Brise légère - Anita

Le grand combat qui approchait occupait une part importante dans son esprit, mais Anita refusait malgré tout de le laisser dévorer toutes ses pensées.
Il fallait certes se préparer, et continuer de panser les plaies récentes tout en sachant qu'il y en aurait de prochaines à encaisser. Mais ce n'était pas le moment pour autant de s'empêcher totalement de vivre, au contraire.
L'Alpha n'était ni dupe ni insouciante. Peut-être que certains tomberaient. L'ennemi était de taille, l'un des plus imposants qu'ils aient eu à affronter - et bien que loin d'être pessimiste, elle ne pouvait empêcher des scénarios sombres de parfois se dessiner.
Peut-être que même pour elle, cette guerre serait la dernière.

Alors raison de plus pour ne pas s'enfermer dans les terres, et pour sentir l'air d'ailleurs s'engouffrer dans ses poumons.
Ces quelques sorties étaient revigorantes et l'aidaient à vider son esprit de tout ce qui l'accablait, elle et les Etelkrus. Rapide dans les airs, agile sur la terre, Anita pouvait se permettre de se rendre à de nombreux endroits, marchant parmi les souvenirs et espérant croiser des visages connus avec qui échanger quelques mots et histoires.
En espérant du fond de son cœur qu'il ne s'agirait pas des paroles de la fin.
Non loin d'ici, elle savait avoir déjà croisé quelques visages amis : notamment celui de Onyx, petite louve qu'elle était toujours heureuse de voir.
Sa bonne humeur conviendrait parfaitement à ce dont elle avait besoin en cet instant pour l'aider à laisser la pression derrière elle et profiter de sa sortie.

Mais ce fut une voix masculine et jeune qui la héla d'un peu plus bas, alors qu'elle s'était posée sur les hauteurs comme elle en avait souvent l'habitude. La louve pointa les oreilles et darda les yeux en direction de la voix et-

—   Oh ! Mais comme tu as grandi !

Un grand sourire vint immédiatement éclairer son visage.
Quelle surprise - et plaisir, alors qu'elle pensait à son amie, de tomber finalement sur l'un de ses fils ! Quand elle les avait vus, ils n'étaient que deux minuscules êtres blottis contre le flanc de leur mère, encore vastement ignorant de tout ce qui les entourait.
Mais voilà que le temps avait œuvré et que la paire d'enfants s'était muée en jeunes adultes, l'un des exemplaires devant elle. Et quel beau spécimen il était devenu, d'ailleurs !
L'hybride ouvrit ses ailes pour se laisser glisser dans l'air jusqu'au loup brun, les yeux pétillants.

Maintenant, il fallait se souvenir des noms qu'Onyx lui avait donné. Mhh. C'était simple et impactant, en deux syllabes chacun et commençant par la même lettre... Ah !

—   Alors, qui de Marty ou de Mica es-tu ?

Ce fut seulement à cet instant qu'elle réalisa avoir complètement ignoré, sous l'effet de son éclat de joie spontanée, la question que le loup lui avait déjà posé en la saluant.

—   Oh, quelle impolie je fais ! Je ne cherchais rien de particulier, non. Peut-être que j'espérais un peu croiser ta mère, mais c'est un plaisir égal de faire ta connaissance.

Son sourire se fit plus affirmé alors que la louve s'assit, droite mais avenante et les ailes dressées autour de sa tête en auréole, sa longue queue s'enroulant autour de ses pattes.

Ah, bon. Elle ne saurait pas duquel des deux il s'agissait, puisqu'il préféra embrayer sur un compliment amené maladroitement qui la laissa d'abord un peu interdite, sourcil arqué, avant que ne lui vienne l'envie d'un soudain éclat de rire qu'elle réprima comme elle put.
Est-ce qu'il essayait de la... Draguer ? Lui, jeune adolescent, et elle, louve ayant dépassé la dizaine ?
De toute évidence, au vu de sa maladresse et de sa gêne palpable, il n'avait pas encore beaucoup d'expérience. Mais il était vaillant, en bon fils d'Onyx, et il se reprit courageusement pour ne pas perdre patte. Anita, qui avait levé une patte à sa gueule pour l'aider à dissimuler son sourire amusé et le croc qu'elle s'était plantée dans la lèvre pour ne pas s'esclaffer, en profita pour muer sa posture sur un air un peu flatté, faisant mine d'être ravie par l'attention.
Après tout, même si elle n'était absolument pas intéressée par l'idée de flirter avec un loup de tant d'années son cadet, qui plus était le fils d'une amie, elle ne pouvait nier le sentiment agréable de constater qu'elle pouvait plaire encore et ne se voyait pas non plus le recaler alors qu'il se lançait tout juste dans l'aventure, le pauvre.

Elle n'aurait qu'à... Essayer de s'accommoder de la situation sans pour autant lui faire trop de faux espoirs, et ainsi lui permettre de s'exercer.

—   Oh, eh bien, ce sera avec plaisir ! Je ne connais pas bien les lieux, autant les découvrir en plaisante compagnie.

Ayant réussi à se débarrasser de son hilarité, Anita élargit son sourire et lui adresse un petit clin d’œil avant de se lever pour étirer son long corps. Puisque le jeune mâle n'avait pas d'ailes, il allait être temps de se dégourdir les pattes.

—  Alors tu vis ici avec ta famille ? Tu n'as pas encore pris ton envol ?

Elle se plaça à ses côtés, attendant qu'il se mette en mouvement pour le suivre.
A toi de de mener la danse.

La voilà menée le long des sentiers près du Gouffre par un jeune mâle très enthousiaste et très motivé.
La situation avait de quoi faire sourire, elle devait bien l'avouer ; et Anita écoutait avec un réel intérêt ce qu'il avait à raconter. Alors comme ça, il en était au stade de l'exploration hors des limites du cocon familial, mh ? Rien d'étonnant pour son âge, ni pour un enfant d'Onyx qui avait sans doute transmis son goût pour l'aventure et son indépendance. Anita ne put s'empêcher de rire audiblement à la remarque sur les louves de son clan.

—   Ah oui ? Je pense que ma sœur correspond sans doute à ce que tu t'imaginais. Elle est encore plus grande que moi, a des énormes muscles, le corps couvert de cicatrices et tellement de bouts en moins qu'elle ressemble aux dinosaures qu'elle s'amuse à chasser dans le Nord.

Son sourire taquin dévoila le bout de ses canines fines et pointues. Elle s'imagina un instant sa sœur à ses côtés, qui probablement viendrait claquer des mâchoires à côté de son visage d'un air faussement offusqué, pour ensuite gonfler ses muscles dont elle était si fière. Sans doute qu'ensuite, toutes deux partiraient en chamailleries à essayer de s'attraper les oreilles entre de bruyants éclats de rire. Elles n'avaient jamais cessé d'être des enfants au cœur. Des enfants un peu plus sérieuses, des enfants plus abimées par la vie, mais des enfants quand même.
C'était peut-être pour cela qu'elle plaisait encore à bien plus jeune qu'elle. Peut-être que ça transparaissait, cette âme qui n'acceptait pas de vieillir.
Anita reporta les yeux sur lui quand il dévoila finalement son nom, ayant probablement pas fait attention quand elle lui avait posé la question plus tôt. Alors c'était Mica, celui-ci. Elle se demandait à quoi ressemblait Marty, lui, et s'il était du même caractère.
Quant à elle...

—  Je suis Anita.

Elle le suivit des yeux quand il s'écarta un instant pour aller vers un bosquet et lui en rapporta... Des fleurs. Ah.
Il avait été rare qu'on lui offre des fleurs, malgré tout - et rare aussi qu'elle comprenne sans détour ni ambiguïté quelles étaient les intentions derrière. Devant le bouquet, elle hésita. Devait-elle accepter, alors même qu'elle ne voulait pas le blesser en le laissant se projeter trop loin dans ce qui n'était pour elle qu'un petit jeu, mais pour lui peut-être plus ?
Mais elles étaient quand même jolies, les fleurs.
... L'hybride se pencha pour les prendre délicatement en faisant de son mieux pour tenir son museau loin de celui du jeune loup et ainsi éviter tout contact fortuit.

—  Mh, merci, elles sont très belles ! Tu peux me tutoyer, tu sais ?

Quand même. Différence d'âge ou pas, elle n'avait jamais été friande de ces manières qui divisaient.

—  Et au cours de tes aventures ailleurs, tu as fait des rencontres... Intéressantes ?

Repartant de l'avant en laissant son regard se promener, ses fleurs entre les crocs, Anita tenta d'éloigner un peu le sujet d'elle-même.

Ah, leur réputation vis à vis des solitaires, oui. Anita eut un petit sourire gêné - elle ne pouvait pas en vouloir à son père de l'avoir mis en garde là-dessus, ni lui donner tort. Si certains comme elle n'avaient jamais été friands de ces préjugés, d'autres voyaient toujours la vie de ceux n'appartenant pas au clan comme inférieure.
Voire carrément comme étant une menace à éloigner et à ne pas fréquenter.
Rencontrer des loups comme Onyx et le reste de sa famille lui rappelait en quoi son combat pour que ces visions dépassées changent méritait d'être mené.
Le jeune loup lui parla ensuite de ses aventures et de ses rencontres. Anita ressentit une agréable chaleur à la mention de son lien avec son frère - elle était sincèrement heureuse de savoir que les deux frères étaient proches. À elle aussi qui avait connu la force et la joie d'une fratrie soudée, elle le souhaitait à chacun. C'était important.
Les loups qu'il décrivit lui firent lever le museau, pensive.

— Mmh... Je ne crois pas avoir rencontré beaucoup de pirates, à vrai dire. Quant au loup cornu... Ça m'évoque vaguement quelque chose, mais... C'est très flou.


Une image datant de plusieurs années, une rencontre éphémère aux frontières pour annoncer une triste nouvelle. Mais le souvenir était daté et imprécis, tout comme l'était la description de l'intéressé, alors elle ne pouvait affirmer qu'il s'agissait bien du même individu.
Quand la question lui fut retournée, Anita haussa les épaules.

— J'aime beaucoup ça, c'est vrai, mais au final je manque souvent de temps à y consacrer. Mais oui, avoir des ailes ça aide à aller vite, et à accéder à des coins sympa et pas trop fréquentés aussi !


L'hybride leva le nez vers un pin étroit, proche d'eux, difficile à escalader tant les premières branches étaient élevées.

— Par exemple, savais-tu...


La louve déposa avec délicatesse les fleurs sur le sol, se recula pour se ramasser sur elle-même, puis se détendit pareille à un ressort. Souple et légère, son premier bond l'amena déjà haut - puis elle compléta son ascension de quelques battements d'ailes pour se retrouver sur une branche de l'arbre.

— ... Qu'on peut souvent trouver un très bon repas sur ces arbres ?

Toujours perchée, elle réapparut à sa vue en le regardant de tout en haut, un petit œuf tenu entre les crocs.

Un sourire enthousiaste fut obtenu, et peu de temps après le jeune Mica ne se contenta pas de rester à sa place. Anita l'observa avec une curiosité et une attention renforcées quand il sélectionna un autre type d'arbre et s'en servit pour à son tour s'élever en hauteur. Elle s'avouait impressionnée, elle aussi : il faisait déjà preuve d'une agilité particulièrement pointue et n'eut pas beaucoup de peine à rejoindre des branches inaccessibles pour la plupart, cueillant ensuite un fruit qui lui fut tendu.
La louve émit un son enjoué et d'un rapide mouvement de mâchoire, commença d'abord par faire disparaître dans sa gueule l’œuf qu'elle tenait toujours. Un coup de crocs et il disparut, lui laissant le loisir d'attraper cette fois le fruit avec un regard espiègle.

— Voilà une très bonne idée !

Ses papilles se ravirent du goût sucré qui envahit sa langue et elle s'en lécha les babines, puis s'allongea sur la branche de tout son long corps avec naturel. Dès son plus jeune âge, avant même d'avoir des ailes, elle avait passé autant de temps à apprivoiser les hauteurs de la Moere qu'à en fouler le sol.
Pattes arrières et queue souple se balançant avec allégresse dans le vide, elle reporta son attention sur le fils d'Onyx.

— Tu as l'air de très bien te débrouiller en souplesse. As-tu déjà entendu parler de Kiro l'Anaconda, Dieu de l'agilité et des meilleures farces ?

Avec un clin d’œil amusé et un sourire qui s'étira jusqu'à dévoiler la pointe de ses fines canines, elle bomba le torse pour mieux mettre en évidence le jaune qui brillait à son collier.

La louve suivait du regard le chemin des quelques insectes qui s'aventuraient le long de sa patte en attendant la réponse du jeune Mica, qui ne tarda pas à venir.
En effet, avec son ascendance, il avait sans doute pour connaissance des Dieux Etelkrus un nom et une couleur sans que cela n'aille beaucoup plus loin. Mais puisqu'il semblait très ouvert à l'idée d'en savoir plus, Anita ne se priverait pas. Ses lèvres s'écartèrent sur un nouveau sourire ravi et elle s'éclaircit la gorge.

— Je peux déjà commencer par te parler de lui.

Elle bougea sur sa branche pour réajuster sa position, toujours nonchalante.

— Mhh, comment le décrire... C'est évidemment le Dieu de l'agilité et de la vitesse, mais il serait dommage de le réduire à ça. Kiro n'apprécie pas que les cabrioles et ceux qui courent vite. Il est très farceur, mais pas méchant. Même ses malédictions sont gentilles, à vrai dire...

Déjà qu'elles étaient rares - l'hybride n'avait pas d'autre exemple en tête que le cas de Noé, l'Anaconda était si désinvolte et bien moins étouffé d'égo que d'autres Dieux qu'il n'avait même pas eu cœur à véritablement le punir, semblait-il.
Un air malicieux se dessina soudain sur le visage d'Anita alors qu'elle sembla se remémorer quelque chose dans une illumination, et elle se pencha vers la tête du fils d'Onyx comme pour lui partager un secret, la voix basse mais dansante d'intonations joyeuses.

— Il a un jour demandé à mon frère, qui est aussi un de ses disciples, de lui jouer une petite pièce de théâtre pour qu'il se fasse pardonner de son absence !

La louve rejeta la tête en arrière en éclatant d'un rire léger mais sonore.
Elle l'avait presque oubliée, cette histoire !

Son visage resta amusé et à la remarque de Mica, elle se contenta de balancer légèrement la tête. En effet, Narcy aurait sans doute préféré que toute cette histoire reste secrète au lieu d'être mentionnée par son Dieu devant une assemblée - restreinte, mais tout de même - qui ignorait ce moment, mais... C'était ce qu'on obtenait pour avoir quitté ses terres du jour au lendemain, sans même un au revoir à son Dieu ou à sa famille. La demande était bien légère, après tout, en échange du retour des faveurs de Kiro et du retour de leurs pouvoirs.
Avait-il fini par accéder à cette requête, d'ailleurs ? Anita n'en avait pas entendu parler, mais peut-être que cela s'était tenu dans le plus grand des secrets. Cela faisait déjà tant d'années. Il lui faudrait un jour poser la question à son frère... Si elle y pensait.
Mica reprit la parole, et la louve sortit de ses pensées pour tourner son visage toujours souriant vers le sien.

Ce qu'elle aimait, et ceux qu'elle aimaient ? Grande question d'un vaste sujet. Elle réalisait qu'elle aurait sans doute beaucoup à dire, mais c'était au final quelque chose qu'on lui avait rarement demandé, du moins formulé ainsi, de manière si générale. Par où commencer, comment ordonner ses pensées et ses ressentis ?
Bougeant un peu sur la branche, elle se réinstalla et leva le museau vers le ciel, un peu pensive.

— Mh, et bien... J'aime passer du temps à la Moere. C'est là où se trouve le temple de Kiro, mais c'est aussi là où je suis née et je continue d'y passer énormément de temps. Ça reste mon endroit préféré, je crois. Je le connais par cœur.

Le sourire sur ses lèvres s'élargit encore plus en pensant à ce havre de paix qui l'enveloppait toujours de sérénité et faisait briller ses yeux d'émerveillement.

— Mais j'aime aussi quitter nos frontières et parcourir le reste du continent, venir rendre visite à des âmes appréciées ou simplement profiter du paysage quand je le peux.

Comme aujourd'hui, où elle avait pensé croisé Onyx et avait trouvé son fils à la place.

— Quant à ceux que j'aime... Ils ont été nombreux, dans ma vie. Je ne pourrais tous te les décrire, et beaucoup d'entre eux sont déjà passés de l'autre côté.

Sans devenir triste, son regard se voila néanmoins d'une certaine mélancolie - mais plutôt que d'être abattue, la louve hybride préférait ressusciter les souvenirs heureux partagés avec tous ceux qui étaient partis, pour les cultiver et les garder précieusement. Lui était encore tout jeune : il pourrait profiter longtemps de ses proches et se les créer, ces souvenirs. Elle le lui souhaitait.

— J'ai toujours été très soudée avec ma famille. Mes deux mères sont mortes depuis plusieurs années, j'avais un frère adoptif qui s'est quelque peu effacé et s'est lui aussi éteint, mais il me reste ma sœur et mon frère de sang. Tous deux encore bien vivants, même si nos chemins nous ont amené à ne plus être autant ensemble qu'avant... Nous nous aimons toujours beaucoup.

Elle lui souhaitait la même chose, à lui et son frère.

— L'une de mes plus proches amies est morte elle aussi, il y a très peu de temps. Elle... A beaucoup souffert, dans sa vie.

Anita n'eut pas le cœur à dire qu'elle s'était donnée la mort. De ses pertes dont le deuil fut difficile, celle-ci était la plus récente et éveillait encore de la peine dans sa poitrine. Mais elle ne se laissa pas avaler par le silence : elle s'éclaircit la gorge, et reprit sur un ton plus léger.

— Mais il me reste encore quelques très importantes personnes. Je ne suis pas vieille au point d'être toute seule. J'essaye d'être présente pour les enfants de cette amie, ils sont comme mes neveux et ma nièce. Puis il y a Sakura, une louve que j'ai connue enfant étrangère au clan et que j'ai un peu pris sous mon aile, et qui est maintenant mère et guerrière respectée. Il y a mon apprentie Litchi, dont j'aime l'enthousiasme et la bonne humeur, elle ne se laisse jamais abattre et je pense qu'elle ira loin. J'apprécie aussi beaucoup de mes camarades de mes meutes, et d'autres qui viennent d'ailleurs - comme ta mère.

Elle lui adressa un clin d’œil complice.

— Et puis... Il y a Dez. Un ami d'enfance, qui m'est très cher. Nous avons partagé beaucoup de choses, il est très important pour moi et il a mon entière confiance. L'inverse est réciproque, je crois.

Non, elle en est sûre. Elle avait pour preuve des mots venant de lui, la réalité concrète de temps de moments passés ensemble, une promesse pour consolider toujours plus loin ce futur.
Mais un combat à l'issue incertaine se tenait encore entre eux et ce futur.

Elle sentit le jeune Mica être attentif au fil de son histoire, ses yeux toujours dans les siens, avides de cueillir chaque fruit issu des questions qu'il posa. Et la compassion qu'il exprima tira à Anita un sourire en même temps qu'un léger signe de patte, comme pour balayer toute peine qui pourrait subsister au sujet des deuils vécus.

—   Oh, je vois ces deuils comme le signe d'une vie bien remplie et vécue à son maximum. Non pas que je te souhaite de voir ceux que tu aimes s'éteindre, mais... Certaines sont inévitables. Et tant que l'on reste bien entouré, on en vivra d'autres - tout en recevant le soutien nécessaire pour les surmonter et profiter de nouveaux jours. C'est un peu comme une balance qui s'équilibre naturellement, pour avoir le plaisir de côtoyer de merveilleuses personnes, il faut aussi avoir la force d'accepter de les voir partir un jour, peut-être. Je suppose qu'on peut se prémunir de ça en se suffisant à soi-même et en ne créant aucun lien, mais ce serait une bien triste vie.

Elle haussa les épaules, se reprenant un instant plus tard.

—   Enfin... En tout cas, ça ne me conviendrait pas à moi. Mais tant mieux si d'autres sont heureux en restant seul toute leur vie.

Laissant derrière le passé, Anita conserva son sourire en réponse à l'expression plus malicieuse que prit le jeune loup et elle hocha la tête, en même temps qu'elle se relevait déjà à moitié pour étirer ses pattes et étendre ses ailes, comme prête à repartir à tout instant.

—   J'en serais ravie ! J'ai déjà survolé cet endroit de nombreuses fois, et quelque fois marché dans les alentours, mais je suis loin d'avoir exploré tout ce qu'il y à découvrir par ici.

Tournant son regard violet vers celui aux teintes similaires du fils d'Onyx, Anita attendit le signe du départ. Elle se laisserait guider de bon cœur par cette jeune âme pleine d'enthousiasme.