Comme la première fois [Ft Désastre ]

La mission est importante et il se prépare au mieux.
Il doit briller, petit soldat.
Il doit exceller, petit panseur.

Sous forme de Quetzalcóatl, serpent d'argent aux immenses ailes de rouge, il partit traverser les cieux et les terres pour mieux aller sur celles dont il avait besoin pour trouver les ressources nécessaires quant à ses réussites à venir.
Celles qui se déployaient au sol, dans les plantes dont il avait besoin pour soigner les blessures et les maux de l'hiver. Qui, peut-être et même sans doute, aurait pu être récupéré dans le jardin entretenu des Nakhus, mais qui ne porterait avec elles la satisfaction de savoir qu'elles venaient de chez lui.
Celles qui se déployaient dans sa tête, trouvant ressource simple dans tout ce qui l'entourait. Les odeurs de la maison, la vue d'un paysage coloré qui lui faisait se rappeler que tout n'était pas que blanc. La sensation de l'herbe sèche, de la poussière et des caillasses sous ses pattes. Frisson, à cette proprioception.

Il ne veut plus de la neige et de la glace. Il fait comme s'il l'oubliait, comme s'il ne la verrait plus jamais, et ne veut se souvenir que de ça.
De ce qui lui aurait arraché un sourire et même un rire, dans une frasque de joie. S'il aurait été capable de ça.
Magnifiques, sont les paysages Etelkrus. Rudes dans leur roches et leurs arbres méditerranéens, les pins et les plantes grasses, les fleurs encore présentes quand il n'y a dans le Nord qu'un automne déjà vrillé sur l'hiver.

La sacoche de plantes remplit il trotte avec souplesse sur les terres de l'île, va là où Tawana lui enseigna. Passe, aussi, là où il trouva Tawana, là... Ses foulées s'allongent, puissantes. Chaque pas le propulse toujours un peu plus loin, dans une volonté d'avaler la distance.
Les narines frémissent, s’imprègnent des embruns de la forêt et de la mer, surtout des plantes.
Il discrimine et va cueillir, prend sans parcimonie.
Au fond souhaite pourtant, ne pas user de tout.

Car tout irait bien. Ils étaient forts et invincibles.
Ils étaient ensembles, et c'est ensembles qu'on leur apprit à vaincre le pire des adversaires.

Alors qu'il s'approche du lac où est rattaché le souvenir d'une baignade et des lotus, alors qu'il s'apprête à aller boire parce qu'il a soif et que Désastre, animalement, répondait à ses instincts premiers avant tout... Il ralentit son allure et cesse d'être efficace.
Comme si soudain, il s'était mis en pause.
A la voix familière, qui lui fait tourner la tête.

L’œil unique se fixe sur une tache au milieu de son dos, entre ses omoplates. L'oreille va en avant et d'instinct il répond.

« Bien. »

C'est ce qu'il faut répondre, bien. Pour ne pas éveiller les questions, pour ne pas davantage discuter sur des états plus dérangeant. Sur l’œil qui lui manque et qui le gêne, sur le mal léger de l'esprit qui l'habite quand il reste trop longtemps dans le froid tant il n'aime pas ça.
Dans un cliquetis la sacoche que lui confectionna son maître se referme et il se rapproche de lui, s'assoit à ses côtés. A côté de lui, il a l'impression d'être comme Alexandrine se sent à ses propres côtés.
Tout en finesse et en muscles légers, est le mentor.
Le. Oui. Ça lui saute aux yeux, bien qu'il ne regarde pas là. Mais ça se sent, dans les chaleurs qui ne sont là pour le perturber. Dans les airs un peu changés, aussi.
Dans le regard qui brille.

« C'est mieux comme ça. »

Désastre lâche son constat, alors que l’œil unique quitte le loup aux longues cornes et fixe leur reflet qui se mêle, là, à la surface mobile du lac.
Oui. C'est mieux, comme ça. Loin de la louve qui souffre et se mutile, qui se laisse avaler par ses maux et entraine avec elle les autres, par inquiétude. Il est désormais loup au regard bienveillant. Il est désormais remis.
Pour lui, devant la réussite, se permet de relever imperceptiblement ses commissures.

Il hoche la tête, Désastre.
Tawana lui doit une fière chandelle, et lui ne sait pas, ce que cela veut dire. Quelque chose de bien, il croit. Il se devra d'en être certain, en le demandant plus tard à une autre. Holly s'imposait comme une référence dans le domaine des expressions, c'est vers elle que sans doute il se tournerait en rentrant au camp du Nord.
Il n'avait pas plus de temps à accorder à ce questionnement, se concentrant alors sur la cueillette qui occupait une bonne partie de la besace. Cette besace que son mentor lui avait offert, juste après qu'il eut obtenu son glowstick, et dans laquelle il récupérait toutes plantes qu'il ramenait ensuite à la tanière des panseurs, lorsqu'il partait refaire quelques stocks ou agrandir ceux existants en vu de préparations spécifiques.
Toujours en marchant dans les traces du loup-lycaon.

« Oui. »

C'est tout ce qu'il avait à répondre, quant à l'état de la cueillette. Une réponse courte, usuelle, de ce qu'on avait l'habitude d'entendre au fond de sa gueule.
L’œil guette les dernières fleurs de nénuphars à la surface du petit lac, il finit par se coucher en rabattant contre lui ses quatre pattes, quand la queue elle trouve place contre la cuisse, se déposant sur son dos pour ne rien laisser trainer au sol.

« Un stock pour tout avoir, pour l'expédition. »

Les plantes ne pesaient rien, il pouvait se permettre d'en prendre bien plus, plutôt que pas assez. Il lui fallait avoir tout le nécessaire, pour palier à la moindre plaie infectée, à la moindre maladie des siens ou de celle qu'il partait retrouver.
L'extrémité de ses oreilles s'agitent, il finit par se redresser pour détacher ce dans quoi il conserve les soins, repousse le tout aux pattes de son ainé. L’œil reste rivé sur le contenu, il demande sans orgueil ni honte :

« Je sais que j'ai tout, pour les blessures du corps. Mais peut-être pas, pour les maladies du froid. »

Il possède des limites, quant à ses dernières. Ce n'est pas sa spécialité, les maladies ; il préfère le soin des plaies et des fractures. Devant le mentor c'est une lacune qu'il affiche, attendant son verdict.
Se préparer au mieux, oui.
Ça ne veut surtout pas dire seul.

Il laisse le mentor regarder ce qu'il aura amassé aujourd'hui, attendant son constat. Désastre est attentif, redevient un instant élève. Celui qu'il reste, au fond, toujours un peu, dans cette soif de connaissance qu'il assouvit avec ceux et celles qu'il prend comme maître, de façon moins conventionnelle que Tawana mais provoquant chez lui ce même respect du savoir.
Aux premiers mots, l'oreille entendante frémit. Il connecte son œil sur la bouche du mentor, pour qu'un mot que son ouïe aurait manqué soit là compensé.
Que lui manquait-il, pour que panseur soit efficace ? Il aurait aimé savoir ce qu'étaient ces pleins d'autres, au-delà de celles qu'il connaissait déjà. Compose cependant avec ce flou, pour se focaliser sur les plantes. De la menthe poivrée. De celle-ci, il en avait bien du stock, au campement, il la chassa de cette liste qu'il dressait en même temps que l'allocution de Tawana.
Des fleurs de sureau, pour la décongestion de la truffe. Le plantain, pour les éternuements.
De ça, cependant, il n'a pas.

Correctif.
Pour les maux de l'hiver, il faut en plus du sureau et du plantain.

Un hochement du museau.
L'information est enregistrée.

Si ensuite la camomille et le saule sont connus, reste l'échinacée sur laquelle il ne repose pas même une image. Un oubli, plus qu'un savoir qu'il ne possédait encore ? Il ne s'est pas encore confronté à ce fait, sa mémoire est une bibliothèque, une banque de données classées et enregistrées qui ne peut, il croit, s'effacer.
Du moins, en ce qui concernait son rang et ses devoirs.
Le reste...

« D'accord. Je n'ai pas de plantain, de sureau. D'échinacée. »

Il transmet ce constat au mentor, cherche dans ces mots limités l'endroit où il en trouverait, ou la connaissance d'un stock pré-existant.
Puis viens cette proposition. Un cours, sur les maladies.

« Mmh. »

Il n'aime toujours pas ça, les maladies. Il en a un peu peur, Désastre, aussi paradoxal que cela soit-il. Aussi ne les soigne-t-il pas, aussi lui laisse-t-on patte sur les blessures externes, les plaies et les fractures et le préserve-t-on du rhume de l'enfant ou de la toux du combattant.
Il faut, pourtant.
Bien moins hypocondriaque qu'il ne le fut enfant, toujours très prudent face à elles, il doit mieux apprendre s'il veut rester compétant.

« Oui. »

Il n'a pas le droit de refuser, il le sait. Il n'a pas le droit de lui dire qu'il en a encore un peu peur, qu'il préfère ne pas y toucher, qu'il veut en rester loin.
Alors, avec Tawana, Désastre étudiera.