilà que la roche fait circlusion du tronc, que le lance-flamme qui sort de la gueule de l'amie s'intensifie et fige l'ensemble.
Et lui...
Lui, il est là.
Au sommet, à maintenir. D'un œil vissé au-dessus du tronc, il observe et prend garde.

Tout doit rester droit, oui.

-PC FOR:2-

Et d'un tronc on en passe à un autre, puis s'ajoute les ossements que l'on fige entre-ceux-ci. Un mur blanc et irrégulier, il trouve ça aussi beau qu'on pourrait penser ça macabre.
Mais les terres Nakhus étaient celles des esprits, le blanc était pureté et les os se rappelaient autant à la lavvu qu'au cimetière qui se tenait sur l'île la plus proche de ces côtes. Ça ne lui vient pas en tête, qu'ils ne puissent pas apprécier ceci.

Son corps longe le mur dressé, les quatre entourent maintenant le socle.

Il ne manque plus que le sommet, pour achever l'extérieur.
Ce post d'observation qui serait prêt à supporter le pas de toutes les poules qui désireront surveiller les environs, pour détecter tout potentiel prédateur. Il faut faire un plancher. Il faut faire de quoi les protéger du vent et de la pluie.
Pour ne pas qu'elles tombent, les poules, qu'on leur incombe encore quelques morts.
Ca ne doit plus se reproduire.
Son corps fait en partie le tour de l'infrastructure, alors que Désastre, déjà, observe les plaines Nakhus qui se dressent devant lui.

Cette vue... Superbe.

C'est à ce moment précis, à la fin de cette tâche et au commencement de la prochaine, qu'il perçut ce petit point marron qui éveilla en lui les quelques ersatz de sentiments positifs qu'il était capable de ressentir. Parce qu'il ne lui en faut pas plus, à Désastre, pour reconnaitre qui approche.
Il siffle, de sa langue fourchue à l'extérieur de sa gueule ; l'annonce en même temps à Alexandrine.

Il se dit que ça doit être l'heure.
L'heure de la couleuvre.