Cette nuit - Libre

Etendue, seule, dans sa tanière, Holly haletait.
Elle avait jugé bon de confier sa fille à Perrine, lorsque le soleil s'était couché et qu'elle avait senti venir les premières contractions. C'était tout ce qu'il lui avait fallu pour qu'elle comprenne, bien vite, que les petits qu'elle portait depuis deux lunes s'étaient décidés à venir pointer le bout de leur truffe cette nuit.

Il n'y aurait personne près d'elle, pour cette naissance. C'était quelque chose de plus difficile à accepter que ce qu'elle aurait pu penser, et clamer, quelques semaines plus tôt, par ce que ça venait lui rappeler la difficulté de sa condition : Elle en était là, à être en cloque d'un inconnu, et seule, par ce que le dernier trou du cul qu'elle avait aimé avait préféré se barrer sur d'autres contrées, pour des prétextes vaseux.
Les larmes avaient coulées sur ses joues, un peu plus tôt, lorsqu'elle y avait repensé et, surtout, lorsque les craintes qu'elle entretenait depuis quelques semaines avait resurgi.

Elle était contente, d'avoir ces enfants, elle les avait tant voulus mais... Mais serait-elle capable de gérer sa petite famille, en étant une Maman célibataire ?
Est-ce qu'ils lui en voudraient ?
Est-ce que Nirvana accepterait ces enfants à naître ?

Ca fait mal.

La louve bleue serra les crocs. Cette réalité là lui fit oublier ces craintes, un instant. Inquiétudes où non, elle ne souhaitait pas faire machine arrière... Et de toutes manières, ce n'était pas une fois la mise bas commencée qu'elle pourrait le faire. Il lui faudrait faire preuve d'assurance et, comme elle se l'était promise, faire de son mieux pour que ses enfants soient heureux.

C'est ce qu'elle fera.

Elle gémit de douleur et referma la gueule sur l'une des couvertures en peau de bête sur lesquelles elle était installée. Si elle pouvait éviter de réveiller ses voisins de tanière, ceux ci lui en seraient probablement reconnaissants.
Il fallait rester silencieuse.
Relativement silencieuse.

Ses efforts ne furent pas vain et elle sentit venir le premier bébé. Dans sa poitrine, son coeur s'emballa et, sans personne pour l'aiguiller, elle prit la décision d'écouter son corps. Elle se retourna vers ses pattes arrières, un peu gauche dans ses mouvements, attrapant cependant, le plus délicatement possible, et en tremblant un peu, le premier né pour le ramener vers elle. De sa gueule, elle rompit la poche qui l'enveloppait.

Si elle avait, elle, le pelage couleur de ciel de jour, ce petit mâle là était nocturne. Il était beau, mais pouvait-elle réellement être objective ?
C'était son fils, après tout.
Son fils. Ca avait quelque chose de fou, de l'appeler comme ça, de l'avoir là, tout contre elle, de reconnaître certains de ses marquages, notamment sous ses yeux.
Son fils.

Cessant un peu de l'admirer, elle lui prodigua les soins suivants. Il fallait finir de le nettoyer et le poser, toujours doucement, contre son flanc afin qu'il puisse prendre son premier repas.

Le travail n'était, cependant, pas terminé.
Helga lui avait parlé de deux louveteaux, et son corps semblait être en accord avec la panseuse brune. Alors, la louve bleue se permit de laisser son fils pour se consacrer à ce travail à terminer, à cet autre bébé qui, comme son frère, se devait de prendre sa première inspiration.

C'était une petite fille, cette fois, au pelage plus clair que son frère, bien qu'éclaboussé de sombre. Il lui fallut un instant pour réaliser que ce qu'elle portait sur le corps n'était pas que des marquages. Il y avait des perles ! Comme son pouvoir ! Etait-ce Dairo, qui lui avait permis cela ?
Dans tous les cas, c'était amusant : Elle ne savait pas que les pouvoirs pouvaient se transmettre, en partie, aux enfants.

La petite louve eut droit aux mêmes soins que son grand frère, avant de le rejoindre contre son flanc.
Un sourire apaisé sur les babines, Holly ne les lâchait plus du regard. Elle était épuisée, mais ravie de leur présence à ses côtés, de voir que tout s'était bien passé, malgré ses craintes.
Il lui faudrait les montrer à Helga, pour être certaine qu'elle ne manquait pas de potentiel problème mais, puisqu'ils semblaient bien se porter, là, Holly préférait ne pas y penser, pour le moment.
Là, elle voulait seulement profiter d'eux, et se reposer.

- Bienvenue, Iberis et Iris.

Elle ferma les yeux, s'accordant du repos jusqu'au petit matin.
Le moment des premières visites, peut-être ?

[Priorité à Nirvana svp ! Libre ensuite !]

Perrine elle semblait un peu débordée avec toute la marmaille. Bon d’accord elle proposait des petites activités pour occuper les enfants (même si bon Chataîgne restait un peu en retrait comme à son habitude et que Nirvana n’avait pas vraiment envie de jouer).
Puis l’enfant profite que sa nourrice soit occupée pour s’éclipser. Nirvana avait pas particulièrement prévue de faire des bêtises, si elle avait été un peu plus grande sûrement en aurait-elle profité pour explorer les alentours… mais c’était une crevette. Aussi, le plus sage était de retourner à sa tanière.
D’une démarche pataude, la petite sirène passa entre un guerrier avant de rentrer dans l’antre qu’elle partageait avec sa mère.

Mais y’avait pas que la bleue.
En mode incognito (m’enfin on y était pas encore niveau discrétion…) la louvette se faufila derrière le dos d’Hollyhock, laissant le haut de sa tête dépasser, lui permettant ainsi de scruter les deux intrus.

Ils étaient bizarres. Deux grosses larves (comme des chenilles toutes velues).

« — Mmmmmmm… »

Maman semblait dormir.
Nirvana du écraser un peu sa mère pour approcher son museau des deux petites têtes.

« — Vous avez pas intérêt à être trop pénible les deux asticots. »

… ils étaient pas très beaux.
Est-ce qu’elle avait été comme ça y’a encore peu ?

« — Moustique et Puceron. »

Un nom pour le petit à perles.
Un autre pour le tout foncé.

Ce ne furent pas les premiers rayons du soleil, qui l'éveillèrent, ce matin là, mais le contact de sa fille, dans son dos.
Hollyhock posa, sur la louvette, un regard encore ensommeillé. La nuit n'avait, finalement, pas été si reposante que ce qu'elle aurait pu espérer puisque les petits, affamés, l'avaient plusieurs fois tirée de son sommeil pour manger.
Il lui faudrait probablement un peu de temps pour récupérer et quelques jours avant de reprendre pleinement ses fonctions d'Alphas. Elle eut une pensée pour Anita, en cet instant.

Enfin, l'heure n'était clairement pas au travail, pour une fois. Elle pouvait bien l'oublier un instant pour profiter de sa petite famille. Sa truffe vint toucher la joue de Nirvana, et elle sourit.

- Ma princesse.

Holly bougea un peu, pour l'attirer contre elle.
Elle ne dit rien, sur les prénoms donnés par sa fille, par ce qu'elle savait qu'il était encore difficile pour elle d'accepter la situation. Au moins, n'était-elle pas dans une situation de rejet total.
Holly préférait rester optimiste.

- Le bleu foncé est un petit garçon, il s'appelle Iberis. La plus claire, c'est une petite fille, comme toi, son nom est Iris.

Ah bah pas entièrement endormie m’man au final. Nirvana continue de fixer les deux larves, ils avaient des noms… étranges.

« — Je préfère Puceron et Moustique ! »

C’est plus simple à dire.
La petite se couche entre les pattes avant d’Hollyhock.

« — Ils vont faire que manger et dormir ? »

D’accord, d’accord Nirvana faisait légèrement preuve de mauvaise foi, parce que y’a encore pas si longtemps elle était dans la même situation. Et encore aujourd’hui bon, c’était pas mal de siestes et de repas… même si le lait c’était fini maintenant elle était passée au «  solide. » Ça donnait envie…
La louvette pencha sa tête en arrière, observant d’en-dessous sa mère.

« — Et toi maman qu’est-ce que tu vas manger ? »

C’est vrai, ça, ils mangeaient eux et maman… bah rien… pourtant Nirvana voyait souvent Perrine manger…

L'agitation de ce matin n'avait rien de celles qui devaient alerter d'un problème.
Il n'y avait pas de hurlement et de bruyante précipitation, pas de panique s'eparpillant dans les tunnels comme une traînée de poudre.
Cette agitation là était discrète, autant que les premiers rayons du soleil qui venaient caresser la roche de leur citadelle naturelle. Elle se traduisait par des murmures qui se voulaient discrets malgré l'excitation qui les trahissait, par des pas pressés mais légers bien plus nombreux qu'à cette même heure par temps normal.

Anita sourit, une idée précise en tête de ce qui pouvait bien déclencher pareille réaction.

La louve était debout depuis un moment déjà et revenait tout juste aux abords du Castel lorsqu'elle surprit tout cela et elle entreprit de suivre le cliquetis incessant de griffes qui tour à tour s'enfonçait ou revenait dans une même direction.

Au détour d'un virage, un peu plus loin, apparut une silhouette familière de gris et de blanc repartant déjà dans une direction opposée.
Elle ne s'était probablement pas trompé en imaginant que l'événement avait rassemblé une petite foule.
Et à son tour elle apparut à l'entrée de la tanière, posant un regard affectueux sur la scène.
Holly, fatiguée mais radieuse, avait à son flanc deux minuscules enfants potelés qui déjà se pressaient de têter.

L'hybride s'avança d'un pas pour aller frotter sa joue contre celle de sa consœur avant de s'asseoir, admirant les nouveaux venus.
Avec ses enfants, ceux de Perrine et peut-être d'autres encore...
La vie revenait fourmiller au Castel.

— Ils sont magnifiques.

Cette fois-ci elle n'avait pas pris le temps de ramener un cadeau - plus tard. Et puis, le jeune panseur Séraphin avait déjà pensé à des présents pour occuper tout le monde sur le moment - et Dez aussi, si elle en croyait certains objets qu'elle voyait et qui portaient pratiquement son nom.

Anita attrapa Nirvana d'une patte vigoureuse et l'attira à elle pour la chatouiller de son long museau, taquine.

— Alors, Crevette ? Prête à être la cheffe ?

La petite louve partait au moins avec un peu d'avance pour leur mener la vie dure !

La louve bleue hocha la tête.

- Pour le moment, oui. Mais c'est important, pour eux, pour prendre des forces et pouvoir jouer avec toi plus tard.

D'une patte, elle lui ébouriffa affectueusement les cheveux.

- La même chose que d'habitude, il faut que...-

Je me lève pour aller chercher de quoi manger.
Mais non, finalement, de cela elle n'aurait pas besoin : La première visite extérieure, puisque sa fille était résidente de cette tanière, fut celle d'un jeune Panseur, Séraphin. Sans doute venait-il exercer sa fonction auprès d'elle, peut-être par ce que Helga n'était pas disponible.
Holly lui sourit, aimablement.

- Merci Séraphin, c'est très gentil.

Elle n'avait rien avalé, depuis la mise-bas, et ne se fit donc pas prier pour manger un peu de cette viande qui lui avait été apportée.

La visite suivante lui fit relever la tête et élargit son sourire : C'était Daisy !
Elle savait qu'il n'était pas facile pour le loup gris de se mêler à un petit attroupement, ainsi fut elle particulièrement touchée par sa présence auprès d'elle, dans un moment aussi important.
Cerise sur le gâteau, il avait même pensé à tout, apportant même une occupation pour Nirvana.

- Merci, Daisy, merci beaucoup.

Sa voix trembla un peu, sous l'effet de cette émotion qu'elle peinait à réprimer. Elle le suivit du regard, lorsqu'il repartit, toujours souriante.

Anita fut la suivante.
Sa si chère consœur.
Son regard s'illumina, au compliment adressé à ses enfants : Oui, ils étaient magnifiques, elle ne pouvait dire le contraire, en tant que Maman.
Elle plissa les yeux, taquine.

- Les plus beaux du monde, en toute objectivité. Merci, Anita.

Sa tête retomba sur ses pattes avant, Holly était encore fatiguée, il lui faudrait certainement un petit moment, avant de reprendre toute ses forces.

Son regard se posa sur une nouvelle arrivante : Sakura.
Celle ci eut une attitude bien différente de celle de ses prédécesseurs : Elle était clairement sceptique, sans qu'Holly ne comprenne vraiment pourquoi, et semblait davantage se trouver ici par hasard que par réelle envie de la voir.
La joie de la louve bleue se tassa un peu, à cette constatation : peut-être était-elle un peu trop sensible, avec cette fatigue, pour s'attarder de ce genre de choses mais... Mais voilà, c'était là.

Elle la regarda disparaître, sans un mot, et reporta son attention sur Anita, sur son aînée, aussi.