Love Crime — Dairo

La scène se rejouait, encore et encore dans son esprit. Les mots formaient un échos incessant, tournant en boucle. Pourquoi les échanges avec ses adelphes étaient toujours aussi… difficiles ? Jamais ils ne parviendraient à s’entendre ou se comprendre, Nirvana le comprenait peu à peu.
Plus encore, se forcer à l’accepter.
Parce que cela lui devenait insupportable.

Je n'ai plus envie ... De perdre encore de ceux qui me sont proches.

Pourtant, tu les chasses un par un de ta vie.
Tu te les mets à dos, sans chercher à les comprendre.

Tu me détestes.

Tais-toi, Moustique.
Les crocs se serrent, alors qu’une patte s élevé vers le plafond couvert de coquillages. Allongée sur le sol du temple, Nirvana passa une patte sur ses yeux pâles.
C’était le créneau de Dairo.
Celui des regrets aussi.
Tout se mélangeait un peu ces derniers temps.

« — … est-ce que ça fait de moi un monstre, Dairo ? »

Ze t’aime..

C’est interdit, par nos lois.
Les tiennes.
Les miennes.

« — … repousser ceux qui m’aiment pour laisser une chance à ceux qui me blessent… »

La sirène se redressa, s’approchant de la fontaine.

« — Que leur ferais-tu toi aux Raeders ? »

Es-tu plus du côté d’Aka ?
Ou joues-tu l’indifférence comme Kiro ?
Lui qui ne maudit pas son disciple d’aimer une Raeder…
Les griffes effleurent la surface orangée, un sourire venant étirer ses babines.

« — Je crois que je veux oublier, tout, la colère, la tristesse, le doute, ce que je ressens… pour qu’il ne reste plus que nous. »

Dois-je oublier ?

Un silence qui s’éternise. Comment en vouloir à la déesse ? Peut-être que Nirvana l’importunait avec ses questions… peut-être que Dairo n’avait pas de réponse à apporter.
Ce n’était pas à la Renarde de se soucier des problèmes des mortels.
Nul n’avait à l’importuner pour cela.
Le regard se perd dans la fontaine, alors que de ses pattes, la brume s’échappe, se densifient. Nirvana la fixe un instant, levant l’une de ses pattes au niveau de son museau. Dairo n’avait pas à intervenir pour cela. Les autres semblaient oublié qui ils étaient à son contact.
Rien qu’en étant touché.
Dans ce cas…
La sirène se redressa, ouvrit sa gueule, la brume s’y déversant. Une brûlure froide qui la traverse, un spasme qui la saisit. C’était une sensation tellement étrange. Dans son esprit résonne les mêmes mots, cette volonté.

Que je ne ressente plus rien.
Plus rien.
Colère.
Chagrin.
Amour.
Plus rien qui ne les concerne eux.
Que tout ce que je peux ressentir
Ne soit qu’uniquement consacré qu’à Dairo.
Vous tous, vous êtes montrés égoïstes, si égoïstes.

La brume continue de se déverser. Un haut le coeur. Une forte concentration, alors que Nirvana s’efforce de maîtriser son pouvoir sur elle-même. Les images défilent dans son esprit.

Iberis.
Tu m’as abandonné pour ta Rose.
Tu m’as laissé tomber.
Si égoïste.

Iris.
Tu n’as jamais compris.
Ne comprendras jamais.
Ce qu’il est nécessaire de sacrifier.
Si égoïste.

Maman.
Tu as chassé mon frère.
Accordé tant d’importance à un autre.
Où était ma place dans tout ça ?

Nael.
Nael.
Je.
T’aime.
Mais je ne peux pas vivre avec ça.
Je ne peux te laisser prendre cette place dans ma vie.
Quand mon clan te l’interdit.
Quand tout est fait pour nous séparer.

Tant de colère.
Tant de regret.
Tant de douleur.
Nirvana continue d’absorber la brume, son autre patte vint se poser sur sa tempe alors qu’un gémissement de douleur lui échappe. Quelque chose s’écoule de sa truffe, mais il était trop tard pour reculer à présent. Elle devait restée concentrer.

La douleur s’intensifiait. Nirvana s’efforçait de maintenir tous ses efforts pour concentrer la brume en elle.
Ceux qui avaient vu ce pouvoir, le trouvèrent terrifiant.
Aujourd’hui, ce serait lui, qui viendrait la lier plus que jamais à la Renarde.
Les griffes se referment sur les colliers en coquillages à son cou. Ceux de Nael. D’Iris. De ceux qui prétendaient l’aimer.
Mais qui à l’inverse, ne faisaient que la détruire.

Je dois oublier ce que je ressens pour vous.
Vous n’êtes en rien liés à Dairo.
Vous ne devez plus m’atteindre.

Un spasme.

Dairo.
Jamais tu ne m’as abandonné.
Jamais je ne t’abandonnerai.
As-tu déjà vu disciple plus dévouée ?
Regardes, je te consacre chaque parcelle de mon âme.
Chaque parcelle de mon être.

La brume lui semble moins froide.

Les autres…

Une quinte de toux qui la prend, alors que son museau heurte le sol. La brume s’est dissipée sous ses pattes. La respiration rapide, la prêtresse se redressa, une étrange sensation l’habitant. Avec difficulté, elle se relève, se penche au-dessus de la fontaine. Les cheveux mauves avaient laissé place à une chevelure blanche, immaculée. Une couronne orange flottant au-dessus.

Les autres…

« — … n’ont aucune importance. »

Un sourire qui vient étirer ses babines.
Ceux qui furent de sa famille.
Ceux qu’elle avait aimé.
Nirvana n’éprouvait plus rien à leur égard.
Ni rancoeur, ni tristesse.
Ni joie.

« — Je ne ressens, que toi. »

Le museau vient délicatement effleurer la statue.
Un rire qui s’échappe de la gorge de la louvette, un rire léger, plein d’insouciance, alors que pourtant, de sa truffe tombe quelques gouttes de sang.
Nirvana n’avait plus lieu d’être.
Seule demeurait la prêtresse.

Seule Dairo compte.

« — Tu seras honorée, comme nul autre dieu ne l'a été jusque-là, je m'en assurerais. »

Que nul, ne puisse ignorer ton nom.
Que nul ne doute de ton importance.