Douce Nuit [Libre]

La nuit était fraîche. Il avait allumé sa petite lanterne, dont la lumière apaisante berçait doucement au gré du vent la caravane, et s'était enfermé à l'intérieur, blottit entre les coussins, les couvertures et l’œuf. La peur des vrombissements d'un frelon géant le gardait éveillé, mais plus encore la potentielle venue du parent dont il avait volé le petit le faisait frémir. Chaque bruissement lui faisait tourner les oreilles avec inquiétude, et le silence pesant de la nuit en montagne, à peine teintait par le murmure du vent de mai n'était pas plus rassurant. Il sentait son cœur battre dans sa poitrine, et sa respiration difficile, si bien qu'il ne faisait que se tourner et retourner dans ses affaires, dardant parfois un regard dans sa masure sombre comme s'il s'attendait à ce que les murs lui tombent dessus. Qu'un monstre perce les ardoises du toit et le bois du plancher de ses griffes, de ses crocs, de ses cornes, et l'emporte au loin.

Mais rien.
Il n'y avait strictement rien.

Il se força à fermer les yeux, se concentrant sur les bons points plutôt que sur les péripéties autrement plus mortelles qu'il avait subi dernièrement ; comme pour appeler Morphée à enfin bouger son gros fiac.

Mais rien.
Il n'y avait strictement rien.

Il se retourna, pétrissant son oreiller, avant de se vautrer de nouveau dessus, cherchant la position la plus confortable et improbable pour dormir.

Mais rien.
Il n'y avait strictement rien.

D'un soupir, il se leva, s'ébroua, avant de tenter une brève sortie de museau dans l'air frais de la nuit en montagne. Peut être qu'elle lui porterait conseil, là, sous les étoiles et la lune à peine cachées par les lourds nuages noirs. Peut être rêverait il enfin.

Son regard apeuré croisa celui d'un long félin au pelage anthracite taché d'ébène, et il ferma aussitôt la porte. Le bruit d'une patte frappant le bois, à l'endroit où son visage se trouvait quelques secondes avant, le fit frémir, tandis que se décrochaient de puissantes griffes dans un craquement lugubre. La panthère gratta, souffla, chercha un moyen d'entrer, de se délecter de cette proie terrifiée et si fragile ; mais la caravane tint bon et au prix de plusieurs tentatives et minutes, qui semblèrent des heures pour Hen'Ri, elle abandonna.

Il se recroquevilla sur lui-même, priant pour pouvoir quitter ces montagnes dès l'aube, cherchant un peu de réconfort dans sa couverture préférée ; avant de finalement reprendre pieds. Son cœur s'était calmé, l'adrénaline avait chuté, et, d'une certaine manière, cette rencontre terrifiante avait eu l'effet d'un électrochoc. Il se sentait étrangement éveillé ; prêt à courir un marathon pour fuir, ou parfaire un plan pour récupérer la peau de la bête comme vengeance pour cette trouille insensée.

De nouveau, il pointa le bout de son nez dehors, guettant une quelconque menace, dans l'espoir de pouvoir s'harnacher et fuir cette zone angoissante au possible.