[EVENT] La quête du Serpent

Tout comme Daisy, elle emballa la viande dans une peau de bête, la glissant dans l'une des poches de sa cape.
Au bruit des sabots heurtant la glace, ses oreilles se redressèrent hautes sur son crâne et elle fronça les sourcils. Le danger, ce n'était pas ce qui gisait, dépouillé, sanglant à leurs pattes. Non, c'était ce qui, affolé, arrivait tout droit vers eux, leur laissant bien peu d'options. La fuite, la plus facile, les éloignerait forcément de la piste, leur ferait perdre du temps et, peut-être même, qu'ils ne parviendraient pas à la retrouver... A moins de la marquer. Mais les odeurs ne se perdraient-elles pas, sur la glace ?
Pourquoi se perdraient-elles, sur la glace ?

Malgré l'urgence de la situation, elle prit le temps d'écouter chaque idée, d'étudier chaque option et d'en peser les pour ou les contre. D'abord, celle de Daisy : Evidemment, la forme Serpent gigantesque impressionnerait probablement les proies... Et ça, et le feu, aussi, les feraient remarquer, chose qui semblait fortement déplaire à Narcisse. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, Holly, il était vrai que dans de telles conditions, mieux valait rester discrets.

- Pour la discrétion, c'est fini, je pense. Les prédateurs ne s'intéresseront pas qu'à nous... Mais aussi à eux. Pensons d'abord à préserver nos vie et dès que cela sera fait, filons.

Mais comment, préserver leurs vies ?

- Vos idées sont bonnes. Mais si le feu fragilisait la banquise ? Avons nous de quoi faire un brasier assez grand pour créer une ombre suffisamment imposante pour effrayer les proies ? Et cela te fatiguera, Daisy, non ? Si nous nous faufilons entre toutes ces bêtes affolées, nous n'aurons pas le droit à l'erreur. Vous êtes vous déjà prêté à ce genre d'exercice ? Si l'un d'entre nous est blessé, voir tué, les autres devront gérer cela. Je ne veux pas vous voir mourir, ni l'un ni l'autre, et je compte bien rentrer aussi. Et même si nous y parvenons, ils risquent de nous disperser. Nous devons rester ensemble.

Elle redressa la tête.

- Eloignons nous, plutôt. Marquons notre passage pour retrouver facilement la piste. Je doute que nous ayons une grande distance à parcourir, juste de quoi laisser le troupeau passer. Si les bêtes sont affolées, je doutes qu'elles fassent attention à nous. De toutes manières, quoi que nous fassions, notre présence ne passera pas inaperçue. Ensuite, lorsque le troupeau sera passé, filons. Daisy, je sais que tu sauras reprendre la piste.

Son regard vint chercher les leurs, affirmé.

- Qu'en pensez vous ? Le temps presse. Quoi que nous fassions, nous devons agir rapidement et avec prudence.

La horde approchait, apportant avec elle d’autres informations... intéressantes, très intéressantes même.
La louve bleue ouvrit la gueule mais fut prise de cours par le panseur, alors, plutôt que de s’exprimer, elle hocha vivement la tête.

- Je me suis faite la même réflexion en les entendant approcher, allons y.

Sur ces mots, elle imita le loup gris.

Se faufiler entre bêtes paniquées, non jamais un tel exercice, mais cela ne devait pas être plus dangereux qu’escalades parois abruptes. La queue de Narcisse s’agite, trahissant à la fois son agacement et son impatience. Il pouvait comprendre les inquiétudes d’Hollyhock, elle qui, n’était pas disciple du Serpent, mais si elle leur faisait confiance, tout se passerait bien.
Il le fallait.

Le sol tremble un peu plus sous leurs pattes. Narcisse sent la panique des bêtes, elles emporteront tout sur leur passage.
Grimper dans les arbres.
Eux semblent s’entendre sur cette idée, quand Narcisse lui n’est pas vraiment confiant. Ce n’était pas une question de vertige, simplement une appréhension. Si ces bêtes qui approchaient étaient toutes aussi grandes et fortes que le premier cerf qu’ils avaient rencontrés, alors leur arbre ne serait pas bien difficile à déraciner.

« — C’est dangereux si ils parviennent à déraciner l’arbre sous leur passage. Cela pourrait nous condamner. »

Mais déjà, les deux grimpent et Narcisse ne peut qu’observer la silhouette grise de Désastre prendre de la hauteur, suivi de la Conseillère. Le sol remue un peu plus sous ses pattes, plus moyen de reculer ou des les convaincre.
Merde.
L’avant du corps se fléchit pour prendre l’élan, alors que griffes s’ancrent dans l’écorce. Ce n’était rien comparé aux montagnes, un échauffement. C’est sur une branche en-dessous de ses compagnons que Narcisse se place. Il sent les fourmillements sous ses coussinets. Ils doivent être incroyablement nombreux. Ou bien sont-ils poursuivis par chose plus grosse encore. Rien de tout cela n’était un bon présage.
Le disciple de Kiro lève alors une patte, concentré, alors que ses yeux dorés fixent le dessous.

« — Plus personne ne bouge. »

Plus aucun bruit. Afin qu’ils se fondent parfaitement dans le décor.
Sinon tout serait perdu.
Et avec la viande qu’avaient emportés Hollyhock et Désastre, ils seraient démasqués à cause de l'odeur du sang.

Tu es prêt ?
Pourquoi n’as-tu pas confiance en leur plan, Narcisse ?
Parce qu’aucun plan n’est infaillible. Et que plus dangereux que quelques cerfs rôde dans les parages.
Et donc si ça tourne mal…
...ton envie de violence et de viande fraîche sera sans aucun doute satisfaite ici. Tu ne crois pas ?
Ça peut aussi bien se passer.
Dans ce cas prions pour.

Les paroles de Désastre viennent chasser l’appréhension. Si l’ami est sûr, alors qu’avaient-ils à craindre ? À moitié couché sur la branche, le ventre à quelques centimètres à peine au-dessus, la queue féline se balance dans le vide, quand les yeux dorés fixent le troupeau passer sous eux.
Et à la proximité du gris, Narcisse cherche à chasser le doute, pour laisser place à la confiance. Les yeux dorés fixent l’oeil rouge, quand les sourcils se froncent légèrement. Et dans le regard, se joue encore ces discussions silencieuses qu’ils appréciaient tant. Au point de les privilégier à la parole. Au point que cela ne soit leur principal moyen de communication.

Je veux juste que plus personne ne soit blessé. Je dois veiller sur vous. Sur toi.

Car Narcisse n’était pas le plus intelligent du groupe. Ni le plus fort. Il n’était pas non plus celui capable de mener comme la Conseillère. Il n’était que l’assassin qui rôdait dans l’ombre. Celui qui attendait le bon moment pour frapper ou pour esquiver. Celui qui pouvait encaisser.
Le regard quitte Désastre, pour observer le spectacle sous leurs pattes. C’était chose impressionnante que de voir troupeau de cerfs courir ainsi. C’était peut-être même un spectacle unique auquel ils pouvaient assister. Et le dernier disparaît., quand l’odeur du sang se fait sentir. Un blessé ? Le disciple de Kiro observe la silhouette, les blessures. Comment s’était-elle fait ça ? Étais-ce les siens qui l’avaient piétiné ? Ou étais-ce là une autre menace ? Pour autant, la bête est encore en vie, blessé presque mortellement. Presque.
Et son agonie se fera entendre.
Et elle attirera probablement ceux qui poursuivaient le troupeau.
Le Phénix le sent. Ça ouvre son appétit. Cette proie à portée.
Mais son appétit attendra.

Éclat doré.
Qui les fixe.

Le disciple de Kiro se tourne vers le serpent face à eux. Kiro. Déjà le reptile file au sol. Déjà Désastre le suit, prêt à mettre en place un plan.
L’encercler.
Pour mieux l’attraper.
L’assassin se redresse, s’élançant avec agilité et souplesse de branches en branches pour descendre au plus vite, rejoindre l’ami qui déjà met en oeuvre son plan. En tant que disciple de Kiro, ils n’auraient sans doute pas de difficulté à entourer le serpent.
Narcisse cherche à rejoindre l’ami, il faut bloquer le serpent. À tout prix. Si il arrivait à prendre de l’élan pour se retrouver au-dessus du reptile… Pour lui bloquer le chemin… Là le tronc pouvait lui permettre de prendre de l’élan et de la hauteur. Sans ralentir sa course, l’assassin court l’abri, avant d’appuyer fermement ses pattes arrières afin de se donner l’impulsion nécessaire qui lui permettrait d’atterrir pile devant le reptile.

Kiro, je préférais de loin le temple avec les pièges mortels plutôt que de te poursuivre.

Narcisse était inquiet.
Mais la Conseillère ne pouvait l’en blâmer. Comment ne pas être inquiet, dans cet environnement qu’ils ne connaissaient pas et ne découvraient qu’à peine, à chacun de leur pas ? Comment être serein, lorsque les cris lointains des bêtes se faisaient entendre. Comment ne pas envisager le pire lorsque qu’ils se voyaient attaqués par des proies, des proies, putain, bien plus grosses que ce qu’ils pouvaient côtoyer sur leurs propres terres.

Il fallait, cependant, et pour cette situation là, se fier à leur instinct : Bondir, quand bien même elle n’était pas et n’avait jamais prétendu à être disciple de Kiro. Tenter de planter ses griffes, gardées courtes, dans l’écorce humide et tendre des arbres gigantesque, enlacer les branches de ses pattes, bander ses muscles, éviter de trop bouger.
Le temps de laisser la horde passer.

Ses pattes vinrent toucher le sol dans un craquement, celui de la neige piétinée.
Holly observa les alentours, notamment cette bête mortellement blessée qui se mourrait un peu plus loin, blessée par elle même, par les siens, ou par une créature qu’elle préférait ne pas imaginer.

Elle n’avait pas manqué, non plus, ce petit serpent lumineux les narguer, du haut de son arbre, et rejoignit ses camarades dans sa poursuite. Mais, puisqu’elle n’avait pas leur rapidité, elle n’en avait pas moins la ruse, valeur de sa déesse, Dairo, et, surtout, le pouvoir qui lui avait été offert par cette dernière. Alors, sa patte devint perles et, d’un mouvement sec, elle les envoya sur la trajectoire du serpent.
Jugea bon, d’abord, de prévenir ses coéquipiers d’un jappement.

C’est à sa patte que vient s’enrouler le reptile. Les yeux dorés observent le corps s’enrouler avec une certaine force. Au moins, ils ne risquaient pas de le perdre une nouvelle fois… à la remarque de l’ami, il hoche doucement le museau.

Ils avaient réussi.
Ils pouvaient rentrer maintenant.

Ensembles, ils entament le chemin du retour. Jusqu’aux fontaines, jusqu’à celle qui illustrait Kiro, pour lui rendre cette petite part de lui-même qui visiblement s’était égarée bien loin.

Le corps se tend, alors qu’un grognement monte dans la gorge de Narcisse en entendant un hurlement. Il n’aimait pas ça. Encore moins en ces lieux. Ce n’était pas un hurlement connu, ce n’était pas quelqu’un qu’ils étaient tenus de sauver. Et après tout, cela pouvait bien être un piège. Si certains reptiles parvenaient à se camoufler dans leur environnement, pourquoi les bêtes derrière la brèche ne seraient pas en mesure d’imiter les voix ?
L’assassin est prêt à poursuivre son chemin, en s’arrêtant ils s’exposaient. Pourtant, il est contraint de stopper sa marche, lorsqu’il n’entend plus les pas de Désastre. Les sourcils se froncent, alors que le regard se pose sur l’ami.

« — Désastre, attends ! »

Mais déjà l’ami s’envole pour rejoindre la source de l’appel. Narcisse est prêt à la suivre, lorsqu’il sent l’étreinte du serpent à sa patte. Les crocs se serrent. Merde ! Suivre Désastre, c’était faire échouer leur mission, mais le laisser y allé seul…
Les longues griffes s’enfoncent profondément dans le sol, par frustration, alors que finalement il fait volte-face. Plus vite ils livreraient le serpent, plus vite ils pourraient rejoindre Désastre.
La queue féline trahit l’agacement, alors que le poil se gonfle. Il était contraint d’abandonner son camarade, là où il ne pourrait pas le protéger.
Là où rôdaient tous les dangers.
Sans se tourner vers Hollyhock, il prend la parole avant de reprendre la marche.

« — Ne perdons pas de temps. »

Il a chaud Narcisse, le froid ne lui fait rien. Le Phénix sentait sa frustration et en profitait pour gratter du terrain. Vile oiseau.
Les fontaines sont là. Pour les deux premières ils ne peuvent rien faire, en revanche pour l’une… Le disciple de Kiro tend la patte où est accroché le reptile au-dessus du petit bassin vide.

« — Va. »

Permets-nous d'achever cette quête, noble serpent.