Missing that place I used to know - Feat Joaquin

Sur les traces de ce qu'il considérait comme sa maison auparavant, Angelo, enfonçant ses pattes dans la neige, humait cet espace nouveau qui revivait devant lui. La vie était revenue, les oiseaux chantaient, l'atmosphère n'était plus à la désolation d'un territoire ancien. Le travail de reconstruction avait été brillamment accompli, sans son aide. Il le regrettait amèrement...Mais regrettait-il d'avoir intégrer les Etelkrus ? A ça non. Tout ce qu'il avait pu dire à Pepper lors de son entretien était vrai et fondé. Jamais il ne les trahirait. Ils l'avaient accepté malgré son glowstick bleu, et pour ça il ne les remercierait jamais assez.

Fort de ce succès, la curiosité fut plus forte que tout et le revoilà sur les terres qu'il chérissait tant avant. Il avait pris congés auprès de ses supérieurs pour s'aventurer pour la première fois depuis longtemps au delà de son territoire. Juste le temps d'un aller-retour...Cela lui avait été fortement déconseillé d'ailleurs, mais Angelo est débrouillard. Il s'en tirait bien.

L'aveugle se baladait sur le terrain qui était autrefois le camp des Lazulis, forcé de se rappeler où se trouvait quoi. Prudent, comme il l'était toujours avec sa condition, il vagabondait en ses lieux quand soudain une odeur lui parvint jusque dans ses narines. Un loup était là. Un solitaire. Et il était trop proche pour qu'Angelo puisse partir sans être vu. Le vent n'avait pas été en sa faveur.

Angelo comprit qu'il fallait faire attention à cet instant. Il était de nature calme, mais certainement pas assez fou pour croiser le chemin d'un solitaire qui pourrait être dangereux. Il ne comptait pas revenir à moitié mort au camp... Quoi qu'il pourrait mourir sur le chemin du retour...Il balaya cette pensée loin de son esprit d'un coup de tête.

-Bonjour étranger. Que me vaut cet honneur en un lieu si spécial ?

Angelo, courtois et poli en toutes circonstances.

Pas difficile de comprendre pourquoi il se gardait bien de quitter la Passe Ventue depuis des mois.

A chaque pas qu'il faisait, il devait se heurter à une épaisse couche de poudreuse, rendant sa progression aussi difficile que désagréable. Descendant d'une très longue lignée d'habitants du désert, il avait au moins le bénéfice d'avoir des pattes assez larges, moins susceptible de s'enfoncer trop profondément dans la neige. L'expérience n'en restait pas moins usante, en plus d'être froide.
Et Joaquín n'aimait franchement pas le froid.
Son pelage très dense le protégeait certes pas mal, mais ça ne rendait pas plus tolérable cette douloureuse sensation d'humidité qui s'infiltrait jusqu'au plus profond de ses os.

Ca ne l'empêchait pas de continuer son escapade. Il avait besoin de se changer les idées.
Il avait donc décidé de faire route vers le Nord, curieux de voir ce qui avait pu advenir des territoires Nakhus : il ne s'y était pas rendu depuis des lustres. C'était proche, c'était supposément facile — il n'avait pas prévu qu'il y ait tant de neige –, et surtout c'était distrayant.
Tout était bon pour s'extirper ne serait-ce que quelques heures de l'état de morosité affligeante dans lequel l'annonce du départ de Misiek l'avait laissé.
Du coup il était là, en dépit de températures et de conditions tout à fait catastrophiques, observant distraitement les nouveautés qui s'étaient installées dans le coin depuis son dernier passage, sans vraiment trop y réfléchir. Ailleurs.

Ailleurs, jusqu'à ce qu'une odeur vienne titiller ses narines. Son poil se gonfla instinctivement lorsqu'il reconnut la fragrance typique des Etelkrus, et, sourcils froncés, soudain bien plus investi dans la situation qu'il ne l'avait été quelques secondes plus tôt — qu'il ne l'avait été au cours des dernières semaines –, il dévia de sa trajectoire initiale, et prit la route du Gouffre.
Une dizaine de minutes plus tard, il apercevait une silhouette sombre, difficile à rater dans tout cet amas de blanc. Un mâle, un peu plus jeune, l'allure austère et un putain d'oeil qui brillait, évidemment.
Joaquín fronça le nez.
Outre son glowstick au placement tout à fait discutable, le meutard avait l'air... aveugle. Ce qui était dérangeant et restreignait les possibilités : même lui avait suffisamment d'honneur pour savoir qu'on ne frappait pas les handicapés. Sauf si ils le cherchaient vraiment. Ca lui restreignait franchement le champ des possibles, et en plus de ça, l'autre ne semblait pas spécialement s'alarmer de se retrouver face à un solitaire. Alla jusqu'à le saluer avec une courtoisie inattendue. Il ne s'était pas imaginé être mentionné dans la même phrase que le mot honneur de manière non péjorative par un Etelkru.
Tout semblait décidé à le prendre à contrepied, ces derniers temps.

— C'est agressivité déguisée ? Je ne maîtrise pas assez bien ta langue pour comprendre toutes les subtilités.

Il arqua un sourcil interrogateur, se redressant légèrement, et attendit... une éclaircie.

Angelo entendit le loup arrivé de son ouïe fine. A sa vue, l'inconnu resta à bonne distance, mais assez proche tout de même pour pouvoir parler sans crier. Le bouclier ne pouvait pas encore déterminé s'il était en danger ou pas. Il restait méfiant, et l'autre aussi.
Quand l'etelkru entendit l'autre loup parler et se détendre légèrement par un bref redressement physique, il sentit la pression redescendre un peu. La courtoisie du clanique suscitait l'interrogation du solitaire. L'accent de ce dernier indiquait à Angelo qu'il ne mentait pas quant à sa difficulté de comprendre les subtilités du langage. Tout comme la courtoisie étonnait l'un, l'accent intéressait l'autre. Il était rare de croiser des loups venant de contrées lointaine en revenant avec cette particularité de langue. Curieux en toutes circonstances, mais non sans jamais baisser sa garde, le loup d'ébène répondit calmement :

- Il n'en est rien, la politesse et le respect font partie de mes valeurs. Mais je n'en reste pas moins méfiant,

Le loup marqua une pause, comme s'il cherchait ses mots prudemment. Succomberait-il a sa curiosité d'en savoir plus sur son accent ou couperait-il court à la discussion pour s'en aller vite fait bien fait? La première réponse évidemment.

- Mais dites-moi, d'où vous viens cet accent que je n'ai jamais entendu jusqu'à maintenant?

Angelo se détendait autant que la tension redescendait, c'est à dire petit à petit.

— Il n'en est rien, la politesse et le respect font partie de mes valeurs. Mais je n'en reste pas moins méfiant.

Ah.
De sourcil arqué et regard interrogateur, Joaquín passa à tête de surcroît légèrement penchée sur le côté, gagné par un subtil mélange de curiosité et de perplexité. On ne pouvait pas dire que cela collait avec le standard de la meute, même s'il était vrai qu'il n'avait pas eu le plaisir de croiser un Etelkru depuis quelques temps déjà. Peut-être que les moeurs dans la meute voisine avaient changé et que des idées plus progressistes avaient réussi à se glisser dans la caboche brainwashée de ses membres. Ca aurait probablement été une bonne chose mais sans surprise, cette perspective engendrait plus de déception chez lui que de satisfaction. Les Etelkrus étaient une cible facilement haïssable, un os à ronger pour occuper son esprit en mal d'à peu près tout, et la vague promesse de lendemains mouvementés. Ces derniers étant plus ou moins la seule bonne raison qu'il avait de se lever le matin, surtout ces derniers jours, la disparition du caractère farouche aurait tôt fait de le plonger dans le plus pur désarroi.
Ce qu'il n'aurait pas donné pour une bonne bagarre de bar.
Pour un bar, tout simplement.
La vie était plus simple, quand on avait un bar où se rendre tous les soirs.

L'autre le questionna sur ses origines, chose qui était moins fréquente qu'on ne pouvait le supposer. Voilà même que les Etelkrus se mettaient à nuancer les Solitaires entre eux. Si les choses continuaient ainsi ils risquaient même de le considérer comme une véritable personne, et non pas une obscure entité destructrice sans passé ni identité dont le seul but était de kidnapper leurs enfants la nuit pour les dévorer vivants chez lui.
Ce mec était définitivement bizarre.

— Du Sud. Les valeurs de ton clan ou juste les tiennes ?

Il n'était pas loin de songer à aller faire un petit tour chez les Etel à l'occasion juste histoire de voir s'il y serait aussi bien accueilli que... eh bien, qu'il y avait quelques années de cela.