Cercle vicieux. ✠ Anita

SOLELIO
Epée sans glowstick Etelkru ✠ 7 ans ✠ 13 PVs
F A E I

Le regard de nuit de la femelle suivit la danse spasmodique des insectes vrombissant au dessus de la surface de l'eau. Si l'on pouvait appeler ça de l'eau. Elle voyait ici un plan humide fait de vase, de limon, de sable et d'eau croupie, infesté de moustique et autres moucherons peu plaisants. Pourtant derrière cette image peu ragoutante, il y avait la survie, l'utilité, la praticité d'un tel environnement. L'on pouvait s'y dissimuler entre de grosses racines, se glisser derrières des fougères épaisses, grimper au creux d'un arbre, se peinturlurer de boue pour taire ses criardes couleurs ou encore y cacher son odeur... Jamais, avant, la louve aux allures tirées à quatre épingle n'aurait pu imaginer une telle réflexion. Athelstan avait-il honte de sa fille aujourd'hui ? Nachos, oui, sans aucun doute. Mais il y avait longtemps que sa voix avait fadé dans l'esprit meurtri de la rouquine. Elle avait perdu tout le paraître au profit de sens affûté à la survie. Cela faisait pourtant des mois et des mois qu'elle ne comptait même plus depuis son retour au sein des Etelkrus. Autrefois la meute avait été son tout. En revenant elle n'avait retrouvé qu'un frère qui subissait son existence tout comme elle. Marqués sans doute plus qu'ils ne le croyaient par l'éducation d'une mère destructrice et les attentes d'un père sur son piédestal. Solelio sourit tristement. Jusqu'à quel point le passé pouvait-il vous coincer ? Vous écraser ? Vous étouffer ?

La louve se releva, étira son dos et ses épaules restés immobiles un long moment. D'un geste désormais habitué, elle releva ses boucles flamboyantes en un chignon vague avant de se mettre à l'affût de son environnement et d'une proie à rapporter. Histoire de dire qu'elle ne faisait pas rien. Cela ne dura pas longtemps, en fin de compte, parce que la femelle se retrouva face à un arbre qui éveilla sa mémoire. C'était là qu'elle s'était entraîné, mais aussi amusé, avec Alexandrine, pour la première fois. C'est à partir de cette période là aussi, qu'Athelstan avait prit plus grande attention pour elle. Elle soupira, à nouveau tirer vers de vieilles images passées.

Il y avait les odeurs qui étaient intimement liées à la Moere et celles qui ne l'étaient pas.
Il y avait ces fragrances du quotidien que les plus grands habitués connaissaient tous et ne remarquaient presque plus à force de les avoir intégrées à l'identité des marais, à tel point que l'absence de l'une d'entre elles serait davantage source d'interrogation que leur présence. Puis il y avait celles qui fonctionnaient à l'inverse : des traces hétéroclites et inhabituelles qui trahissaient le passage d'un non-initié, parfois en un seul trait mince et rapidement balayé pour ceux qui ne mettaient les pattes ici qu'en des circonstances urgentes pour repartir au plus vite ; mais le plus souvent en empreinte assez notable pour traduire un intérêt curieux et certain qui motiva une promenade de quelques heures.
Parfois, cet intérêt allait jusqu'à s'étirer sur plusieurs jours ou bien à quelques périodes répétées mais jamais quotidiennes et l'odeur s'ancrait alors un peu plus profondément, comme si l'intrus et la Moere acceptaient de se considérer l'un et l'autre avec un brin moins de méfiance pour tisser les liens d'une relation cordiale.
Et puis il y avait ces rares odeurs qui s'intégraient avec chaque fois plus de persistance, apparues presque du jour au lendemain mais pourtant motivées à demeurer régulières.

Et Anita, en Prêtresse encore plus qu'en Alpha, connaissait toutes ces odeurs.

Les amoureux de la Moere comme ceux qui s'en tenaient le plus éloigné possible, ceux qui l'affectionnaient sans plus et y passaient parfois profiter de quelques longues balades ou encore ceux qui n'y voyaient qu'un devoir très ponctuel et s'y rendaient sans haine ni plaisir.
Elle avait aussi été témoin de transitions. D'odeurs intimement liées les unes aux autres se défaisant jusqu'à disparaître tout à fait - cela apportait toujours un lot certain de tristesse, quelle que soit la situation, et la louve hybride aimait à se dire que la Moere elle-même ressentait et subissait ces ruptures - ou, au contraire, d'odeurs qui devenaient tenaces. C'était souvent le cas de nouveaux disciples qui réalisaient alors que leur lien avec Kiro se poursuivait à travers le domaine tout entier qu'il avait fait sien et qui se tombaient éperdument sous le charme particulier de l'endroit, comme elle le vit à travers Etna.

L'effluve qui s'inscrivait depuis un certain temps n'était en revanche pas de ceux-là.

Solelio n'était pas une disciple de l'Anaconda, et elle ne semblait pas particulièrement intéressée à le devenir.

Anita l'observait depuis quelques minutes maintenant, allongée parmi les hautes branches d'un vieil arbre qui avait tissé son réseau en mêlant ses longs doigts à d'autres plus jeunes. Avec les années, l'hybride était quasiment indétectable à ce genre de postes ; immobile, les quelques sons discrets que son corps ne pouvait cesser d'émettre tels que sa respiration couverts par les vrombissements des insectes et le vent dans les feuilles, et tellement intégrée à l'environnement que son odeur s'y fondait avec naturel. Ainsi put-elle en toute discrétion poser sur la louve à la chevelure de feu un regard tranquille et curieux pendant qu'elle déambulait avec cette allure sauvage glanée là-bas dans le Nord, visiblement bien mieux intégrée à l'endroit qu'elle ne l'aurait été dans sa jeunesse.
Et quand Solelio s'arrêta devant l'Arbre de Kiro, toute son attention désormais portée vers lui, Anita redressa les oreilles.
C'est à ce moment qu'elle descendit d'un bond souple après avoir étiré son corps le long du tronc pour rejoindre d'un pas léger les côtés de la rousse, s'arrêtant un peu en retrait et levant les yeux dans la même direction qu'elle.
Les premières secondes, elle ne dit rien. Elle ne pouvait pas dire avec certitude qu'elle savait ce qui traversait l'esprit de la sœur d'Elvazio à cet instant, mais elle en avait sa petite idée.
Dans leur enfance, Axie et elle se disaient tout. Absolument tout. Qu'il s'agisse d'évènements importants... ou non. Elles pouvaient déblatérer des heures autour de sujets futiles ou se raconter plusieurs fois d'affilée la journée qu'elles venaient de passer - les rares fois où celle-ci ne s'était pas passée ensemble. Alors elle lui avait raconté cette journée où Solelio et elle s'étaient acharnées à escalader l'Arbre aux Serpents, et aujourd'hui encore Anita se souvenait dans les grandes lignes de ce genre d'anecdotes partagées par dizaines.
Et quelque chose lui disait qu'en-dehors de ce moment, Solelio n'était que peu -voire jamais- revenu devant le grand arbre qui abritait le temple de la divinité.

Alors peut-être qu'elle se plantait totalement, mais... Si Anita se retrouvait à cet instant à songer à ce fragment du passé, il y avait fort à parier que c'était ce même souvenir qui devait se rejouer derrière les yeux clairs de la rousse.

— Tout était plus simple quand on était gosses, non ?

Un sourire léger sur les lèvres, la Prêtresse finit par détourner les yeux de la cime de l'arbre pour les poser sur le visage de Solelio.
Elle savait bien-sûr que ce n'était pas vrai pour tous les individus ni pour tous les aspects de la vie. Après tout, les enfants de Nachos et d'Athelstan faisaient partie de ceux qui avaient porté très jeunes le poids des attentes parentales comme celles des Etelkrus.
Malgré tout... C'était une époque à laquelle il fallait se poser moins de questions, une époque à laquelle tous leurs repères étaient encore debout.

Une époque que parfois elle aurait souhaité pouvoir revivre, même pour quelques jours de plus.

SOLELIO
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Un bruissement tenu fit s'agiter ses oreilles, comme un bruit remarqué mais non alarmant. Toutefois, les muscles des épaules de la rouquine se tendirent légèrement, les griffes agrippèrent le sol un peu plus fermement. Solelio n'avait même plus besoin de réfléchir tellement son corps savait survivre maintenant. Tout n'était qu'instinct et purs ressentis qu'il lui fallait combattre pour s'ouvrir aux autres. Ici, elle n'imaginait pas devoir faire face à un congénère alors elle ne chercha pas à fuir ce que ses sens en éveil lui apprenaient graduellement. Mais le bruissement s'amplifia, devint bond, puis pas régulier. Elle n'était plus seule. La crispation dans ses pattes lui auraient permis de bondir se cacher, fuir la rencontre pour observer en retrait, se dissimuler pour mieux analyser. Et en même temps, son cerveau reconnu des détails sonores assez caractéristiques : le claquement du cuir, le rythme du pas, le crissement d'un glowstick se balançant accroché à son anneau de métal. Vint ensuite l'odeur validant la présence. Une odeur si bien fondue dans celle du marais que Solelio sourit sans même y penser. Ici l'Alpha était chez elle, sur son terrain, dans son monde, faisant partie intégrante du marais comme Kiro imprégnait la vie de sa Prêtresse. L'envie de s'évader s'effaça doucement au profit de la proximité avec Anita. La louve ailée garda une distance de réserve, probablement respectueuse et bienveillante. Elle se tourna vers sa Meneuse à la mine joviale. Le sourire de la femelle était une constante : naturel, léger, chaleureux. Depuis toujours Anita avait le sourire communicatif. Timidement, Solelio y répondit.

« Oui c'est vrai... Chaque défi invraisemblable ou chaque épreuve insurmontable semblait n'attendre de nous que notre réussite. Comme si le monde nous appartenait. »

Aujourd'hui, c'était tout l'inverse. La rouquine avait l'impression qu'à chaque tournant, on attendant son échec. Elle même attendait sa propre débâcle d'ailleurs, pas les autres. Juste elle même, qui se battait contre elle-même. Encore et encore, inlassablement.

Il n'était pas difficile de remarquer la façon dont Solelio était tendue par instinct, désormais. C'était normal. Après ce qu'elle avait vécu, le corps et l'esprit s'étaient conditionnés dans un but de survie et même à l'abri d'une meute, ces réflexes une fois acquis partaient difficilement. Elle-même, après les attaques essuyées de la part des monstres anciens, s'était montrée bien plus sur le qui-vive dans les mois qui avaient suivi.
Mais elle n'avait pas vécu en environnement hostile aussi longtemps que la rousse et il était probable que pour elle, ces alertes toujours en éveil demeurent jusqu'à la fin.

Le sourire qu'elle reçut en retour était néanmoins encourageant et elle maintint le sien, les yeux pétillants, avant de faire un pas supplémentaire vers la louve.
Et à la réponse en mots, la Prêtresse pencha la tête sur le côté, pensive.

— Il est toujours possible de s'y trouver une place. Nous sommes des êtres aussi audacieux qu'adaptables.

Si le monde ne leur appartenait pas, eux faisaient partie du monde.
Un monde dans lequel, Anita en était persuadée, se trouvait une place pour chacun... Même si elle était parfois bien cachée.

— Tu repenses souvent à là-bas ?

La question fut posée sur une voix douce et ouverte à être balayée si Solelio ne voulait pas en parler.
Quelque chose lui disait qu'elle connaissait déjà la réponse, mais elle s'était toujours demandée si un jour, elle pourrait en apprendre davantage sur ce que Solelio avait traversé.

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Trouver sa place. C'était là le désir le plus profond de Solelio, celui qui l'avait toujours motivée. Comme pour nombre d'Etelkrus de sa génération sans doute. Mériter le regard de sa mère, être gratifiée de la fierté de son père, être appréciée par les autres enfants, puis devenir quelqu'un de valeureux et respecté au sein de la meute. Gagner en prestige, en reconnaissance, en honneur. Pour finir par s'enfuir seule vers le danger, bercée par l'illusion de revenir victorieuse et de montrer à tous qu'elle les surpassait. Solelio avait toujours été empoissonnée par les idées de noblesse de Nachos, soutenue par la chevalerie d'Athelstan -bien que la mentalité ai été bien plus humble. D'une certaine façon, cela avait servi les desseins de sa génitrice. La vaillante princesse avait alors tout perdu dans le Grand Nord. Jusqu'à l'esprit. Jusqu'à ne plus avoir besoin de se trouver une place mais juste d'arrêter la réflexion à la survie. Et ça avait été si salvateur de se libérer de tout le point de sa jeunesse. Devait-elle se sentir coupable d'avoir préférer la vie là-bas ? Plus simple, naturel, instinctive ? Loin des perversions de Nachos et des attentes qu’elle avait supposé que son père avait pour elle.

« Tous les jours à vrai dire. »

Pourquoi le cacher à Anita ? Bien qu'elle fût Alpha, la louve ailée était l'une des rares à s'être soucier d'elle, même encore maintenant. Devait-elle encore mentir et prétendre qu'elle était contente d'être revenue ? Sa convalescence avec Tawana et le suivi thérapeutique qu'il lui avait apporté avait mis en lumière pourquoi elle s'était enfuie si promptement dès les premières informations -trop peu nombreuses- sur le nouveau danger survenu. Pourquoi l'isolement là-bas couplé au stress quotidien de la survie l'avait fait glissé rapidement dans une folie hallucinatoire. Et surtout pourquoi le retour à la réalité avait été si violent pour elle, si compliqué. Le soigneur avait creusé profondément et avait aidé à soigner les traumatismes de la rouquine, jour après jour, semaines après semaines. Le constat était toutefois affligeant : Solelio n'avait jamais eu personne en qui avoir assez confiance pour investir une place dans le monde où elle était née. En résultait la compréhension de toute sa vie, et la peine de n'avoir jamais su dépasser cela. Mais ce n'était pas anormal, la majorité des loups ne pouvaient surmonter les épreuves qui les forgeaient dans la douleur. Et jamais seuls.

« C'était plus simple de n'avoir à réfléchir qu'à trouver à manger, et à ne pas se faire manger. »

C'est un petit rire qui secoua les épaules de la louve chocolat et orangé.

« Mais le confort est indéniablement de ce côté de la faille. »

Le regard de Solelio revint vers le visage jovial de la Prêtresse de Kiro, se demandant comment elle faisait pour être toujours aussi ouverte et chaleureuse, comment faisait-elle pour irradier la lumière à tout instant ? Plus elle croisait l'Alpha, plus elle réalisait ce qu'Elvazio avait vu en elle.

Il y eut de la part de la Prêtresse un léger hochement de tête à la première réponse qui vint.
Cela non plus, ne lui paraissait pas bien étonnant : mais elle se garda de tout commentaire et garda les yeux posés sur la louve rousse, dans l’attente du développement de sa pensée. En l’état, ces quelques mots pouvaient vouloir dire tout et son contraire.
Y pensait-elle à la manière de fragments de cauchemar, plutôt par questionnement, peut-être même par une certaine nostalgie ?
L’expression sur le visage de la louve et celle qui tourbillonnait au fond de ses yeux clairs était nébuleuse. La suite finit par venir, quelques pas de plus sur le chemin des révélations pour éclaircir sa compréhension de cette situation.

Et elle ne put que hocher la tête à nouveau devant la banale sincérité énoncée par Solelio, un sourire discret et compatissant au coin des lèvres.

—  Il y a quelque chose de réconfortant dans l’instinct, il est vrai. Peut-être est-ce pour la même raison que nous sommes si nombreux à chercher ces pics d’adrénaline dans l’action.

Comme toutes ces courses et parcours avec sa soeur, comme ces épreuves lancées contre soi-même ou d’autres, comme aventures et ces missions par-delà leurs frontières les ayant amenés à parfois se confronter à bien plus gros qu’eux. Dans ces moments, l’esprit abandonnait une partie de ce qui le constituait pour revenir à des fonctions plus directes.
Ils se laissaient alors porter par le langage de leur corps et de leur réflexes, ils dansaient en harmonie avec les stimulas extérieurs, comme des éléments naturels en réaction les uns avec les autres.
Mais comme elle le disait également… Le confort, lui, celui qui permettait au contraire à ces autres pans de l’esprit de s’épanouir, était ce qui faisait d’eux des loups uniques. Des animaux qui s’étaient extraits de la condition de la plupart des autres espèces sauvages, dont le lien avec la magie et les sociétés permettaient de ne plus seulement vivre que dans l’éreintante course de la vie contre la mort, mais aussi d’accomplir d’autres choses.
De belles et grandes choses.

—  Je doute en effet que les dinosaures aient de la littérature, de la gastronomie et de l’art, eux.

Le coin rieur de ses yeux remonta un peu plus alors qu’elle ne se priva pas de jouer sur une certaine ironie emplie d’affection et d’espièglerie - ce n’étaient pas eux, Etelkrus, qui étaient les plus réputés dans ces domaines, après tout.

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Et sous les traits réconfortants et sympathiques de la Prêtresse, se cachait la sagesse et l'expérience de celle devenue Alpha. Il y avait une sensibilité chez Anita qu'on retrouvait en peu de loup. Une compréhension profonde, loin de tout jugement. La louve ailée avait su s'élever dans toutes les sphères de la vie, apparemment. Ses compétences et qualités dépassaient ce qu'avait pensé Solelio en premier lieu. Elle l'a jalousait en fait, d'avoir ainsi tout réussi. Amis, famille proche, rang, maturité, caractère affable sans parler d'un physique attrayant. Un élan de curiosité l'a prit, alors elle demanda, sans réfléchir :

« Ceux là même qui nous font nous sentir vivants, oui. Sans doute. Et toi ? Qu'est-ce qui te fait vibrer et avancer tous les jours ? »

Les yeux de Solelio glissèrent de la fille de Kiro au paysage pour aller se perdre dans le vide entre deux arbres à lianes. Là bas, un lézard fuyait vers un objectif inconnu, et des insectes se baladaient le long de l'écorce. Tout un monde serein, peu perturbé par la conversation des deux louves. Elles n'étaient que de passage, discrètes présences dans un écosystème qui n'avaient pas besoin d'elles. Finalement, cette place en périphérie du monde lui convenait bien, même au sein de sa meute. Elle n'avait pas l'envie de se lier plus à toutes les nouvelles têtes, et peu restaient de sa génération. Elle faisait son travail, apportant à manger avec régularité et profitait pleinement d'une liberté peu dérangée. Elle se rendit compte qu'elle avait fait son deuil du grand Nord, et y repensait désormais avec nostalgie mais plus de peine. Evan -ou l"idée qu'elle avait de lui- n'était plus qu'un fantôme non douloureux de son passé, comme une figure fugace qu'elle avait côtoyé et apprécié. Comme tous les autres: sa mère, son père, les autres jeunes avec qui elle avaient partagé plusieurs classes vertes. Seul Elvazio manquait à son quotidien finalement, mais elle avait plus que compris son besoin d'ailleurs, d'autant plus après la déception de son coeur. D'une certaine façon, Anita était responsable aussi de la fuite de son jumeau. Solelio reporta son attention sur l'Alpha. Elle l'appréciait autant qu’elle la haïssait pour les tourments de son frère et sa propre jalousie. Elle se demanda si elle pourrait trancher un jour, d'une façon ou d'une autre, tous les tumultes de son âme.

« Oh ils sont amateurs de bonne chairs pourtant ! Et prompts à découvrir de nouvelles saveurs. »

Elle rit, finalement. Les lézards géants essayaient de croquer à peu prêt tout ce qui passait à leur portée, donc ils avaient un attrait prononcé pour la nouveauté et la curiosité non ? C'était plus amusant de penser ainsi que de les voir comme de stupides animaux sans cervelles qui ne faisait que survivre, eux aussi. Ça faisait des histoires plus sympa pour effrayer les enfants.