Pique-assiette [Libre]

Sujet: Pique-assiette [Libre] Dim 24 Mar 2019, 12:41

D'immenses murs d'enceinte fait de roches naturelles. Des tours dont les pics semblaient pouvoir empaler les cieux. Une végétation, bien que traditionnelle des montagnes, stratégiquement placée de-ci de-là pour donner, en plus d'un certains côté esthétique, des coins d'ombres là où les grottes commençaient. Et un fourmillement de vie, des insectes aux faucons hauts perchés, des loups aux mouflons galopant. Je te dis pas le montant du loyer. Yersine fit un pas tremblant, comme s'il s'attendait à tout instant qu'on le chasse. Puis un second, son regard scrutant chaque recoin, chaque silhouette, apeuré. Un troisième. Un autre. Encore et encore, tremblant. Il pénétra finalement la cour intérieure, et s'arrêta un bref instant pour regarder derrière lui.
L'impression qu'il abandonnait la vie sauvage lui fit un pincement au cœur, mais, aux dires de Boitaclou, il y avait bien mieux à vivre pour un enfant tel que lui. Les promesses de nourriture, d'amour et de jeux avaient fait mouche dans la tête de l'enfant. Il avait suivi le vieux loup du mieux qu'il put mais, hélas, lorsqu'il revint sur ses pas regrouper ses affaires, il était tombé sur une folle. Une folle qui l'avait torturé. L'obligeant à chanter. Le menaçant de le noyer. Lui arrachant un œil.
Le souvenir, encore douloureux, lui fit porter sa patte à l'orbite désormais vide et clos. C'était chaud. Gonflé. Douloureux. L’infection avait dû commencer et juré c'pas moi, le laissant fébrile. Affamé. Déboussolé. Et surtout, affreusement apeuré.

Dieux, qu'il avait peur. De la revoir. De la sentir. Son ombre. Ses cheveux d'or. Comme de la paille croustillante. Comme ses os sous son poids. Et ses fleurs. Ses fleurs. Lui qui les avait aimé, elles étaient désormais un cauchemar. Un relent d'immondes souffrances. Leur odeur, sucrée, était désormais liée à celle du sang. De son sang. Le chant de la forêt, silencieux, semblait pouvoir se briser par son rire à tout instant.
Les fleurs et le silence.
Deux choses qu'il avait aimé.
Deux choses qui laissait s’immiscer sa présence.

Un bruit au loin le fit sursauter, et, ne demandant pas son reste, il galopa du mieux qu'il put jusqu'à un renfort dans la pierre, se piégeant lui même. Bloqué dans un cul-de-sac, il ne chercha même pas à se retourner, préférant se blottir sur lui-même, petite boule de poil hirsute, ses deux pattes d'enfant cachant son visage et ses cheveux mouillés de larmes.

Sujet: Re: Pique-assiette [Libre] Lun 25 Mar 2019, 18:15

Dancefloor - Garde

Il y a de ça quelques jours, deux bêtas furent élus : Ptah et Lucie. Certains avaient rétorqués, non pas véritablement contre cette décision, mais plutôt face à l'attitude de leur alpha Cassandre. Face à ces plaintes houleuses et le ton montant, Alys avait obligé sa collègue à dévoiler son agresseur, mais ils n'en surent rien. Aucun nom et aucune apparence précise ne furent dévoiler. C'était le flou total. Ils n'avaient que la description de ses yeux, son sexe et son statut de solitaire pour se repérer. Ce qui est vraiment dérisoire. Il est peu probable que cet horrible individu rode autour de Grand Castel, mais le garde à la fourrure de feu devait rester vigilent.

Une ombre attira son attention tandis qu'il effectuait une énième ronde autour et dans le château troglodyte. Il releva la tête et scruta la zone, intrigué, où il lui semblait avoir aperçu quelqu'un du coin de l’œil. Par curiosité, il s'avança en trottinant, se disant déjà qu'il avait dû rêver ou qu'il avait dû s'agir d'un autre animal. Par précaution, il huma l'air et le sol. Il sentit bien vite que l'individu qui était passé par là fut bien un loup, mais qu'en plus, il s'agissait d'un inconnu. Ni une, ni deux, il remonta cette piste fraîche, bien décidé à trouver cet inconnu en question. Il était hors de question qu'un étranger se balade impunément chez eux. Il ralentit l'allure et baissa des oreilles lorsqu'il se dit que ça devait être lui. Lui, ce solitaire ayant sauvagement attaqué l'alpha Cassandre. Si ça se trouve, il s'est infiltré ici pour finir le travail ! Il pensa un instant à hurler une alerte, mais il se ravisa. Il devait d'abord être bien sûr de lui. Il ne pouvait pas clamer que l’individu suspect recherché est parmi eux, si ce n'est pas du tout le cas. Il affolerait tout le monde pour rien.

Plusieurs mètres plus tard, au détour d'un couloir, il cogna dans une pierre qui alla frapper contre la paroi d'en face, faisant rebondir l'écho du bruit. Dancefloor ne s'en préoccupa pas, mais il vit une silhouette inconnue se mettre à courir. Le lounard galopa à sa suite, décidé à le rattraper. Il ne fallait pas qu'il le perde des yeux. L'inconnu était petit, possédait une grosse chevelure bouclée et portait une écharpe volant au gré de ses foulées frénétiques. Finalement, l'étranger bifurqua dans un cul-de-sac. Victoire ! Le lounard au pelage de feu ralentit allure et se posta à quelques mètres de lui, bloquant ainsi le passage s'il tentait de s'enfuir. Il pourrait l'attraper s'il essaye de se dérober de sa présence.

Dancefloor évalua la situation. L'être était en boule contre la roche, lui montrant son dos. Il sentit la peur émanant de lui. Il entendit des pleurs. Intrigué, il pencha la tête et avança doucement de quelques pas. Il s'arrêta à bonne distance. D'une voix calme et un peu basse, il lui parla.

Petit... Tu n'as pas à avoir peur, je ne te ferai pas de mal. Dis moi, qui es-tu et que fais-tu ici ?

C'était étrange. Qu'est-ce que faisait un louveteau solitaire chez eux ? Ou sont ses parents ?

Est-ce que, on t'a abandonné ici ?

Si tel est le cas, alors comment ont-ils fait pour franchir l'étendue de leurs territoires sans se faire repérer ? Surtout pour venir jusqu'ici. Un mystère qu'il comptait bien élucider. Le louveteau avait déjà plusieurs mois, au moins six vu son gabarit. Hum, dans ce cas, peut-être s'est-il tout simplement perdu lors d'un exercice, s'éloignant alors de ses parents. Mais dans ce cas, il a dû partir de loin pour atterrir ici...

L'ombre approchait. Inévitablement. Le lent tic tac de son temps semblait s'écouler à demie-mesure de son coeur, le laissant pétrifier dans sa torpeur. Les pas s’arrêtèrent, sa vision, moindre, fut assombrie. Et puis. Plus rien. Ou plutot, rien du tout.
Rien ne se passa.
Juste l'attente, interminable, de ses secondes.

- Petit... Tu n'as pas à avoir peur, je ne te ferai pas de mal.

La voix était masculine. Sensible. Paternelle. Comme un adulte, fatigué, qui se rendait compte que ce n'était que lui. Lentement, Yersine fit éclore sa tête de ses pattes, contemplant de toute sa minuscule personne le loup qui lui faisait face. Non. Ce n'était vraiment pas elle.

- Dis moi, qui es-tu et que fais-tu ici ? Est-ce que, on t'a abandonné ici ?

Il eut un sanglot, un hoquet de soulagement, tandis qu'il se relevait, encore tremblant. Ce qu'il faisait ici ? Bonne question. On lui avait dit de venir ici. Qui ? Hm, il ne se souvenait que de son physique étrange. De sa voix abrupte et chaleureuse. De sa gentillesse. D'un mouvement de patte, il essuya sa truffe, puis, déglutissant, chercha à répondre.

- Un... Un grand loup. Tout nu. Avec des clous sur la tête. Chais plus son nom... chuis désolé. Jvoulais pas, fit il en reniflant, mais il a dit qu'y'avait de la nourriture et des enfants et... et moi... chuis tout seul...

Il renifla une seconde fois, essayant de fuir le regard de l'adulte. Ou plutôt, que son regard ne croise pas le sien, si... brillant par son absence. La grande question était maintenant de savoir ce qu'il allait advenir de lui. Il aurait aimé rester. Mais probablement que les parasites dans son genre étaient déjà bien trop nombreux, les chasseurs bien trop affublés de travail, et les proies, bien trop rares en ce début de printemps. Après tout, qui était il ? Un gamin, sans famille, bon à rien. Pas franchement le must pour une meute.

- Jpeux rester ? juste pour la nuit.... supplia t'il d'une voix cassée et pathétique.

Lucie

La guerrière était allongée dans la tanière des Bêtas. Cela lui faisait si bizarre, d’être ici, dans cette tanière. Elle avait les yeux fermés, mais pourtant, elle ne dormait pas. Son aile turquoise était repliée sur elle, toujours ornée des bandages crèmes, qu’elle changeait régulièrement en attendant que son aile cicatrise. L’endroit où la solitaire verte s’en était prise avait laissé place à une plaie, et une perte de plumes, qui commençaient enfin à repousser. Mais si elle pliait bien l’aile, personne ne remarquait la blessure, seulement les bandages qui, dans cette meute, pouvait aussi bien être un ornement qu’une nécessité.

Mais une odeur la tira de son semblant de sommeil. Elle se redressa et regarda par l’ouverture de la grotte. L’odeur lui rappelait la grise solitaire au rire dément. Grise qui s’était dise enceinte. Qui avait dit lui voler ses enfants. Ou plutôt, sa fille. Pas de risques par là. Lucie était célibataire jusqu’au fond de sa moelle.

Elle secoua la tête, se recoiffa d’une patte pour que ses cheveux châtains raides restent dans leur carré perfectionniste, avant de sortir de la tanière et de regarder autour d’elle de son regard vert-bleu. Il n’y avait personne de suspect dehors. Une nourrice, deux jeunes apprentis, mais rien qui n’inquiète la louve à une aile. Cette dernière leva la truffe et huma l’air. Pourtant elle ne s’était pas trompée, l’odeur était bien là. Elle entendit un bruit de griffes, et pivota ses oreilles rapidement, avant de tourner son museau vers la source du bruit. Elle s’approcha, contournant un gros tas de rochers, et vit Dancefloor, un de leurs gardes. Le loup orangé se penchait sur quelque chose, et la bêta s’approcha encore.

Que se passait-il donc ici ? Quelle était cette odeur ?

Elle Dance demander à quelqu’un si il avait été abandonné, et ses yeux s’ouvrirent grands, en entendant une voix fluette répondre depuis un trou entre deux roches. Un jeunot ? Ici ? Il n’était certainement pas Etelkrus, alors comment était-il parvenu jusque là sans que les gardes l’interceptent. Enfin, maintenant que Dancefloor l’avait trouvé, c’était chose faite.

« Que se passe t-il ? » demanda-elle doucement, en s’approchant.

Lucie avait un énorme faible pour les orphelins, car elle-même, en avait été un. Abandonné par son père, qui était ensuite mort, sa mère décédée à sa naissance. Si elle n’avait pas été accueillie ici, elle n’aurait jamais survécu.

Et soudain, entre les rochers, elle l’aperçut. Petit bout de loup sombre. Le petit bout de loup que la solitaire grise avait tenté de manger. Le petit bout pour lequel elle s’était battue, et s’était amochée l’aile. Un élan de chaleur maternelle emplit la bêta qui s’assit. Son cœur battait la chamade. Alors c’était comme ça, que Elaine s’était sentie, lorsqu’elle les avait trouvés, elle et son frère Icare, cachée dans sa tanière ?

« Coucou petit, comment t’appelles-tu ? » lui demanda-elle doucememnt.

« Moi c’est Lucie, et voici Dancefloor » dit-elle en jetant un sourire au loup orangé pour le remercier d’avoir trouvé ce jeunot. Il était décidément un très bon garde qui faisait attention au territoire, même lorsqu’il était au camp, elle se rappellerait d’en faire part aux Alphas à l’occasion.

« Il me semble que c’est Boite à Clou à qui tu as eu affaire, et il a raison, il y a des petits et de la nourriture ici…. » elle hésitait. Il était Solitaire, il n’avait pas sa place ici, mais il pouvait devenir Etelkrus d’un autre côté, et avoir une place ici. Avoir une famille. Elle savait ce que ça faisait, d’être seul au monde….

« Mais ici, tu es chez les Etelkrus, et nous n’avons pas l’habitude de nourrir les petits qui ne sont pas Etelkrus. Toutefois, je te permets de rester la nuit. Tu seras sous ma responsabilité, ainsi que celle de Dancefloor, si cela te convient, Dancefloor ? Nous te trouverons quelque chose à manger. » lui dit-elle.

Puis elle inspira. Il fallait qu’elle lui demande, cela lui trottait sur l’esprit. Est-ce que c’était vraiment la solitaire, qui l’avait blessé ? Si oui, Lucie s’enflammerait. Elle le connaissait à peine, ce petit, mais elle voulait l’aider. C’était comme une chance donnée par les dieux, pour rendre la chance qu’elle avait eu d’être sauvée par les Etelkrus.

« Mais d’abord, il faut que tu me dises quelque chose. Je t’ai déjà rencontré, une fois, à la montagne. Je me suis battue contre une solitaire verte aux cheveux blonds, qui voulait te manger. Qui est-elle ? Est-ce que c’est elle qui t’as fait mal à l’œil ? » demanda-elle doucement.

Dancefloor - Garde

La bouille humide du louveteau sortit de ses pattes. Il était tout mignon avec sa chevelure bouclée et ses yeux humides. Face à la non-animosité et le caractère calme de Dancefloor, le petit calma ses tremblements et se releva. Il se frotta la truffe avant de répondre :

Un... Un grand loup. Tout nu. Avec des clous sur la tête. Chais plus son nom... chuis désolé. Jvoulais pas, mais il a dit qu'y'avait de la nourriture et des enfants et... et moi... chuis tout seul...

Bien que la description soit simple et sans aucun détail de couleurs, il savait très bien de qui il voulait parler. Des clous sur la tête. Il n'y avait qu'un seul individu chez eux ayant une tête aussi atypique : Boite à Clous, leur croque-mort. Ainsi donc, l'enfant inconnu avait croisé l'un des leurs et était ici de part une "invitation". Dancefloor gardait les yeux sur lui et s'assit, tandis que lui, évitait soigneusement de le regarder.

Jpeux rester ? juste pour la nuit.... Demanda-t-il d'une voix fluette et peu sûre.

Hum. C'était une décision assez difficile. Le garde au pelage de feu pourrait dire oui, mais ce n'est pas de son ressort. Il faut qu'il voie avec un supérieur pour en avoir l'approbation ou non. Il n'avait pas envie de jeter dehors un louveteau visiblement orphelin. D'autant plus qu'il est là grâce à Boîte à Clous. Néanmoins, si les supérieurs ne souhaitent pas de lui, alors il devra partir. Alors qu'il s'apprêtait à lui fournir le nom de sa connaissance, une voix féminine l'interpella.

Que se passe t-il ?

Il tourna la tête et vit Lucie. Elle arrivait vers eux. Il se recula, lui laissant le passage jusqu'à l'enfant inconnu. La voix douce de la nouvelle bêta et son tempérament calme inciterait d'autant plus le louveteau à être rassuré. Lorsque Lucie vit la boule de poils, ses yeux semblèrent s'illuminer. Elle lui demanda son nom et les présenta. C'est vrai, les présentations. Il n'avait pas demandé l'identité du jeune. Dancefloor avait souhaité avant tout connaître le motif de sa présence. Lucie poursuivit en divulguant le nom de leur croque-mort et Dancefloor ne fit que hocher la tête, validant ce renseignement. Quant à la question de s'il pouvait rester ici ou non, la récente bêta hésita aussi pendant un temps.

- Mais ici, tu es chez les Etelkrus, et nous n’avons pas l’habitude de nourrir les petits qui ne sont pas Etelkrus. Toutefois, je te permets de rester la nuit. Tu seras sous ma responsabilité, ainsi que celle de Dancefloor, si cela te convient, Dancefloor ? Nous te trouverons quelque chose à manger.
- Oui, dame Lucie, je m'occuperai de lui tenir compagnie. Il se tourna un instant vers le louveteau : Si tu veux, je te ferai faire un tour du lieu et je pourrai aller jouer avec toi et d'autres louveteaux.

Le lounard était content d'avoir une telle mission. Il aimait les louveteaux, jouer et les faire bouger en rythme de son pouvoir. S'il avait été une femelle, il serait nourrice. Sans nul doute que l'enfant inconnu appréciera aussi. Au moins, il passera le reste d'une bonne journée avant de devoir peut-être partir.

Dancefloor écoutait en silence. Il n'avait rien à ajouter, devenant spectateur de cette discussion. Lucie porta un intérêt particulier au louveteau. Ils s'étaient rencontrés et elle lui avait sauvé la vie d'une louve cannibale. Dame Lucie avait du courage. Quelqu'un de cannibale, c'est quelqu'un de fourbe et féroce, sachant comment bien chasser ses congénères. Elle aurait pu se faire gravement blesser. Peut-être même qu'elle est devenue l'une des proies de cette cannibale. Seulement, il n'avait pas connaissance de cet individu, alors sans doute qu'elle ne rodait plus dans les environs. Enfin, elle devait être bien cachée dans les montagnes tout comme l'agresseur de Cassandre... Il écouta attentivement les réponses du louveteau. Lorsqu'il finit de répondre à la bêta, Dancefloor intervient, demandant juste :

Souhaitez-vous que j'aille chercher Boite à Clous ?

Puisque le petit était ici via ses renseignements, alors sans doute que le chien pourrait leur fournir plus d'informations à son sujet. Lucie était là, elle avait la situation en patte. C'était à présent à la femelle bêta de prendre la suite de l'opération. Dancefloor n'avait plus besoin de lui poser des questions pour obtenir des informations : Lucie les aura directement. Ainsi donc, il n'avait rien à faire ici, mis à part écouter et être présent si jamais la louve à l'aile unique à besoin de nouveau de ses services. De plus, la conversation devenait personnelle.
--
Le lounard attendit une réponse qui ne vint pas. Le petit eut une réaction exagérée de peur face à la mention de cette louve solitaire dangereuse qui lui a fait du mal. Lucie prit immédiatement la situation en patte, réconfortant le louveteau en se mettant à son niveau et en le prenant délicatement contre elle. Dancefloor prit alors l'initiative de partir à la recherche de Boîte à Clous, laissant la bêta et le louveteau entre eux.

Le discours du gamin semblait avoir fait mouche, mais avant même que le garde fluo ne réponde, une silhouette, plus fine, ailée, s'avança vers eux. Jamais Yersine n'avait vu aussi sympathique pour l'oeil. Un pelage roux contrastant avec des plumes écume des mers, entaché de noir et de crème, formant tatouages et symboles dont la signification échappait au louveteau.

« Coucou petit, comment t’appelles-tu ? Moi c’est Lucie, et voici Dancefloor »

Il tenta de répondre à son sourire, mais ne fit que grimacer, bien trop stressé pour ne pas tendre ses jeunes muscles a leur maximum. Cependant, cela ne sembla pas déranger la louve. Ni l'hybride. Les adultes étaient parfois bien étranges, mais, de toute évidence, ceux-ci pouvaient obtenir un prix d'empathie.

« Il me semble que c’est Boite à Clou à qui tu as eu affaire, et il a raison, il y a des petits et de la nourriture ici…. »
- Oui, Boitaklou ! s'exclama t'il, si satisfait d'avoir retrouvé le nom de cet allié que toute sa peur crispante s'était soudainement éclipsé.
- « Mais ici, tu es chez les Etelkrus, reprit elle, et nous n’avons pas l’habitude de nourrir les petits qui ne sont pas Etelkrus. Toutefois, je te permets de rester la nuit. Tu seras sous ma responsabilité, ainsi que celle de Dancefloor, si cela te convient, Dancefloor ? Nous te trouverons quelque chose à manger. »

Yersine baissa la tête, penaud. Petite joie fugace comme le printemps, déjà envolée. Le voila borgne et de nouveau esseulé. Oh, certes, il mangerai à sa faim et dormirai contre le ventre chaud d'un quelconque adulte cette nuit, mais, qu'adviendra t'il la nuit prochaine ? Et celles suivantes ?

« Mais d’abord, il faut que tu me dises quelque chose. Je t’ai déjà rencontré, une fois, à la montagne. Je me suis battue contre une solitaire verte aux cheveux blonds, qui voulait te manger. Qui est-elle ? Est-ce que c’est elle qui t’as fait mal à l’œil ? »

L'enfant se figea.
Elle avait été là.
Elle avait été là quand il dormait avec les autres.
Elle avait été là, si proche.
Elle.
Elle.

Elle.

Ses pattes tremblèrent, son échine se soulevant en un poil terrifié, tandis qu'il dardait un regard écarquillé sur la jeune femelle. Elle. Elle avait voulu le manger. Elle avait voulu finir son œuvre. Son hors-d’œuvre. Monstre aux fleurs se posant au dessus de lui comme la dernière des ombres. Et il n'avait rien vu. Rien senti. Il serait parti ainsi. Sans traces. Sans savoir comment. Sans un dernier mot ou un dernier regard sur ce monde. Juste le sommeil dans la neige. Éternel. Froid.
Sanglant.

Il entendait son rire au loin, ancré si profondément dans sa tête qu'il chantonnait comme un écho. Des mots, des murmures. Son sourire carnassier. Ses dents. Ses dents si coupantes, si proches. Le dernier souvenir de sa vision encore intacte. A peine brouillée par les larmes. A peine figée par le temps. Comme si toute la douleur revenait, pulsant, suintant, chaude et âpre, sur son visage.
Il posa une patte, comme un réflexe, sur son orbité évidé.
Mais rien ne calma ce soudain pic de douleur. De terreur.

- Il. Il faut pas que le monstre aux fleurs me trouve.

Il recula au plus profond de son trou, préférant la calme noirceur aux sombres souvenirs. Il secoua la tête en signe de négation, le regard vide, toujours aussi crispé sur un point, invisible, comme perdu dans ses pensées, sans jamais cesser de trembler.

- Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas. Il faut pas.

Au fur et a mesure qu'il débitait ces mots, uniques, échos, comme une leçon qu'il avait durement apprise, il s'allongea sur le sol, cachant son museau entre ses pattes, comme pour étouffer ces bruits, ces murmures déments. Et quand enfin il se tut, ce ne fut plus qu'une boule de poil hérissée, tremblante. Sanglotante.

Lucie

Le petit réagi horriblement, son trouble du stress post traumatique le transformant complètement, d’un petit jeunot mignon en petit animal effrayé, paralysé par sa peur. Elle le vit s’écraser par terre, et elle comprit, bien évidement, ce que le monstre lui avait fait. Le regard turquoise de la louve s’emplit de fureur et de dédain. Elle l’écorcherai vivante. Cette garce.

Elle reprit sa respiration et s’allongea par terre, en face du trou, en face du petit. Il avait l’air si horrifié, si seul, mutilé par cette horreur… Elle sentait comme une lance dans son cœur à le voir là. Elle, qui avait juré de protéger la veuve et l’orphelin, en devenant chevalier, se trouvait soudain projetée devant une dure décision. Elle pouvait agir là, maintenant, et bien embêter les Alphas, ou elle pouvait rester sur ce qu’elle venait de dire. Elle se sentit enserrée dans un étau. Celui du devoir, celui de l’éthique qu’elle portait. De la justice. Elle inspira doucement.

« Chut… ne t’inquiète pas petit. Elle ne te trouvera pas ici. Je l’ai battue une fois, et je le referai s’il faut. Tu es en sécurité avec nous. » lui dit-elle tout doucement, des petites larmes perlant dans ses yeux.

Cette bagarre, qui lui avait couté son aile pour les prochains mois, qui était blessée, pleine de bandages, dure à mobiliser… Tout ça valait le coup. Elle allait l’aider, contre la tyrannie, et l’horreur macabre de la solitaire.

« Je te protégerai à partir de maintenant, promis. Et si tu veux, tu peux rester avec nous. » lui souffla-elle tout doucement, essayant de le sortir de la prison d’horreur dans laquelle il s’était plongé.

Un petit comme ça ne devrait jamais vivre de telles horreurs. Et à partir de maintenant, elle en ferait son devoir, de le protéger, de lui donner les moyens d’échapper à cette horreur. Elle l’aiderait, si il voulait, et si il le voulait, et qu’elle pouvait en convaincre les Alphas, elle le prendrait comme apprenti. Elle, la bêta des Etelkrus, prendre un petit solitaire comme apprenti, ce serait risqué. Mais son devoir de chevalier lui disait qu’elle faisait ce qu’il fallait faire. Ce petit avait besoin qu’on l’aide, qu’on le protège. Et elle voulait être là pour lui.

Elle lui tendit une patte, à lui, au fond de son trou dans la roche.
« Moi aussi quand j’avais ton âge, je n’avais pas de parents. » lui avoua-elle, des petites larmes perlant dans ses yeux, un sourire réconfortant aux babines.

Elle espérait plus que tout qu’il lui permettrait de l’aider. Elle voulait plus que tout le voir aller mieux. Ce petit bout de loup.

» I did it for you | Libre
» So far - Libre.
» That's the way it is [Libre]
» Somebody out there ? | Libre
» In the end | Libre