Sa dette [Moiro]

Sa dette

Elle forme une présence éthérée dans le temple de la Tigresse.
Humble, face à la beauté qu'elle ne possède pas.

Compassionnelle, dans son essence, quand elle se met à parler.

"Je viens honorer Prudence."

La disciple qui s'est sacrifiée.
Dans le temple, un arbuste unique, qui produit des fruits ressemblant à des cristaux verts, comme ceux qu'elle portait. Quelque chose de beau, pour la déesse du charme. Elle n'oublie pas les valeurs de sa soeur.

"Tu l'as également aidée, mon Oracle. Alors sa dette sera ma dette."

Kerguelen, le gardien l'a ramenée.
Elle remplira ce qui n'a pas été accomplie pour elle, au vu de son échec.

Elle lui laisse le loisir de lui demander ce qu'elle voudra.
Laisse filtrer sans honte toutes ses pensées, que sa sœur pourra capter. Le désir brûlant, la douleur persistante de la perte, le désir d'honorer. La conscience de leur différences et pourtant le respect de celles-ci.
Devant la Tigresse, la Corneille se courbe.

Sa dette sera sa dette.

Sa dette

La déesse apparaît, dans une attitude à la fois agressive et peinée. Une de ses enfants était morte, en vain. Derrière elle, le Tigre, silhouette imposante.

« — Je l’ai aidé, tu n’as pas pu la protéger. »

Le ton est piquant.
Moiro fait les cents-pas.

« — Bien des années se sont écoulées, Yurai, depuis que ton ancien Oracle, raeder, vint ici pour arracher le coeur de mon île.
Jamais pourtant, ni toi ni lui ne firent le déplacement pour vous en excuser.
Je tolère que ceux portant ma couleur, vivent parmi les tiens, pour leur protection.
Quand est-il à présent ? »

Beaucoup de colère, d’amertume. Chaque mots semble faire grandir un peu plus le gardien.
Un geste de la patte.

« — La mort de ton Oracle, éponge sa dette.
Car toi, tu n’as rien à m’offrir. »

Beaucoup de tristesse.
Les sentiments, se mélangent à ceux de Yurai pour ne former qu'un brouillard.

« — Je défendrais mes enfants.
Que mon gardien, joigne ses forces à Aka. »

Le Tigre rugit, quand la déesse s’immobilise, les yeux brillants. Ce jour avait vu trop de morts inutiles, que cela cesse.

Sa dette

Elle se courbe et ondule, sous l'amertume de sa soeur.
Et pourtant, se met à vibrer de la même tristesse qu'elle.

Tu n'a pas pu la protéger.

"Je sais."

Elle aurait voulu pouvoir faire tellement plus. Mais avec la protection, l'alimentation du petit Eden, pour sauver ce qui restait de sa mère, dans l'espoir de l'aider... Elle ne pouvait pas plus. Moiro le sait, Moiro le dit quand même. Elle n'a jamais tu les choses et c'est tout à son honneur.
Mais qu'elle ne pense pas, qu'elle ne le regrette pas.

"Tu sais comme moi que la réalité n'est pas si simple. Et qu'il en avait l'intention."

Que ces cœurs étaient ceux de Navire, qu'ils ont pu faire leurs légitimement pour en faire les cœurs de îles, oui... Mais que rien n'est jamais aussi blanc ou noir. Mais Yurai sait, aussi, que ce n'est pas le vol en soit qui l'a peiné, plutôt le principe de la destruction de son île.
Plutôt que, comme aujourd'hui, ce n'est pas sa présence, ou les manquements réellement, qui l'énervent.
Mais la mort de sa disciple.

Elle sait, et elle le murmure à sa sœur.

"Moiro, je suis désolée. Pour l'île, pour Prudence."

La notion de grâce n'est-elle pas liée à celle du verbe gracier ?
Elle a foi dans le pardon de Moiro, de laisser couler ces histoires anciennes.

"Pour Kerguelen. Elle est partie là où je ne pouvais l'aider-"

Là, dans ce monde rouge de cendre, où ils n'ont pas autorité.

Elle partage sa peine.
Et elle est si, si désolée d'avoir échoué.
Elle sait, Moiro, pourquoi elle n'a plus autant de force qu'avant, elle qui a été corrompue et amputée d'une partie d'elle-même. Que c'est pour le mieux.
Mais que cela engendre aussi ses conséquences.

"Merci de les aider."

D'aider à les protéger.
Tous.
Leurs enfants.

Sa dette

La déesse ne fléchit pas, même quand Yurai tente d’apaiser la situation. Le souvenir d’Ajani, détruisant l’île de jadis, est toujours là, empli d’amertume. Tout ce que la Tigresse retenait, était que les pirates avaient détruit son île, plutôt que de demander.
Peut-être aurait-elle prêté une oreille attentive.
Le mal était fait à présent.

« — L’intention. Que représentent les vaines pensées de ton défunt Oracle, quand il aurait tout simplement pu agir ? Couard qu’il fut.
Je l’aurais condamné à prendre cette maudite apparence de poisson qu’il semble tant apprécier. »

Pour le punir de sa lâcheté.
La colère laisse un instant place à la tristesse dans le regard de la rose. Un moment de silence s’écoule, avant que la Tigresse ne fixe à nouveau son interlocutrice.

« — Yurai. Je n’oublie pas.
Un jour je saurais te rappeler tout ceci. »

Un vent qui souffle, alors que la déesse disparaît.

» Une dette est une dette ○ libre
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