Boum boum boum — Alexandrine

Narcisse

Boum boum boum — Alexandrine AF_Narcyssetranspa

Étais-ce des larmes ou de la sueur ? Narcisse ne savait plus. Il voulait juste oublier. Ne plus penser à son coeur déchiré.
Il avait perdu Piclou.
Il avait perdu Pepper.
Maintenant il perdait MaSheina.

Les griffes s’enfoncent un peu plus dans la roche, alors qu’essoufflé, il s’immobilise dans on ascension. Cet immense rocher portait la marque de ses griffes, à plusieurs endroits, cicatrices de ses multiples entraînements passés ici. Les pattes tremblent, fatiguées par l’effort, alors que l’Épée cherche à reprendre sa respiration. Depuis l’aube déjà, il ne cessait de monter et descendre, pour éviter de réfléchir, pour ne pas se retrouver seul avec ses pensées.

Si tu t’arrêtes, ce n’est plus si efficace que ça tu sais Narcisse.
Ferme-la.
Regardes-toi, depuis ton retour de voyage avec ton ami à écailles, tu es devenu tellement faible. Heureusement que ta mère n’est plus là pour…
FERME-LA.

Avec difficulté, les griffes se plantent au-dessus de la tête de l’hybride, alors qu’il ne peut retenir un gémissement de douleur. Ça lui faisait tellement mal. Mais la douleur lui permettait d’oublier.
Il devait oublier.
Sa peine.

Il devait avoir encore un peu plus mal.
C'était sa manière à lui d'accepter.

Elle était partie longtemps, et pourtant c'est toujours aux Dents de Roc qu'elle passait le plus de temps, quand elle était de retour. Etait-ce la proximité du temple d'Aka ? Les courses-poursuites entre les rocs et les arbres géants ? Ou le calme relatif et les monstres à chasser qui régnaient en permanence en cet endroit ? Probablement un mélange de tout. Et puis, maintenant qu'elle n'aimait plus trop passer du temps au Castel... C'était un peu son refuge.

Peut-être même y dormait-elle la plupart du temps - lorsqu'elle dormait seule tout du moins.

Mais qui alors pour le dire, et qui pouvait bien s'y intéresser ?

De nuit, elle y dormait. De jour, elle y patrouillait. Elle retournait à tous ces endroits qu'elle connaissait et ceux qu'elle avait connu, ceux qui avaient changé et ceux qui...

Qui ne changeaient pas.

Narcy, au pied de ses rochers.

Narcy, pathétique.

Comme ils l'étaient tous, ces temps-ci, bouffés par le poids des ans et celui qui pesait sur les épaules de leurs proches. Qui pesait tellement lourd, que les proches s'effondraient.

MaSheina.

Comment ne pas penser à elle, quand tout dans la stature de Narcy la rappelait ? Il en avait toujours été le plus proche. La plus fidèle représentation, de son museau au bout de ses griffes.

Les griffes sur le rocher témoignaient d'un éclat de violence.

Qu'elle comprenait, pour l'avoir trop souvent pratiqué.

Pour l'avoir des mois pratiqué.

L'oubli cathartique de l'adrénaline et de la fatigue.

Alors Alexandrine gronde, pour annoncer sa présence. Un grondement rauque, bien plus bas que ceux dont elle était capable auparavant. Le froid lui avait cassé la voix, ôté plusieurs octaves.

Qu'est-ce qu'y t'a fait c'caillou.

Elle agite légèrement ses ailes lacérés de griffures et trouées par endroits.

Viens m'taper d'ssus plutôt !

Et sans attendre sa réponse, elle s'élance vers lui. Vers le rocher. Elle ne prend pas la peine d'essayer d'y grimper, agile comme une motte de beurre qu'elle est, mais d'un puissant coup d'ailes se jette en avant. Marche sur la paroi, ouvre grand sa gueule pour accrocher quelque chose.

Viens. Oublions, et nous panserons nos blessures ensemble.

Narcisse

Boum boum boum — Alexandrine AF_Narcysse

Plus haut. Encore plus haut.

Le grondement lui parvint. Les oreilles se couchent sur son crâne alors qu’il entend la voix d’Alex. Dans son ascension, il s’arrête, tourna son museau vers sa soeur, alors que c’est chez lui qu’un grognement monte. Un avertissement.
T’étais passée où Alex hein ? Ces derniers mois ? C’était plus intéressant les dinosaures ? Plus intéressant que nous tous ?! T'as pu revoir MaSheina avant qu'elle...

Viens m’taper d’ssus plutôt !
J’en ai pas envie.
T’es pas une adversaire qui m’intéresse.

Mais déjà, la disciple d’Aka fonce. Les ailes, ça lui permettait de prendre de l’altitude, de bouger sans efforts. Narcisse balance son corps vers la droite pour éviter les crocs.
Se battre. Ça avait été le choix de Désastre, pour affronter la mort de Pepper, ça avait été leur solution pour oublier la douleur. Mais ça n’avait duré qu’un temps. Narcisse avait eu besoin d’oublier sa propre peine, d’aider son ami, son frère à oublier aussi.
Ça avait été Désastre.
Pour lui il était près à tout.

Alexandrine il se refusait de lever la patte sur elle.
Parce qu'il refusait de lui accorder ce privilège. Parce que ce n'était pas sa solution à lui pour oublier la peine.
Le museau se fronce, pourtant il ne gronde pas, se contente d'observer sa soeur. Et dans les yeux dorés, tant de tristesse, tant de chagrin mais aussi de colère, de questionnement.
Et peut-être un peu de pitié.
Pour cette soeur qui ne trouvait pas d'autres moyen que la violence pour noyer sa propre peine.

Ses dents claquent dans le vide et son frère se déporte, anguille que jamais elle ne pouvait attraper. Mais, oh ! Elle serait damnée avant d'arrêter ses tentatives. Deux, trois sommations alors que ses mâchoires claquent dans le vide de nouveau. Viens là, que je t'attrape. Elle ouvre grand la gueule et prend appui sur la roche pour bondir de nouveau :

VIENS LA P'TITE MERDE

Elle braille, un sanglot ou un rire dans la voix. Elle braille, et de nouveau se jette sur lui. Elle veut l'attraper, elle tend les pattes, griffes à demi sorties. Ses ailes emplissent l'espace, lui bouchent la vue, parviennent à peine à la maintenir en l'air.

Narcisse

P’tite merde.
Étais-ce tout ce qu’il était à présent ? Aux yeux des siens ? Aux yeux de ceux qu’il avait vu partir ? De ceux qu’il n’avait aidé ? Aux yeux même de sa soeur ? Ça se brise un peu plus en lui, la foi qu’il avait porté, qu’il pensait porter encore à tout ce qui l’entourait.
Et quand les griffes cherchent à l’atteindre, Narcisse ne bouge pas.

Fixe encore sa soeur.
À défaut de la blesser.
À défaut de lui répondre.

Alors quoi Alexandrine, hein ? Tu vas me faire tomber ? Évacuer ton chagrin sur moi, et puis quoi ? Ne suis-je ici que pour être ton punching-ball ?
C’est tout ce que je vaux ?

Alors vas-y.
Fais ce que tu sais faire de mieux disciple d'Aka.

Elle étend les pattes.

Elle étend les ailes.

Elle s'écrase avec tant de force sur la roche qu'elle en tremble, qu'à son tour elle perce la pierre, à sa manière. Elle referme son énorme stature sur celle de son frère, l'englobe de son étreinte, l'enveloppe de son corps. Le couvre.

De ses pattes arrière elle repousse cette roche où ils s'accrochent, de ses pattes avant elle retient ce corps si...

Frêle.

Entre ses pattes.

Ils volent.

Ils s'écrasent.

Une, deux secondes avant qu'Alexandrine ne ralentisse leur chute. Juste assez pour qu'ils roulent sur le sol sans se faire mal, qu'ils s'écrasent presque délicatement sur le sol poussiéreux.

Sans qu'elle ne laisse un instant échapper son cargo si précieux.

Son frère.

Elle conserve son étreinte, aux limites de l'étouffement. Elle glisse son museau dans son col, elle pleure un peu, aussi. Des pleurs mouillés, humides, mais silencieux. Des pleurs, et de l'amour.

Contre son coeur, elle le garde.

Narcisse

Sans résistance, il se laisse emporter par les mouvements, par la chute. N’esquisse aucun mouvement pour tenté de retomber sur ses pattes. L’escalade lui avait toujours appris à ne pas craindre la chute. Jamais.
Narcisse s’était attendu à ce qu’elle veuille poursuivre l’affrontement au sol, mais au lieu de ça… Il sent les larmes de sa soeur dans son cou, il sent son coeur battre si fort dans son poitrail à Alex.

Et lui laisse les larmes couler. Aussi silencieuses.

Pardon Alexandrine.
Pardon d’être partie.
Pardon de n’avoir rien pu faire pour t’empêcher de pleurer.
Pardon de ne pas avoir été le frère que tu espérais.

Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon. Pardon. Pardon.Pardon

Elle reste là sur le sol.

Longtemps.

Tout le temps qu'il faut, pour épancher encore mille larmes. Le temps qu'il faut, pour que son coeur s'arrête de battre si fort. Le temps qu'il faut, pour qu'elle ait de nouveau envie de gigoter le bout de ses ailes. Elle attend, puis inspire à pleins poumons. Elle s'emplit de l'odeur de Narcy, de cette odeur qui les lie tous. De cette odeur qu'elle sait porter en elle, en dessous de la couche de glace et d'espace qui s'est forgée par-dessus.

Ils sont Famille.

Elle le relâche un peu, se redresse sur ses coudes et le repousse, pour pouvoir le regarder.

Elle lui sourit, un sourire énorme, un sourire qui bouffe la moitié de son visage et un sanglot se transforme en rire, chasse les dernières gouttes de sel.

J'suis contente de t'voir. Tu m'as manqué.

Elle pince les lèvres, amère.

J't'aime.

Ca fait longtemps que j'te l'ai pas dit.

Narcisse

Narcisse ne bouge pas, laisse la masse de sa soeur l’écraser. Il n’en avait plus la force, de lutter. Chaque parcelle de son corps lui faisait mal à cause du surmenage de ces derniers jours, du manque de sommeil et plus encore du manque d’appétit. Pourtant il sentait son emprise sur le Phénix pus forte encore qu’avant, comme si toute sa rancoeur, toute sa colère suffisait à emprisonner l’oiseau.
Les larmes cessent de couler bien avant qu’Alexandrine ne se redresse.

Comment fais-tu, Alexandrine ? Pour sourire, alors que maintenant je n’y arrive plus ? La mort, cette amertume, j’ai l’impression que tout cela m’a ôté toute raison de sourire.

« — Tu étais loin, dans le nord. Pourquoi ? »

Pas de reproches.
Il cherche juste à mener la discussion ailleurs, à savoir ce qui l'avait tant intéressé là-bas dans les terres froides.
Doucement il la repousse pour pouvoir se redresser, ne prenant pas la peine de se secouer pour retirer l’herbe accrochée à ses poils.

Elle recule et lui donne un petit coup de museau pour sceller leurs retrouvailles. Elle inspire à pleins poumons et secoue la tête, chasse les dernières larmes et lui tire la langue avant de passer une patte dans ses mèches pour le décoiffer - simplement parce qu'elle pouvait.

Mh. Plein de raisons, je suppose. C'était fun, tu sais ? C'est fun, c'est incroyable là bas. Boon, on se caille le cul c'est vrai, mais y'a plein de dinos à défoncer. Y'en a des bêtes, y'en a des gros, y'en a des malins, y'en a plein.

Elle penche la tête sur le côté.

Après c'est un peu loin, oui. Mais j'avais besoin de changer d'air. C'était trop... Trop, ici. Trop tout, trop rien. Et toi ?

Et toi, qui es parti aussi, où es-tu parti ? Qu'as-tu vu ? Qu'en as-tu retenu ?

Sujet: Re: Boum boum boum — Alexandrine Mar 07 Sep 2021, 18:10

Narcisse

Ça semblait lui avoir plu le nord, bien plus qu’il ne l’aurait imaginé.

« — Je n’ai rien trouvé d’amusant là-bas… »

Narcisse avait même détesté.
Se sentir comme une proie. Supporter la présence des sauvageons, leur puanteur, leur stupidité. Rien dans le Nord n’avait su lui donné satisfaction. Quand elle lui retourne la question, il conserve le silence un instant.

« — J’ai voulu aider un ami et ça m’a mené ailleurs. Dans un endroit plus agréable que le nord, plus qu’ici. »

Auprès d’une meute qui correspondaient à un mode de vie qu’il avait su apprendre à apprécier. Ça lui manquait. Il aurait voulu y resté un peu plus longtemps, pour apprendre davantage de choses.
Narcisse posa une patte sur l’épaule de sa soeur.

« — Prends soin de toi ‘Lex. »

Le disciple de Kiro laissa sa soeur pour trouver un nouvel exercice pour s’entraîner.

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