Coeur de dragon | Alexandrine

FAFNIR

L'immense loup qu'était Fafnir avait décidé de s'aventurer hors des terres Etel, de plus en plus détaché par le lien qui unissait sa meute à lui, depuis la disparition de sa soeur, ses frères. Le dragon écailleux n'avait guère envi de se faire de nouveaux liens, ne comprenant que trop peu le désir des autres. Autrefois, il était né pour son clan, sous le bon regard des anciennes alphas et de ses deux pères. Mais ils n'étaient plus et cela avait construit un vide dans le coeur du loup.

Il hissait son corps gigantesque sur les rochers, avec beaucoup de force. Il n'avait pas besoin de se donner tant de mal, car sa taille était supérieur aux autres loups de sa meute, ayant même dépassé celle de son père Ptah et de ses ancêtres vikings. Puis, finalement lassé de grimper, épreuve inutile à ses yeux, son corps commença peu à peu à fondre, laissant craquer ses os, laissant ses plumes s'agrandir de plus en plus sur son poil alors que toute sa colonne s'allongea, s'amplifia jusqu'à tripler ta taille normale. Les cornes sur ses joues poussèrent pendant que tss écailles laissaient apparaître une magnifique crinière. Puis, sous sa forme de dragon, tu te laissas glisser des rochers, tombant dans le vide.

Vide que il n'atteint pas, car le vent caressait chacune des plumes et aussitôt, Fafnir prit ton envol, tournoyant dans les cieux pour atteindre le sommet de la montagne qu'il gravissait. Puis s'y posa, ne reprenant nullement sa forme lupine lorsque les pattes touchèrent la légère couche de neige.

Instinctivement, la gueule s'ouvrit, crachant une gerbe de flammes bleus impressionnantes et glaçantes dans le ciel, comme si Fafnir était désormais seul au monde, hurlant sa peine et sa colère d'avoir perdu ceux qui lui ont été chers.

Fafnir entend, on l'appelle. Il reconnaît cette voix entre toutes, il décale le regard. Il voit l'autre dragon. La dragonne. Celle qui a des ailes, celle qui est de feu. Ils sont dragons mais ils sont contraires dans les éléments. Le loup bleu arque un sourcil, laisse échapper une longue fumée de ses narines alors qu'il observe Alexandrine. Ils ont bien changé les deux, chacun de leur côté. Puis, sa tête tombe sur le côté, il veut continuer à brailler, cracher sa colère sur le monde. Il le détestait, il lui a volé sa famille. Alors qu'il devait les protéger, et il s'en voulait, de ne pas avoir fait son boulot de grand frère. Alors, Fafnir détourne le regard vers les plaines et soupire.

- Je crache surtout ma colère à ceux qui ont décidé de me prendre ceux qui me sont chers.

Marmonne le dragon de glace. Il voulait que son hurlement atteigne les dieux, qu'on lui rende ce qu'on lui a pris. Et au fond, il savait qu'on ne les lui rendra pas. Il enroule alors sa queue autour de son corps, comme pour se protéger du vent qui soufflait légèrement entre les rochers.

- Les autres me tapent sur les nerfs. Si j'étais un plus grand dragon, je les aurai avalé tout rond.

Puis Fafnir souffla des narines, laissant échapper une petite flamme.

- Tu m'as suivi, Alex la dragonne ?  

Dit-il, un regard suspicieux vers son amie d'enfance.

Fafnir souffla une nouvelle fois, plus fort, laissant cette fois-ci une étincelle sortir de son nez. Le tout semblait s'emmagasiner dans ses poumons, ça le brûlait horriblement mais il se retint. Ainsi, c'était comme ça ? Les autres sont si égoïstes alors que lui, il avait tant fait pour eux. Il a toujours fait en sorte que Ortie se sente bien, ses frères aussi. Mais Fafnir se demandait s'ils avaient réellement eu leur place au sein de la meute. Lui aussi, il ne savait plus trop où était sa place. C'était la volonté des dieux, qu'il naisse, mais pour quoi faire, finalement ?

- On est nés parce que les dieux l'ont souhaité. Mais quel a été leur but, au final puisque la plupart disparaît ?

Il lève une de ses pattes afin de la mener sur son museau, sentant que celui-ci se gelait avec toute la fumée qui dégageait de ses narines. Il finit par fermer les yeux et ria en silence de la remarque d'Alexandrine. Pour cela, la louve n'avait toujours pas changer, à lui faire ce genre de commentaires. Alors, le dragon bleu tourna sa tête vers elle, un sourire moqueur sur le visage avant d'envoyer un souffle semi-glacial sur elle.

- Toujours dans la délicatesse avec moi, à c'que j'vois, Alex.

Puis il se tortilla sur lui-même, se secouant en évitant de regarder son amie d'enfance. Elle avait beaucoup changé mais il l'appréciait tout de même, parce que Fafnir voyait en elle une fantastique et forte louve. Une rivale à son égard. Mais... il repensa tristement à l'histoire avec Holly et les autres. C'était tout aussi dommage, comme dit Alexandrine, ils finissent toujours par fuir.

- ça te dit de voler un peu ? On a qu'à discuter dans les airs, si ça te dit.  

Demande calmement Fafnir, cette fois-ci plus amical qu'il en a l'air.

Le lupin baissa la tête, en réflexion. Peut-être s'était-il trompé en ayant cru les paroles des adultes ? Ce tournoi, pour leur naissance n'était qu'un mensonge ? Après tout, ses parents n'étaient même pas en couple, bien qu'ils ne se détestaient pas. Mais ils n'avaient aucun sentiment envers l'autre. Fafnir se rappelle toutefois qu'il a eu de très bons papas assez veillant avec lui et ses frères. Même avec Ortie, la seule fille de la famille. Il finit par hausser les épaules, à moitié convaincu par les paroles de son amie d'enfance. Bah, qu'est ce que ça change, maintenant ? Il pouvait très bien avancer seul, construire son propre chemin.

Puis il sourit. Pas besoin de gueuler pour discuter. Il voulait juste s'amuser un peu. Le dragon de glace avait sûrement moins d'expérience au vol que son confrère de feu, il avait cependant envi de se mesurer la dragonne etelkru. Puis, sans mot dire, Fafnir se laissa glisser de la montagne, tombant dans le vide avant de se rattraper pour filer droit vers les nuages. Il se retourna pour fixer Alexandrine, puis, d'un mouvement circulaire, recracha ses flammes glaciales, créant ainsi une petite tempête de neige en dessous de lui.

- Essaye un truc, avec ton glow.

Il était curieux de voir ce que Aka avait offert de bien à Alexandrine. Qu'est-ce que lui aurait pu louper. Il se figea, faisant uniquement du sur place dans les airs tout en faisant un clin d'oeil à sa vieille amie ranchonne.