Odeur de fleurs [PV Grimalk]

L'île est une tâche sur l'horizon plat qu'il a déjà noté à plusieurs reprises.

Il n'y est pourtant encore jamais allé parce qu'entre elle et lui s'étend une large bande d'eau de mer qui le sépare de ce morceau de terre isolé.
Et l'océan est une chose qui pour le moment le fascine autant qu'elle l'effraie. Il peut se perdre longtemps dans l'observation de ces vagues qui s'enroulent sur elles-mêmes, se regroupent, avancent en rangs désordonnés mais réguliers mus par une force qu'il ne comprend pas pour ensuite se relâcher et se mélanger. Et le mouvement se répète.
Encore et encore.
Le schéma n'est jamais complètement le même ; il y a dans ce fluide le mélange hypnotisant d'une rigoureuse harmonie mise en pièce par un désordre organique, et c'est assez pour garder ses iris verrouillés sur cette mécanique aussi parfaite qu'elle est imprécise durant de longues, longues minutes.
Jusqu'à ce que parfois son regard remonte un peu trop et qu'il s'accroche à autre chose pour le désamorcer de cette boucle.

Cette fois-ci, cette autre chose est l'île mais surtout le chemin de rochers qui se dessine et qu'il n'a encore jamais remarqué.
Ça lui fait pencher la tête, froncer les sourcils - il aurait du le remarquer. Alors il reste bloqué à chercher et à parcourir du regard la zone jusqu'à finalement savoir pourquoi, dans un détail qui met du temps à le frapper tant ce n'est pas, justement, un détail. Le rivage a reculé de plusieurs mètres par rapport à la dernière fois qu'il est venu.
Il se souvient de ce caillou dont la mousse disposée en tâches avait fait de lui un repère, dont il avait pris cliché dans son esprit photographique. La fois précédente il était presque submergé, quand là l'humidité trahissait le passage de l'eau mais celle-ci ne le touchait pourtant plus.

C'est encore une chose qu'il ne comprend pas.

Mais il fait le choix de se détacher de cette nouvelle interrogation pour emprunter ce chemin inattendu qui s'ouvre à lui et qui lui permet d'accéder à ce bout de terre détaché du reste sans avoir à s'immerger dans l'océan jusqu'au cou.
Parfois sa patte tombe dans un trou d'eau entre deux rochers et il la remonte alors pour en lécher le liquide. Qui lui arrache une grimace.
C'est salé et âpre, un total opposé de l'eau pure dont il s'est habitué à profiter chez les Nakhus.

Grimalk décide qu'il n'aime pas l'eau de mer. De goût, du moins.

Puis il pose patte sur cette île et ça l'emplit d'un sentiment de satisfaction.
Entre la verdure il déambule, son regard s'arrêtant sur de multiples choses, plus particulièrement sur une fleur énorme et rouge dont les nombreux pétales, serrés les uns contre les autres, forment ce qui lui évoque un bouclier.
Ca lui rappelle un peu les vagues, aussi - c'est peut-être pour cela que cette fleur pousse au milieu de la mer.

Son museau s'approche avant de reculer brusquement à l'odeur forte que dégage le végétal. C'est donc de là que vient ce parfum envahissant qui sature l'air de l'endroit, au-delà des embruns qui abimaient déjà sa truffe. Il éternue bruyamment - une fois deux, deux fois.
Le mâle se détourne et continue sa marche jusqu'à tomber cette fois sur non pas un végétal, mais une louve parmi ceux-ci. Grimalk se fige, tombe en arrêt sur la louve pâle.
Une multitude d'informations se bouscule dans ses pensées et débute une nouvelle lutte pour parvenir à en extraire quelque chose sur lequel se stabiliser.
Son pelage, l'armure, le harnais, ses cheveux, l'odeur, les perles, le masque, la lumière.

Son regard est fixe et presque prédateur, son souffle est un plus profond et fébrile.

Tout engorge ses sens et se déverse en lui comme un shoot d'adrénaline malgré l'immobilité du moment et il se force à plaquer ses oreilles contre son crâne, à fermer un instant les yeux et à oublier ce que lui apporte sa truffe. Il y a trop d'informations qui l'envahissent, trop de tout, et il se force à attraper l'une des pensées à la volée.
Celle qui s'érige en prioritaire comme si une voix criait plus fort par-dessus toutes les autres pour se faire entendre et être sélectionnée.

Quand il parle c'est d'une voix crue et directe, presque brutale.

— Le glowstick. C'est quel Dieu ?

Il rouvre les yeux et décrispe, un à un, ses muscles.

La houle est passée - pour le moment.

La louve se redresse et il suit chacun de ses mouvements.
Se concentrer sur ce corps qui évolue et se dévoile davantage lui permet de canaliser son attention, du moins en partie. Il s'attache aux formes en spirales des plus sombres marques de son pelage qui se distordent et ondulent par-dessus les muscles qui s'activent, cherche à évincer le superflu qui envahit ses canaux.
Car le déplacement fait bruisser les feuilles, tord les tiges, ondule les brins d'herbe. Mais ils sont tous moins importants que ce qu'elle représente, elle, cachée derrière son masque qui n'est pas ce qu'il trouve de plus intriguant.
A Tsaâl Midbar la majorité des femelles dissimulaient une partie de leur visage. C'est plutôt le contraire qui l'interpella en arrivant sur ces terres-ci où à l'exception de la louve des montagnes, aucune ne cache son faciès.

La louve aux spirales lui répond d'une syllabe simple et percutante qu'il enregistre. Aka. Ses yeux, eux, ne se sont pas détachés de sa silhouette qu'il parcourt pour en noter la posture, s'attarder sur les mèches de poils qui frisent presque, buter sur les perles nacrées. C'est un élément qui se classe haut dans l'ordre des priorités sur cette inconnue et il le garde non loin de la surface.
Puis elle ajoute quelques mots qui le font cligner des yeux, puis se redresser. La tête qu'il garde souvent basse dans l'alignement de son échine se tient plus haute comme pour la regarder sous un jour différent et sa queue touffue prend la même direction.

Les valeurs qu'il comprend être celles d'Aka réveillent en lui la même attirance mêlée de répulsion, surtout de répulsion, que les Etelkrus du Sud quand Kerguelen-kazin avait parlé d'eux.
Grimalk désengage le conflit silencieux de leurs regards et contorsionne son encolure pour attraper le manche d'un couteau de lancer. La lame sort de son fourreau et elle a le loisir de l'observer tandis qu'il maintient le couteau entre ses crocs et reprend sa position initiale.

— Úr. Force, vitesse, potentiel.

Il a pensé aussi à Yr et Túrisaz mais il ne peut pas toutes les sortir en même temps et il elles ne possèdent pas ce mot en commun, le tout premier.

Son regard de soleil d'or sur une nuit noire est retourné s'envelopper sur elle tout entier.
D'un côté puis de l'autre, sa tête s'incline de quelques degrés dans des mouvements répétés et presque mécaniques. Il guette le moindre des frissons sur le corps inconnu, observe la moindre réaction pour la recueillir, se nourrit de chaque déroulé de l'interaction. Au frémissement de ses babines et à la raideur de ces muscles qui tressautent sous le poil clair et frisé, Grimalk comprend bien qu'elle se tend. Sûrement parce qu'elle n'est sûre de rien à son égard, sûrement parce que voir le tranchant d'une lame n'a jamais été un signe de paix même s'il n'est pas pour autant déclaration de guerre.
Et si elle s'enorgueillit sans qu'il ne le sache de l'assurance que lui apporte son masque, lui se gorge en retour d'une électricité instable qui lui donne l'impression de courir dans ses veines et sur sa peau.

L'avertissement dans lequel il sent vibrer beaucoup de choses fait se dresser encore un peu ses oreilles dans un tintement de chaîne et tend un peu plus ses muscles. Une contraction pas tout à fait volontaire envahit ses mâchoires et ses dents mordent plus fort le ruban de cuir qui entoure le manche du couteau.

— Je sais m'en servir, ne t'inquiètes pas.

En guise de démonstration ses mâchoires s'activent.
Le Nakhu ouvre la gueule juste de ce qu'il faut pour que la lame bascule en-dehors de son emprise avant d'être rattrapée au moment fatidique d'un mouvement sec de sa tête qu'il rejette un peu en arrière ; sa bouche s'ouvre plus grand de concert et c'est cette fois sa langue qui se contracte pour faire pivoter le manche. Le couteau tournoie un instant, quelques autres mouvements rapides de langue et de mâchoire s'enchaînent, puis le couteau est de nouveau stabilisé dans une orientation différente.
Il aura glané de nombreuses coupures sur les lèvres et l'intérieur de la bouche en s'exerçant, il est désormais rare qu'il se blesse.

A la périphérie de sa vision est noté un mouvement aérien. Sans hésitation sa tête fuse dans la direction de l'action - un papillon à quelques dizaines de centimètres, a-t-il a peine le temps d'analyser - et il rend à Úr sa liberté. Le couteau vole un instant dans un sifflement, abat l'insecte et retombe dans l'herbe.

Un mouvement satisfait agite la queue du mâle qui se désintéresse tout à fait de la louve d'Aka le temps d'aller récupérer la lame.

Le pas qui l'a mené près de Úr est presque guilleret et le contraste avec son habituelle démarche, lisse et appuyée dans le sol, est notable.
Grimalk a déjà repris le couteau en gueule quand les paroles de la louve lui parviennent, qu'il recueille d'une oreille tournée sans pour autant lui accorder l'attention d'un regard. La nécessité de répondre à sa question se classe après l'action qu'il a déjà engagée, celle qu'il tient pour priorité : recueillir le poids de la lame et ne faire à nouveau qu'un avec la sensation du cuir sur la langue, retourner encore quelques fois le manche en le faisant coulisser entre ses crocs comme pour s'assurer que rien n'a changé.
Puis, toujours sans le moindre signe de reconnaissance envers l'inconnue qui semble à son attitude avoir tout à fait disparu de son environnement, il se contorsionne vers le harnais sur son dos pour y ranger le couteau avec la même aisance qu'il eut pour l'en sortir.
La souplesse n'est pas un adjectif qui sait décrire son corps dans sa globalité. Pourtant les mouvements qui ont trait à sa maîtrise des lames, eux, sont bel et bien devenus souples à force de temps et de répétition.

Et seulement quand la lame est sécurisée dans son fourreau, Grimalk redresse la tête vers la louve aux spirales pour lui répondre en revenant face à elle de quelques pas lents.

— Non. J'ai appris à Tsaâl Midbar, c'est là d'où je viens. Les Nakhus m'apprennent d'autres choses.

A travers les trous creusés dans son masque, il peut apercevoir ses yeux masqués par l'ombre. Violets, avec juste un liserai ambré autour de la pupille.
Ça lui rappelle quelque chose, ça le frappe d'un souvenir rapide qui remonte.
La réalisation peut sans doute se voir dans le regard qui devient d'un coup plus perçant, dans son encolure qui se tend pour amener sa tête proche du bois brûlé et presque le toucher du museau alors qu'il ne place l'un de ses yeux qu'à quelques centimètres d'un des siens.

— Tu étais dans le cauchemar, avec moi et d'autres.

Comme l'autre louve, celle des montagnes.
Aussi noire que celle-ci est blanche, mais qui portait elle aussi un masque.

Il ne sait pas quel est le lien, ni même s'il y en a un, entre les deux seules louves qu'il a trouvé masquées sur ces terres et la coïncidence d'avoir rêvé d'elles deux, quand bien même il ne les rencontra que bien après.
Pour l'instant il attend seulement une quelconque réaction, le regard fixe et intense, le cœur battant.

Cette tension qu'il cultive et qui déclenche chaque fois des cascades de minuscules réactions à peine perceptibles, cette proximité qu'il grappille et qu'elle n'a pas l'air d'apprécier sans pour autant le repousser... Il s'en délecte comme des petits frissons électriques de plaisir que la situation envoie dans son échine.
Grimalk explore les limites, toujours.
La reconnaissance finit par s'enclencher chez la louve aux spirales qui éloigne un peu son visage caché sous cette écorce sombre.
Lui ne bouge pas de sa position et ne relâche toujours pas le suivi de ses yeux dorés sur les siens.

Ce cauchemar ne sembla laisser personne indifférent et elle ne fait pas exception. La question qu'elle pose creuse dans cette direction et il ne cherche pas à cacher l'intérêt que lui aussi porte sur le sujet pour toutes les différentes implications qu'il a l'air de rassembler.
Sa queue restée relâchée dans l'alignement de son dos s'élève un peu pour décrire de lents mouvements.


— Peut-être. Cet endroit a réveillé la magie qui se cachait en moi, je ne sais pas laquelle appartient au cauchemar.

Cet héritage qui vient d'ici et qui malgré toutes les générations écoulées répondait à ses origines.
Derrière les questions qui troublent le regard de la louve elle a sans doute malgré tout plus de savoir que lui sur la situation. Des éclaircissements qui lui permettront de comprendre davantage cette nébuleuse qui l'entoure.

— Quelles sont ces séquelles chez toi ?

Quelque chose que je pourrais comparer pour trouver les miennes, peut-être ?
L'une de ses pattes avant se lève doucement et vient toucher le rebord de son masque de fortune du bout des griffes.
Prêt à le soulever d'un geste des doigts sans pour autant exercer la pression nécessaire pour le faire : il aurait pu profiter d'un mouvement rapide et de la surprise pour envoyer valser ce morceau de bois mais ce n'est pas ce qu'il cherche.

— Quelque chose que tu caches là-dessous ?

Sa voix s'est faite plus basse et plus grave, un sourire léger s'est invité sur ses lèvres et il garde ses yeux rivés dans les siens.

Il s'aventure sur les frontières et cherche quel pas sera celui de trop.
Toujours.

La frontière est trouvée.
Elle s'érige dans ce geste qui l'interrompt et dans ce mot impératif qu'elle assène. Le loup s'exécute et cesse là, pour le moment, son exploration. Une limite ne se franchit pas toujours. On apprend à la côtoyer, à la longer, à la travailler, jusqu'à éventuellement la contourner .

Le sourire n'a pas quitté son visage sombre et s'est peut être même un peu agrandi d'une imperceptible manière : il ne s'est pas reculé non plus, dans cette position figée qu'il a acquise et verrouillée. Il la laisse recréer de la distance par elle-même lorsqu'elle se lève et entreprend de lui tourner autour.
Comme le Papillon Noir qui se comportait beaucoup comme un vautour.
L'instant présent n'est cependant pas empreint de la même atmosphère et ces mouvements ne provoquent pas sa garde. Dans les montagnes, il avait été très blessé et fatigué face à l'autre louve masquée du cauchemar.
Ici, aujourd'hui... Il est en pleine forme.

La louve aux spirales reprend la parole  et fait frémir ses oreilles. Un éclat d'intérêt illumine son regard alors qu'il intercale sa réponse à sa suite immédiate.

—  Alors je crois que c'est la même chose pour moi.

Sa phrase a réveillé une image claire et nette dans son esprit. Quelque chose auquel il n'avait pas pu faire attention sur le moment, emporté dans un ouragan d'action et de stimulis, mais le cliché s'était néanmoins figé et logé et il vient tout juste d'obtenir une clé pour le comprendre.
La façon dont Tyr s'était enveloppé d'une lueur de la même couleur que les papillons fantomatiques, la façon dont cette aura l'avait rendu plus meurtrier.

Comme si la lame avait pu trancher plus fort et se planter plus profond, comme si elle s'était animée d'une volonté propre.

Les derniers mots de la louve aux spirales interviennent à cet instant et chez le mâle, tout le corps s'est redressé.
Aucune agressivité n'est visible malgré la queue levée, malgré le regard toujours plus intense qu'il darde sur les yeux cachés dans l'ombre des orbites creusées dans l'écorce.
Au fond de sa voix et dans l'expression de son corps, c'est une excitation presque enfantine qui s'exprime avant tout.

—  Si. Je voudrais bien le revoir.

Ce pouvoir qui avait déchiré l'air d'un éclat lumineux, foudre sur un ciel gris d'orage.
Cette magie, encore elle, qui se soustrait à sa maîtrise en n'apparaissant qu'à des moments qu'il ne contrôle pas.

Mais si elle a dit vrai, si elle a vu juste...
Il sait alors de quelle manière rendre Tyr vivant.

Aucun combat n'a encore commencé qu'il se met néanmoins à suivre chacun des mouvements de la louve avec une intensité encore renouvellée.
C'était une phase préparatoire à chaque épreuve, peut-être quelque chose qu'on lui avait tant inculqué dès la naissance qu'elle se retrouvait dans son quotidien à observer tout ce qui l'entoure.
De cela il n'est pas sûr cependant : on lui a souvent reproché de se focaliser sur les détails et pas assez sur un ensemble. Grimalk ne le nie pas. Prendre de la distance pour envisager une image globale est un exercice qui lui est compliqué, il leur préfère les clichés spontanés d'images impromptues et les fragments isolés.
Il sait se concentrer sur des points bien précis mais se perd rapidement dans ce qui prend trop d'envergure.

L'instant présent est de ceux qu'il a appris à canaliser : la compréhension de son adversaire est une chose essentielle qui l'a obligé à hiérarchiser son regard.
Ses yeux dorés suivent la patte qui se leva et le masque d'écorce qu'elle ôte d'elle même.
Ce choix le fait dresser un peu plus les oreilles : il ne s'y était pas attendu, il la croyait à l'aise avec cet équipement et le pensait nécessaire à son fonctionnement autant que son harnais l'était pour lui.
Les louves de chez lui ne retiraient jamais leurs tissus avant de se battre.

Mais il chasse d'un clignement des yeux cet événement et s'oblige à rester concentré sur la suite pour ne rien manquer.
Rien de sa façon de se mouvoir, rien des regards qu'elle jette, rien de sa posture.
Et lui aussi se met en place quand la phrase qu'elle prononce scelle la proposition. C'est avec naturel qu'il se positionne et place ses aplombs, sans once de doute ou d'incertitude qu'il s'exécute pour lui aussi se préparer à la suite en même temps que dans son esprit s'établit la liste spacialisée et complète des forces et des faiblesses qu'il se connaît, seule carte mentale qu'il sait tenir à jour et invoquer.
La louve aux spirales n'a pas voulu qu'il la touche et ils allaient maintenant se jeter l'un contre l'autre sans retenue aucune.

La pensée amène un sourire amusé sur ses lèvres pendant que son regard s'accroche à ceux de la louve - il peut mieux les voir maintenant qu'elle n'a plus son masque.
Il les trouve beaux et intéressants, même s'il ne peut s'autoriser de s'y attarder, et il aime la détermination et l'anticipation qui y règnent.

Il remarque également qu'elle l'attend et il comprend qu'elle ne lancera pas la première offensive.
Cela fait peut-être - sans doute - partie intégrante de sa technique mais ça l'arrange également s'il doit venir au corps à corps. Car le sien n'est pas léger, de corps, et il n'a pas encore su le travailler dans l'optique d'éviter les attaques : plutôt, il les encaisse.
Ou bien il fait en sorte de ne même pas leur laisser le temps d'exister.
En gardant l'adversaire à distance ou en remportant tôt la victoire.

Les couteaux sont là pour ça.

Mais il ne compte pas les utiliser contre elle, du moins pas comme ça . Les termes ont certes mentionné un combat à mort, mais c'est avant tout à leurs pouvoirs, à leurs démons qu'il faut le faire croire.
Autrement, Grimalk n'a pas d'envie particulière de lui trancher la gorge.

Règne un dernier instant de calme quand une fois en position, le mâle inspire d'un souffle contrôlé l'air parfumé qui les enveloppe.
Puis sans davantage d'avertissement, il lance son corps en direction du sien.

Le corps de la louve s’incline pour accuser le coup mais ne se dérobe pas.

Le sien entre en collision et le combat s’enclenche véritablement dans ce premier choc qui aurait pu être plus brutal. Mais son angle à lui n’a pas été idéal, il réalise dans un flux de pensées rapides qui le traverse sans se fixer qu’il est sans doute un peu rouillé.
Se battre contre des choses, des proies et des créatures n’a rien à voir avec se battre contre un autre loup. Répéter des mouvements acquis, se confronter au seul défi d’un ennemi que l’on fait se mouvoir par sa propre imagination n’a rien à voir avec se battre contre un réel autre.

C’est aussi bien moins stimulant.

L’adrénaline le frappe quand il repose pattes plus loin après avoir imprimé ses crocs sur elle, le parcourt dans un coup de fouet qui dresse toute son échine alors qu’il se retourne pour faire face à nouveau.
Ses yeux se sont un peu plus écarquillés - et s’il restait moindre trace d’inattention ou de sommeil en lui avant ce premier contact, tout a été balayé pour que ne règne plus qu’un total éveil. Sa gueule est ouverte sur les crocs d’or et d’ivoire qu’il lèche des quelques traces de sang venus les tâcher et ses iris fusent vers le geste qu’a la louve en spirale.
Sa patte frappe le sol. Le rouge éclate.

La couleur sang irradie comme un éclair venu s’injecter directement dans les veines du sol et se répand tout autour du point d’impact - elle.
Grimalk se fige pour s’imprégner du spectacle, médusé, le poil ébouriffé par un nouveau frisson d’effervescence. La lueur et la source sont le glowstick accordé par son Dieu, c’est évident. Mais la forme est celle de cette Araignée monstrueuse du cauchemar qui les avait pris tous les deux dans ses filets.
Est-ce le démon dont elle a parlé ? Celui qui se manifeste quand sa vie est menacée ?
Il doute.

Sa vie l’est, pourtant. Menacée.

Mais il est sans doute encore trop tôt pour que s’éveille vraiment la seconde phase. Lui jette un rapide coup d’œil à Tyr, à l’abri de son fourreau - aucune lueur n’en émane.
Son regard revient à la toile rouge qui le touche du bout d’un doigt et sur la louve qui semble l’attendre à l’épicentre.
Il ne connait rien de cette situation, rien de ce pouvoir, c’est une menace. Et la louve aux spirales est devenue l’araignée qui attend au coeur de son piège que vienne se poser l’insecte.

Il est évident que marcher dans son royaume ne sera pas sans conséquence, mais Grimalk ne sait pas reculer. Il lui faut aussi se confronter à cette puissance pour la comprendre et la vaincre.
Il ne reste plus qu’à détruire la toile.

Un nouveau rictus dévoile ses dents bicolores et il se propulse vers elle, cherchant à mordre la cuisse.

Spoiler:

Lorsque sa patte touche le sol tatoué de l'arborescence rouge, c'est un autre éclair qui jaillit.
Celui de la douleur, remontant de ses doigts tout le long de son membre, vive et mordante. Elle ne dure qu'un court instant - comme la morsure d'un serpent - avant de se dissiper, mais Grimalk comprend.

Que quand il marche sur ce territoire et tant qu'il y restera, l'araignée lui injectera son venin.

Ses crocs à lui ont cependant trouvé leur cible et s'y logent sans que le contretemps ne le fasse hésiter. Et rapide à son tour dans la réplique, la louve aux spirales frappe avec efficacité à un endroit qu'il ne peut protéger et contrer.
Le mâle gronde et serre plus fort les dents autour de la chair, contracte les muscles pour mieux assimiler le stimuli provoquée par l'attaque.
Loin au fond de son esprit bruyant il peut entendre la voix d'Azar, bien plus distante qu'elle n'avait pu l'être lors du combat dans les montagnes.

Il ne pourra pas toujours se reposer sur les entraînements de son enfance et sur les instructions d'un souvenir du passé.

Ses yeux dorés fusent vers le sol pour anticiper les appuis qu'il devra replacer mais Grimalk constate que la toile rouge n'est plus. Elle diminue, elle recule, elle bat en retraite et perd du terrain à chaque instant pour regagner son abri dans le glowstick rouge.
Il n'a plus besoin de recréer de la distance.

Un temps de battement s'imprime, l'espace d'une respiration suspendue, d'une virgule avant une injonction.

Et Grimalk tire brutalement sur la prise qu'il n'a toujours pas lâché et se cabre, fort de sa stature plus imposante pour les soulever tous les deux du sol et la faire lâcher, elle.
Si ses mâchoires s'ouvrent et qu'elle cède... Son corps serait à sa merci, vulgaire poupée retournée et traînée au sol, privée d'un membre qu'il se refusait à libérer.

Spoiler: