Wonderwall - Grimalk

Il sent le regard mordoré posé sur lui avant que ne vienne se glisser un museau entre ses poils.
D'une voix moins chantante que celle qu'il lui connait, plus sérieuse, elle lui pose une nouvelle question. Plus courte, plus simple, en substance.
La sienne, de réponse, tombe sans grand délai.

— Non.

La syllabe frappe d'un son bref et un peu brut, revenant sur des notes plus rocailleuses que son timbre précédent qui s'était à sa manière adouci. Les iris qu'il garde portés vers le lointain, eux, sont aussi devenus plus durs, billes intenses et brûlantes sur un visage figé.
Pourquoi est-ce qu'ils lui manqueraient ? La majorité d'entre eux avaient été ravis de le voir partir. Il se souvient de leurs regards, qu'il avait défiés du sien. A ce souvenir, c'est presque un sourire qui se fraye dans l'ombre de ses babines. Fier ; de ne pas s'être laissé faire.
Les images diffuses des visages de là-bas se précisent néanmoins sur certains traits, et ses oreilles entendent dans la brise l'écho de mots qui ne furent pas tous violents.
Certains avaient cru en lui.
Certains l'avaient accompagné.
Alors Grimalk reprend, d'une voix adoucie d'un degré, abandonnant enfin l'horizon pour incliner son museau vers la tête de Nymeria.

— Il m'arrive parfois de repenser à certains d'entre eux. Je me demande à quoi ressemble leur vie, s'ils sont même encore vivants. Mais ils ne me manquent pas pour autant.

Le manque est un sentiment inutile qui garde le regard tourné vers le passé et empêche d'être clairvoyant sur l'avenir.
Pourtant, il le sait, quelque part dans ses pensées, sans pleinement la prendre en considération...
... Traîne de temps en temps, par inadvertance, l'interrogation qui subsiste encore des premiers mois de son arrivée ici.

Quand il se demandait, avant de s'endormir, si lui allait manquer à Azar-reïsh.

Dans ce léger intervalle de silence qui sépare leurs réponses respectives, Grimalk a reposé un œil sur Nymeria, la tête inclinée de sorte à pouvoir voir - au moins en partie - les émotions qui passeraient sur ce visage, dans ce regard doré.
Le mâle peut quelque part sentir, au ton et à la brièveté de ses mots, que la louve ne doit pas être pleinement convaincue de sa réponse. Mais qu'elle ne souhaite pas non plus chercher à creuser le sujet et qu'elle se contenterait. Lui ne voyait de toute manière pas en quoi il aurait matière à s'étendre davantage. Une pause revient, et le loup brun s'installe dedans : mais alors qu'il avait pensé que ce silence durerait plus que les autres, la voix de Nymeria danse à nouveau dans le vent.
L'une de ses oreilles frémit en réponse, tournée vers l'autre Nakhu pour écouter l'histoire qu'elle choisit de partager à son tour. Son frère jumeau. Les mots qui s'enchainent avec une certaine fluidité finissent néanmoins par se tarir assez brusquement. Si Grimalk en est un peu surpris, il ne le relève pas pour autant : tout comme elle n'aura pas cherché à insister, lui ne ressent pas non plus de besoin à la pousser à en révéler davantage sur ses états d'âme.
Ce n'est pas comme si il pourrait spécifiquement en faire quelque chose, de toute manière.

Il émet néanmoins un commentaire sobre, comme pour confirmer qu'il avait bien écouté ces quelques phrases.

— Je me souviens de lui, oui.

Eldunari. Grimalk avait toujours fait en sorte de s'enquérir de son entourage - cela avait été relativement aisé en arrivant au sein des Nakhus, dont la population ne représente qu'une fraction mineure de ce qu'il connut dans le désert. Certains le marquent ensuite plus que d'autres, et piquaient sa curiosité ou vivaient plus longtemps dans sa mémoire : il trie par priorité les identités, et à l'époque de son arrivée, Nymeria et son frère avaient été - tout comme Cheza, son référent - des Oracle-rëk.
Les observer eux, encore plus particulièrement que les autres, avait été primordial. Jusqu'à ce que la mort de l'Oracle, qu'il ne rencontra jamais, ne les relègue à un rang inférieur de son classement interne.
Il n'eut cependant pas l'occasion de le connaître davantage avant qu'il ne s'en aille au-delà de ces terres, aussi son nom ne fut-il associé à rien d'autre qu'un visage qui s'effacerait peut-être un jour, faute de pouvoir en entretenir l'image.

A ses côtés, Nymeria s'était agitée pour extraire l'une des gemmes trouvée précédemment en même temps qu'une nouvelle question, radicalement différente du sujet précédent pour terminer de l'enterrer, lui était posée. Le Mage lève quelques instants le regard vers le ciel - bleu - en réfléchissant, un discret sourire dans l'ombre de ses lèvres.

— Parce qu'elle me correspond. Ne peux-tu voir en quoi ? Il ne me viendrait pas à l'esprit de me demander d'où tu tiens ton allégeance pour la Tigresse.

Un peu plus taquin de nouveau, il vient glisser son museau le long des poils de la joue de Nymeria pour y déposer un souffle grondant, ses babines s'étirant un peu plus vers un rictus carnassier. Quant à la pierre qui brille de l'éclat du soleil... Grimalk la contemple un moment sans réagir, avant de tendre une patte pour la recouvrir et l'attirer vers lui. Il la ramènerait, comme l'autre - s'il n'avait jusqu'alors pas décidé de l'usage qu'il lui trouverait, une idée lui vient.

— Ces gemmes me paraissent parfaites pour s'atteler enfin à la confection de ces fameux bijoux.

Nouveau sourire, alors qu'il cherche de ses yeux or et noir cet autre regard presque miroir.