Hunger of The Pine - Libre.

«  Sleeplessly embracing
Butterflies and needles
Line my seamed-up join
Encased in case I need it
In my stomach, for my heart
Chain mail »

[ Plaine aux Champignons - Le long de la frontière avec la Vasque, vers le Sud-Ouest, à l'aube. ]

L'endroit lui déplaît mais Grimalk continue d'avancer, les yeux sur l'ongulé qui ne boîte pas encore assez pour véritablement ralentir.

Il le suit depuis plusieurs heures, depuis le moment où Naudôr a effleuré l'un de ses postérieurs sans creuser assez la peau pour sectionner le tendon.
La poursuite est fastidieuse depuis ce coup de départ. La proie inconnue - un isard, apprendra-t-il sans doute plus tard dans un livre détaillant la faune de ce continent - fuit pour sa vie et a quitté le milieu montagneux d'où il l'a débusquée, le prédateur la suit sans la lâcher.

C'est quelque chose qu'il sait faire, il se sait bon dans cette progression immuable de ses pas qui s'enchaînent sans faiblir, dans ce souffle régulier qu'il maîtrise et économise pour parvenir à ses fins.
Cela fait plusieurs heures qu'il marche ainsi derrière lui, il sait qu'il pourra le faire longtemps encore.

Quand il déboucha dans ce lieu plus humide encore que les terres des Nakhus la vapeur qui se dégageait de sa gueule entre-ouverte se fit d'autant plus imposante et enveloppa son champ de vision sur assez d'espace pour le brouiller quelques secondes.
Il manqua là de faillir à sa tâche tant l'effet le décontenança, c'est là qu'il décida que cette lande putride lui était détestable.

Mais il se reprit, et il poursuit encore. La proie faiblit et hésite assez de fois pour que la distance entre l'être qui fuit pour sa vie et celui qui apporte sa mort se réduise et qu'à plusieurs reprises, Grimalk ait pu tirer avec déférence l'un des couteaux de lancer de son fourreau.
Reidô fut le second à trancher les airs pour entailler la peau brune dans un mugissement empreint de douleur qui fait frémir les oreilles sombres du loup.
Eiwaz, lui, resta planté dans la cuisse qui se macule d'un peu plus de sang à chaque minute qui passe.

Le caprin souffle, renâcle, peine, butte et trébuche.

Grimalk suit dans ses pas avec une vigueur de plus en plus intense à mesure qu'approche la fin de l'animal et qu'il se doit de récupérer Eiwaz.

La distance entre eux se réduit toujours plus.

Un nouveau souffle naît derrière lui et les oreilles de Grimalk se braquent vers l'arrière.
La survenue rapide de ce cette autre présence dans son dos génère une envie cinglante de se retourner pour voir de quoi il s'agit mais cette envie se heurte à la résolution de garder la cadence réglée sur la proie qui s'affaiblit, sur la nécessité absolue de maintenir Eiwaz dans son visu.
Mais le souffle se rapproche, il est erratique, c'est le son d'une course. Si c'est une menace, il est urgent de le savoir.

Le Nakhu accélère et casse la régularité de sa démarche pour prendre un élan plus rapide. C'est une foulée qui lui demande beaucoup plus d'effort et qu'il ne tiendra pas longtemps, il le sait, mais il n'en a pas besoin.
Il lui faut juste de quoi grappiller un peu d'avance pour se permettre un bref arrêt, comme un bond fait dans le futur pour ensuite reprendre le cours du présent.
Lui aussi lancé pour quelques secondes dans une course, il freine ensuite pour retourner la moitié de son corps vers l'arrière et voir ce qui vient.
C'est un autre loup.
Un qu'il ne connaît pas et qui avance trop vite pour qu'il puisse bien le voir et l'appréhender, il ne voit que des flashs mêlés du blanc de son pelage, du noir de ses marques, du violet vif de ses cheveux et d'une queue allongée qui se balance.
L'approche est rapide, l'inconnu n'est pas bien grand ni bien épais, Grimalk ne sait pas ce qu'il veut mais doit agir.

L'adrénaline et l'urgence de réagir explosent chez lui comme des grenades déjà dégoupillées.

Il ne sait pas ce qu'il veut mais il est loup d'action, alors il va contrer le pire.
De là où il vient, c'est souvent le pire qui motive une action similaire à celle de ce petit loup blanc. C'est pour se prémunir des pilleurs et des assassins que l'on forme des Hàrif, c'est pour répondre à cet évènement qu'il porte des couteaux.
Et une réaction automatique s'inscrit le plus souvent dans ce qui est inculqué.

Un grondement sourd monte des entrailles de Grimalk et roule dans sa gorge alors que son regard doré se verrouille sur l'étranger.
Son avant-main se dresse de deux antérieurs qu'il plie et lève comme pour bondir - il compte bel et bien repartir vers l'avant.
Mais avant.
Il attend que la foulée du loup blanc l'emmène à sa proximité, qu'il ne soit plus qu'à quelques centimètres de le dépasser.
Et c'est sur lui qu'il lance la masse de son corps, contre son flanc qu'il propulse son poitrail.
Il le bouscule d'une poussée violente et l'envoie choir au sol.

Puis sans un regard de plus pour le maigrelet au sol le loup sombre repart vers sa proie.
Il a pris du retard mais l'ongulé est presque mort et traîne de la patte. Il lui faut forcer la cadence mais la promiscuité de son objectif l'emplit de la satisfaction anticipée de la réussite qui lui suffit à oublier la brûlure de sa respiration trop rapide au fond de sa gorge pour mieux arrimer un regard fixe sur l'isard qui vient de tomber.
C'est presque en courant qu'il franchit les derniers mètres, lui qui n'aime pas ça, mais c'est un inconfort réduit au néant par le plaisir sauvage d'avoir rattrapé sa proie - et Eiwaz - et de pouvoir poser griffe sur la peau chaude.

Durant quelques secondes il ne fait plus attention à rien d'autre qu'au souffle rauque de la bête et à ses derniers mugissements, au reflet qu'il perçoit dans les yeux vifs et terrifiés braqués sur lui.
Son visage est neutre, son expression est figée.
Puis il s'arrache à la contemplation sinistre de la bête déjà morte quand bien même elle respire encore pour extraire Tyr de son fourreau et planter la longue lame dans la gorge afin d'en soutirer le râle final.

Le silence ne règne pas longtemps une fois achevé l'animal.
Grimalk n'a pas le temps d'essuyer sa lame du sang qui la souille que des pas légers naissent à nouveau dans son dos, moins précipités qu'avant.
C'est d'abord une seule oreille qu'il tourne dans sa direction le temps de passer le métal sur la fourrure encore chaude pour y laisser une traînée rouge sombre supplémentaire. Il aurait pensé qu'être ainsi balayé allait suffire à décourager la tentative du petit loup blanc, mais à priori, il s'est fourvoyé.
Sans doute parce qu'il a mal jugé ses intentions également : il lui paraît peu crédible que le maigre inconnu ait pour but de lui disputer sa prise.
Maintenant qu'il est à l'arrêt et que la cadence d'urgence est passée, qu'il a obtenu sa proie et que tout est sous contrôle, il n'a plus de raison de le repousser violemment en se référant à une réaction automatique.
Pour le moment.

Grimalk tourne la tête vers la présence juste avant qu'il ne parle, et ce qu'il voit sur son visage troublé autant que ce qu'il entend dans cette voix fluette chasse les derniers doutes qu'il aurait pu conserver au sujet du loup blanc à la queue lisse.
C'est un sourire sans joie qui nait sur ses lèvres à la deuxième remarque soufflée d'un ton presque révérencieux, et le Nakhu redirige son regard sur la proie à ses pattes pour récupérer le couteau de lancer encore fiché dans le muscle de la cuisse.

— Tu n'as jamais tué ?

Sa voix à lui est calme et profonde, et peut-être, tout au fond, un peu teintée d'amusement.
Ses crocs se referment ensuite sur le manche d'Eiwaz pour le tirer hors de la jambe du cadavre, et comme il le fit pour Týr, l'essuie sur la peau brune.

Leurs regards se croisent.
Si Grimalk aurait bien voulu maintenir ce contact non physique un moment encore, les yeux de l'inconnu tombent rapidement vers le sol.
Et quand la voix lui répond, elle est fort peu assurée. À nouveau le sourire de Grimalk se ravive et s'étend.

— Alors comment fais-tu pour te nourrir ?

Est-il l'un de ces charognards qui comme les oiseaux de mort se contente de passer après les prédateurs pour récupérer ce qu'il reste ?
Est-il l'un de ceux qui dépendent du groupe et doivent manger ce que l'on veut bien leur laisser, incapables de se tailler leur propre part ? Grimalk a beau essayer de humer l'air, il n'obtient que peu d'informations sur la provenance de ce jeune loup. Il vit en groupe, cela s'apprend dans les odeurs qu'il porte sur son pelage. Mais quel groupe... Ce loup à la queue étrange ne lui rappelle aucune des meutes dont il a appris l'existence.

Le mâle brun s'apprête à le questionner mais il est pris de court quand une question contraire vient le faucher. Ses oreilles se redressent et son regard se perd un instant dans un lointain que lui seul saisit - il se remémore ces moments de chasse, ces instants partagés sur le chemin de la mort.

— Oui. Depuis avant le jour. Il a été robuste, il ne voulait pas se faire prendre.

Les muscles de son encolure se tordent et pour quelques secondes, Grimalk parcourt avec une intensité certaine tout le corps qui constitue ce pâle inconnu.
Il se demande toujours ce qu'il veut, ce qu'il fait ici.
Est-il simplement mu par une curiosité incontrôlable ou cherche-t-il à obtenir quelque chose ?

Ah.
Quand le loup blanc décrit son mode de vie, Grimalk croit comprendre et son regard s'illumine un tant soit peu alors qu'il redresse la tête. À Arabahos la végétation n'était ni luxuriante ni abondante, mais dans les temps les plus durs il sait à quoi certains devaient se résoudre pour ne pas simplement mourir de faim. Des insectes, des plantes et des fleurs, parfois même racines et écorces. Lorsque manque la nourriture, tout devient source potentielle de subsistance.
Alors ce loup connait la véritable faim.
Beaucoup de choses découlent de l'explication et le chemin de ses pensées devient fluctuant et rapide ; dans une sensation de flux qu'il apprécie.
C'est pour cela qu'il est si maigre et petit, pour cela qu'il lui a couru après et qu'il reste dans ses pattes à attendre près du cadavre. Espérant un morceau, ou de pouvoir glaner des restes sur la carcasse quand il en aurait fini avec.
Il y a tout de même quelques éléments qui ne collent pas tout à fait - même si l'étranger est chétif, ses côtes ne sont pas creusées, son visage n'est pas émacié comme il a pu le voir chez d'autres victimes de famine, et il a eu l'énergie de le suivre sur une certaine distance.
Mais Grimalk sait aussi que la faim, la vraie, ne suit pas toujours le même schéma et qu'il y a des hauts et des bas. Peut-être a-t-il appris à survivre principalement ainsi tout en connaissait ces derniers temps des jours meilleurs.

Si son regard est toujours planté avec la même intensité sur le loup pâle, il en a changé la teneur.
La méfiance et le semblant de moquerie se sont effacés, remplacés par... Une forme de compassion ? Peut-être bien.

Il hésite encore quelques secondes, à le fixer sans commenter, avant de trancher une petite part sur la jambe du cadavre et de la laisser tomber par-terre près du loup.

— Tiens, mange.

Ce n'est pas dans ses habitudes que de faire preuve de mansuétude, ni de partager quelque chose qui de fait, revient à lui et à son clan. Mais ce n'est pas une part noble ; rien qu'un bout avec beaucoup de peau, de tendons et de cartilage. L'équivalent d'un repas fade pour lui, mais sûrement une merveille inespérée pour l'inconnu.
Il a connu la dureté du désert et des steppes et croisé de nombreux regards aussi vides qu'avides, au passage de leur tribu. Mais lui disposait de privilèges en étant au sein de celle-ci, de cela il a conscience - les perdre par la suite ne les avait rendus que plus tangibles dans ses souvenirs. Si certains jours il pouvait avoir l'estomac creux, il savait que jamais il ne périrait de cela. Contrairement à toutes ces âmes dont le regard reste imprimé dans les images qu'il garde du passé, se rend-il compte alors.
Du peu de choses qui sont capables de l'émouvoir, Grimalk réalise qu'il s'agit sans doute de l'une des cordes qui le peut.

Et peut-être aussi qu'au vu de tous ces éléments, la témérité du loup à s'être tant accroché pour obtenir son dû lui force un peu de respect.

Le Nakhu finit par détourner le regard en relâchant un souffle, se râclant la gorge avant de répondre.

— Grimalk.

Il s'attend désormais à le voir se jeter d'une seconde à l'autre sur le maigre bout de viande. Lui, pendant ce temps, recommence à s'intéresser au cadavre : il lui faudrait se fabriquer un moyen de le ramener plus aisément à sa meute pour minimiser le temps comme ses efforts.

Mais au lieu de manger avec appétit, le petit loup se... Pétrifie. Grimalk note avec perplexité la réaction de son corps qui se tend et se recroqueville, ses yeux qui se couvrent d'une fine pellicule de larmes, tandis que ses iris sont fixés sur la viande non pas avec envie mais... Dégoût ?
Et voilà que le petit mâle ne tarde à s'exprimer d'une voix qui tremble et bafouille. Il ne mange pas de vivant. C'est au tour des sourcils de Grimalk de revenir se froncer, alors qu'il tente de comprendre. L'animal est bel et bien mort, et que compte-il manger d'autre à part cela pour tenir debout ? Son esprit revient en arrière sur les discussions qui ont précédé et il les feuillette rapidement comme un livre. Jamais tué, creuse le sol et cherche dans les buissons, mange pas de vivant. Il a du mal à comprendre et ce blocage l'exaspère - il aime quand son esprit est vif et bondit de fait en conclusion, pas quand il bute sur des informations qui ne font pas sens et ne trouvent pas de reflet dans son monde. La seule conclusion qu'il parvient néanmoins à développer est surprenante, et il n'a d'autre choix que de l'énoncer pour essayer qu'elle fasse sens.

— Tu ne manges que... Des plantes ?

Le bout de son museau s'est légèrement froncé en prononçant le dernier mot tant l'idée lui parait ridicule. Ils ne sont pas herbivores, contrairement aux proies dont ils se nourrissent. Leur corps a besoin d'énergie pour fonctionner, ce ne sont pas les herbes et les feuilles qui peuvent leur procurer efficacement.
Ceci expliquerait néanmoins ce qu'il avait cru élucider précédemment, à tort, en le croyant affamé au vu de sa corpulence - enfin... Quelque part, cela s'explique quand même de cette manière. S'il ne se nourrit que de verdure, le loup doit bel et bien être affamé mais s'interdire de manger ce que son corps réclame vraiment.

— C'est pour cela que tu es si maigre.

Le brun ne comprend toujours pas ce qui le mène à faire cela, et il n'aime pas ne pas comprendre. L'expression de son visage balance entre la raillerie lorsque ses crocs bicolores se découvrent dans un sourire tordu, et l'intérêt sincère pour la démarche du petit blanc. Qu'est-ce qui le pousse à se priver ? S'agit-il de foi, de folie, d'une entrave extérieure ?
Son regard s'est fait plus intense encore et il en transperce le loup en face de lui. Il fait un pas dans sa direction, échine basse et tête en avant, et en profite pour récupérer le morceau de viande dont il ne veut pas. D'un rapide coup de mâchoires, le bout sanguinolent disparaît dans sa gorge, récompense après la longue poursuite de la proie.

Plus les secondes passent, plus le loup clair semble avoir envie de disparaître dans le sol pour s'y laisser engloutir.
Et plus ça agace Grimalk, qui n'obtient toujours aucune réponse aux incompréhensions qui se bousculent dans son esprit. Toujours percé par son regard or et intense, l'autre essaye de s'y soustraire et de s'éloigner au lieu de faire face aux convictions qu'il est censé défendre.
Il vaudrait sans doute mieux le laisser partir et s'en désintéresser, face à ce regard terrifié dont il semble être impossible de tirer quelque chose. Mais la frustration s'agite dans le corps du mâle brun, hérisse son poil et secoue le bout de sa queue de quelques à-coups secs.
Se résigner et tourner le dos à quelque chose qui a piqué son intérêt ou qu'il estime devoir mener à terme, ça lui est insupportable.
Alors si le petit blanc recule, Grimalk, lui, fait un pas en avant pour chaque pas en arrière.

— Tu ne choisis jamais rien par toi-même si tu n'as pas tes parents pour tout te dire ?

Le Nakhu souffle entre ses crocs et commence à se dire que si ça se trouve, il n'y a rien de plus à chercher qu'une réponse bête et simple. Que cet individu pourtant presque adulte n'est peut-être qu'un enfant soumis dans l'âme, qui ne se pose pas de question sur les codes établis, qui ne remet jamais en cause la parole de quelqu'un placé au-dessus de lui.
Il en sait quelque chose, lui, de devoir tracer sa propre route.
Mais il n'arrive pas à lâcher l'affaire - et même si ce jeune se contente de suivre un précepte qui ne lui appartient pas, il doit bien savoir pourquoi.
Non ?

— Pourquoi priver son corps de quelque chose d'essentiel ?

Il sait que la foi est puissante, et génère parfois des concepts qui vont à l'encontre de la nature propre à chacun.
Pour l'instant et dans le cas du petit blanc et de sa mère inconnue, il n'a aucune preuve qu'il ne s'agit pas simplement de folie.

Plus il observe son attitude, plus il a l'impression d'avoir débusqué un lapereau terrorisé. Aplati au sol, le petit blanc s'applique à reculer sans lui tourner le dos et le guette comme si la mort elle-même était dressée devant lui.
Grimalk balaie d'une oreille sa première remarque sur son unique mère -peu importe. Qu'il ait trois tuteurs ou aucun parent, le soucis demeure le même. Il applique ce qu'on lui a appris et ne se questionne pas.
Et face à quelque chose qui ne lui ressemble pas et qu'il ne comprend pas, il fuit.

Tout le contraire du mâle brun qui ne relâche pas la pression et accueille la seconde protestation d'un souffle railleur. Contents, vraiment ?
A ses yeux, il paraît toujours à la limite de famélique. Et tellement content de son mode de vie qu'il ne parvient même pas à lui tenir tête et à le défendre.
Les yeux du jeune brun s'arrondissent quand avant même qu'il n'ait pu répliquer, le blanc détale d'une brusque embardée.
Enfin... Il ne va pas bien loin, puisqu'au lieu de s'enfuir pour de bon, il s'arrête finalement et recommence à le fixer de son regard effarouché.
Grimalk reste interdit quelques secondes, le fixant en retour sans réagir et le visage neutre d'expression, avant qu'un grand rictus ne finisse par fendre son museau et qu'il ne s'esclaffe.

— Tu crois que je veux te faire du mal ?

Tu te comportes comme du gibier en bas de l'échelle alimentaire, mais je ne te dévorerai pas pour autant.
Et encore. Même une gerboise aurait saisi l'occasion de la surprise pour véritablement partir et aller se cacher, au lieu d'observer son prédateur trois mètres plus loin.

— Je veux seulement comprendre.

Son air n'est pas devenu plus chaleureux et sa voix est presque sifflante, mais il fait au moins l'effort d'essayer de relâcher un peu de pression en se forçant à ne pas avancer de nouveau vers le maigrelet pour lui laisser la distance qu'il a choisie - si ça peut le rassurer.
Mais la pression de l'impatience pulse encore dans les veines du Nakhu, agitant le bout de sa queue de coups secs, envoyant au bout de ses doigts des contractions musculaires qui enfoncent ses griffes dans la terre.