Revenir ➼ La famille

Demain.
J'avais dis sortir demain mais davantage de temps s'est écoulé. Quelques journées et quelques nuits, peut-être une ou deux semaines ; la notion du temps s'est transformé, depuis que je vis ici. Mon quotidien s'était calqué sur une routine implacable, régis par l'arrosage des plants, leur entretien, leur soin, les repas lorsque mon ventre gargouillait et de nombreuses heures de sommeil.
Depuis...
Tellement d'années.
Cela fait presque ou plus de cinq ans, me dirait mon corps. Celui au poil terne et aux dreads qui me tombent presque jusqu'au poignet.

Tellement d'années passées en solitaire, dans ce terrier où personne n'aurait pu venir me déloger.
Fermé à jamais.
Cru-t-on.
Je suis devenue la seule qui savait que non.
Et c'est pour ça, que je resta seule.

Se tenir devant la porte qui y mène est presque un moment d'émotion. Ca fait longtemps, que mon coeur n'a pas eu une pulsation aussi forte, sans que je ne sois énervé. Il battait toujours vite, lorsque je repensais à ce connard de Raeder qui m'avait poussé aussi, qui n'était pas mort de ses blessures puisque moi, j'étais resté vivante, comme à ces fachos et à ces culs-bénits que je détestais.
J'inspire.
Expire.
J'avance une patte, forçant ainsi l'ouverture de la terre et des roches et-

Le soleil est si aveuglant que je rentre aussitôt.

Il n'est pourtant que lumière au bout d'un tunnel.
Mais c'est déjà trop.

Je retenterais demain.

-

Demain à cette fois-ci des allures de ce soir.
Car repousser à chaque fois ma sortie ne me conduirait qu'à accepter de mourir ici sans honorer cette promesse faite à l'esprit du terrier.
Elle, qui m'avait laissé vivre tant de temps ici. Sans jamais s'interposer. Sans jamais me venir, jusqu'à ce que je l'appelle.
Elle, qui en contrepartie de m'avoir logé, ne demandait qu'à revoir les louveteaux qu'elle avait protégés.
Moi, qui voulait bien revoir l'un de ceux-là, surtout. Parce que c'était mon frère.
Et qu'il me manquait, en réalité, comme me manquait mes soeurs, comme me manquait mes amies.

Je m'apprêtais à les découvrir changés.
Je savais, pour les chiards de Prudy et d'Onyx.
Ils seraient déjà adulte.
Tous avaient dû vivre bien des choses.

Je me sentirais presque inconnue.
Comme je paraitrais sans doute comme une inconnue.

Avait-on gardé mes affaires, au fond de ma grotte taché de sang ?
Le refuge était-il encore existant ?

Il l'était, à la dernière visite de mon daron.
Elle remontait à longtemps maintenant.
J'inspire.
Expire.
J'avance une patte, forçant ainsi l'ouverture de la terre et des roches et-

Dehors j’entends la pluie tombée, c'est un orage d'été. Il fait nuit et l'air humide et chaud me happe.
Pas si différent, de celui dans le terrier.
Ce terrier dont je sors, un pas après l'autre.
C'est presque dérangeant, et je dois me retourner, pour constater la fermeture de la porte dans mon dos.

Si je m'en rapproche, elle se rouvre...mais ce n'est plus le moment, pour faire demi-tour.

« Je reviens vite. »

En compagnie de Ted.
J'hoche la tête. Hésite peut être une seconde...

Et puis le tunnel au sein de la pleine aux champignons, menant au terrier, est alors dépassé. Le contact de l'herbe tendre sous mes coussinets me fait écarte les doigts, et la pluie rince la poussière de mon poil.
Tout.
J'ai l'impression de tout redécouvrir.
J'ai l'impression de me remettre à vivre.
Pourtant tout n'avait été en suspend, entre l'agression et maintenant.
Mais...
Je chasse tout ça d'un mouvement de tête et je m'avance. J'ai presque froid, finalement. Il faut que j'extirpe de mon sac un vieux et long tissu troué, dont j'entoure mes épaules et rabat un pan sur ma tête en guise de capuche.

C'est comme ça.
Comme ça que je m'avance, en tournant la tête partout, tachant de me repérer à nouveau.

Ici, rien a changé.
Et le refuge semble toujours exister.

Amas de pierres et de corps endormis, dont je sens les odeurs. Beaucoup connus. Certaines inconnus.
Et puis...
Et puis...

Et puis je poussa un aboiement, plantée au beau milieu du lieu. Incapable de savoir quoi foutre d'autre, un peu paumé parmi tout ça.
Rauque et éraillée, d'avoir si peu parlée. J'ai le cœur qui bat à cents à l'heure.
Mais je veux leur dire, tout de suite

Je suis de retour.

Tu dormais pas, quand elle s'est plantée au milieu du Refuge. Cette forme immense, qui t'avais fait redressé un peu la tête. C'que tu dormais pas, depuis quelques jours, il faut dire. Ou peu, du moins.
Tu clignes tes yeux fatigués malgré tout
(ils sont paradoxales, à vouloir rester ouvert mais à se plaindre d'être fatigués ensuite)
Te demande c'que c'est. Ou qui c'est ?

Quelque chose qu'à une drôle d'allure mais qui aboie.
Quelqu'un que M'man reconnait, qui vous quitte soudain pour aller retrouver.

Gathou.

Tu clignes des yeux.
Et contre le flan de Mica, que tu vins trouver, tu murmuras étonné, peut être un peu choqué.
(tu étais choqué de beaucoup de choses, en c'moment)

« C'est... C'est elle, l'autre sœur de M'man ? »