Casus Belli - Cassius.

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₪ Casus Belli ;

— (transl. Occasion for war). . . . . . . . A casus belli is an act or an event that either provokes or is used to justify a war.

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C'est l'une de ses journées qui marque le début d'un long séjour dans la tanière de Joaquin et Cassius, elle le sent.
Apparence est capable de le lire à l'expression de son géniteur, aussi fermée et brouillée soit-elle, parfois même carrément illisible à cause de cette malédiction qui l'affuble - et qu'elle trouve intéressante, à titre personnel. Il y a des moments où Justice a le fond de l’œil un peu vif et ces jours-là sont généralement ceux durant lesquels il rassemble du courage et où il se montre presque bavard, la regardant, s'adressant à elle. Comme s'il essayait de rattraper quelque chose.
Et puis il y a les autres fois, les plus fréquentes. Où il s'applique à ne poser les yeux sur elle qu'un strict minimum - où elle sent émaner de lui un rejet doublé d'angoisse et de culpabilité, et qu'elle est pratiquement capable d'affirmer que si un faucon descendait du ciel pour l'enlever, il ne ferait rien et en serait soulagé.

Malheureusement pour lui, Apparence se débrouille plutôt bien contre les oiseaux et sait également ne pas tomber des sentiers escarpés qu'il lui fait emprunter.
Alors sa solution restante est autrement moins brutale : l'emmener dans la tanière où loge son presque-frère et un autre adulte sombre. Et l'y laisser pour des périodes s'étirant parfois sur ce qui ressemble à l'infini pour une enfant de son âge.

Puisque aujourd'hui est l'un de ces jours, elle adopte en retour l'attitude qui obtient toujours les réactions les plus intéressantes. Celle de toujours le fixer d'un air placide et naïf avec un léger sourire sur les lèvres contrastant avec des yeux inexpressifs qui ne cillent pas, quand il ose en sa direction un regard.
Il s'empresse alors toujours de poser ses prunelles ailleurs à une vitesse impressionnante, et avec le temps elle a appris à lire ce qui s'exprime discrètement sur le reste de son corps. Les muscles qui se figent, la démarche qui se raidit, le frisson qu'il réprime.
Apparence suppose que ça l'amuse, puisqu'elle recommence encore et encore, comme pour confirmer ses hypothèses.

Les voilà arrivés, et Justice s'engouffre dans la tanière avec plusieurs mètres d'avance sans se soucier de laisser ses pattes d'adolescent le rattraper. Elle l'entend proférer quelques mots brefs qu'elle ne parvient à distinguer, et quelques secondes à peine plus tard, il ressort déjà et force une allure soutenue pour disparaître dans les chemins montant la falaise. Toujours sans un regard vers elle.
L'adolescente marque un bref arrêt le temps de le regarder s'évaporer puis de promener ses yeux sur le décor : sur tout ce monde qui s'offre à elle. Mais elle finit par rejoindre la tanière, et constate alors qu'il n'y a que Cassius. C'est sans doute pour cela qu'il est si vite reparti, alors. Joaquin n'est même pas encore là pour surveiller un premier louveteau qu'il hérite d'un deuxième. Sans doute aura-t-il simplement accordé un salut succin au fils qu'il aurait préféré tiré à la loterie en échange d'elle, ne donnant aucune indication claire pour un potentiel retour, avant de s'échapper.
Apparence avise son presque-frère et fait encore quelques pas pour le rejoindre et se placer face à lui.

Elle esquisse sur ses lèvres un sourire un peu expérimental qu'elle module au fur et à mesure, penche la tête et fait tomber un peu ses oreilles, à la recherche d'un air désolé, au moment où elle lâche quelques mots.

— Joaquin ne veut plus de toi, non plus ?

Derrière la compassion qu'elle affiche sans pourtant la ressentir, Apparence cherche avant tout une réaction et se demande si elle correspondra à ce qu'elle s'imagine.
Elle le sait très attaché à son père, Cassius. Très dévoué à lui plaire.

Très angoissé de ne pas y parvenir, aussi.

Cassius, 8 mois

Cassius était occupé à regarder fixement le mur et à redéfinir l'étalon de l'ennui lorsqu'un bruit dans l'entrée le fit sursauter. Il se retourna rapidement, poil hérissé et crocs dévoilés, le poitrail bombé comme le lui avait appris son père. Prêt à défendre la tanière.

Mais ce n'était que Justice.

Il suffit d'un instant pour que la posture se voulant intimidante disparaisse au profit d'une allure détendue et se voulant amicale, quoique toujours respectueuse. Il avait toujours nourri à l'égard du vieux mâle une certaine forme d'admiration, assez similaire à celle qu'il vouait à son père, mais sans l'éternelle crainte de décevoir. Justice était austère, peu loquace, et impressionnant : Cassius le savait, et se comportait en adéquation avec cela. Mais il était aussi une sorte d'oncle de substitution, certes distant, mais bien moins prompt à le rabrouer que son père. Et il était le père de sa presque-soeur.
Du coup, Cassius l'aimait beaucoup.
Même s'il ne parlait presque pas, même s'il semblait ne pas beaucoup se soucier de sa fille — un comportement qui semblait normal à Cassius, dans la mesure où il ne l'avait jamais connu que comme ça et où il n'avait pas vraiment eu l'occasion au cours de sa courte vie d'observer d'autres types de structures familiales que la sienne et celle de Justice et Apparence –, même s'il était de plus en plus distant. Justice ne jugeait pas Cassius et semblait même, à sa manière, l'apprécier. A la manière dont on appréciait quelqu'un pour ce qu'il était, et pas pour une succession d'échecs.
Enfin, c'était l'impression qu'il avait. En tout cas, il ne se sentait pas obligé de réfléchir à cinq fois avant de bouger le moindre poil ou d'ouvrir la bouche lorsqu'il était en présence du grand mâle, comme cela pouvait être le cas en présence de son père. Il pouvait juste être lui, comme il pouvait être lui avec Apparence.
L'échange fut bref : la louve devait rester ici pendant qu'il s'absentait, comme c'était généralement le cas. Sans doute que la déception dut se lire brièvement sur son visage lorsqu'il réalisa que son presque-oncle partait déjà : il le suivit longuement du regard lorsqu'il repartit par là d'où il était venu, se demandant ce qui pouvait bien l'accaparer ailleurs, s'il allait rejoindre son propre père, peut-être.
Il eut furieusement envie de lui demander s'il pourrait l'accompagner un jour, parce que pour Cassius, même si c'était pour galoper distraitement à la traîne en reniflant tout ce qui passait, passer une journée à découvrir l'extérieur avec Justice et peut-être même Apparence pourrait être franchement fun. Mais Justice avait déjà disparu, et Apparence apparaissait à sa place, l'air... contrariée.
Le coeur de Cassius se serra en la voyant ainsi et il attendit patiemment qu'elle vienne s'asseoir face à lui.

— Joaquín ne veut plus de toi, non plus ?

C'était comme si on venait d'encastrer un bloc de glace dans son estomac, un petit iceberg dont la température ne mit qu'une seconde à se répandre dans tout son corps en le faisant frissonner, et il eut l'impression que tout ce qu'il y avait à l'intérieur de lui se tordait de douleur. Il inspira brusquement, submergé par l'angoisse.
Et essaya comme si souvent de ravaler toutes ses appréhensions et de faire taire ses démons intérieurs, qui trouvaient si souvent écho dans ceux qui semblaient habiter son amie, pour trouver quelque chose à dire. Protéger Apparence, ça ne voulait pas juste dire l'abriter des dangers du monde extérieur, des prédateurs, des ennemis. C'était aussi tenter du mieux qu'il pouvait de chasser les monstres qui pouvaient attaquer son esprit.

— Il est juste parti chasser et sécuriser la Passe. Mensonge. Il n'en savait rien. Je suis sûr que Justice a aussi des choses importantes à faire. C'est dangereux d'être solitaire et de vivre ici. Ils font ça pour nous protéger.

Il se balança d'une patte sur l'autre, hésitant. C'était une justification qu'il ne cessait de se répéter à lui-même mais à laquelle il peinait de plus en plus à croire. Mais il espérait qu'elle l'accepterait, parce qu'en ce moment, il y croyait sincèrement. Il devait y croire. Et qui n'aurait pas voulu protéger Apparence, elle qui était si douce et si résiliente ?
Il s'humecta les lèvres avant d'ajouter timidement :

— Tu es plus importante que tout, Apparence.

Pour ton père.
Pour moi.
Probablement pour Joaquín aussi.

Estimant qu'il n'était pas bon de trop faire dans le sentimentalisme, et se sentant soudain bien à découvert sur le plan émotionnel, il décida de prendre les choses en main et de changer de sujet :

— Tu veux faire quelque chose ? Jouer, explorer ? Je connais un bon coin à lézards, si tu veux de nouveaux ossements pour décorer tes cheveux.

La queue battit lentement la mesure. Tout pour faire plaisir à sa soeur.
Tout pour sortir de ce quotidien morne et solitaire qui chaque jour l'étouffait un peu plus.

La réaction est quasi immédiate et Apparence l'observe sans ciller.
Il y a les pupilles qui changent de forme, la respiration qui s'altère, le corps qui se contracte comme physiquement touché. Si elle avait été dotée d'une ouïe assez fine pour cela, la louve est certaine qu'elle aurait pu entendre son cœur tambouriner d'ici.
Cassius déroule alors un discours sans certitudes mais qui se veut convaincant, et si elle en avait réellement eu quelque chose à faire, Apparence l'aurait sans doute apprécié.
Elle estime qu'il cherche à la rassurer, à ce qu'elle ne soit pas triste.
Mais elle n'a pas besoin du premier puisqu'elle ne craint pas la situation et se contente de la vivre, et ne ressent pas le second même après avoir mainte fois essayé.
Non, elle a beau s'échiner à retourner le problème dans tous les sens, à se dire avec des mots crus à quel point la vie que tous trois mènent est criblée de défauts et qu'elle comprend bien que dans les yeux de son propre père, il aurait mieux voulu qu'elle soit morte.
Malgré tout ça, il ne se passe pas grand chose en son for intérieur. Pas de brusque montée vive et incontrôlable comme elle peut les percevoir chez d'autres, pas de réaction irrépressible de son corps et de son esprit qui se combineraient en l'expression extérieure et involontaire de ce qu'elle pense.

Elle est la surface inerte d'un lac gelé en hiver, quand Cassius et d'autres sont des océans soumis aux éléments.
Même si son presque frère fait toujours en sorte de composer son visage à la suite de la réaction immédiate - pour l'en préserver, elle suppose, car il s'imagine que par ça aussi elle serait affectée.

La suite lui fait pointer les oreilles, quand il la dit plus importante que tout. Ses yeux ne le quittent pas pour mieux étudier son visage. S'il le dit, c'est que ça doit être vrai : Apparence croit n'avoir jamais vu Cassius mentir avec réel aplomb, elle ne l'en pense d'ailleurs pas vraiment capable, à part peut-être quand il veut lui-même se persuader de quelque chose.
Elle sait que c'est faux pour l'un des éléments constituant leur bizarre famille de quatre, cependant. Aux yeux de Justice, elle est une importante erreur, mais pas une importante personne. Que son presque-frère affirme cela en ce qui le concerne, en revanche, est une information importante qu'elle note précieusement. La suite lui confirme encore qu'il fait d'elle une priorité - qu'il est prêt à s'échiner pour elle.
L'enfant penche la tête, en réflexion sur sa proposition.

— On peut aller dehors, jouer à méchant contre solitaire ?

Puisqu'il en parlait juste avant.

— Je fais la méchante !

Se calquant sur l'attitude de Cassius, elle se met elle aussi à agiter sa longue queue de quelques mouvements souples.

Comme il l'avait espéré, sa tentative de détourner le sujet fit mouche. Il ne fallut qu'un instant pour qu'Apparence mime son expression joueuse, et voir ainsi sa presque-soeur se positionner en miroir lui fit l'effet d'un petit shot d'endorphine, le battement régulier de sa queue s'accélérant un peu sous l'effet d'une subite et intense joie.

Apparence était toujours si conciliante. Si prompte à oublier les accrocs du quotidien pour venir jouer avec lui.
Elle était si... innocente. Préservée de la difficulté de ce monde.
C'était le but, après tout. Son père lui avait très clairement dit qu'il était important de protéger les femmes, et qu'en sa qualité de presque-frère, c'était à lui qu'incombait cette tâche. C'était sa responsabilité. A la voir ainsi lui emboiter gaiement le pas, il se dit qu'au moins, en ça, il avait réussi. Et outre la profonde affection que Cassius éprouvait pour la petite louve, et donc le plaisir qu'il pouvait prendre à la voir ainsi vivre dans le bonheur durement acquis de leur petit monde à eux, il y avait dans ces moments-là un sentiment de satisfaction du devoir accompli qui lui permettait temporairement d'oublier tous ses propres soucis.
Cassius n'avait pas la moindre idée de ce qu'aurait pu être sa vie, sans Apparence. Et il n'avait clairement pas envie de prendre le temps d'imaginer une existence privée d'elle.

Trépignant d'impatience, il lâcha un petit aboiement excité :

— Ca marche ! C'est parti !

Il ne chercha pas à discuter le choix qu'elle avait fait d'être la méchante. Si Apparence voulait faire semblant d'être méchante, elle qui, dans sa tête à lui, était foncièrement incapable de méchanceté, alors soit. Il serait le solitaire.
Il se dirigea vers la sortie de la caverne familiale, jusqu'à la petite pseudo-cour — plutôt une petite plateforme à ciel ouvert entourée de roche de tous côtés, et dont l'accès était permis par une cavité étroite menant sur le reste du Canyon – qui s'y trouvait, et se retourna. La cour était globalement vierge, à l'exception de quelques rochers. Elle n'offrait guère de couvert pour qui aurait voulu s'introduire dans la grande tanière, Joaquín avait notamment choisi cet endroit pour cela. Il était maintenant un peu trop grand pour espérer se cacher quelque part. Ca compliquait la tâche.
Mais en même temps, il était le solitaire. Il n'avait pas vraiment de raison de se cacher chez lui.
Sans même y réfléchir, il se cambra, son poitrail désormais près du sol et sa queue continuant de battre la cadence, dans une position typique de jeu.

— Tu as une idée particulière en tête ?

Voulait-elle être Etelkru, Pirate ? Ou juste... méchante ?

Il lui avait suffit de mimer un peu de son attitude pour qu'il amplifie la sienne, maintenant très enthousiaste au lieu de un peu.
C'est presque toujours le cas, avec lui, et Apparence trouve cela un peu fascinant - mais elle manque de comparateurs extérieurs pour savoir si ce n'est qu'avec lui, que ça fonctionne, ou si les autres réagissent de la même manière. En tout cas, elle se contente de l'observer de ses grands yeux quand il trépigne et jappe et de lui renvoyer un sourire qu'elle étend à son maximum, puis de le suivre quand il mène l'expédition vers l'extérieur de l'abri.
Dans son ombre, là où il ne peut la voir, ses lèvres sont retombées et son expression est de nouveau aussi lisse que certaines des pierres qui constituent les murs de la caverne.

Quand ils sont sortis et que Cassius s’apprête à se tourner de nouveau vers elle, elle prend soin de raccorder de nouveau les muscles de son visage au sentiment qu'il faut afficher - l'impatience et la joie.
Et son museau de redevenir radieux, face à celui de son presque-frère qui est toujours aussi excité et qui se met en position de jeu. Elle choisit plutôt d'agiter sa longue queue d'amples battements, elle, plutôt que de se baisser dans la poussière : il pose une question, et elle doit réfléchir quelques instants.
Commencer aussi à se fondre dans son rôle de méchante.

— Je suis Etelkru, je veux ce territoire. Pour ma meute.

... Mais au lieu de débuter le jeu, la louve ne cesse d'observer le paysage qui les entoure, une moue se formant peu à peu sur son nez.

— Je veux jouer plus loin. On connaît, ici.

Ses sourcils se froncent désormais, dans une expression qu'elle cherche et module comme de petits engrenages dont on prendrait soin. Elle ne veut pas être en colère, ni triste : c'est quelque part entre la déception et la frustration, oui.
Cette cour et ce ciel encadré de ces mêmes rochers, ils les connaissent par cœur.

Son corps réclame autre chose, comme les quelques expéditions qu'elle a déjà mené et qu'elle le sait également faire.

Son esprit, surtout, n'en peut plus de cette cage pour se développer.

Le bout de museau de Cassius frémit lorsqu'Apparence se décréta Etelkru en pleine conquête de territoire. Une sorte d'instinct primaire menaça de lui faire dévoiler les crocs face à la menace d'une annexion; même s'il ne s'agissait là que d'un simple jeu, mené qui plus est avec sa presque-soeur dont il savait qu'il n'avait rien à craindre. Un réflexe animal, conditionné par de longs mois à entendre son père dire et marteler que les meutards Etelkrus n'étaient pas dignes de confiance et même carrément mauvais.
Pourtant Cassius avait déjà rencontré une Etelkru. Nyu. Elle était certes petite comme lui mais n'avait pas paru méchante, ni méprisante. Peut-être était-ce là une simple exception, peut-être que l'éducation autoritaire de la meute ne l'avait pas encore conditionnée à cet état d'esprit que semblaient porter les membres de son clan avec fierté.
Un petit grain de sable dans l'engrenage qui ne manquait pas de le laisser confus lorsqu'il y réfléchissait.
Ce n'était pas le cas aujourd'hui. Cette rencontre datait de plusieurs semaines : Joaquín avait largement eu le temps de lui rappeler à quel point les Etelkrus étaient une menace depuis.
Toute possible réaction fut néanmoins stoppée nette par la mine crispée d'Apparence, qui regarda la petite esplanade dans laquelle il se tenait avec ennui.
Sa déclaration suivante ne manqua pas de réveiller chez le jeune solitaire une certaine forme de stress, et il se releva lentement. Il comprenait sa soeur : cela faisait plusieurs semaines qu'il avait entrepris de s'aventurer au-delà des limites de la tanière, en dépit du bon sens et des consignes strictes de son père. Ses petites balades dans la Passe Ventue se faisaient toujours plus longues, toujours plus éloignées. Il avait même croisé Apparence et Nyu en bas du grand ravin, une fois.
Il se doutait bien que la petite louve ne manquait elle-même pas de s'aventurer loin de chez elle lorsque son père la laissait seule. Il aurait probablement dû tenter de l'en dissuader, mais n'en avait pas réellement l'envie. Ca aurait été hypocrite, de toute façon.

Sauf qu'aujourd'hui il était en charge et devait donc assumer son rôle de protecteur. Ca l'aurait donc bien arrangé que tous deux se limitent à l'enceinte sécurisée de l'antre de Joaquín.
Il regarda Apparence pensivement, ses griffes fouillant machinalement le sol tandis qu'il réfléchissait. C'était une position délicate.
Après quelques secondes, il finit par acquiescer :

— D'accord. On peut aller un peu plus loin.

Et il se dirigea vers l'étroit couloir creusé dans la roche qui permettait d'accéder à la tanière, avant de se retourner vers elle, attendant qu'elle lui emboîte le pas.

— Tu viens ?

Elle pourrait presque entendre les protestations qu'il ne prononce pas dans ce silence qui s'étend d'abord après sa demande. L'hésitation et le doute sont évidents dans son regard, la réflexion qui s'engraine dans son esprit a des teneurs qu'elle estime pouvoir deviner.
Puisqu'il n'y a pas d'adulte, il estime que c'est à lui de s'occuper d'elle, comme s'ils n'avaient pas pourtant le même âge. Non, c'est plus qu'estimer : Apparence sait bien que c'est ce que Joaquin attend de lui. Que c'est sa vision à lui qui a été transmise et que Cassius réplique - celle qui décrète qu'en tant que fille, elle est plus vulnérable et doit être protégée. Celle qui décrète également que son propre fils doit être à la hauteur, ne pas le décevoir et exécuter ses volontés de père. Et elle, de sa position qui l'écarte à la fois des exigences du mâle noir et de quelconques attentes de la part de son propre paternel, qui préfère créer aussi peu de lien que possible, elle ne peut qu'observer et constater ce à quoi son presque-frère est soumis.
Et s'en nourrir pour alimenter ses propres conclusions.
En tout cas, le terme de sa réflexion mène Cassius à accepter - elle ne serait de toute façon pas restée sur un refus - et à s'engager dans une autre direction, au travers des tonnes de roche épaisse qui les entourait.

Au son de sa voix elle acquiesce et n'attend pas plus avant de le suivre dans l'avancée prudente le long du couloir.
Trop prudente.

Apparence sait que son presque-frère est peu enclin à la démarche et qu'il aurait préféré rester en arrière ; à l'intérieur. A l'abri, là où rien ne pouvait leur - lui - arriver. Alors il restera prudent, encore - et voudra la garder au plus proche de l'autre extrémité de cet autre couloir. Mais l'adolescente, elle, ne ressent pas même une esquisse de cette angoisse.
Pressant soudainement le pas, elle doit presque s'écraser contre la paroi et bousculer son presque-frère pour alors prendre la tête - et elle se met à trotter vite, presque à courir, misant sur l'effet de surprise pour le distancer alors qu'elle court vers la sortie.
Elle allait décider d'où ils joueraient. Et pour rendre crédible et justifiable ce brusque élan d'insubordination, ce sera mis sur le compte de l'insouciance : alors elle ouvre grand la gueule et pousse de petits cris de joie excitée d'une voix criarde.

— Je m'échappe ! Tu peux pas me rattraper !


Ce n'est pas une manigance, ce n'est qu'un jeu d'une enfant en proie à une soudaine poussée d'excitation et de légèreté après trop de temps passé dans une prison de pierre.

Le corps puis le visage de Cassius vinrent brutalement rencontrer la pierre, tandis qu'un éclair brun se faufilait pour lui passer devant. Décontenancé, il regarda Apparence qui lui filait littéralement entre les pattes, caracolant gaiement devant lui jusqu'à disparaître au bout du tunnel. Le coeur du jeune loup accéléra sa cadence, tandis qu'une fois de plus, toute forme de contrôle sur la situation lui échappait.
Il se remit rapidement sur ses pattes, s'ébroua puis se hâta à son tour de quitter l'étroit couloir. Impossible pour lui de galoper à toute allure cependant : l'épais collier de cuir qui lui enserrait la gorge freinait sa progression, les épaisses piques qui y étaient incrustées menaçant régulièrement de venir gratter la roche ou s'agripper à une aspérité. Un soupir contrarié s'échappa des narines de Cassius, qui hésita un instant à l'enlever pour aller plus vite, puis se ravisa : son père avait été clair, et il ne devait en aucun cas l'enlever en son absence.
Ainsi Cassius continua sa route, aussi vite que possible, mais clairement pas aussi vite qu'il ne l'aurait pu.

— Attends !

Trois, quatre, cinq mètres, et enfin il débouchait sur l'air libre à son tour. Il regarda rapidement autour de lui : pas de trace de son amie. Evidemment.
Préférant se servir de son odorat pour la retrouver rapidement plutôt que de se mettre à l'appeler au beau milieu du canyon — avec les risques que cela impliquait : il n'avait pas envie d'attirer l'attention d'un prédateur qui passerait par là, ou pire, celle de son père –, Cassius huma attentivement l'air, et presque instantanément il bifurqua sur le côté, avant de s'engager sur le chemin qu'avait pris l'autre louve. Son petit trot se mua rapidement en un galop effréné : hors de question de la laisser le distancer.

C'est toujours sans la moindre surprise qu'elle constate que Cassius la suit. Bien.
Elle l'a entendu l'appeler pour tenter de la faire s'arrêter, évidemment : mais il n'avait pas été question de se mettre soudainement à obéir. Alors elle continue de s'élancer, profite de l'avance qu'elle a su gagner. De là où elle est - devant, quand lui reste bon second - elle n'a pas besoin de peindre une quelconque expression. Personne ne verrait son visage trop vide d'expression pour paraître vivant, personne ne pourrait être choqué du contraste qui s'opère entre la voix excitée qu'elle fut capable de produire et la neutralité totale de son regard.
L'adolescente se contente donc d'avancer, de progresser le long des couloirs rocheux qui peuvent se révéler traîtres. Oreilles fréquemment tournées vers l'arrière, elle surveille de cette manière la progression de son presque-frère pour s'assurer de la distance. Pas besoin non plus de partir trop loin, de toute façon. Juste assez loin pour que rentrer au foyer ne soit pas si aisé que de faire quelques pas en arrière ; assez loin pour que l'éloignement compte et rende cette escapade vraiment significative.

Apparence entend enfin les foulées de Cassius se rapprocher, et elle force alors l'allure. Si dans le tunnel, sa stature fine et l'absence d'un collier aussi imposant que le sien lui avaient permis de remporter l'avantage sans conteste ; maintenant qu'ils sont tous deux à l'extérieur, l'entraînement dont bénéficie le loup noir s'exprime sans mal. Son corps est plus puissant, plus endurant - il l'était déjà de naissance, la différence de leurs quotidiens n'aura qu'accentué cet écart dans leurs formes physiques.
Il ne lui faudrait que peu de temps pour finir par la rattraper.
Il ne lui reste donc que peu de temps pour allonger encore la distance.
Mais dans ce bref moment d'errance mentale, Apparence n'a pas fait attention à tout. A vouloir courir plus vite, on prend plus de risques.
Dans un saut qui se révèle trop court pour survoler une petite faille, la réception de l'une des pattes fait défaut : et quand celle-ci ne rencontre que le vide, c'est l'autre poignet qui reçoit tout le contrecoup de l’atterrissage. Le choc se répercute dans toute la patte, la louve chute et son poitrail vient à son tour frapper le sol.

Elle jappe.

Puis se roule sur le côté en gémissant, ramenant contre elle l'antérieur qui la lance terriblement de vagues d'une douleur grandissante.
Il lui faudra quelques longues secondes pour le réaliser ; toute son attention accaparée par cette brusque sensation jamais ressentie à ce degré dans sa petite vie. Que son museau est plissé et tout son visage contracté de mouvements involontaires ; que depuis ses yeux et le long de ses joues coulent ce qu'elle sait être des larmes mais n'avait jamais su faire venir.

Pour ce qui lui semble être la première fois et à travers cette souffrance physique, Apparence ressent quelque chose de sincère. Quelque chose qu'elle ne peut contrôler, quelque chose qui l'envahit sans qu'elle puisse y faire quelque chose.
Comme les autres.

Durant quelques secondes, il lui sembla la rattraper : il crut même, à un moment donné, discerner le blanc qui garnissait le bout de sa longue queue disparaître derrière deux rochers. L'instant d'après, cependant, la distance qui les séparait sembla s'accroître de nouveau : son odeur se faisait plus lointaines. Il fronça les sourcils : pourquoi accélérait-elle ? Avait-elle peur de quelque chose ? Avait-elle été surprise par un prédateur ? Ses forces décuplées par une soudaine vague de peur, il accéléra aussi.
Et manqua de trébucher quand un jappement strident lui fit dresser la tête.
C'était comme si un liquide froid était déversé dans tout son corps, et Cassius, à cet instant, fut plus terrifié qu'il ne l'avait jamais été.

— APPARENCE !!!!!!!!

Sa voix se répercuta en écho sur les hautes falaises, allant se perdre jusque loin dans le Canyon. Qu'importe si on l'entendait, qu'importe même si sa voix arrivait aux oreilles de son père : en cet instant, ce n'était plus pour lui qu'il avait peur, mais pour elle. Rien que pour elle.
Démarrant au quart de tour, il tourna un angle, puis un autre, et sauta par dessus quelques rochers avant de la trouver recroquevillée entre les pierres. Serrant l'une de ses pattes contre elle, les joues ruisselantes de larmes. Il se précipita jusqu'à elle, évitant les crevasses. Puis se stoppa au-dessus d'elle, regardant tout autour d'eux et humant l'air avec attention : il n'y avait pas âme qui vive, seulement eux. Pas même un lézard, tous ceux du coin avaient probablement déguerpi face à toute cette agitation. Son scan des lieux terminé et tout danger potentiel écarté, il baissa le museau vers elle, recueillant le coeur serré l'une de ses larmes sur le bout de sa truffe lorsqu'il lui donna un petit coup de museau qui se voulait réconfortant.
Bien loin de lui reprocher sa fuite dangereuse et irréfléchie — et aussi la peur bleue qu'il s'était tapée par sa faute, et aussi le fait qu'il allait se faire trucider par son père s'il ramenait à la maison une Apparence blessée sous sa garde, non, cela, pour une fois, ne lui effleura même pas l'esprit –, il approcha cette fois-ci le nez de la patte qu'elle serrait contre elle.

— Montre ?

Elle avait dû se fouler la patte. Combien de fois avait-il failli en faire de même en dérapant sur les cailloux ou la poussière qui jonchaient les sentiers de la Passe ?
Restait à voir à quel point elle était blessée.

Un cri résonne dans le canyon, mais Apparence est focalisée sur autre chose.
Sur la douleur, d'abord. Mais également sur la sensation étrange, inexplicable de tout ce qu'elle ne contrôle pas - plus - en étant submergée par ces éclairs de souffrance. Cassius finit par la rejoindre, à grandes enjambées qui auraient pu lui aussi l'amener au même destin. Elle perçoit tous ses mouvements quand il examine les lieux, mais ne le regarde pas - puis il finit par s'approcher, amène son visage paniqué près d'elle et de la patte qu'elle garde immobile. D'un mot, il demande à voir.
Lentement, Apparence relève ses yeux mouillés de larmes vers lui et capte le jaune de ses yeux, plus soucieux peut-être qu'ils ne l'ont jamais été. Pendant plusieurs secondes, elle ne réagit pas : puis elle finit par se mouvoir un peu, essaye d'étendre son membre blessé non sans plusieurs grimaces à chaque fois qu'un geste déclenche une nouvelle vague de douleur aiguë.
A la fois démunie et fascinée chaque fois qu'elle sent les muscles de son visage ainsi réagir sans qu'elle ne leur insuffle la moindre commande.

— Ici.

Sa voix est plus faible et tremblante que d'habitude, là encore sans qu'elle n'ait à y faire quoi que ce soit. Du bout du museau, elle désigne le poignet qui s'est tordu lors de sa réception manquée, regardant elle-même pour la première fois la zone qu'elle s'est blessée. Il n'y a pas de sang, elle serait même presque tentée de dire que tout est normal, à l'exception peut-être du léger gonflement qui entoure l'articulation.

Ici.

Cassius inspecta minutieusement la patte blessée, se gardant bien de la toucher. Il n'y avait pas de fracture apparente, pas de sang, rien d'anormalement tordu. Il ne s'agissait probablement que d'une simple foulure, et pour la première fois depuis plusieurs minutes, il peut prendre une grande inspiration. C'était une blessure mineure, et Apparence ne devrait en retirer aucune séquelle, pour peu qu'elle fasse attention à ne pas trop forcer dessus au début, et pour peu qu'elle reste au calme le temps que le gonflement se résorbe. Autre fait positif : il était certes un peu dedans, mais pas trop trop quand même. A présent que tout danger imminent était passé, la situation et ce qu'elle impliquait pour lui reprenait forme dans son esprit, mais il pouvait espérer que Joaquín ne soit pas trop en colère contre lui. Enfin. Plus il y réfléchissait, plus cette perspective semblait perdre en probabilité, aussi décida-t-il de ne tout simplement pas y penser pour le moment et de se concentrer exclusivement sur Apparence.

— Ca ne m'a pas l'air grave. Elle doit juste être foulée.

Il se recula légèrement et s'assit.

— Est-ce que tu penses pouvoir rentrer à la tanière sur trois pattes ou tu veux que je te porte ?

Son regard balaya les alentours. Il y avait bien quelques plantes desséchées, mais rien qui ne paraisse apte à fournir du bois solide pour la confection d'une attèle de fortune. Il ne souhaitait pas non plus la laisser là, vulnérable et à découvert, sans surveillance. Hors de question donc de s'éloigner pour aller trouver de quoi fabriquer quelque chose.
Il espérait sincèrement qu'elle accepte de monter sur son dos, mais préférait quand même lui laisser le choix. Elle n'était pas bien lourde et ils n'étaient pas si loin que ça de la caverne : ça ne prendrait tout au plus qu'une bonne dizaine de minutes en étant précautionneux.

Si la douleur n'a pas encore refluée en intensité, Apparence s'y est cependant suffisamment habituée pour désormais se concentrer davantage sur Cassius que sur sa blessure pendant que lui, au contraire, l'inspecte en détail.
Ses yeux fixés sur son visage, elle en suit toutes les évolutions et plus ou moins subtiles variations : de l'inquiétude toujours présente à une forme de soulagement, sans doute amenée par les conclusions mentales qu'il dresse. Ce qu'elle a ne doit pas être si grave. Au vu de la relation de Cassius avec son père comme à celle que tous deux entretiennent, la jeune louve devine que cet apaisement découle non seulement de son état à elle - il doit être rassuré qu'elle ne soit pas réellement en danger - que des conséquences probablement moins graves que celles qu'il avait craint.
Après tout, dans un accord visiblement tacite dicté par Joaquin et pris à cœur par son fils et pour lequel elle n'aura eu son mot à dire - mais dans lequel elle se complait allègrement pour toute une foule de raisons, quand Cassius et elle sont seuls, elle est sous sa protection.
Revenir abimée à la tanière n'attirerait pas les foudres de leur gardien sur elle pour avoir désobéi, mais sur celui qui aurait du faire appliquer l'ordre.
Elle dresse les oreilles quand il livre son constat et se contente de le fixer, sans expression particulière sur le visage - les contractions involontaires de ses muscles s'en sont allées ; les larmes qu'elle n'a pu contrôler ont séché. Une question lui est posée - et plus que de se demander ce dont elle se sent capable, les pensées d'Apparence sont déjà tournées vers ce qui lui serait le plus bénéfique.

Ses yeux retombent lentement vers sa patte, son regard s'applique à devenir inquiet - comme si elle, malgré les mots de son presque-frère, restait convaincue d'avoir été abattue par quelque chose de plus fort qu'elle et de tout à fait inhabituel.

— Que tu me portes.

Sa voix est volontairement fermée, boudeuse, balbutiée à travers des babines qui s'ouvrent à peine.
Elle est curieuse de voir jusqu'où elle pourra le faire déployer sa force et sa volonté à la secourir en ne faisant, elle, strictement aucun effort.

Le reste de tension qui demeurait en lui finit de s'estomper lorsqu'Apparence accepta qu'il la porte. Le soulagement était visible sur son visage : il n'avait jamais été très doué pour cacher ses émotions — ce qui pouvait être très handicapant lorsqu'il était confronté à son père – et n'avait de surcroît jamais vraiment cherché à les cacher en présence de sa presque-soeur, à part peut-être dans une hypothétique situation où il lui aurait fallu minimiser un quelconque danger pour ne pas l'en inquiéter. Ici, pas de fausse quiétude à faire passer pour vérité, pas de mensonge silencieux. Juste la perspective d'une situation qui s'arrange, une situation sur laquelle il avait du contrôle. Il lâcha un long soupir avant de lui adresser un sourire qui se voulait doux et rassurant :

— Très bien.

Puis d'ajouter en se relevant et en lui passant un rapide coup de langue affectueux sur la joue :

— Il n'y en aura pas pour longtemps, ne t'en fais pas.

Ne lui resta plus qu'à s'atteler à la tâche : Apparence était petite et fine, la porter ne lui poserait guère de problème. Le seul enjeu était de réussir à la hisser sur son dos sans risquer de forcer sur sa patte blessée. Cassius ne voulait surtout pas réveiller sa douleur, qui semblait pour le moment s'être atténuée.

— Est-ce que tu penses pouvoir te mettre debout ?

Il fit mine d'avancer d'un pas vers elle, prêt à l'aider à se hisser sur ses pattes si le besoin s'en faisait ressentir.

Son presque-frère a l'air d'être soulagé par sa réponse. Elle n'est pas certaine de comprendre pourquoi. Si elle avait été apte à rentrer par ses propres moyens, cela aurait signifié que la blessure était moins grave que prévu, non ? Apparence s'était dit que si Cassius devait la porter, il en aurait tiré la conclusion que son état ne s'était pas amélioré. Elle s'était presque imaginée, aussi, une scène durant laquelle Joaquin rentrerait en même temps qu'eux et un peu avant et les verrait débarquer ainsi - elle, mal en point et misérable, avachie sur le dos d'un fils à l'air coupable. Vers qui aurait-il été en premier ? Comment auraient évolué les réactions et les émotions sur son visage ?
Elle décide de ne pas y penser davantage pour le moment : c'est un futur hypothétique, quand dans le très présent concret Cassius vient de se relever et s'attelle toujours à la rassurer.

Voilà qu'il la questionne, et qu'elle a peut-être une occasion de lui faire reconsidérer ce sourire confiant qu'il arbore. Si elle peut se mettre debout ?
Les yeux d'Apparence restent quelques secondes ancrés dans le jaune des siens, puis elle regarde sa patte blessée, et le sol. L'adolescente sait déjà ce qu'elle va faire, mais elle s'applique à découper ses actions, à les travailler. Plutôt que de lui répondre immédiatement, elle prend un air concentré et, d'un geste prudent et timide, vient effleurer le sol. Rien ne se passe.
Alors elle prend confiance, applique un peu plus de poids... Et retire aussitôt sa patte avec un bref mais vif gémissement, faisant revenir sur son visage la grimace de la réelle douleur qu'elle avait ressenti plus tôt.
Elle balance alors son museau de gauche à droite, l'air prostrée et coupable, presque, de ne pas pouvoir l'aider.

Vers lui, elle remonte des yeux brillants.

— C'est cassé, tu crois ?

Sa voix, aigüe et peu assurée, couve une inquiétude certaine qu'elle voudrait bien lui transmettre.