Plage et cocotiers [pv Miraj]

Lorsque sa petite se dérobe tout contre elle, entre à son contact, la louve glisse une patte chaleureuse contre son flanc, rattrape le léger manque d’équilibre, le corrige avec fermeté et douceur. Elle n’avait rien à craindre d’un simple crabe, mais cela, elle l’ignorait certainement encore bien trop jeune pour prendre la mesure du danger. Les yeux glissent du poil framboise à la marée, au crustacé. Sage, elle prit le temps de peser ses paroles, les mesurer dans la mesure du possible, faire de ses connaissances limitées, la boussole, la plus juste possible afin de l’éclairer autant qu’elle le pouvait. La louve aux roses n’était certainement pas la meilleure dans la réalisation de cet exercice cependant, allant de parole maladroite à conte ou histoire, ne sachant dénouer vérité de ses simples  croyances.

« Infiniment plus que nous, l’océan est bien plus grand que la terre, il est peuplé par une variété d’espèce tous aussi différents les uns les autres que nous. Mais tu n’as pas grand-chose à craindre d’un simple crabe. Nous n’avons rien à craindre du peuple de l’océan. »

Jusqu’à preuve du contraire
N’ayant connaissance des évènements secouant les terres du sud, du mal qui ronge les pirates existants. Heureusement peut-être, le discours bien qu’hésitant se fait plutôt rassurant en forme courbe, n’affirmant que peu de chose, mais en supposant de nouvelles.

« Je ne pense pas qu’ils sont plus nombreux car ils sont plus forts que nous. Ils sont simplement plus nombreux, cela n’a rien  à voir avec la force, ce n’est pas parce que l’on est fort que l’on est nombreux, on est fort parce que nous sommes nombreux, c’est cela, une famille. Ne pas être seul, c’est ce qui fait notre force.»

Notre faiblesse aussi.
Elle se penche, met son museau, sa tête au ras de la louvette, les deux oreilles dressées vers les crustacés.

« N’ais crainte, tu ne seras pas chassée par une armée de crabes. Ils ne mangent pas les petites louves. Ils pincent seulement lorsqu'ils se sentent menacés, c’est leur seul moyen de défense, leur seule arme. »

La voir rire et sourire, c’est tout ce qui lui importe.
Sa queue trace dessin et rosace dans le sable humide et millier de grain comme d’étoiles se pare le pelage brun. Elle n’est si implacable que la loupiote, son pelage se fait salé entre terre et mer.

Les paroles d’enfant la font sourire, elle n’aurait trouvé meilleur raccourci à ses histoires. Seulement plus belle utopie à glisser dans les rêves d’une enfant qui ignore à peu près tout, tout comme elle. Sa force, elle ne s’en vante. Elle n’est pas une guerrière, pas comme ceux endémique du sud auxquels elle pourrait ressembler un peu tant elle avait de famille en commun avec eux.

Comme la lumière, elle guide, elle rassure par le sourire qui s’élargit, montre ses crocs éclatants.

« Nous serrons toujours plus fortes ensemble, toujours. Chaque fois que tu auras besoin d’aide, n’hésite pas à m’appeler. »

La louve se redresse, elle surplombe de plusieurs paumes la louvette encore bien jeune. De là, elle observe les alentours, apportant d’autres précisions.

« Les crocs, les griffes, les pinces, les sabots, ce n’est pas bien différent chaque espèce possède ses propres qualités. À la différence que nos crocs et nos griffes peuvent avoir bien d’autre utilité que celle de nous défendre. Il y a des personnes capable de bien des choses avec seulement leur croc et quelques matériaux, sauver des vies en fait partie. »

Lorsqu’elle demande, lorsqu’elle exige la précieuse, la jeune louve ne saurait démordre. Elle se doit d’exécuter la demande, même si l’océan ne l’enchante guère.

« Je peux en trouver d’autres. »

Elle l’emporte plus loin. Elle ne parle plus jusqu’à arriver dans les rochers, la pose sur la face plate d’une pierre lisse en surplombe. Ensuite, sans la quitter des yeux trop longtemps, elle cherche sous les rocailles, en sort quelques oursins du bout des griffes et quelques pétoncles rattachés à un galet.

« Deux oursins et quelques fruits de mer. Fais attention de ne pas te piquer sur les épines. »

À l’évocation de l’autre, ses yeux, elle roule. Bien sûr, ma petite. Moi ou cette entité, un oncle ou un père. Enfin, mieux valait l’appeler lui que tout autre inconnu, bien qu’il n’était autre qu’imprévisible et dangereux selon la louve brune. La louvette semblait l’apprécié, voir le rechercher et la brune n’avait trouvé solution pour s’en détacher.

« Faire vivre ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Précises ta question ? » La question si ouverte qu’elle trouvait multiple réponse.
Voulait-elle savoir comment l’on sauve, comment l’on soigne, comment l’on continue à vivre ou bien comment la vie est donnée ? Des réponses qui chacune pourraient trouvé du sens. Mais quelle était celle attendue ?

L’adulte attendit les oreilles droites, ses deux yeux jaunes ne la quittant plus. Elle redoute parfois d’être à court de réponse, de ne savoir satisfaire l’avide appétit de savoir qui était sien. S’en aurait mordu les lèvres et rogné les griffes tant elle n’était bonne dans aucun savoir, n’avait pour seule voie, l’imagination et l’art de la fiction. Au moins, était-ce pratique pour les jeux, pour le théâtre, pour les scènes, mais inutile pour d’autre chose.

Elle est moins attentive tant elle réfléchit, l’égratignure, ne peut l’éviter. Mais le mouvement de recule, ne peut le rater.
Les oreilles se couchent, les yeux sont plus ronds, éveillée.

« Tu t’es fais du mal ? »

Cela à l’air d’aller pourtant, l’enfant reprend ses activités et ses découvertes. L’adulte souffle, soulagement qui n’est que partie remise. Les oreilles, elle les redresse à nouveau lorsque l’enfant malmène le mollusque pris au piège de sa coque.

« Il est normal, qu’il ne veut pas, il ne peut pas en sortir, pas sans mourir. Le coquillage fait partie de lui, il n’est pas différent de lui.»

Elle s’embrouille, s’enfonce dans des explications hasardeuses.

« Mais tu peux le goûter si tu veux. » sans attendre un ordre, se saisit d’un et d’un coup de croc en brise la coquille. «  pour les oursins, c’est plus compliqué, les piquants sont une bien meilleure armure, je ne peux les briser. » Pas de sa propre gueule du moins, pas sans prendre le risque d’en être criblé. Une pierre peut-être suffirait.

Évidence.
Étrange réflexion qu’était celle de l’enfant, bien que précieuse. La louve brune devait se l’avouer. Elle dessina un rond dans l’eau, tout en se perdant dans des songes. Difficile de trouver une réponse, … peut-être qu’il n’y en avait pas. Peut-être était-ce vain de chercher une réponse à une question si complexe. Même à son âge, elle devait bien avouer qu’elle ne comprenais pas toujours tout, que bien des questions restaient sans réponse, lui échappait malgré les efforts de réflexion. Elle n’était pas savante, ne pouvait combler ses lacunes que par l’imagination qu’elle faisait déborder parfois…
La louve prit un air grave, fronçant les sourcils. Trouver des réponses étaient importants, mais … rien ne vint.

« Je ne sais pas trop. Lorsque l’on saigne, on peut toujours mettre un pansement, mais dans certains cas, un simple pansement ne suffit pas. » Avoua la louve en se mordant la lèvre. L’expression dure mute, elle devient plus paisible, était-ce si important de posséder toutes les réponses, toutes les cartes en main ? N’était-ce pas plus sage d’avouer lorsqu’une réflexion n’aboutit à rien. Puisqu’on meurt tous à la fin, puisqu’on ne peut parfois pas empêcher le sang de couleur, puisque les résurrections sont théoriquement impossible… puisque parfois l’on a besoin de dormir.

La louve entre-ouvrit la gueule, juste suffisamment pour susurrer .
« Si je trouve une meilleure réponse à cette question, je te le dirais. » Aujourd’hui, elle devait s’avouer vaincue, la curiosité de la louvette allait bien trop loin pour elle. Et d’imprécision en imprécision, elle savait qu’elle n’irait nulle-part. Peut-être qu’une solution existait ailleurs, mais elle n’était pas en possession des deux louves de la plage.

« Tant que tu vas bien, c’est le principal. » L’adulte lui sourit, elle veillerai autant qu’elle le pourrait, jour et nuit s’il le fallait.
La brune s’assit sur la sable, observant Miraj expérimenter.les goûts et textures du mollusque. Laissa échapper un petite ricanement en voyant le museau  se plisser. La louve s’était attendu à ce genre de réaction, c’était prévisible.

Elle secoue la tête de gauche à droite.

« Je n’aime pas beaucoup les escargots, même si on peut les manger sans risque. »

La louve mime une moue exagérée, tirant la langue.

« Je préfère les repas de la maison, mais je ne dis pas non à un peu de poisson, du crabe, les produits de la plage peuvent être très bon aussi, les noix de coco sont très bonne lorsqu’elles sont fraîches, mais il faut savoir les choisir et surtout les ouvrir. » La louve ne s’y serait tenté au risque de s’y briser les crocs.

D’une patte, elle entortille une mèche de cheveux, coiffe et replace. Enfant précieuse dont le sourire ne lui apportait que satisfaction. Mais lorsque la maison fut évoquée en retour, la mine de la plus grande se figea. Elle se figea, avant de se tordre un instant, par la légèreté de ses parents, par le manque de précaution, voici le secret divulgué, d’autres lieux et d’autres rencontres. La louve fut saisi de moult regret fugace, incapable de tenir sa langue.

Redressant le museau, la louve brune s’assit et tenta de se remémorer ses derniers passages fugaces sur le territoire de la meute. Elle ne sait pas où commencer, le territoire est si vaste comparé à la petite ile sur laquelle elles avaient toute deux échouées.

« Tout est si différent d’ici. Les températures y sont bien plus fraîches qu’ici, l’hiver, tout se couvre de neige. Dans la bibliothèque y a des murs empli de livres bien plus qu’il n’y a d’arbres ici, c’est un lieu de savoir et d’histoire, j’aimais beaucoup m’y rendre avec mon oncle. Mais ce n’est qu’une infime partie de notre territoire, empli de plaine et traversé d’une rivière. Nous y vivons avec des animaux de toute sorte comme des poules, des chèvres, etc. Mais surtout, il y a un immense jardin abritant des légumes et des plantes de tout le continent. Le jardin nous apporte largement de quoi répondre à nos besoins, ainsi, nous n’avons pas besoin de chasser ou tuer pour nous nourrir. »

Ce lieu lui manque parfois, elle ne peut le nier et pourtant, il y avait tant de mystère à éclaircir avant de pouvoir y retourner et tant de doutes persistants dans le cœur de la louve brune, sans parler de ce que pourrait faire l’entité qui toujours les surveille.

« Mais tu ne dois pas t’y rendre, sous aucun prétexte. Pas pour l’instant, tu comprends ? »