La bonne étoile (ft. Aeva)

La réalisation de la situation le frappe le lendemain.
Thorn son amie, aussi brève la relation a-t-elle été, est morte.

Elle n'est plus et pire que ça elle est partie dans un combat qu'il a fuit. Et il ne sait pas s'il se sent plus triste ou en colère, peut-être que c'est la colère qui monte pour masquer la tristesse. Il trouve ça tout bonnement injuste, une fin si brutale. Elle n'a fait que protéger un pauvre gars comme lui ! Certes innocent mais bon à rien, qui se toutes façons réapparait. Ou même s'il n'était pas réapparu cette fois ! Lui, pauvre chose pas destinée à survivre bien longtemps avec son tout petit corps, a bénéficié de plusieurs résurrections.

N'y a-t-il donc rien de similaire par ici ? Plusieurs meutes, des gens aux physiques si étranges, la magie qui bouillonne et qu'il peut sentir. Et pas une seule chose pour rendre vie à quelqu'un mort avec l'honneur de protéger ? C'est si bizarre. L'inégalité du faible qui compense une malédiction, et une guerrière émérite qui n'a qu'une seule chance à la vie. Elle aurait mérité mieux que ça, que de mourir pour lui. C'est injuste.

Elle est morte au combat, en protégeant.
Une bonne, brave guerrière, et le pauvre bougre qu'il est n'en a su qu'assez pour aller l'annoncer à sa meute. Il n'a pas pensé à demander leurs traditions. Il ne sait pas comment on honore l'âme d'un guerrier ici. Mais c'est sans doutes la place de sa meute de les effectuer, pas la sienne, si ? Pourtant... Il aimerait bien. Peut-être qu'il arrivera à déloger toute la négativité qu'il ressent s'il fait ça, qu'il arrivera à l'accepter. Il peut peut-être effectuer les siens, de rites.

Mais chez lui... chez lui on enterre un guerrier avec ses armes, ses trophées, avec une grande célébration menée par un druide. Il n'est pas druide. Il n'est pas guerrier. Il n'a rien qui a pu lui appartenir. Il se retrouve juste comme un idiot au milieu d'une terre, attiré à peu près par le Refuge, pour retourner voir Ted plus tard.

Un frisson le traverse.
Il ne peut pas continuer de se lamenter, ça ne va pas lui permettre d'avancer. Il va faire la célébration, même si ce n'est qu'avec ses deux-trois connaissances du rituel. Il se déplace assez sur la terre autour de lui pour aller trouver des plantes. Pommier, if et sapin, il croit se souvenir. C'est les deux derniers qu'il ramasse à défaut de trouver le premier, il en prends deux beaux rameaux. Il prends aussi une autre branche qu'il taille, une lance de fortune, une arme qu'il ne sait si elle correspond à Thorn. Ce n'est pas grave. De là, il avance pour les porter à un endroit propice avec quelques roches : il veut faire un feu à la place de l'emplacement de la dépouille. Il l'emmènera au ciel à travers la fumée, en espérant qu'elle rejoigne leur équivalent d'anaon.

Quand il choisit son endroit, et allume enfin le feu, il découvre qu'une louve non loin. Il pose son matériel, et la regarde. Elle est blanche, cornue, et sa queue fine se termine par une pointe. Il s'interrompt et se mord une babine.
Il n'a pas voulu déranger... Trop tard. Il faut assumer.

"Ah- pardon je..."

Il ne sait pas trop comment aborder le sujet. Dur d'expliquer ce qu'il est en train de faire et surtout évoquer la mort directement semble... traumatisant ? Il grimace donc en regardant ses rameaux bien verts et sa branche sèche, son feu qui commence à être plus vif.

"Je peux aller autre-part si je gêne. J'allais commencer un... rite."

C'est toujours mieux que rien.

Soulagé qu'il ne l'ai pas dérangé, il expire son anxiété.
Il s'y retrouve emporté néanmoins quand la louve s'approche. Mais s'il ne s'y est pas vraiment attendu, ce n'est pas ça qui fait monter le sentiment en lui ; sa patte qui frôle ses cicatrices. Elle semble fascinée. Ce n'est pas exactement commun qu'on regarde ses balafres avec ce genre de regard : il a vu la pitié de ceux qui lisent la vérité de ses défaites, le respect de ceux qui se trompent sur des marques d'un guerrier, le dégoût des âmes qui repèrent sa faiblesse... Mais jamais une sorte d'admiration comme elle a.  Il ne sait pas quoi en faire.

Il penche pour la solution de poliment se reculer, avec un sourire un peu désolé, un peu gêné. Sa question il entends, même s'il met une seconde de trop à l'analyser. Il retient un petit "hein ?" mécanique, et secoue assez la tête pour se remettre les idées en place. Rapport avec les épreuves qu'il a eu à affronter... Il pince une babine.

"... Pas vraiment."

Il n'a pas envie d'élaborer, il préfère plutôt annoncer la nature alors. Ça devrait peut-être pousser la louve aux cornes à ne pas trop demander ce qui a pu se passer. Sa voix reste basse quand il explique.

"Une," amie "connaissance est morte. Je veux honorer son départ."

Il penche un peu la tête, les oreilles basses.
Lùgh ôte sa capeline et ses bois, et se tourne vers les flammes qui font danser les ombres sur le sol. Ses pattes ramassent les rameaux et assis, il les tends au-dessus du feu sans les y plonger en entier. La fumée s'élève, non seulement bénit le rituel et à ses yeux représente aussi l'âme. Il s'adresse plus à lui-même pour la suite.

"Je ne sais pas grand chose de Thorn. Juste que sa sympathie, son courage et son altruisme m'ont marqué. Elle avait tout l'air d'une âme bonne et aimante, et elle s'est illustrée dans son départ par la protection qu'elle a apporté. Guerrière admirée, était-elle. Qu'elle rejoigne le monde des esprits en le sachant."

Son eulogie prononcée, c'est la lance qu'il dépose dans le vortex brûlant.
Petit à petit consumée, il prononce une dernière parole, un accent chantant revenant dans sa voix.

Ra vo gwenn e ved.

Termine par laisser le feu dévorer aussi l'if et le sapin.

Un peu affalé, il n'a pas de larmes.
Le poids sur ses épaules semble au moins un peu plus léger. Ça lui laisse assez d'espace mental pour tourner les yeux vers l'autre louve. Et se présenter, au moins.

"Euh. Merci de m'avoir laisser faire ça. Je suis Lùgh."

Il l'écoute prononcer un hommage, concis mais tout à fait correct. Les condoléances qu'elle lui adresse le déstabilisent, les mérite-t-il ? Il a eu si peur qu'on trouve ça bête, de s'être attaché ainsi à quelqu'un qu'il n'a connu que si peu de temps. Pourtant... Oui, il a envie de ressentir cette peine, de pouvoir la qualifier d'amie. De pouvoir dire que ça a eu une importance pour lui tout ça, qu'elle l'ai protégée au final. Il est content il croit, même s'il s'en sent tout étrange, de les recevoir.
Alors il lui sourit.

"Merci."

Il ne sait pas encore quoi faire de cette rencontre à un moment un peu vulnérable. Son regard sur lui l'a un peu perturbé mais ses dernières paroles réchauffent un peu. Il ne croit pas qu'elle se soit présentée en retour, ou alors il a (encore) raté ce qu'elle a pu dire. Ne voulant jouer avec le feu, il tente son approche habituelle.

"Comment tu épelles ton nom ?"

C'est une question peu commune. Il suppose.
Mais si elle l'a dit, ce n'est lui faire répéter, et si elle ne l'a pas dit... et bien il pourra toujours trouver quelque chose à dire pour expliquer cette question bizarre et peut-être retomber sur ses pattes. Il bricole souvent. C'est bien bricoler.
Il espère quand même s'il ne va pas la vexer, peut-être qu'elle a un prénom en trois lettres.

Ah, elle ne l'avait peut-être pas dit.
Dans tous les cas, Cloud donne non seulement l'orthographe mais aussi le sens de son nom, et il trouve ça interessant. Elle est clair comme un nuage il faut dire, donc cela lui va très bien. Le côté hommage à un parent est un bonus à ses yeux aussi, ou aïeul si elle dit "un de ses pères" ? Il ne pense pas relever, même si ça le fait tiquer intérieurement.

Et puis-ce qu'elle a donné la signification du sien, quand elle lui demande il trouve qu'il se doit de le lui offrir en retour. C'est sans trop d'hésitation qu'il ouvre la gueule pour ce faire. Sa voix retombe en tension, il est un peu plus à l'aise.

"Oh, du dieu Lug."

Qui, il l'imagine...

"Pas connu ici je crois- Il y a des dieux vénérés, ici ?"

Il ne l'a pas entendu de la bouche de qui que ce soit, bien que tous les gens qu'il ai croisé aient eu des attributs magiques ou au moins en partie. Il l'a sentie ici en arrivant, la magie. Mais personne n'a parlé encore de divinités, ou de créatures, qui auraient pu l'offrir ; il l'a imaginé ambiante et disséminée dans les corps alors.

"Et tu en prierais un, ou plusieurs ?"

Il ne peut laisser la possibilité d'un panthéon polythéiste. C'est ce qu'il a chez lui.

Oh, c'est à la fois beaucoup, et si peu d'informations.
Polythéiste, déjà, cela le rapproche de ce qu'il connait. Porter des lumières allume aussi une vision derrière ses paupières : celle de l'oreille de Thorn. Il se redresse un peu à ce souvenir et s'exclamant.

"Oh... Thorn avait une lumière jaune."

Elle priait donc un dieu qui s'associait au jaune. Peut-être au soleil ? Il n'a pas tant le temps de spéculer car elle confie aussi qu'elle est une voyageuse, avec ses propres dieux qui ne sont pas d'ici. Il se fait la réflexion que c'est encore une âme qui voyage, qu'il croise, ces terres semblent avoir un vrai pouvoir magnétique. Les oreilles pointées vers elle, il écoutes qu'elle ne prie qu'un seul dieu, Osamodas.

"Oh. C'est une sorte de... cadeau ? Ou-ou, ou négatif ?"

Les malédictions, il sait ce que cela fait.
Il le tait cependant, pas envie d'en parler. Il saute plutôt sur la question qui lui a été retournée et explique.

"Euh. Je suppose oui. Pas tout le monde les prient tous, parfois un dieu plus que les autres.. mais sans oublier les autres, ils seraient mécontents."

Il grimace un peu, c'est une explication brouillonne. Et trop général, elle lui a demandé pour lui, pas les autres.

"Je les prie un peu tous."

Ce n'est donc pas tant un cadeau, qu'un simple état de fait pour montrer une appartenance. Il retient quand même le mot "donné" pour classer ça dans quelque chose d'au moins plutôt positif. Il agite une de ses larges oreilles et se demande si son physique est aussi, au final, associé à sa nature proche du Re Vihan. Il ne sait pas trop si c'est comparable.

Elle pense qu'il a beaucoup de travail, à prier tous ses dieux.
C'est une déclaration qui le surprend, parce qu'il ne juge pas ça comme ça. Même les âmes plus assidues que lui ne passaient, passent encore il imagine, tant de temps que ça à s'y dédier. Une babine en avant un peu circonspecte, il répond.

"Oh, pas vraiment. On les pries tous mais pas tout le temps, pas en même temps."

Il penche la tête.

"Pourquoi, c'est beaucoup de travail ici, ou pour les tiens ?"

Quand elle s'explique, tout a du sens.
Il hoche donc la tête, un mouvement vif qui s'estompe quand il pense au fait qu'eux aussi font des offrandes. Avec une petite moue, il l'exprime.

"On en fait aussi. Mais, je crois pas que ce soit beaucoup à faire, on travaille tous dessus et on les dépose pendant la fête qui est dédiée au dieu."

Il a envie de demander ce qu'elle entends par juste respecter les préceptes. Il se laisse emporter par telle curiosité.

"Des préceptes ? Un genre de, comportement à avoir, une ligne de conduite ? Tu as lesquels toi ?"

Les questions et son émotions font pencher un peu sa tête sur le côté.

Quand elle énonce ses principes, toute fière, Lùgh n'a pas le cœur, soudain, de produire quelconque expression. Les lignes qu'elle évoque pourtant parlent de dominance et de violence, d'ambivalence d'humeur, d'esclavagisme... Au final des choses qui se font aussi chez lui. Ces choses qu'il a subit, ces choses qu'il ne comprend pas. Il n'y a que ses oreilles qui s'affaissent un peu, le reste de son visage est bloqué. En partie parce qu'il refuse de le laisser tomber, d'une autre aussi un peu par incompréhension. Elle semble douce, gentille, Cloud. Il se demande si elle les respecte à la lettre, si elle possède un cheptel et qu'elle claque une longue tige de cuir pour le plaisir.
Il faut commenter.

"C'est intéressant."

Malgré tout ce que cela fait tourner dans sa tête sans qu'il ne sache nommer ce qu'il s'y passe, ça lui faire apprendre une autre culture et leur façon de voir leur société. Leurs besoins pour une organisation. Mais... Mais. Sans parvenir à penser, les automatismes, ces bons vieux automatismes, continuent de s'enclencher.

"J'ai appris beaucoup aujourd'hui, merci. Je suis un peu fatigué par contre."

Un sourire désolé naitre sur ses traits et sa tête s'abaisse un peu, il apparait contrit.

"Je crois que je vais aller me reposer et terminer de... et bien, dire au-revoir à feu mon amie."

C'est une justification tout de même réelle, il pense encore un peu à Thorn, malgré toute la conversation.
Avec ça, il penche en avant le haut de son corps pour effectuer un salut digne de ce nom, et gratifie d'un discret au revoir la louve blanche avant de s'éloigner à pas contrôlés dans la végétation environnante.