Or et rouge [Libre, Mj]

-Iris-

Le printemps était arrivé, et Iris n'avait pas oublié son projet. Délicatement gardé dans l'obscurité froide d'une tanière abandonnée, le bourgeon de pomme d'or n'avait pas bougé de tout l'hiver, bien à l’abri de la sécheresse dans sa terre sableuse. Maintenant que le soleil reprenait ses droits, que la chaleur revenait et que bientôt -Iris le savait- les fleurs allaient de nouveaux apparaître sur les arbres, il était temps de s'occuper de son petit trésor.

Ses dernières recherches avaient été plus ou moins fructueuses. Le bourgeon de pomme d'or trouvé dans la Sylve pouvait, à priori, faire office de greffon pour voir pousser une nouvelle espèce de pommier. Cependant, la situation n'était pas optimale : la branche sur laquelle tenait le bourgeon était courte, alors que l'etelkru avait lu que pour optimiser les chances, il en fallait plusieurs nœuds. Cela n'avait pas entamé son envie d'essayer pour autant, et alors que la journée était belle, Iris avait pris le large à la recherche du pommier qui serait son porte greffe.

Dans sa besace se trouvait un petit couteau acéré, une machette capable de couper un arbre, du fil brun de la mousse pour garder l'humidité. Evidemment, on pouvait également y trouver son précieux butin, bien à l'abri des chocs. La première étape était de trouver un pommier capable de porter la greffe. Pour cela, Iris se dirige vers la Rougelande : là, les arbres fruitiers étaient rares mais présents, contrairement aux autres endroits de son territoire. Sa recherche commence au petit matin, alors que les rayons du soleil caressaient à peine l'horizon. Iris se dirige en premier vers les petites bosquets de plantes rougeoyantes, à la recherche des caractéristiques connues du pommier : des petites feuilles reconnaissables, une taille moyenne et un tronc marron pâle.

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-Iris-

Les heures s'enchainent, mais Iris n'y prête pas attention. La recherche est méthodique, maîtrisée, et l'etelkru décortique chacun des arbres en effectuant des bandes de recherche dans la forêt clairsemée, pour ne rien rater. Finalement, lorsque le soleil est déjà haut dans le ciel -il ne devait pas être loin de midi- Iris trouve enfin l'arbre recherché : un pommier. S'approchant, son museau vient inspecter les branches qui ne bourgeonnent pas encore. Les feuilles présentes, vestiges de l'année passée, peuvent le confirmer : c'est un pommier, comme on pouvait en voir dans les livres épluchés avant la mise en place de son entreprise.

Iris inspecte le tronc. Il est épais, peut-être un peu trop pour ce qui était prévu. Mais hors de question de se défiler, et surtout, il sera complexe d'aller chercher un autre arbre. Il semble qu'ils soient plutôt rares, dans les environs, et Iris n'a pas envie d'y passer la semaine. Alors, ses pattes sortent la machette, et d'un regard attentif, les iris violettes assèssent l'endroit idéal où couper. Il faut laisser quelques branches, pour la "montée de sève", mais enlever tout ce qu'il y avait au dessus. Finalement, Iris se décide en un point, à hauteur de regard, le marque d'une griffe et se saisit de la machette dans sa gueule. Il était temps de devenir bûcheron.

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-Iris-

Iris aurait pu penser qu'après un entraînement pour le moins intensif avec son mentor Dough, sa force aurait été décuplée. Iris aurait pu aussi penser qu'après avoir passé l'épreuve d'Aka, toute activité de force aurait pu être plus facile. Mais ce n'était malheureusement pas le cas. Le corps tendu, le premier coup se révèrbe dans sa mâchoire, faisant vibrer son cou et jusqu'à ses yeux. Iris persévère : mais le deuxième coup fait la même chose, sans pour autant entamer de beaucoup le bois. Taper sur des cailloux avait endurci ses pattes et ses coups, mais Iris n'était pas assez stupide pour continuer une entreprise où l'échec était assuré. Le troisième coup de machette vient à peine entamer le bois, et signe l'arrêt de la première tentative.

Iris s'écarte, le souffle légèrement court. Il fallait une autre technique. S'asseyant, le regard mauve avise le tronc et l'environnement extérieur, à le cherche de n'importe quel élément pouvant l'aider. Une idée germe dans son esprit et au bout de quelques minutes, Iris sait comment la mettre en œuvre. Le corps longiligne se redresse et se saisit de nouveau de la machette. Cette fois-ci, en lieu et place de coups, la lame est appliquée avec précision, et bougée de gauche à droite pour faire plutôt un mouvement de scie. L'objectif est d'entailler le tronc, pour le fragiliser.

Une fois que l'entaille est faite, l'etelkru saute pour attraper de ses crocs les branches plus hautes du petit arbre. Il fallait le plier, dans le bon sens, le sens fragile. Avisant l'angle, Iris se déplace jusqu'à se retrouver à l'opposé de son entaille. Là, les pattes se tendent pour tirer, tirer de toutes ses forces et tenter d'abattre le haut de l'arbre.

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-Iris-

L'arbre tombe enfin, se brisant nettement à l'endroit prévu par Iris. L'etelkru s'écarte, et admire son oeuvre en expirant après l'effort : la coupure était nette, et le centre découvert. L'effort n'est pas terminé, cependant : si la force brute aurait pu suffire, c'est de la dextérité qu'il faudrait maintenant à ses pattes pour continuer le travail. Iris s'autorise à souffler un instant : il ne faudrait pas  que ses pattes tremblent pour la suite, ou son entreprise serait fortement compromise. Car il était temps, maintenant que le porte-greffe présentait son coeur dénudé, de s'occuper du greffon. Heureusement, Iris avait pris des notes après avoir consulté le livre où les informations avaient été trouvées, aussi dès sa pause terminée, ses pattes  s'en vont les sortir avec précautions.

La consultation est courte, et bientôt c'est le tissu renfermant son bourgeon qui est sorti. La tige est petite, plus que celles trouvées dans le livre qui fera office de référence, mais Iris a décidé que ça serait assez. Qui ne tente rien n'a rien ! L'etelkru sort le couteau, plus petit que la machette mais plus facile à manier, regarde une dernière fois ses notes : il faut couper en biseau, juste après un noeud, repérable sur l'écorce. Les yeux font le tour de la branche, le couteau se pose en dessous du premier noeud et la découpe commence, avec précautions.

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-Iris-

Le geste est peu sûr, et une erreur de placement coupe la tige un peu trop courte au goût d'Iris. Une grimace vient déformer son visage : ce n'était pas optimal. Valait-il mieux couper, puis retenter avec le noeud suivant ? La tige était si courte qu'Iris décide du contraire : tant pis pour la coupe médiocre, il valait mieux garder assez de longueur et plus de bourgeon pour augmenter ses chances. Le greffon étant maintenant prêt, il fallait attacher le tout comme il fallait. Il ne resterait plus ensuite qu'à attendre, et à prier.

Iris s'approche de nouveau de son porte-greffe. Là, la manoeuvre la plus complexe l'attendait : il fallait mettre en contact les deux plantes, et espérer qu'elles ne se rejettent pas l'une de l'autre. Pour cela, le livre avait été tout particulièrement étudié : c'est un cercle foncé, derrière la première couche d'écorce, qui est l'endroit à viser. Iris le repère sur son porte-greffe : là, il fallait faire une petite entaille, décoller l'écorce et y glisser le biseau de sa branche faite de bourgeons. Le couteau s'avance et s'y attelle, avec précautions.

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-Iris-

La mise en place de l'ensemble était terminée. Iris se dirige une dernière fois vers son sac pour se saisir des cordes et de quoi imperméabiliser avec de la mousse et de l'argile, tout ce qui avait été emmené plus tôt. Là, un noeud solide est fait, puis un deuxième pour bien attaquer l'ensemble. De la mousse brune est placée pour caler le greffon et maintenir l'humidité à l'endroit de la greffe, et enfin de l'argile est appliquée pour éviter que le tout ne sèche. Une fois que le travail est terminé, Iris s'écarte, la satisfaction du travail effectué venant détendre ses muscles. C'était terminé. Maintenant, seuls les Dieux pouvaient décider de la réussite de son projet, ou plus réalistiquement, la chance. Alors, Iris ne s'attarde pas : les résultats ne seraient visibles, de toute façon, que d'ici quelques semaines. Le sac est repris, le chemin du retour aussi, et bientôt l'etelkru rentre à sa maison, sans rien dire à personne du projet mis à bien aujourd'hui, mais le coeur plein d'espoir de réussite.