Le fruit de notre amitié - Violette

C’était presque si Onyx ne s’était pas habituée à avoir ses enfants dans le ventre.
Depuis des semaines, ils cohabitaient, tous les trois, dans un seul corps et suivait la même routine. Elle avait aimé parler avec la sensation qu’elle ne le faisait pas que pour elle.
Alors, les premiers signes l’avaient surprise, oui.
C’était la fin de leur étrange collocation, alors ? Il semblerait, et c’était bien aussi. Au fil du temps, la licorne s’était apprêtée à la accueillir.
Ses tout petits.

Contrairement à ce qu’elle avait pensé ressentir, et elle n’allait pas s’en plaindre, la peur resta loin d’elle, ce jour là. Peut-être par ce qu’elle avait pu voir quelques visages amis, alors que le travail commençait, et que son meilleur ami de toujours, avait tenu sa promesse en restant prêt d’elle.
Elle était entourée, Onyx.
Ça faisait du bien au cœur.

Mais pas au corps, ah ça non, bordel !
Rien de ce qu’elle avait pu lire dans ces foutus bouquins de la bibliothèque ne semblait fonctionner. Alors la petite louve geignait, marchait, se recouchait pour mieux se relever, cherchant un peu d’apaisement et, surtout, espérant que tout ceci prendra bientôt fin.
Sa mère avait eu bien du courage, pour les sortir toutes les trois.

Quelques heures après le début du travail, elle regagna sa tanière, ne désirant finalement que Violette à ses côtés.
Si rien n’imposait l’intervention d’un soigneur, eh bien, elle préférait encore ne partager cet instant, celui où ils feraient connaissance avec leurs petits, qu’avec lui.
Les présentations, aux autres, viendront plus tard.

Haletante, elle se coucha sur le flanc, sur la pile de couvertures reprisées préparées en amont.
Malgré la douleur, Onyx tâcha de sourire à son ami, reconnaissante de sa présente et de ce bonheur, si grand, et si imminent, qu’il lui offrait là.
Un sourire un peu crispé, mais un sourire quand même.
C’était mieux que rien, il devra s’en contenter.

Il y eut un moment durant lequel la licorne ne songea plus à ce qui l’entourait, seulement à son corps et à cet instinct si puissant qui lui indiquait, clairement, quoi faire.
D’inspirer, d’aider cette première toute première petite vie à voir le monde, de crier par ce que ça faisait mal.

Mais que ça en valait la peine.

Cette fois, les larmes ne coulèrent pas, lorsqu’elle accueillit contre elle ce tout petit loup sombre.
Elle rit, heureuse.
Non, c’est bien plus que ça.

Il était impossible, de décrire ce sentiment.

- Il est trop beau ! Regarde, comme il est trop beau !

Sans le lâcher du regard, elle le posa, doucement, entre les pattes de son Papa, fière, de ce qu’ils avaient accompli ensemble.

Le travail n’était pas terminé pour autant : il restait une autre petite vie qui ne demandait qu’à voir le jour aussi.
Sans pour autant rompre le contact avec son fils, d’une patte contre son petit corps.
Son fils.
Son fils...

Leur fils.

Voir l'émotion vive de Violette, c'était beau, aussi.
Elle prit les pattes de son ami pour les serrer entre les siennes, une fois leur fils placé contre son flanc.
Son sourire s'allongea, et elle rit, encore, amusée de ses bêtises.

- C'est par ce qu'il est beaucoup plus mignon que moi.

Parfait, en tout points, à ses yeux de Maman comblée.
Délicatement, du bout du museau, elle se permit de guider son nouveau né affamé vers l'une de ses mamelles avant de laisser sa tête retomber sur les couvertures.
Elle inspira profondément, les yeux mi-clos et le corps endolori.

- Allez, plus qu'un et on sera au complet.

Après ça, elle l'aura bien mérité, son bon gros sommeil.
Pour le moment... Onyx bougea un peu, de peur d'écraser son bébé, si petit, si beau et si fragile, par un mauvais mouvement, et revint poser sa patte dans l'une de celles de Violette, pour profiter de ce réconfort.

Et la voilà, la petite surprise !
Ou plutôt, le petit surprise : Violette ne lui avait donné que des garçons. C'était p'tet le karma, qui frappait, par ce qu'elle, ses sœurs et leur mère avaient placé son père en infériorité numérique, une génération plus tôt.
En songeant à son frère, ce bébé là lui ressemblait tant, et la licorne sentit son cœur se serrer, un peu.

Il aurait été si heureux de découvrir leurs visages.

La jeune mère ramena contre elle ce petit là aussi, pour le réchauffer. Ses gestes furent un peu plus assurés que pour le premier né, et le louveteau chocolat prit place, comme son frère avant lui, entre les pattes de Violette.

- Un autre merveilleux petit garçon.

Epuisée par toutes ces émotions, et après avoir changé la forme de ses cornes pour ne pas le blesser, elle laissa sa tête retomber sur l'épaule de son meilleur ami.

- Merci infiniment, de m'offrir ce bonheur. Et à eux, un Papa aussi chouette.

Onyx caressa du regard leurs deux tout-petits.
Infiniment fière d'être leur Maman.

Son visage afficha un sourire béat et ses paupières papillonnèrent sur ses yeux de chat, l'une des autres conséquences de son épuisement.
La mise bas avait été longue et pénible mais ils allaient bien, tous, et c'était encore le principal. Violette, lui, semblait-être au bord des larmes et Onyx ne savait plus, si elle l'avait déjà vu pleurer un jour.
Il ne lui semblait pas.

- Ouaaais ! Si on m'avait dit, y'a quelques années plus tôt, qu'on allait avoir deux gosses ensemble ~

Elle rit, un peu, et ne perdit pas son sourire.
Si on lui avait dit, quelques années plus tôt, qu'elle deviendrait maman, juste maman, un jour, elle ne l'aurait pas cru, et encore moins pensé qu'elle porterait ses enfants.
Finalement, elle s'en était bien sortie, alors qu'elle ne s'en était, jadis, pas sentie capable. Son petit corps avait géré, et les bébés n'étaient même pas minuscules.

- Mais j'te cache pas que j'suis vraiment fatiguée.