La Mort [Libre]

Tel un glas sonnant au loin, la réponse de Prudy fit échos dans le corps d'Heinly. Il la regardait lui parler de la Beauté. S'"tait-il trompé ? Plus les mots sortaient, plus il en avait l'impression. Il n'avait vu que le côté périssable du physique sans prendre en compte la magnificence de l'âme. Il s'était arrêté de réfléchir alors que tout pouvait être beau. Tout pouvait être Rose. Elle venait de lui faire comprendre que l'intelligence était périssable. Même la Mort qui l'avait guidé était belle à ses yeux. Il fut déstabilisé. Heureusement la découverte des ouvrages le ramenèrent et lui firent reprendre contenance. Il regarda la magie s'opérer. Livres posés devant eux, ils s'ouvrirent et les pages tournèrent. Il lança un regard à La Licorne.

« Je ne te pensais pas magicienne.

Il était impressionné. Il se racla la gorge pour reprendre contenance et il se pencha sur les ouvrages, regardant les schémas sur lesquelles Prudy avait arrêté les pages. Il n'y comprenait pas grand chose alors prudemment, il prit le premier livre, le mettant devant lui.

« La nécromancie, lu-t-il tout haut, le titre.

Il regarda la louve puis doucement, il commença la lecture, toujours à haute voix. L'ouvrage traitait de la Mort. Les premières pages ne faisaient que citer plusieurs morts, celle par empoisonnement, les accidents, les suicides. Il était dit qu'en fonction de la mort de l'individu, un impact certain se faisait voir lorsqu'on essayait de rappeler leurs âmes du monde des Morts au monde des Vivants. Certaines nieraient alors leur propre décès, n'apparaissant que comme une âme tourmentée, peinée. Il s'agissait notamment des vivants assassinés par la Maladie, un prédateur/proie ou encore par l'un de leurs congénères. Il était aussi dit que de les rappeler à soi comprenait un danger : l'âme rappelée pouvait devenir une errante et, peut-être selon les circonstances de sa mort, chercher vengeance et ainsi nuire aux Vivants.

Quant aux autres âmes, celles emportées par le Temps, mortes mais en paix, elles se montraient plus dociles et plus bavardes, cherchant surtout à savoir les tournants de L'Histoire. Il était plus aisé de se retrouver face à elles pour obtenir réponse que face aux Torturées. Il était toutefois déconseillé d'appeler à soi plusieurs fois la même âme, qu'elle bonne ou mauvaise. Des passages répétés d'un monde à un autre pouvaient engendrer des séquelles. L'âme pouvait se retrouver à devenir une errante, une Torturée ou pis encore, elle pouvait disparaitre. Dans ce dernier cas, on privait tout simplement la personne de sa Mort. Elle devenait plus rien.

Heinly releva la tête vers Prudy. L'ouvrage traitait encore de nombreuses choses, notamment d'exemple et d'histoire de nécromanciens. Il y avait aussi des mises en garde, notamment une écrite en majuscule : "UNE AME PEUT S'EMPARER D'UN NECROMANCIEN AFFAIBLI". Le jeune nota cette information dans son esprit. Il venait de découvrir qu'il avait le moyen de discuter avec les Envoyés de la Mort. Pourrait-il rappeler à lui ses grand-mères ? Si Vivaldi reviendrait l'esprit en paix, il doutait que cela fusse pareil pour Neït, morte dans l'horreur pour des monstres.

Il arriva au dernier chapitre. Un petit rituel d'appel y était annoté. Lui était désireux de tenter, voir ce qui se passerait mais peut être que sa compagne de la journée n'était pas prête à voir des fantômes. Alors il garda le silence, attendant sa réponse.

Elle l'avait écouté jusqu'au bout mais contrairement à lui, elle était plus prudente -peut être était-ce lié à son nom ?-.Il l'écouta émettre un doute en question. Il s'arrêta pour réfléchir un instant puis, toujours en silence, il continua de feuilleter l'ouvrage, revenant même à des passages qu'il avait lu. Il cherchait si réponse Prudence aurait mais il ne trouva rien. Se souvenant qu'il était déconseillé d'en rappeler une plusieurs fois, il retrouva le chapitre en parlant et le mit sous la truffe de la louve.

« Si on en croit ce paragraphe, on peut en invoquer une plusieurs fois et c'est justement cette répétition qui les met en péril. Donc si on en invoque une et ce qu'une seule fois, ça ne devrait pas poser de problème !

Du moins l'espérait-il. Et puis bon, même s'ils foirent l'invocation, les Nakhus connaitraient un peu d'action dans leur vie morne de cueilleurs inutiles prônant paix débile.

« Je suis partant. Mais comme nous sommes deux, ton avis est tout aussi important.

Il la regarda, attendant une nouvelle fois sa réponse. Il espérait qu'elle serait positive mais dans le cas où elle ne serait pas, il attendrait sagement d'être seul pour tenter comme un grand ce rituel.

Il hocha la tête, l'air grave. Il espérait aussi que fiabilité tenait en estime cet ouvrage. Il tourna de nouveau les pages, quittant le paragraphe qui avait convaincu Prudence, pour revenir sur le rituel. Il remarqua qu'il y en avait d'autres mais certains mots lui arrachèrent grimaces. Il le lut une première fois en silence. Cela ne semblait pas si compliqué. Il reposa la livre devant la Cornu, le tournant vers elle pour lui montrer le symbole.

« C'est le rituel qui est le plus simple et le moins ... Meurtrier.

Il appréciait la Mort mais il avait été éduqué avec la notion que la Vie était précieuse, il ne pouvait aller égorger oiseau pour appeler mort. Cela engendrait trop de sacrifice pour une lubie quand bien même sa curiosité en était grande.

« Il consiste à répandre du sable en dansant. Il nous faudra réussir à reproduire ce cercle.

Il tapota le livre de sa patte. Le fameux cercle ne semblait pas être bien compliqué mais comme ils allaient être deux à le faire, il allait falloir un peu d'organisation pour éviter de se taper l'un contre l'autre et donc échouer.

« Comme il n'y a pas de précision, je suppose que la danse est à notre guise ...

Il n'était pas bon danseur mais bon, il espérait que les esprits ne s'en offusqueraient pas trop quand même.

« Et lorsqu'on aura fini, il faudra, tout en dansant pour y aller, qu'on se place face à face et hors du cercle. A ce moment-là, on devra donner de notre sang au sable.

Il la regarda. Lui était capable de s'infliger une telle douleur mais peut-être que ce n'était pas le cas de Prudence ? Il la laissa encaisser les informations, elle pouvait même relire l'ouvrage pour être sûre qu'il ne manque explication. En tout cas, la chance était de leur côté. Ils étaient sur une île, il serait donc aisé de trouver du sable !