Les migraines ne faisaient qu’empirer avec l’âge. Plus violentes à chaque crise. Plus douloureuses lorsque la lumière se faisait trop vive. Sheina était ainsi plus que ravie de retrouver l’obscurité du temps de son dieu. La présence de l’Anaconda lui avait manqué. Absolument tout. Jusqu’à son petit côté enfantin qui faisait parfois plus d’elle qu’une mère que sa disciple. Ce côté joueur qu’elle avait eu plaisir à retrouver chez ses filles, quand les garçons, eux, avaient préféré un certain sérieux. Les ailes se replient sur son dos, alors que l’hybride se laisse glisser jusque’à la statue de Kiro.

La lumière l’aveugle un instant, alors que ses sourcils se froncent.  
Sa patte vient effleurer la surface du bassin dans un geste plein de douceur, alors qu’elle vient poser sa tête sur les pattes de pierres qui représentaient son dieu.

« — Kiro. »

Elle lui parlait, comme elle parlerait à un vieil ami.
N’étais-ce pas ce qu’il était après tout ? Cet ami longtemps souhaité, celui qui peut-être la connaissait le mieux.Qui connaissait ses faiblesses. Qui avait accueillis ses enfants parmi les rangs de ses disciples. Il était presque un membre de sa famille l’Anaconda. Plus que cela. Il représentait la famille que la louve avait jadis perdue.

Oui.
Il était loin d’être rien, Kiro.

La chauve-souris replie ses pattes sous son corps, allongeant son corps contre la fontaine, un doux sourire venant étirer ses babines, alors que la lumière qui se dégageait du bassin l’empêchait de voir. Qu’importe. Elle avait ses autres sens pour percevoir le monde qui l’entourait.

« — Merci de tout ce que vous avez fait dans le grand nord. Pour Désastre. Pour Anita. »

Pour Anita. Sa fille. Qui aurait pu perdre la vie sous les crocs du prédateur.
Il y a tant de choses pour lesquelles Sheina aurait voulu remercier le dieu, au lieu de ça, elle se contentait de lui apporter tout l’amour qu’il lui était possible de transmettre.

À ce dieu enfant.
À son dieu.

Sheina ne sursaute même plus maintenant, trop habituée aux apparitions de son dieu. Ses babines s’étirent doucement en un sourire, alors que l’Anaconda prend la parole, évoquant les autres dieux. Ceux qui n’avaient pas forcément la chance d’être raccrochés à une meute, mais qui pourtant, avaient des fidèles au travers des terres, tous dispersés. Étais-ce forcément une mauvaise chose ?

« — Je suis sûr que faire parti des dieux avec le plus de disciples vous satisfait. »

La prêtresse le connaissait le Jaune maintenant, bien sûr qu’il était ravi d’avoir plus de disciples que ses frères et soeurs. D’être un peu le gagnant en terme de nombres. La queue pointue de la louve s’agite un instant dans l’air, alors que l’hybride se redresse.

« — Ils ont l’âme de guerriers, ces nouveaux disciples… Aucun ne semble avoir froid aux yeux. »

Une qualité. Comme aussi bien un défaut.

Tss. Enfant dieu, il était cet Anaconda. Un sourire amusé vint étirer les babines de l’hybride alors qu’elle le sent bougé, plus qu’elle ne cherche réellement à le voir.

« — Je me doute bien, ainsi vous pouvez inventer épreuves de plus en plus périlleuses… »

Car les épreuves simples semblaient l’ennuyer désormais le dieu, au point qu’il appréciait faire prendre de plus en plus de risques à ses disciples. Probablement pour le plus grand bonheur de ces derniers…
Pour ce qui était de ne pas s’embourber… c’était beaucoup demander à cette jeunesse débordante d’énergie.

« — Pour ça… ils sont plus têtus que des mules… et on ne peut pas dire que mes propres enfants soient des exemples… »

Entre Anita la casse-cou et Narcisse le… Bref Narcisse.