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-Violette-

Violette avait terminé son périple dans le Désert, et s'en retournait à présent vers sa maison, chez les nakhus. Il avait beaucoup à faire là-bas, mais avant se devait de passer quelque part : le temple d'Ao. Il n'avait, à vrai dire, pas vraiment réfléchi à pourquoi il voulait ramener un cadeau à la Déesse qu'il n'avait vu qu'une seule fois. Mais cette première impression, et sa proximité avec Onyx l'avait attiré. Lui qui s'était enfin résolu à ne jamais devenir un disciple de Yurai, peut-être pourrait-il revêtir la couleur bleue, celle de la détermination. Cela dit, il ne s'en sentait pas encore prêt. Et puis, il n'y pensait pas plus que cela : il savait que si cela devait se faire, alors ça se ferait. Il suffisait de le vouloir, non ?

En attendant, il avait rapporté la pierre précieuse trouvée à l'Oasis étrange, couvert de pierres précieuses, venant du Désert au sable blan. La pierre une fois sèche était presque encore plus belle, révélant des nervures violacées complexes en son sein, comme des veines pulsantes de vie. Vio' en était fier, de ce gros caillou. C'était le plus beau caillou qu'il avait jamais trouvé. Alors, il se dirigea sans trop de craintes (son cœur simple en était à peine capable) vers le temple de la dragonne bleue.

Comme la première fois, l'entrée dans le temple l'impressionna. La grotte froide couverte de pierre précieuses, la statue imposante d'Ao, tout ça même pour Vio' était quand même vachement beau. Son pas ralentit alors qu'il s'avançait jusqu'à la fontaine, silencieux mais toujours souriant. En tout cas, bien plus souriant que la première fois qu'il avait pénétré le temple de la dragonne. Cette fois-ci, son esprit était en paix. Il farfouilla dans son sac, manquant de faire tomber son butin, mais finit par en sortir son offrande : l'oeuf de dragon. Bon, pas un vrai oeuf de dragon, mais ça y ressemblait. Enfin, il en avait jamais vu. Enfin bref, on s'en fout, c'était joli quoi, pi il avait quand même bien galéré pour le trouver. Il le pose en équilibre sur le rebord, devant la statue de la dragonne au regard sévère, et penche la tête comme pour la saluer :


Il sourit, la queue battant lentement dans son dos. Pas de demande cette fois, juste l'envie d'offrir le résultat de son travail à une Déesse qu'il admire sans vraiment comprendre pourquoi ni même réaliser toute l'implication que cela pourrait avoi sur sa vie.

-Violette-

Après avoir déposé son présent, il s'éloigne d'un pas et attends quelques secondes. Pas certain que la dragonne se montrera cette fois-ci, il n'y pense pas vraiment, se contente d'attendre. Attente qui ne fut pas si longue : un souffle froid se lève dans le temple, et la présence de la dragonne se révèle peu à peu, juchée en hauteur depuis sa statue. Le jugeant. Il lève le museau pour croiser le regard de la Déesse, et un frisson parcours son échine : une fois encore, la présence de la déesse dans le temple scintillant de pierres précieuses lui fait quelque chose, une sensation étrange, un mélange d'émotions qu'il n'arrive pas à vraiment expliquer.

C'est alors que l'oeuf qu'il a apporté s'illumine, avant de se craqueler. Vio' ouvre grand ses mirettes, gueule bée devant le spectacle qui se déroule sous ses yeux : il est en train d'éclore ! Un instant après qu'il l'eut réalisé, l'oeuf explose en un flash de lumière qui vient s'imprimer sur la rétine des yeux grands ouverts du nakhu, qui n'a pas eu le réflexe de les fermer. Puis, alors qu'il cligne des yeux pour chasser les lucioles de lumières douloureuses de sa vision, un dragon éthéré sort de l'oeuf pour le regarder et lui parler, alors qu'un vent froid se lève dans le temple.

Une persévérance à lui plaire ? Vio' se redresse un peu, affrontant l'animal fait de lumière en face de lui - même si dediou, il avait de sacrés crocs ! C'est vrai ça, pourquoi il était attiré par Ao ? D'abord, c'était à cause d'Onyx, ça c'était certain. Elle avait tellement de passion lorsqu'elle lui en parlait qu'il avait du aller voir de lui-même cette fameuse "meilleure déesse". Mais cette fois-ci, c'était pas pareil. Il y avait pensé, souvent, pendant son voyage au Désert. Et puis, il avait cherché le cadeau, et il était revenu. Comme une sorte de quête en parallèle de celle du Manoir. Mais pourquoi ? Probablement parce que la Déesse lui avait fait tant d'effet la première fois, peut-être aussi parce que ses valeurs résonnaient dans le cœur de Vio', et qu'au fond, il espérait peut-être avoir trouvé LA déesse qui lui correspondrait. Cependant, il portait toujours une affection certaine à Yurai, même s'il avait renoncé à son glowstick. Il finit alors par répondre :


Il s'arrête un instant. Le problème était que lorsqu'il avait quelque chose en tête, il était très difficile de l'en retirer, et il semblait qu'Ao avait forcé son chemin dans son petit cervelet. Alors, autant être honnête avec la Déesse :

Il sourit, dévoilant ses crocs à la face du dragon bleuté en face de lui. Il ne savait même pas c'que c'était, l'épreuve d'Ao, ne savait même pas comment ça se passait en fait pour un Dieu autre que Yurai. Il fallait lui offrir des cadeaux ? Aller le prier ? C'était bien compliqué tout ça, probablement pour ça qu'il ne s'y était paspenché pour le moment, toute son attention portée sur la réparation de son erreur avec les araignées du Manoir.

-Violette-

Le dragon ricane, mais sans effet sur le mâle violet. Il a été honnête, entièrement honnête, et peut-être que cela ne lui plairait pas. Il n'y pensais pas vraiment, à vrai dire : il était déjà heureux de voir la dragonne pour la deuxième fois, impressionné par le dragon sans pour autant en avoir peur. Il fallait plus qu'un esprit bleu pour effrayer celui qui avait combattu de vraies dragons, en chaire et en os, quand bien même ils n'avaient pas d'ailes. Mais soudain, un frisson le prend alors que la voix résonne de nouveau, profonde. Une voix l'invitant.

Un vent froid se lève, et le dragon se met en mouvement, si vite qu'il donne le tournis au loup à crête. Ce dernier s'ancre dans le sol, son cœur faisant un bond dans sa poitrine. Soudain, le dragon le mord douloureusement, fouettant son sang d'un coup d'adrénaline. Il n'a pas le temps de se préparer au combat : Il était comme transporté, mais ses pattes restaient fermement grippées sur le sol : il ne pouvait pas être en train de bouger ! Faisant confiance à ses sens, il se prépare. Car Ao a décidé de le mettre à l'épreuve, ici et maintenant. Et n'importe quoi peut encore l'attendre : un combat, une course, qu'est-ce qu'il en savait ? La perspective était excitante, et il se surprend à sourire.

Sourire bien vite perdu lorsqu'il atterrit au beau milieu des flammes. L'odeur du feu le prend immédiatement à la gorge, réminiscences de l'incendie de la bibliothèque le transportant là-bas par souvenirs. Il reconnait en un instant sa terre natale, et l'horreur le prend : la dragonne a mis le feu à chez lui, juste pour son épreuve ?! Tous ses sens se retrouvent submergés, mais un cri parvient à transparaître à travers les craquements : un appel à l'aide, ou bien juste des ordres, rien n'est moins sûr. Ce qu'il sait, c'est que son clan, sa famille d'adoption est en danger, devant les flammes. Alors qu'un spasme agite les muscles bandés de Violette, son regard dévie vers la droite.

Vers Onyx. Piégée au milieu des flammes. En danger. Un mur de flamme entre elle et lui se dresse, mur à traverser pour espérer l'atteindre. Et puis quoi ? Peut-être que si Violette avait plus malin, il aurait pesé le pour et le contre. Il aurait vu la situation dans laquelle se trouvait Onyx, se serait raisonné quant à la capacité incroyable qu'avait la petite louve à toujours se sortir des situations dangereuses dans laquelle elle était. Peut-être qu'il aurait pu calculer les chances de survie de la licorne au milieu des flammes, et aurait fait son choix. Peut-être même qu'il aurait réfléchit à éteindre les flammes avant de foncer, utilisant le sol, du sable, de l'eau, ou essayant d'aller chercher de l'aide. Peut-être.

Mais Violette n'était pas des plus malins. Ses muscles se tordent, alors qu'il bondit en avant. Vers elle. Le choix était peut-être difficile, au point d'en paralyser certain. Son amie, ou sa famille. Sa famille, ou Onyx. Mais lui ne vit que dans l'action, et dès lors qu'il l'avait vu, il fallait qu'il aille auprès d'elle. Non pas qu'il n'avait pas confiance, au contraire : il savait qu'à eux deux, ils pourraient survivre, et aller aider ceux qui criaient plus loin. Il savait également que derrière, Dame Kerguelen, Lestat, Ajani et tous les autres œuvraient déjà contre le monstre de feu. Alors, en un battement de cœur, son choix avait été fait, sans qu'il ne sache s'il était bon ou pas. Le plus important était de le faire, ce choix.

Le loup galope jusqu'à elle, essayant d'éviter de respirer la fumée lui battant le visage, lui piquant les yeux. Le feu crépite, et lui est vulnérable, mais il ne s'arrête pas. D'un bond, il passe à travers les flammes, freine des quatre fers pour se retrouver devant Onyx. Il détache sa cape, toussant et crachant déjà, étouffant le feu et la chaleur devant lui pour l'aider à sortir de là. Comme chaque fois qu'il se retrouve au cœur du danger, poursuivi par un dinosaure ou au centre d'un incendie crépitant, sa réflexion est éteinte : il n'agit que par instinct, bête inarrêtable insensible à la douleur et à la fatigue. Et alors qu'il cherche des yeux les pupilles d'Onyx, les trouve au coeur du feu, il sourire vient étirer ses babines. Elle est là. Et si elle va bien, alors il est heureux. Ensemble, ils seront inarrêtables.

-Violette-

Le sourire d'Onyx flotte un instant dans les airs, et Violette se sent bien, même dans le crépitement des flammes et la chaleur étouffante. Mais soudain, il les entend. Les cris. Les visions le prennent, l'envahissent. Il y voit les nakhus, son peuple, sa famille, sans défense dans les flammes. Il y voit les louveteaux hurler, leurs yeux exorbités, prêt à exploser de chaleur et de douleur. Il y voir la chaire se consumer, les poils griller, et l'odeur, l'odeur de viande grillée forte, qui le prend aux narines, qui l'envahit tout entier.

Son corps court, mais il n'avance pas. Il arrivera trop tard, il le sait, mais il ne peut abandonner, il en est incapable. Il essaye de traverser le feu, les yeux écarquillés sur l'horreur qui se déroule sous ses yeux, mais ses pattes semblent patiner dans le vide, le condamnant à rester témoin des conséquences de son choix. Et pourtant, l'espoir reste, persistant, immortel. Car il a Onyx avec lui, car lui est encore là, et il peut les sauver, tous. Même s'il n'y arrive pas, il essaye, encore et encore et encore. Mais il n'a pas le temps que déjà, la vision s'efface, le laissant pantois, haletant. Il est de retour dans le Temple, et comprend (enfin) que le tout n'était qu'une illusion. Mais les images, l'odeur lui reste encore en tête. Le choix, les conséquences. Tout.

Ses pattes tremblent Il met quelques secondes avant de réaliser le poids qu'il a sur les épaules. Le froid vient remplacer la chaleur du feu, et il réalise qu'il est couvert d'une couche de glace. Bouger est difficile, il le sent. Et surtout, il se sent pris au piège. La glace vient prendre ses muscles, ses os, remontant depuis son dos jusqu'à son cou, sa gueule même. Il crache un souffle froid. Devant lui, il aperçoit la lumière bleue : un glowstick. Et un nouveau choix. Le froid se fait de plus en plus prenant, douloureux, et lui est de plus en plus pris au piège. Il se referme autour de lui, lentement mais sûrement. Soudain l'instinct prend le dessus, chassant les flash remincissent des cris, des morts, du feu.

Violette ne se laissera pas faire. L'adrénaline claque dans ses veine. L'épreuve est claire, et le défi est relevée. Une vague de chaleur venant du cœur vient fouetter son sang glacé, pulsant dans ses veines alors qu'il lutte. Il lève la patte, lentement, entend le craquement de la glace. Il s'avance, bouge ses postérieurs, s'étire légèrement. Refuse de se laisser prendre au piège. Qui le pourrait l'arrêter , lui l'hyperactif, insomniaque, casse-cou, hein ? Qui oserait le figer sur place ? C'était pas une mort pour lui ça, il préférait de loin mourir bouffé par le dragon en face de lui ! Il crisse des crocs, peine et souffre du froid, et la vision de ceux qu'il a vu mourir dans le feu le hante encore. Il veut les protéger, tous, sans exception. Il refuse de faire des concessions, ne vit que dans le tout ou rien, dans l'illusion de l'absolu. Et il luttera jusqu'au bout, toujours, têtu comme un âne et con comme un balais, mais tenace. C'est cette ténacité qui le fait tenir debout, qui le fait lutter contre la morsure ingrate du froid, de celle qui endort les sens et l'esprit. C'est son esprit de défi qui le fait avancer, centimètre par centimètre, comme un pied-de-nez à tout ceux qui le pensait incapable. Mais c'est à ceux qu'il aime et qu'il veut protéger qu'il pense le plus, confusément conscient que l'armure qu'il aujourd'hui est un piège sera peut-être demain son moyen d'éviter le cauchemar qu'Ao lui a montré. Le choix est fait. Tout est entre ses pattes.

En un grognement, il saisit la lueur bleue.

-Violette-

Il le tiens, fermement dans sa patte, luttant contre le poids de la glace sur ses épaules et le froid qui a pris l'intégralité de son corps. Mais il ne tiens, il le tiens, ce fichu glowstick ! Et alors qu'un sourire victorieux se dessine sur ses babines, soudain, la mâchoire se referme. Il crie, de douleur et de surprise : à vrai dire, il ne s'attendait pas à se faire bouffer par le dragon, à la fin de l'épreuve. Ptet même qu'il l'avait ratée, c't'épreuve, qu'il allait mourir ici. La morsure du froid remonte le long de sa patte, comme une multitude d'aiguilles, et la douleur est si intense que les larmes lui perlent aux yeux alors qu'il s'agrippe à la pierre brillante, incapable de lâcher prise.

Et puis, un grand flash lumineux, et plus rien. Il se tiens de nouveau là, debout, les pattes solidement ancrées dans le sol malgré les échos de douleurs qui agitent ses os. Il baisse le regard, lentement, et le voix : la pierre bleue. Il bouge lentement sa patte : rien, pas de blessures ni de douleurs, à part le souvenir cuisant du froid. Et soudain, elle apparaît : Ao. Elle l'a observée, tout du long. Et à présent jauge sa mise à l'épreuve. Un manque de réflexion, que déjà Yurai lui avait fait r'marquer. Violette n'était pas connu pour penser, mais pour agir. La voix se fait un peu plus chaleureuse, loin d'être amicale, mais moins glaciale, alors qu'Ao lui dit qu'elle n'en a, finalement, rien à faire de ses causes, tant qu'il les soutient avec détermination. Et finalement ...

Elle accepte. Vio' reste gueule bée un instant, regardant avec ses yeux vides le dragon voleter devant lui. Il n'arrive toujours pas bien à réaliser ce qui vient de se passer. En un instant, tout a disparu. Le mâle baisse les yeux. S'il n'avait pas eu cette petite pierre bleue sous la patte, il aurait pu croire à une put*in d'hallucination. Alors, enfin, il commence à comprendre. Il avait passé l'épreuve d'Ao. Ca avait fait un mal de chien, autant physiquement que pour son pauvre esprit torturé, mais apparemment ça lui avait donné assez d'satisfaction ! Il sourit. Se redresse, un peu, malgré les tremblements qui agitent son corps :


Bon sang ne saurai mentir, si tout ça était vraiment pas un rêve, alors il garderait à jamais les valeurs d'Ao dans ses actions et décisions. Bon, restait qu'elle était la deuxième déesse à lui dire de réfléchir un peu, alors ptet qu'il faudrait s'y pencher .... Ou bien il était trop vieux pour changer. Il sourit, les pensées toutes en vrac. Fallait qu'il voit Onyx, elle en reviendrait pas ! D'une révérence un peu douteuse, il salue la statue de la dragonne, et sort lentement du temple, la lueur bleue brillant sur son poitrail.