À ceux qui règnent dans l'ombre — Libre

Le démon ne prenait pas la peine de ranger derrière elle. Chaque heure passée en ces lieux, la rendait un peu plus dépitée. Les recherches n’avançaient pas. Ombre était bien plus pensif qu’à son habitude, parlant moins, de crainte probablement de n’aggraver la colère de la louve. Cette dernière laissa ses griffes s’enfoncer dans la couverture d’un livre.

« — Peut-être que la magie ici, nous en empêches. »

Ridicule.
Vell repoussa une autre pile de bouquins, de plus en plus frustré à chaque ouvrage ouvert qui ne lui délivrait que des informations futiles. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire d’apprendre à soigner ? N’y avait-il que de la magie blanche dans ces bouquins ?

« — C'est absurde. »

Ombre avait eu son pouvoir dans l’Ancien Monde, rien n’empêcherait Vell de le lui redonner dans ce monde. Ni le sort qui leur avait été jeté, ni la foutue magie blanche qui régnait sur ces terres. Elle vint retirer de son fourreau son poignard à la lame rouge, avant de se faire une entaille. Le sang bleu et rose s’écoula de la plaie sur le sol. Concentrée, Vell vint tracer un pentacle de son sang.
Cette forme de magie fonctionnerait-elle en ces lieux ?

« — Ô démons, nous aiderez-vous à retrouver notre force pour faire régner les ténèbres ? »

Que ces âmes si pures soient corrompues.
Faisons régner les ombres.

La langue lécha le sang coloré, à la recherche d’indications. Entre ces murs, il devait forcément il y avoir quelques secrets renfermés. D’autres âmes sombres avaient dû foulé ces terres, bien avant son arrivée.
Les démons n’étaient pas nouveaux.
Vell avança entre les rayons, laissant derrière elle, quelques gouttes de sang. Qui oserait venir l’incommoder ici ? Qu’ils viennent, ils ne l’effrayaient pas ces âmes pourries de lumières.

« — Nous n’en avons rencontré encore aucun en mesure de nous vaincre. »
« — Si ils essayent, nous les dévorerons. »

Le démon sortit de rayons un parchemin poussiéreux. De quoi parlerait-il celui-ci ?

Hum… Vell se serait presque attendu à une piètre histoire que les loups ici raconteraient à leurs insupportables enfants, mais bien au contraire… c’était l’histoire d’un des siens, un démon. Comment il ravagea des campagnes et sema la terreur dans de lointaines contrées. Voilà qui était bien plus intéressant. Le démon pourrait-il trouver d’autres informations concernant son semblable ? Et la manière de agent du pouvoir ici ?

« — C’est peut-être ce que nous avons trouvé de plus sombre jusqu’ici. »
« — Oui, si nous continuons, nous serons sur la bonne voie pour trouver ce qui nous intéressera. »

Vell déroula un autre parchemin, comportant quelques annotations grossières dont certaines avaient bavé.

Le démon fit laquer sa langue au palais. Ce texte n’était pas intéressant. Mettant de côté l’histoire de l’entité démoniaque pour ne pas la perdre parmi les autres parchemins, Vell continua de fouiner. Une étrange sensation l’habitait, comme si…

« — Toi aussi, tu l’as senti. »
« — Quelque chose habite ces lieux. »
« — Un des nôtres ?»
« — Non. »

Les prunelles varions observent l’aura verte. Cela n’avait rien de démoniaque. Existaient-ils des gardiens, ici ? La queue de la louve chercha à dissiper l’aura, la lumière vive dérangeait sa vue.
Et il lui fallait toute son attention pour trouver ce qui l’intéressait. Si ils avaient pu trouvé un texte, c’est que forcément, il y en avait d’autres. Vell se saisit d’un petit ouvrage, cherchant à déchiffrer au mieux l’écriture brouillon. une forme d'excitation naissait au fond de ses entrailles, alors que le sang qui s'écoulait encore de sa blessure vint tacher la première page représentant un pentacle démoniaque.

« — Regardes celui-ci. »

C’est brouillon et abîmé. Pourtant, c’est ce qu’ils cherchent, dans ce petit carnet. La réponse à leurs questions et à leur problème. Ombre se pencha au-dessus de l’épaule de la louve, pour lire en même tant qu’elle les annotations. La longue queue de la louve essaye de disperser l’aura verte.
L’évocation des Licornes.
Après toutes c‘étaient elles, qui leur avait infligé cette terrible punition. Peut-être que l’une d’elle s’était sacrifié pour sceller le rituel ?

« — Celui-ci avait bien des scrupules… »
« — Bien trop, pour faire ce qu’il faut. »

Ainsi, il existait deux types de licornes dans ce monde, celles qui comme celles qui les avaient bannis ici et le gamin qui l’avait libéré et d’autres plus animales…

« — Gamin, gamin, si j’avais su à quel point tes cornes étaient précieuses, je t’aurais dévoré. »

Un cliquetis qui s’échappe de la gueule du démon, en lisant l’échec du rituel. Loup trop faible ou Licorne pas assez puissante… c’était une des deux possibilités.
Et il y a la mention d’une entité aux yeux tourbillons. Un démon ?
Il est fait de chaos.

« — Comme nous. »
« — Sauf qu’il n’est pas entravé. »
« — L’un de nos frères ? »
« — J’en doute, le chaos ici est différent de celui que nous connaissons. »

Moins néfaste.
Les prunelles vairons parcourent le reste des notes. Le rituel semblait avoir réussi, grâce à l’entité mystérieuse. Intéressant. Ainsi, il ne leur restait qu’à capturer une licorne ou deux, rencontrer cette chose mystérieuse et entamer le rituel. Les babines de Vell s’étirèrent en un sourire, son regard quittant les pages du carnet.

« — On voit le bout de la queue du loup,
qui dépasse, qui dépasse… »

Le carnet est fermé et coincé sous une sangle. La solitaire se redresse en continuant de fredonner sa comptine. Ses pas la mène vers la sortie de la bibliothèque.

« — On voit le bout de la queue du loup
Qui dépasse de son trou… »

Un rire qui lui échappe, alors que se glissant dans les ombres, elle termine son chant.

« — Il faudra mieux te cacher, si tu veux nous attraper. »

À toi, petit voyeur dans la lumière, as-tu peur que nous te dévorions ?
Peut-être la prochaine fois.
Pour l’heure, nous avons des licornes à massacrer.

Et le démon disparut.