-Iris-

La silhouette élancée est assise dans l'ombre de la statue de l'Ours, le regard perdu sur la fontaine qui dégorge avec régularité son liquide carmin. Du tableau calme, seule la lueur rouge sur l'épaule du guerrier se détache, brûlant d'un feu irréel et violent. Le temps semble un instant suspendu, dans ce temple dédié au combat et au courage, plus habitué aux cris et grognements qu'à ce silence entendu.

Iris n'était pas venu là pour réfléchir. Pourtant, alors qu'il s'était apprêté à s'adresser à son Dieu, il s'était interrompu. Son glowstick habituellement animé d'une lumière plus vive, avait faiblit. Sans savoir s'il s'agissait d'une impression liée aux fluctuations naturelles du liquide, le loup s'était néanmoins arrêté dans ses traces, un doute pointant dans son coeur. S'était-il éloigné de sa foi ?

Son obsession des Profondeurs, cachée par son projet avec Sakura de battre le roi factice démon, devenait hors de contrôle, empiétait sur sa vie. Comme si le poison du sang noir ingéré le rongeait jusqu'au coeur, comme si la corruption de son âme devenait inévitable, jusqu'à s'asservir à un de ces démons, ou à celle qui arpentait leurs terres. Jusqu'ici, il avait fermé les yeux mais ce faiblissement de l'éclat rouge lui exposait un risque plus grand : celui que l'ombre dans laquelle il plongeait peu à peu éteigne sa lumière.

Son choix se rapprochait. Il était inévitable.

Il n'était pas venu ici pour ça, mais la question l'avait pris et paralysé. Il n'avait pas peur, mais n'arrivait pas à choisir. Il faisait un bien piètre rouge. Ses yeux mauves se lèvent alors vers la statue : pouvait-il vraiment demander de l'aide à son Dieu, alors qu'il courtisait une autre puissance ? Il aurait beau le cacher, son âme révèlerait ses secrets à son père. Face à lui, il ne pouvait mentir et pourtant, ne pouvait choisir. Devant l'abîme où ils s'apprêtaient à aller, il attendra probablement le dernier moment pour choisir entre ce qu'il a ici, et ce qui vit au-delà.


Sa voix est neutre, bien que légèrement lasse. Les Dieux étaient en colère, leur vision brouillées et Iris n'avait que peu d'espoir en cette demande. Mais il l'avait promis à Nirvana, et ne trahirait pas sa confiance qu'il regagnait à peine, quels que soient ses états d'âmes.

-Iris-

Seul le silence répond à sa question.
Un silence étouffant, qui opprime sa poitrine d'une force jamais éprouvée avant. Un silence qui l'étouffe plus que les crocs des ennemis sur sa gorge, plus que les tripes de démons qu'il a dévoré avec dégoût, plus que tous les mots qu'il regrettait de n'avoir jamais prononcé. Le silence de l'absence, le silence du trahit qui résonne comme une question.

Et lorsqu'enfin Il vient, c'est pour le souffler d'une colère froide et blanche, si éloignée de son aura flamboyante habituelle qu'Iris reste un instant comme glacé sur place. Evidemment, que son père avait senti ses failles ; Evidemment qu'il ne pouvait qu'y réagir. D'une colère froide, d'un avertissement silencieux qui retentissait bien plus que s'il avait hurlé. Iris aurait préféré qu'Il hurle, peut-être. Au moins, il aurait pu se révolter, se mettre en colère, se battre. Mais face aux mots du Dieu qui se plantent en lui comme des stalactites, il sent que le choix est le sien. Il ne serait pas rousté comme un enfant, mais devait porter la responsabilité de son doute, tel un adulte.

Était-ce vraiment un affront ? De venir le voir, plutôt que de le fuir comme un lâche ? Et, est-ce qu'Iris avait réellement oublié qui il était ? A son épaule, sa lueur faiblit encore, intensifiant la menace du Dieu rouge comme s'il tirait sur sa laisse pour le rappeler. Mais au lieu de ployer la tête, Iris ne sent que la colère répondre à celle du Dieu qui avait endossé le rôle de son père de remplacement. Il avait gagné ses combats dans la colère, décroché son glowstick dans la colère, et maintenant, c'était cette colère même qui se retournait contre celle de sa déité.


Ses pattes tremblent légèrement, mais ce n'est pas la peur qui les étreint. La défiance signifie la punition, et son joug se tend comme prêt à recevoir la décharge de la colère du Dieu sur son dos. Tout son corps se prépare au combat qu'il aurait peut-être à livrer, un combat dans lequel il n'aurait aucune chance. Mais il ne pouvait mentir, face à Aka ; Alors, et parce qu'il le respectait encore, il lui donnait la vérité, entière, et assumerait les conséquences.


Il avait tué pour Aka, il avait tué pour le clan, et jamais il ne s'était demandé pourquoi. Il tuait pour protéger, il était bouclier, c'était aussi simple que ça. Et il tuerait encore ; c'était pour ça qu'il était rouge, malgré tout. Il voulait écraser ses ennemis. Mais que dire d'un Dieu qui n'était pas capable d'en faire autant ? Ses babines se dégagent légèrement, et sa voix se fait plus fébrile, quand le regard violet reste fixé dans celui du Dieu, défiant.


Il crie presque, maintenant. Face au froid du Dieu, il est un feu qui démarre. Toute sa rancoeur, tous ses doutes et ses désirs qu'il n'a jamais su éteindre, tout vient alimenter le feu de ses émotions qui ont toujours été trop fortes, jusqu'à le détruire. Il n'avait jamais voulu qu'être fort, être assez fort pour défendre sa famille, son clan, et faire les choix justes. Et pourtant, il avait toujours été faible ; perdant, il avait toujours été celui qui devait se relever encore et encore, malgré toute la force prêtée par son Dieu. Il avait perdu son frère, il avait vu son clan se déliter, et maintenant perdait son meilleur ami face à une reader.
Il n'avait jamais été fort.
Alors, lui restait-il vraiment un point commun avec le Dieu ?

-Iris-

Iris avait l'impression de n'avoir jamais autant parlé dans le temple d'Aka. Usuellement, il y allait demander un combat, ou présenter les quelques offrandes qu'il parvenait à dégotter lorsqu'elles étaient suffisantes pour le Dieu, ce qui arrivait rarement. Mais cette fois-ci, il a la gorge sèche et est essoufflé à la fin de sa tirade, qui n'a pas été interrompue. Il referme sa gueule d'un son sec, et attend la réponse d'Aka, qu'elle que soit la forme qu'elle prendrait. N'avait-il pas dit qu'il serait responsable de ses paroles ?

Mais au lieu de le balayer de sa colère, le Dieu l'écoute, et se trouve simplement agacé face à sa réaction. C'est au tour d'Iris de froncer les sourcils : l'Autre n'est-il pas un ennemi d'Aka ? Le Dieu rouge pourrait-il simplement accepter que l'entité coexiste avec la puissance des Dieux ? Peut-être que le guerrier s'était fourvoyé sur la question. Sa soeur en saurait probablement plus, Dairo lui ayant accordé ses visions, mais il savait qu'il ne pourrait lui faire part de ses doutes. Alors, Iris accepte le conseil qui se veut simple et efficace : le jour où l'Autre deviendrait son ennemi, il devra frapper pour le tuer et non l'enfermer.

Evidemment, le Dieu voit clair à travers lui, à travers ses doutes. Il lui confirme que la pouvoir du glowstick qu'avait utilisé Iris avait été à bon escient, et pourtant, Iris peine à y croire. Le pouvoir n'avait rien empêché, rien arrangé entre sa fratrie et lui, avait même éloigné Désiré. Mais n'avait-il pas, simplement, placé trop d'espoir dans cette force ? Il garde le menton haut, mais le Dieu attise encore ses doutes, les secouant pour en exposer les failles, le laissant simplement nu et hésitant face à Lui. Et lorsqu'il aborde sa fierté, une étrange chaleur ne peut s'empêcher d'emplir Iris, remplaçant la colère et la frustration. Une forme de validation par le Dieu, qui le force à baisser le regard, non pas par peur mais pour cacher la lueur surprise et le léger sourire qui tend ses babines sans qu'il ne puisse le réfréner.

Il savait avoir un choix à faire.
Un choix entre les ombres et leurs promesses de puissance sans fin, avec pour seule assurance l'idée qu'il y perdrait quelque chose, et la lumière qui lui avait déjà offert une force stable, mais incapable de résoudre ses problèmes actuels. Une force finie, mais une force sans condition, à part celle de toujours se relever et de réussir, sinon par la force mais par l'acharnement. Pourquoi, alors, les ombres étaient-elles si attirantes ? Peut-être que ce n'était là qu'une épreuve pour son âme, une tentation à laquelle il devrait résister.

Au fond, qu'est-ce qui le rendrait heureux ? S'était-il déjà posé la question ?
Immédiatement, il entrevoit la réponse sous la forme de son clan, de sa famille, unis dans l'effort, heureux. Un clan respecté, aussi, que les ennemis craindraient d'attaquer. Un havre de sécurité, avec des valeurs communes de force, d'entr'aide et d'une union dans les épreuves. Quelque chose qu'il ne pourrait probablement jamais avoir, tant sa famille s'était déchirée à cause de valeurs écartées, et d'erreurs de jeunesse. C'est cette faille là qu'elle avait exploité ; celle qui l'attirait dans les ombres et l'attirait tout court, pour qui il avait été prêt à plonger pour peu qu'elle lui fournisse un peu de cette puissance, qui ne résoudrait rien.

Peut-être qu'Iris entrevoyait un peu de ses erreurs. Et en fil conducteur, le reste de cette chaleur et le désir intense de ne pas décevoir son Dieu une nouvelle fois. Pourrait-il abandonner ça ? Ou plutôt : ce qu'il trouverait de l'autre côté le rendrait-il heureux ? Il en avait la réponse, et elle le rassurait sans qu'il ne puisse empêcher une pointe de déception d'éprendre son coeur. Il allait devoir se montrer fort, encore, car il n'existait pas de moyen de tricher; à cette idée, il sourit. Il avait encore à faire, beaucoup, avant de pouvoir se sentir confiant dans son chemin. Mais, sa colère passée, il relève les yeux vers Aka, et hoche la tête, déférent. Seul le respect restait, et si la taille du Dieu pouvait presque le faire passer pour un égal, il avait aux yeux d'Iris toute l'aura d'un père.


Il déglutit, et sent un poids se lever de sa poitrine. Il lui avait suffit de le promettre pour que ses doutes s'éclaircissent, du moins en partie. Car il ne pouvait cacher avoir des failles, autant de faiblesses auxquelles ses ennemis pourront s'accrocher. La première était de ne pas savoir qui était cet ennemi, de ne pas avoir de vision assez claire sur la manière de l'abattre. Une fois qu'il aurait déterminé ça, alors il pourra se donner pleinement à l'objectif donné par Aka, de frapper pour tuer. Il hoche une nouvelle fois la tête, sans rien rajouter. Il avait assez parlé pour aujourd'hui.

-Iris-

Une moue boudeuse se dessine sur le visage d’Aka, et si Iris ne détourne pas le regard, il ne peut s’empecher d’en avoir légèrement honte. Il ennuyait son Dieu – Evidement qu’il l’ennuyait. Ce n’était pas grave, tant que cela ne se reproduisait pas. De toute manière, il avait pour habitude de venir ici seulement pour présenter ses offrandes, trophées de ses luttes les plus grandes, ou pour demander au Dieu de la Force un combat où s’amuser, se défouler. Le silence le regagne, car il sait n’avoir plus rien à dire. Il était temps d’agir.

Les dernières paroles du Dieu retentissent, avant que finalement Aka disparaisse sans lui offrir de combat. Et Iris se retrouve seul dans le temple encore chaud, ses pensées bouillonnantes de doutes, de frustration et d’une intense envie d’action. Il ne savait pas quel était cet avenir dont le Dieu parlait, peut-etre la descente dans les enfers et leur combat contre les démons.

Iris déglutit, et après quelques longues secondes, se lève pour sortir du temple. L’air frai lui fait du bien ; il l’inspire longuement, dissipant les fourmillements dans ses pattes. D’un regard, il se retourne pour observer l’entrée de ce temple qui l’avait de nombreuses fois abrité. La prochaine fois qu’il reviendrait ici, ce serait une fois son choix fait et ses doutes balayé. Mais en attendant, il ne préférait pas faire l’offense au Dieu de se présenter de nouveau devant Lui. Il s’assoit et soupire, l’impression mordante d’avoir perdu quelque chose qui lui était cher ne faisant que s’amplifier. Avait-il perdu ce qu’il avait, en cherchant toujours plus ? Son expression s’assombrit, et il reste là, pensif.

-Iris-

Iris était assis, une patte posée à la base de son museau, un mal de tete grandissant entre ses deux tempes. Après ce au’il venait de vivre, tout lui semblait plus lourd, l’air lui paraissait épais et visqueux, et ses pensées ralenties par la fatigue. Il ne savait pas quoi faire, mais avait une énergie folle, une frustration et une colère qui l’empechait paradoxalement d’agir.

Et soudain … Sakura. Sa voix le fait sursauter, et un instant, une expression de panique passe sur son visage, vite remplacée par sa neutralité habituelle. Il hésite à répondre -que dire à la louve rouge ?- avant de secouer la tete, un léger sourire flottant sur ses babines.


Il déglutit. Dit ainsi, c’était encore pire. Sa voix s’étrangle légèrement en un sourire désolé.

-Iris-

Le Bouclier reste silencieux. Il ne voulait pas exposer l'entièreté de son problème à Sakura, mais pourtant avait envie d'entendre son avis sur la question. La douleur de l'opposition avec son Dieu était encore fraiche, et ses pensées n'étaient pas claires. Comment pouvait-il l'expliauer, alors que lui-même n'y comprenait rien ?


Il passe une patte sur son visage avant de gémir. C'était si loin de la vérité, si loin, mais que lui dire de plus ?


Il cherchait à comprendre.

-Iris-

Iris hoche la tête, tout en restant silencieux. Ca, il l'avait bien compris : Enfermer un ennemi ne convenait pas à son Dieu, qui prêchait sa destruction complète. Mais ça n'avait pas été le coeur de leur désaccord. Non, le principal problème était qu'Iris doutait, de sa foi, du pouvoir accordé par la lumière face aux ombres. Il doutait de la place des Dieux dans leur vie, dans leur clan, de leurs ordres et de leurs volontés. Il reste silencieux, acceuillant néanmoins les mots de Sakura avec plaisir.


Il se redresse. Il n'avait pas réalisé que ses pattes tremblaient encore ; Il les regarde, désabusé et pensif.


Des questions hypothétiques, mais importantes pour lui.

-Iris-

Le contact aide un peu Iris, le sortant de sa torpeur et ajoutant du poids aux mots qui suivent. Aka était celui qui leur fournissait la puissance pour protéger leur clan ; Et cette force démoniaque qui l'avait tant attiré était une forme de faiblesse, pour ce dernier. Evidemment, Aka le considérait ainsi. Mais si Iris avait cherché cette puissance, c'était avant tout pour ce clan qui lui avait tant donné. Ses choix restaient maitres, tant qu'ils ne les mettaient pas en danger.

Mais comment savoir ce qui les mettrait en danger ou non ?

Le Bouclier reste pensif. Lui non plus ne pourrait tuer son frère, il le savait. Quoi qu'Ibéris ferait, il en serait incapable. Mais un membre moins éloigné, un ami ? Jusqu'où irait son allégence ? Il se redresse, avant de soupirer.


C'était impératif. Il ne reviendrait pas sans être certain de son choix. Et avant ça, il devrait exorciser ses envies et lisser les failles de son coeur, s'il choisissait son Dieu. Il souffle, avant s'hocher la tête et de regarder Sakura.


Ils lui étaient très précieux.

Sakura n'était pas réellement de bon conseil. Elle le savait. Mais toujours elle préférait dire la vérité sur les choses, et ne pas jouer aux lèches culs. Elle comprit aussi quand iris lui dit qu'il préfère réfléchir. En soit, elle le laisserait. Qui était elle pour le forcer de toute façon personne. Et s'il parvenait à faire ses propres choix c'était encore mieux.


alors quand il se lève, elle le laisse, le regardant juste. Et lui sourit, dans un dernier signe de tête. Quand il fut partit, elle se dresse et entre dans le temple d'Aka, pour aller simplement prier sa foi. Ne souhaitant pas faire chier plus qu'il ne l'est Aka.