Ocean [Geeti]

Vaste et impétueux.
Elle n'avait de cesse que de l'envier,
Le désirer.

Malgré la cruauté du rejet dont elle avait fait l'objet, ses yeux ne pouvaient quitter la surface plane et étincelante. Scintillante sous le soleil de midi comme des milliers d'étoiles, au loin l'horizon, vaste étendu de vague trouvant en son centre un rocher abrupte qui lui semblait si petit d'ici. L'île des Raeders.

Pour y avoir déjà apposé une patte et s'étant aidé de la cartographie, elle n'eut de mal à la trouver. Épine dans la brume à demi dissimulée. Si proche et si lointaine à la fois. Aujourd'hui l’Océan semblait particulièrement calme, l'eau presque tempérée, réchauffé par les rayons du soleil. La louve à la fourrure d’émeraude se tenait immobile, assise sur le rivage. Songeant à cette étendue d'eau qui la séparait de l'ile, étendu profonde qu'elle se savait en capacité de franchir après quelques brasses. Chose qu'elle s'interdisait pour l'instant.

Elle avait pris la décision de s'installer sur le flanc du continent, proche du littoral qui l'avait toujours inspirée, proche des eaux salées qui l'avaient toujours appelée malgré elle. Malgré son passé et sa destinée incertaine. Toujours, elle se sentait revenir au même point. Patchwork de sentiment à la fois attirée et repoussée, telle la marée, un électron libre.

De songe, de rêverie, de souvenirs de ses peintures d’antan, de son art. La louve respire à plein poumon l’air marin, avant de soupirer. Son passé lui semblait si lointain, nébuleux, disparaissant au profit d’une nouvelle vie qu’elle n’aurait su imaginer ainsi.

Solitude.

Qui ne dura point, qui ne s’éternisera pas d’avantages lorsque des paroles arrivent à ses courtes oreilles. D’abord, elle se tint immobile, soutenant son échange avec l’océan, puis, sans tourner la tête, sans quitter totalement l’orientation de son regard vers l’océan, c’est une oreille qui se penche vers la jeune louve au pelage solaire. Ses yeux toute fois, finissent par glisser vers elle, sans pour autant mouvoir sa tête, c’est n’est que lorsque que l’odeur de la jeune louve lui parvint qu’elle gagna en intérêt soudainement.

Une jeune raeders,portant odeur semblable à celle de Chimaera, elle pouvait être trompé. Ses oreilles vont d'avant en arrière.

« Je suis peut-être agée, mais je ne suis pas sourde »

âgée oui, plus qu'elle ne paraissait de prime abord,
qui pouvait s'en douter alors qu'elle arborait toujours
cette même belle fourrure.

Ses yeux se plissèrent, formèrent deux amandes émeraudes qui toise le petite louve, elle ne devait pas être bien vieille. Une année tout au plus.

Sa voix se fait tendre, aucune once de moquerie.

« Bonjour, Petite Ecume. »

Car c'était ce qu'elle était, une bulle de savon, perdue dans l’Océan, insignifiante aujourd'hui mais qui deviendra puissante vague demain.

« Que me vaut d'avoir de la visite ? Tu fais une balade hors de Morne-oeil, ou bien tu viens simplement saluer une voisine ? »

Cette fois, elle se penche un peu vers elle. Calme et douce.

À réponse marquée d’enthousiasme, un sourire prononcé et sincère s’afficha. Cette fois, elle tourna la tête d’avantage, observant la jeune louve toute gonflée d’orgueil, lui rappelant à son bon souvenir l’attitude de ses propres sœurs à son âge, des guerrières farouches.

« Fort bien »

Elle acquiesce de la tête. Elle n’en attendait pas moins d’une jeune raeders.

« à vrai dire, je viens d’arriver sur la côte. Je ne suis pas encore installée.»

Et elle n’était pas vraiment pressée de chercher un abri, se contentant de profiter de cette belle journée.

« Je te remercie. L’on me nomme Wasabi, tigresse des mers était mon surnom.»

Celui qu’elle a daigné conserver.

La louve tourne à nouveau le nez vers l’océan. Elle apparait un peu soucieuse l'espace d'un instant. Puisque rien ne s’était produit, puisque rien ne s’était échoué, elle devait se rendre à l’évidence, elle allait devoir aller pêcher pour se nourrir.

« L’océan ne m’a pas offert ses faveurs aujourd’hui. »

Elle penche la tête, jusqu’à mettre son museau à la hauteur du sien, tout près jusqu’à ce qu’elle puisse en sentir le souffle tiède.

« J’eus une "histoire"avec votre capitaine, il y a fort longtemps »

Une phrase et une attitude qu’elle savait sujette à interprétation qu’elle roucoula entre ses crocs.

« Ainsi qu’un arrangement avec Ann’ la maîtresse des rituels. »

Louve qui n’était plus, mais cela, elle l’ignorait encore.

« Tu pourras lui demander de te raconter. »

Si tu l’oses.

Elle acquiesce sobrement, pourtant la jeune louve ne semblait saisir toute la portée de ses mots. Peu importe que ses mensonges et ses entourloupes n’aient l’effet escompté. Cela n’avait que peur d’importance aux yeux de la grande dame passa rapidement à d’autres préoccupations.

« Nous avons combattu ensemble, il y a bien longtemps. Nous aurions dû nous retrouver pour d’autres affrontements, mais le destin nous à séparer. »

Ses yeux étaient perçants, on ne pouvait douter qu’un imprévu avait versé comme de l’eau glacée dans sa tasse de thé. Elle détache son regard de la louve, fixe de nouveau l’horizon et le ciel.

« Une sacrée tempête ce jour-là. J’en ai conservé quelques souvenirs impérissables. »

Tracé dans sa chair.

À l’annonce de la mort de l’ancienne Maîtresse des rituels, son regard se couvre d’un voile, surprise d’abord puis peinée, tout en pudeur, ce ne fut qu’une vague passagère qui ne vint humidifier ses joues, la tristesse ne fit que la traverser, sans ternir ses traits bien vite, sa stature retrouva son équilibre.

« L’Océan l’aura donc emportée – Elle aussi-. Je brûlerai de l’encens ce soir pour elle. »

Pour elle,
Et pour les autres.

Et combien d’autres,
Elle comprend la colère
et ma froideur arborée par le capitaine.

« Les temps ont bien changé. On ne sait jamais quelle tempête nous menace. »

Accompagné d’un soupire discret, ses yeux se cloisonnent, renfermée sur ses réflexions, elle s’interroge. Combien d’année s’étaient écoulées à son insu , elle peinait encore à en peser le poids. Sans obtenir certitude, il lui était aisé d’imaginer les années s’étant écoulées, les saisons passées, les générations qui s’étaient succédées et ses Frères et Sœurs certainement disparus à leur tour. La tristesse aurait pu l’entacher de nouveau, mais elle chassa bien vite ces préoccupations pour se recentrer sur la petite louve.

C’est d’un souffle lent qu’elle s’exprima.

« Au moins les Raeders auront su trouver nouveau ritualiste pour maintenir leur culte »

N'était-ce pas ce qui importait le plus, qu'ils continuent à exister malgré les aléas ?

Naël.

Un nom important que la louve émeraude gardera en mémoire, des informations utiles.

« Et toi, que fais-tu pour l’équipage ? »

Quel rôle joues-tu ?
Dans ce grand théâtre.

« Vous disposez de tout ce dont vous avez besoin ? Dis-moi si je peux faire quelques choses. »

Ainsi désire-t-elle devenir capitaine à la place de celui-ci.

La grande louve émeraude ne demandait qu’à voir., voir comment une petite louve pleine d’audace saurait se hisser jusqu’au sommet de la hiérarchie des Raeders. Un sourire apparaît sur ses babines, tandis qu’un petit ricanement s’élève. Amusante petite louve, qui ne mâchait pas ses mots. Elle était tout son opposé, lorsqu’elle était jeune, brûlante du désir de faire ses preuves sans pour autant embraser son propre destin tragique.

« Sais-tu que le moyen le plus rapide de devenir capitaine est de vaincre celui-ci lors d’un combat singulier. Si l’ancien code n’a pas changer, cela signifie que c’est toujours le cas. Je ne m’y risquerai pas si j’étais toi. »

C’était donc cela son problème.
Chimaera avait toujours été
quelques peu difficile à convaincre.

« Une petite difficulté ne devrait pas ainsi entacher la stature d’une grande dame. » D’une patte amicale glissée sur son menton, elle lui redresse la tête.

« Ne pas savoir respirer sous l’eau ne m’a jamais posé problème. Bien sûr cela rendrait la pêche plus aisées, mais cela ne semble pas être ce que tu recherches, la facilité. » Elle penche la tête, incline ses deux oreilles à demi, tout en la confrontant de son regard de biche.

« La nage n’est pas qu’une histoire de force, crois-moi. C’est plus comparable à une danse, elle demande de la grâce et de la légèreté. »

La louve se lève, déployant son habilité habituelle, sa grâce surnaturelle. Cette aisance dont elle pouvait disposer aussi bien sur terre qu’en mer. Elle fait quelques petits tours sur elle-même, posant ses pattes une à une sur sable détrempé.

« Quant à l’apnée, c’est une histoire de souffle et d'esprit. Tout se passe ici et là. » Elle lui appuie une patte sur le poitrail suffisamment fort pour qu’elle ressente la pression contre sa cage thoracique, puis contre son front.

« Montres-moi, je saurais te conseiller. »

Ses yeux se ferment sur un large sourire. Elle lui sembla des plus déterminées cette petite louve, d’une ambition débordante et d’assez bonne constitution. Elle pencha la tête sur le côté, faisant tombé les longues mèches de cheveux noirs devant ses yeux..

« La concurrence sera rude. »

Elle ne doutait pas qu’ils seraient nombreux à envier cette place au commande du Navire, à la tête de l’équipage, en possession d’une montagne de trésors aussi sonnant que scintillants. Elle les imaginait nombreux lorgner sur cette place occupée depuis des années déjà par Chimaera, sans partager cette obsession pour le contrôle et le pouvoir, n’ayant goût que pour l’or et les pierres précieuses, elle se serait bien contenté de quelques bijoux un peu clinquant.

« Bien sûr, ma petite Écume, à cœur vaillant rien n’est impossible, tout dépend de la quantité de temps et d’efforts que tu accordes à ton ouvrage. »

Elle avait bien appris, elle, à force d’essai et d’erreurs, alors que rien ne l’aurait prédestinée à devenir une créature à l’aise dans les eaux salines.

On dirait bien que j’ai du pain sur la planche.

« Rien de grandiose ne s’est jamais fait en un jour. Alors concentres-toi sur ce qui est important, ici et maintenant. Le reste viendra. »

Sauf peut-être par la magie, mais elle n’avait aucune propension à en faire l’usage ou à en demander l’usage à quelque uns, divinité ou non.

« Hm, tu m’as l’air peu à l’aise avec cet élément. »

Est-elle vraiment originaire de la meute ?
Les petits Raeders ne faisaient pas leur armes dans l’eau presque à la naissance ? N’était-ils pas si analogue à cet élément qu’ils en étaient indissociables ? Il lui apparaissait étrange qu’une jeune Raeders dans la force de l’âge, lui semble si maladroite.

« Qu’est-ce que l’Océan t’inspires ? Qu’est-ce qu’il provoque en toi ?»

Pour elle, c’était comme une mélodie apaisante, un poème venant raisonner à ses oreilles, apaisant et réchauffant son cœur. Une merveille infini plein de richesse.

Je comprend.

La louve ferma ses yeux émeraudes, traçant sur ses babines les courbes d’un sourire léger qui ne dépareillait pas avec la douceur de ses traits. Elle partageait l’euphorie curieuse des loups des mers, cette fascination pour l’indomptabilité et la férocité de l’Océan. Pourtant malgré la dangerosité évidente de cet élément, elle ne pouvait s’en détacher, accourant toujours au chevet des vagues, noyant son regard dans les cercles et les remous, s’abandonnant aux rafales et aux roulis. Il était un tout qu’elle se plaisait à apprivoiser, une maîtresse exigeante dont il fallait satisfaire la moindre exigence.

« L’Océan, je l’ai désirée pendant des années durant. Il m’a toujours fasciné, je peignais ses traits, ses humeurs, ses couleurs, je me plongeais dans mes propres sentiments à son égard et ces sensations qu’il procurait en moi. »

Dans son esprit, ses souvenirs, ceux de la falaise surplombant la mer après les pins. Lieu de refuge, où elle venait sécher ses larmes et mettre fin à ses doutes. Jusqu’à s’en trouver libérée par l’Océan lui-même.

« J’aurais tout envoyé aux quatre vents pour flirter avec l’Océan. »

Ce qui aurait pu prendre les airs d’un mensonge ou d’une extrapolation, n’en était guère, elle apparaissait très sérieuse sous ses traits fins, une certaine sévérité emprunt de détermination farouche.

N’est-ce pas ce qu’elle fit.
En s’attirant les foudres d’un Dieu continental.

« Tu n’as rien à craindre de l’Océan, puisque tu es devenu fille de celui-ci. Alors apprendre à te laisser porter par lui, cesses de lutter contre lui, laisses le t’engloutir. Tu n’as qu’à retenir ton souffle si un vague te submerge.»

C’est avec la plus grande des souplesses qu’elle se redressa sur ses quatre pattes, grande louve au pelage d’eau.

« Lorsque tu serais suffisamment à l’aise avec lui pour te laisser porter parmi les vagues et t’immerger tout en retenant ta respiration alors, tu n’auras plus qu’à perfectionner ta vitesse de nage, ta propulsion, le style de danse que tu veux mener avec lui. Ce n’est ni un combat, ni une lutte. »

Peut-être avait-elle besoin d’une démonstration.
La louve s’étira tous ses muscles, fit rouler son dos en une courbe comme l’aurait fait un félin. Puis elle dénoua son foulard translucide et scintillant sous le soleil pour le plier sur le sable avec précaution. La louve se glissa parmi les yeux, dansante parmi l’élément aqueux, effectuant quelques brasses, quelques pirouettes dans l’eau en suivant toujours des tracés arrondis.

Puis, elle revint sur le sable, pour se ranger au côté de la jeune louve.

« Penses à utiliser ta queue comme le gouvernail de bateau, c’est elle qui t’aidera à choisir ta trajectoire. » Elle avoua. « La nage m’était bien plus facile avant que je ne soit dépourvue de la mienne.»

Celle qui lui fut arrachée.
« Mais il suffit de s’adapter. »

N’était-ce pas ce qu’elle était entrain de faire ?
Lui transmettre un peu de son savoir, l’instruire à l’art de la nage. La louve cligna plusieurs fois des yeux, papillonnant des cils, surprise par la demande pressante de la jeune louve couleur de soleil. Pourtant, elle devait bien reconnaître qu’elle n’avait actuellement aucune idée de ce dont elle aurait réellement besoin à l’avenir.

« Il y a bien peu de chose dont j’ai besoin, j’en ai bien peur. »


Elle était une louve simple. Sachant se contenter d’un peu d’alcool au clair de Lune lorsque les jours se faisaient plus nuageux. Elle amena une patte jusqu’à son menton, songeuse, cherchant ce qui pouvait bien lui manquer sur cette terre, ne pouvant décidément pas demander à une enfant de lui amener un Navire, la louve du se tourner vers ce qui lui semblait le plus susceptible d’être obtenu par une jeune louve malicieuse et aventureuse.

« Hm, il y a bien quelque chose ... »

La louve fit la moue, ne sachant si un accord pourrait être conclus entre elles. Pensant que la jeune louve allait refuser de se séparer de ses biens pour le bon plaisir d’une inconnue qui ne lui promettait qu’une transmission de son savoir pratique.

« Si au cours de tes aventures il t’arrivait par un heureux hasard de trouver quelques bijoux en or, ou bien quelques pierres précieuses. Alors, j’accepterai peut-être de t’en débarrasser. »

ce n’était qu’une possibilité. La louve émeraude ne faisait que sauter sur une occasion de s’enrichir et porter plus de parure clinquante encore pour rehausser sa beauté.

«Mais attention, n’essaies pas de me rouler avec de la pacotille, ce que je veux, c’est de l’or sonnant et trébuchant bien entendu, les grandes dames ne se parent pas de camelotes et de faux. »

Inutile de lui amener quelques babioles, elle saurait faire la différence entre ce qui est précieux et ce qui n’est pas. Elle ne souhaitait s’encombrer de plus de caillou sans valeur quel que soit leur brillance, elle était une dame distinguée, pas une vulgaire potiche à laquelle on offre n’importe quel présent que l’on trouve à bas prix.

« Ne t’inquiètes pas, je ne te demande pas mon poids en or, seulement de quoi étoffer un peu ma collection. »

Parce qu’elle aimait ce qui est beau et n’avait pas à rougir de cela.

C’est par un regard en coin que la louve émeraude observa les réactions de la plus jeune, allant d’ excitation en déception, pour de déception en triomphe lorsque la louve lui annonce n’attendre d’elle que quelques bijoux de valeur. De vraie montagne russe émotionnelle qu’elle semblait avoir provoquer dans le cœur de la jeune louve enthousiaste, ce qui eu le mérite de l’amuser un peu, elle, qui referma ses yeux sur un sourire sincère avant de hocher la tête.

« J’espère bien que tu m’offriras les plus beaux apparats que tu puisses me trouver. »

Elle lui offrit un clin d’œil de complaisance.

« Bien sûr que nous avons trouvé un accord. »

Comment aurait-elle pu lui refuser cette faveur dans tous les cas, alors que la jeune louve rayonnait d’autant de combativité, il était certain qu’elle n’aurait pas laissé passé sa chance et qu’elle aurait eu besoin que de peu de mot pour la convaincre.

La joie sembla émanée de la louve jaune et se rependre comme un trainée de poudre tout autour d'elle tandis qu'elle se déplaçait par petit bond. Wasabi n'avait imaginer une telle explosion de joie pour si peu d'effort qu'elle avait à fournir. Mais elle fut toute fois, heureuse que son intervention fut autant moteur pour la jeune louve.

« Tu n'auras pas de mal à me retrouver. N'oublies pas d'exercer tes talents. Et soit prudente surtout.»

La louve émeraude se courba un peu face à elle, posant son regard dans le sien, avec toute l'attention et l'amour d'une mère. Puis elle tourna les talons en direction de la falaise.

C'était une pratique quotidienne, le talent.