Samaël
Epreuve de glowstick

Il s'était arrêté devant les portes du temple, son dernier œil couleur miel scrutant les moindres des reliefs sculptés en parti polis par le vent marin, ses longs cheveux et ses tissus rouges emportés aux humeurs des bourrasques. Dans sa gueule il tenait un bouquet d'amarante, parce qu'on lui avait dit qu'on pouvait aussi appeler cette fleur queue-de-renard, dont la base avait été reliée par une ficelle accrochant également par les orbites un crane de lapin, proies appréciées des renards de connaissance. Samaël n'avait pas voulu apporter à la déesse une bête proie tel un chasseur rustre et orgueilleux bien que son offrande faisait un peu... tribal disons mais le prince déchu avait appris à ses dépends et avec plus ratés dans sa tentative que l'orfèvrerie était un savoir qui s’apprenait et non à la portée du premier venu.

Samaël n'avait jamais osé rentrer dans le moindre temple de ces terres mais les années passaient et le sentiment d'infériorité vis à vis des autres à ne pas avoir lui même son propre glowstick grandissait. Les Etelkrus étaient fiers de leurs couleurs, de porter sur eux cette petite marque divine, si en obtenir un faisait rentrer les jeunes dans le respect de l'âge adulte, l'épreuve serait pour Samaël un pas de plus dans sa tentative d'intégration.
Le choix de la divinité avait été aussi évident que difficile. Aka, le Grizzli Rouge symbole de la force brute avait été rayé des choix en premier. Samaël ne correspondait pas vraiment à la description de brute épaisse et l'idée de bain de sang régulier pour l'honorer avait un côté beaucoup trop barbare pour la mâle brun qui avait déjà assez donné dans le sujet. Kiro aurait été le choix le plus évident, Samaël avait l'agilité comme qualité mais les retours sur la personnalité du dieu jaune coinçait. Assurément, le brun n'aurait pas supporté la tendance aux plaisanteries de mauvais goût de l'Anaconda, tout comme l'idée de traverser plus que nécessaire la Moere.
Il restait Dairo, la moins rustre de ces dieux barbares, perchée là haut sur ces falaises aux escaliers étroits, avec la tendance à se réserver aux Etelkrus les plus intellectuels du clan. Déesse renarde de la ruse, c'était ce qui faisait un peu douter Samaël, il ignorait s'il possédait véritablement cette qualité. Durant sa vie, il était parvenu à survivre là où d'autres avaient péri, il avait appris les stratégies militaires sans pour autant être passionné de bataille, en avait mené mais... en avait perdu, il avait été utilisé, avait fait confiance aux mauvais individus pour ne devenir que ce symbole à sacrifié pour légitimé le renversement d'un ordre. Il avait... beaucoup échoué, la crainte de recommencer à cette épreuve importante le laissait figer depuis plusieurs minutes face à cette porte.
Il fallait pourtant entrer.
Il prit une inspiration.
Entra.

Samaël s'inclina une fois le seuil de la porte passé, habitude prise des temples de son pays d'origine et instinctivement, il chercha du regard les prêtres qui viendraient l'initié devant la divinité. Ah, il était vrai qu'un clan de cette taille ne pouvait avoir qu'un seul prêtre par divinité et... le mâle brun ne remarqua aucune minuscule silhouette de la princesse prêtresse chargée des lieux. Sans doute était-elle sortie.
Doucement Samaël s'approcha du fond, là où trônait la fameuse fontaine divine surplombée par la représentation de la déesse. A quelques mètres, n'osant pas par respect s'approcher plus, laissant ce droit aux initiés comme la prêtresse, il déposa son offrande avant de s'asseoir, le dos droit. Il ferma les yeux, baissa son museau vers le sol, offrant front et soumission à la divinité avant de murmurer ses paroles.

« Divine Dairo, déesse Renarde symbolisée par la lueur orange, incarnation des valeurs de la ruse et de l'imagination, pardonnez je vous prie la maladresse de ma prière et entendez mes paroles.
Accordez à ma requête votre attention, celle de me permettre de prétendre à votre couleur et passer votre épreuve.
Déesse Dairo, je vous prie. »

Samaël
Epreuve de glowstick

Samaël n’avait jamais vu réelle manifestation divine auparavant, dans son pays d’origine, les dieux ne se montraient pas et seule les ravages du Désert sur les corps et les esprits étaient chose palpable. Prévenu, le mâle brun ne fut cependant pas excessivement surpris de voir apparaître un renard suite à la disparition de son offrande, il le fut bien plus lorsque le temple devint un de ses palais d’enfance. Comme tiré tout droit de son esprit -c’était sans doute le cas- il aurait pu reconnaître chaque colonne, chaque gravure, chaque mosaïque. Il pouvait sentir le vent chaud souffler comme une brise au travers des ouvertures de fenêtres, l’odeur des épices et du miel remonter des cuisines et celle de l’encens s’échapper des chambres.
Il aurait plus que tout désirer rester dans ce fragment de rêve, abandonné l’idée du glowstick, des Etelkrus, de ce monde bien plus froid que celui qu’il avait connu pour rester plongé dans cette illusion si réconfortante. Mais comme la nuit où tout avait basculé, comme tout les jours qui suivirent, au sein de ces palais et de cette vie qui lui avait été si chère, on était bien plus désireux de le voir mort qu’en vie.

Ils étaient quatre, c’était les paroles de la déesse, et ils cherchaient comme lui le glowstick. Il y avait une incohérence cependant, l’un gardait la pièce où il se trouvait, celle qu’il visait par conséquent. Pourquoi si l’objectif était l’objet? Peut-être que ce n’était pas que la couronne qui était recherchée mais l’annihilation complète de l’opposant. c’était une évidence, il l’avait trop de fois vécu. Si la peur de renouveler encore une fois de cauchemar envahi le cœur de Samaël, il y eu également toute la colère et la frustration d’une vie qui vint lui gonfler le pelage, c’était comme une dernière chance offerte de se venger, le prince déchu le prit de cette façon et s’élança dans son épreuve.
Malgré tout, il savait qui il était et ses capacité, Samaël ne vaincrait jamais ses ennemis dans un combat direct et de front, ce n’était de toute façon certainement pas l’objectif de cette épreuve, mais pour avoir la liberté de chercher convenablement l’objet qu’il désirait, il devait s’en débarrasser. Les bloquer quelque part ou les exécuter, au choix, au plus simple, à la finalité ayant le plus de probabilité de se terminer sur une réussite. Il devait tout à bord les localiser, chacun, au moins ceux qui bougeaient pour ne pas se laisser surprendre, les isoler, les mettre hors jeu.

Dans ces palais qu’il connaissait si bien, il y avait tout un réseau en parallèle des couloirs principaux, réservé aux domestiques afin que les Grands n’est pas trop à côtoyer la plèbe. Un mélange de couloir qui aurait amusé n’importe quel louveteau,  Samaël était Prince mais il les avait de nombreuses fois arpenter -ils avaient probablement servi aux assassins pour s’introduire jusque dans les chambres comme ils avaient permis au jeune fuyard qu’il avait été la nuit du massacre à s’échapper.
Les traverse à nouveau donna l’impression au mâle brun de marcher sur un carrelage couvert de sang.

C’est dans ces couloirs, proche des cuisines que Samaël trouva le premier opposant. Si l’autre se faisait garde, le brun se fit ombre, longeant murs et meubles pour ne pas être vu. Peut-être que sa présence fut cependant perçu, il lui sembla trouver l’opposant agité et ce dernier se laissa avoir lorsque ce dernier fut attirer dans le cellier via une petite pierre lancée. Samaël referma la porte derrière lui avant de la bloquer avec un meuble poussé.
Il en restaient trois, deux mobiles, un fixé à son poste.

Le deuxième fut surpris dans un couloir, sans possibilité de le vaincre sans combat direct, Samaël préféra le contourner, passant par les balcons, profitant de son agilité pour atteindre les étages supérieur vie bonds et appuies stratégique. C’est là qu’il tomba truffe à truffe avec le troisième. Ne se laissant pas le temps d’être surpris, Samaël eut pour réaction immédiate d’attraper son adversaire par l’encolure pour l’entraîner dans le vide, il se servit de l’échange de force dans le mouvement pour se propulser à l’intérieur. L’action ne se fit pas dans la plus grande des discretion, les deux autres en furent forcément avertis. Il allait falloir séparer les étages inférieur des supérieur, Samaël ne pourrait pas gérer deux adversaires en même temps, il n’y avait cependant pas de portes cette fois ci pour bloquer le passage et surtout simplement jeter les meubles dans les escaliers seraient trop long et trop physique, ce n’était pas envisageable.
Vint alors cette idée un peu folle, celle du chaos et du désordre, celle des guerres et du pillage, celle de ceux qui jouaient le tout pour le tout: déclencher un incendie. Le danger réel et palpable détournerait l’attention de sa personne et quand bien même ses adversaires sauraient qu’il en est l’origine, les flammes couvrirait le bruit de ses pas et la marque de son ombre. Avant cela, Samaël devait identifier la salle gardée, celle du glowstick avant de risquer d’être prit à son propre piège en perdant du temps à la recherche.

C’était assez cocasse de se rendre compte que la fameuse pièce était celle où les grands rois écrivaient l’histoire, là où se trouvait ce siège qu’il n’aurait jamais convoité avant d’être le dernier héritier de sa famille, celui qu’il n’avait jamais réussi à récupérer, la salle du trône.
Samaël déclencha l’incendie en bas des escaliers en premier lieu, renversant les lampes à huiles sur les immenses rideaux et tapisseries. Plutôt que d’attaquer tout de suite, Samaël attendit caché que monte l’incendie, supportant la fumée en ayant enrouler son tissu rouge autour du museau, ne laissant guère plus que ses yeux de son visage. Il attendit que la chaleur se fit de plus en plus insupportable, le crépitement de plus en plus assourdissant, que la panique monte chez le gardien de la porte avant de plonger dessus et de se défaire de sa présence d’un coup de croc dans la gorge.
Cette nuit là il avaient procédé de façon similaire, aujourd’hui c’était lui qui prendrait le pouvoir.
Peut être que le rêve était trop réel, peut-être qu’il s’oublia un peu, peut-être que Samaël s’était un peu trop rapproché du point de rupture mais malgré l’incendie provoqué, malgré les flammes qui dévorèrent déjà les murs de la salle, malgré l’épreuve en elle même, Samaël prit place sur ce siège jusque là interdit, redressant le dos dans une position noble, faisant face au brasier, les flammes se reflétant dans son unique voyant.

Peut-être qu’il l’avait finalement subi, la malédiction de son peuple, qu’il en était devenu un d’errant, il devait être aussi fou qu’eux. Soit, s’il le fallait, il deviendrait Roi des Cendres.

Samaël
Epreuve de glowstick

C'est une lueur orange presque gênante qui essaye de le rappeler à l'ordre, de lui dire que ce n'était pas terminé, qu'on attendait encore quelque chose de lui. Samaël ferma les yeux pour ne pas la voir, restant obnubiler par le son des flammes furieuses qui dévoraient son royaume en perdition. Le prince déchu était comme tout le reste, condamné à disparaître avec tout le reste, c'est ce qu'il désirait, il était fatigué de courir et se battre. Il était le Roi des Cendres, le roi de rien, celui qui avait simplement fait trop durer la blague.
Le pire de tout, c'est qu'il était condamnée à la continuer, celle déplaisante plaisanterie. Lorsque la chaleur fut si grande qu'elle ne fut plus supportable, lorsque l'air chaud lui brûla presque peau et poumon, qu'une quinte de toux l'obligea à se réveiller, l'instant bestiale reprit le dessus, celui qui hurlait de fuir, qui l'obligeait à abandonner ce suicide rêvé. Son œil dériva vers le glowstick. Évidemment, il était venu pour ça initialement. Il le ramassa, sans doute que tout ceux avant lui l'avait saisi avec plus de conviction mais Samaël n'en avait plus beaucoup, des convictions.

Le mâle brun se détourna des flammes alors qu'elles envahissait la pièce, prit le risque de se brûler un peu pour atteindre la fenêtre. L'incendie avait démarré ici, il le savait, c'était lui qui l'avait allumé, et prendrait du temps pour atteindre les tours un peu plus loin alors Samaël prit son élan, s'élança, se propulsant de l'encadre de la fenêtre pour atteindre les toits un peu plus loin . C'était un peu loin, ses griffes ratèrent leur accroche, le brun se rattrapa sur le balcon un peu plus bas non sans se faire un peu mal. C'était comme ça, c'est tout, mais il put ainsi rejoindre quelques portes secondaires réservées au petit personnel. Les palais de son avance n'avaient toujours été que des demeures luxueuses, jamais des places fortifiées. Et il s'y échappa une nouvelle fois Samaël, comme lors de la nuit où tout avait basculé, pour s'enfuir vers le désert, glowstick en gueule, marchant encore une fois sur ses propres pas, pour retracer cet éternel même chemin, laissant derrière lui ce destin et cette vie qui brûlait toujours et continuelle pour fuir vers ces terres qu'il n'aimait.
Toujours et encore, comme un cauchemars qui tournait inlassablement en boucle.

Samaël
Epreuve de glowstick

Le désert et l'odeur de la pierre brûlée s'effacèrent peu à peu pour ramener Samaël dans ce temple un peu sombre et à l'odeur saline dans lequel il s'était rendu initialement. Il cligna des yeux, épuisé, comme s'il venait de se réveiller d'un rêve agité, ou plutôt d'un cauchemar duquel il n'aurait pourtant pas voulu en sortir. Face à lui, la déesse le regardait d'une expression perplexe avant de finalement lui poser une question.
Voulait-il véritablement obtenir la couleur de la renarde?
Dans un sens oui, oui ça serait elle forcément, Samaël n'aurait pas supporter les autres divinités. La question sans doute méritait reformulation, une autre façon de dire les choses. Plus que la couleur, désirait-il vraiment un glowstick? Pourquoi avait-il tenté cette épreuve initialement ? Pour offrir sa foi à cette déesse précisément ? Elle ou une autre en réalité, ça n'aurait pas changé grand chose, Samaël voulait avant tout obtenir le respect et l'intérêt des autres, être représenter à la même  valeur afin de s'intégrer parmi ces loups auprès desquels il avait finalement passer le plus de temps. Jusque là, il n'y était pas vraiment parvenu, le glowstick aurait du changer ça mais le voulait-il vraiment ? Les paroles d'Anita lui revenait parfois en tête, en réalité c'était lui qui se fermait aux autres, parce qu'il ne voulait pas être ici, parce qu'il ne voulait pas de cette vie, parce que la chaleur du désert, les parfums d'encens et d'épices lui manquaient, même les rues sales de la ville lui manquait, les pelages aux couleurs chaudes des loups comme lui manquaient. Son pays tout entier lui manquait, et lui avait toujours manqué, mais on lui avait arraché le droit d'y vivre, on l'avait condamné au désert et à la folie, à la mort lente tout simplement. Peut-être aurait-il du l'accepter, peut-être aurait-elle été préférable à ces regrets trop présents dans son cœur, ce manque qui creusait sa poitrine bien plus que ne l'aurait fait n'importe quelle lame assassine. Le cauchemars de Dairo, il aurait presque désiré y retourner, même s'il devait brûler mille fois dans l'incendie d'un palais pour cela.

Le mâle brun ne soutint pas le regard de la déesse, le détournant vers le sol, la tête basse, les oreilles à l'horizontal alors que son poil peigné avait pris un aspect ébouriffé et négligé, sans doute à cause du stress de l'épreuve.
En soit oui, il voulait ce glowstick, cette couleur, parce qu'il voulait s'intégrer parmi les locaux, être reconnu comme cet adulte et ce guerrier accompli que demandait leurs traditions mais Samaël ne voulait pas être Etelkru, tout comme il ne voulait pas être ici. Tout ça, c'était parce qu'il n'avait pas eu le choix, ou du moins, parce qu'ils lui avaient semblé aussi difficiles que stupides.
Alors...

« Je ne sais pas. »

On ne mentait pas à une divinité.
Il ne savait pas.

Samaël
Epreuve de glowstick

Il ne sera pas parvenu à obtenir de glowstick, Samaël comprenait pourquoi cependant, mais à la place, une broche qui ressemblait tout de même à ce que pouvaient porter les autres Etelkrus. La sensation était étrange, celle d'un nouvel échec qui ne pourrait cependant pas venir l'accabler comme les autres car il s'accompagnait également d'une réussite. La déesse reconnaissait sa stratégie, il avait tout de même réussi son épreuve mais il n'avait cette conviction et cette volonté que devait sans doute avoir les autres prétendants de ces terres. Samaël n'était là que par obligation, avait demandé un glowstick et à passer l'épreuve parce que c'était ce qu'il fallait faire, pas parce qu'il en désirait véritablement un. Il avait été reconnu en parti par la déesse mais son cœur se trouvait encore si loin d'ici, dans un pays où le soleil surplombait les toits d'une cité regrettée.

Samaël ramassa la broche et l'accrocha à son étoffe rouge. Un dernier regard à la statue de la renarde, il lui offrit une dernière révérence silencieuse comme celles qu'on offraient respectueusement aux personnes importantes, comme celles qu'il avait pu offrir jeune à son père, à l'époque Roi de la cité du Désert Blanc. Puis il quitta le temple dans ce même silence.