Appel [pv. Echos]

Echos

Lorsqu'elle revient au plateau, c'est les pattes couvertes de boue, les cheveux en bataille, des chardons plein la queue et l'odeur de la plaine. C'était bien plus l'attitude de la baroudeuse que celle négligée, à parcourir la broussaille, tourbières et marécages, prairie sèches ou humides.
Elle essayait Echos, de mettre un peu d'ordre dans sa vie. L'histoire du dragon semblait presque lointaine maintenant, malgré le fait que les anciens champs avaient toujours cet aspect décharné, avec cette terre empoisonnée qui se gorgeait d'eau en attente de végétation. Les Nakhus avaient quasiment terminé leur déménagement, fréquentant à présent bien plus quotidiennement le plateau que le dédale, et Yurai était devenue Aiiro, semblait être plus en forme aussi de ce qu'il se racontait. Priam était lui aussi revenu, la louve blanche ne savait plus trop quoi en penser, la sensation qu'il pouvait à nouveau partir sans revenir étant toujours très présente dans son cœur.

Echos n'était pas encore allée voir Aiiro même si elle était restée attentive aux nouvelles. Elle savait que de nombreux loups se tenaient à son chevet et c'était peut-être la raison pour laquelle la cornue cherchait un peu plus à se préoccuper des constructions et du bricolage, c'était des choses qu'elle maîtrisait un peu plus, s'y sentait plus utile. Ses griffes et le bout de ses pattes avaient fini par s'abîmer un peu à cause de ça, rien de bien grave à cela hormis le fait qu'elle n'aurait pu se faire passer pour ces louves délicates.
La cornue avait cru entendre aussi que certains loups avaient déjà tenté une épreuve auprès de Aiiro malgré sa convalescence encore récente. Echos prenait un peu plus son temps, pour finir les choses peut-être, elle n'était pas certaine non plus de vouloir quémander une épreuve dés sa première rencontre avec la nouvelle forme de la Corneille.

Elle s'occupait des petites choses Echos, elle avait de quoi se prendre la tête déjà. Il y avait dans son esprits, toutes ces questions qui ne partaient jamais, sa recherche de ce qui la définissait, de ses valeurs, de celles des Nakhus. Il y avait ses anomalies aussi, les étrangeté qui interrogeaient. Aujourd'hui c'était une lavvu qui semblait avoir brûlé et dont il ne restait que les traces calcinées de l'ancienne structure et de quelques peaux noircies. Il n'y avait pourtant pas eu d'incendie, Echos ne se souvenait pas qu'il y en avait eu une ici, de lavvu.
La réflexion s'arrêta là, une voix particulière la fit presque sursauter et au moins redresser les oreilles.

Elle ne se serait jamais attendu, Echos, à voir Aiiro se déplacer jusqu'à elle un jour, à voir un dieu se donner cette peine d'ailleurs ou alors pas sans qu'elle ait créer une faille permanente dans l'espace et le temps de ce monde.

« Oh ! Bonjour ! »

Sa queue s'agita dans un mouvement sec, Echos ne serait pas parvenue à cacher sa surprise, encore moins avec la suite des paroles de la divinité.

« Oh euh oui ! … Maintenant ? »

C'était quoi l'épreuve d'Aiiro ? La blanche était un peu prise au dépourvue.
Ça lui demanda quelques secondes, qu'elle digère l'info, la rencontre, la demande. Elle se redressa lorsqu'elle se reprit, relevant ses yeux gris vers la nouvelle Corneille.

« J'peux la passer maintenant, il n'y a aucun problème ! »

C'était tout de même, une drôle de première rencontre officielle.

« C'est pas la même qu'à l'époque où vous étiez Yurai n'est-ce pas ? »

Sa voix se porta un peu moins à cette demande, sa tête s'abaissa un peu. Ce n'était pas qu'elle craignait l'épreuve de l'ancienne Corneille ou celle de la nouvelle – enfin si, un peu pour les deux mais comme n'importe qu'elle épreuve divine – mais la question persistait comme pour prendre pleinement conscience du changement.
Rien ne serait plus pareil, car rien ne le demeurait pour toujours. Des loups avaient disparus, des terres et des joies. Des monstres aussi et des peurs. Et elle, Echos, essayait d'avancer au milieu de tout ça, même si elle trébuchait, laissant derrière elle le sillon de chaos qui la composait.
Comme Aiiro.

Echos

Une introspection mais plus chaotique.

A l'instar de ce qu'ils étaient sans doute devenus eux, Nakhus, face à la rudesse de leur destin, sans doute une meute beaucoup moins sage que ce qu'elle n'avait été. A l'instar d'elle même dont le fil de pensées prenait toute sorte de direction pour faire face aux réalités nouvelles, réelles ou plus absurdes quand se créaient ses anomalies.

Echos écoute les premières questions et ses oreilles se redressent d'un intérêt nouveau lorsqu'elle les entends. Elle a envie d'en poser de nouvelles, Aiiro était véritablement capable de lui montrer son origine, d'où elle venait ? De lui dire pourquoi autour d'elle le monde se fragmentait, de pourquoi son premier souvenir était sa présence incongrue au milieu des champs mystiques ? De quelle similitude la divinité parlait ?

Elle reste sage, Echos, calme surtout, malgré tout, parce qu'il le faut pour l'épreuve n'est-ce pas ? Il y a d'autres questions, elles concernent Priam cette fois-ci, son rapport avec les Nakhus, des choix hypothétiques qui n'ont rien d'absurde. Ces questions, malgré les promesses de licorne, par ses actes précédents, elle se les était déjà posé bien avant ce jour et cette épreuve, évidemment.
Quand à la dernière interrogation, c'était sans doute là où la réponses risquait d'être les plus flou. C'est quoi être Nakhu ? N'est-ce pas?. Ça lui semblait similaire.

Elle ne sait pas trop par où, par quoi commencer Echos, ce qui est le miens. Il y a sans doute cette pression, ce petit stress d'échouer avant même d'avoir commencé. C'était normal sans doute, si Aiiro était venu de sa propre personne, n'en demeurait pas moins le fait que la louve cornue désirait depuis si longtemps un glowstick, comme beaucoup de loups en avaient voulu avant elle.

« De ce que je suis, de pourquoi je suis là, de mes origines, j'sais pas si j'en ai peur. Probablement, parce qu'on s'imagine toujours des choses quand on sait pas et p't être que je serais déçu oui mais ne pas savoir, ça fait aussi partie des choses qui m'effraient. Y'en a qui s'en fiche, ils ont sans doute raison parce que ça ne changera rien au présent, à ce qu'il s'est passé ou ce qui amène là mais moi je suis pas ceux là. Autour de moi, il y a toute ces anomalies qui se produisent, j'en ai l'habitude, mais il y a aussi cet inconnu qui demeure autour et toute les questions que je peux me poser à ce sujet font parties de celles qui tournent en permanence dans ma tête. »

Elle fait une pause, fronce les sourcils un instant. «  Ça se trouve, mes parents, c'était pas des loups bien et que c'est le bazar à cause d'eux. » Poursuit sa réflexion d'un haussement d'épaule. « Bah j'y pourrais rien, mais au moins j'le saurais. Ça empêchera pas d'autres questions de se poser, mais elles seront différentes, et j'avancerais. »

Elle releva ses yeux gris vers Aiiro.

« Avec Priam c'est un peu pareil. Il est déjà parti une fois, il aurait pu ne jamais revenir. La manière dont il l'a fait, ça a été très douloureux, j'ai été très triste... en colère aussi. » C'est une chose qu'elle avait remarqué, Echos, face à l'adversité, son cœur répondait par une forme de colère, comme pour s'empêcher de s'arrêter. « Mais même s'il était plus là, y'avait pas le choix, fallait continuer, les Nakhus en avaient besoin, vous en aviez besoin. Si on s'arrête trop longtemps, les choses finissent par dépérir et disparaître. » A l'image de Cheza qui ne semblait n'être plus qu'une ombre dans le lointain, lui qui avait été si explosif pour maintenir le passé, pour reculer. Peut-être que lui aussi avait été un colère.
« Priam, a déjà dit qu'il voulait plus être Nakhus mais il est revenu. Les promesses qu'il a fait pourtant, j'ai l'impression qu'elles ne sont pas bonnes. C'est mon meilleur ami mais p't être qu'on est pas fait pour marcher dans les mêmes pas. Pour faire un golem, il faut quelque chose qu'il ne supporterait pas je pense mais ce projet est important, pour les Nakhus, pour qu'ils puissent prospérer malgré les épreuves. »

Pour qu'il y ait toujours quelqu'un pour les protéger même si les plus forts ne sont plus là, pour qu'ils puissent construire leurs églises, creuser leurs champs même s'ils ne sont pas assez nombreux pour cela. Pour qu'il puisse y avoir la force qu'il leur manque et que même s'il ne reste plus qu'un seul Nakhu, il ne le soit pas vraiment, seul.

« P't être qu'un jour Priam partira à nouveau. Si ça doit arriver, j'espère juste que cette fois, il se retournera pour me dire au revoir.

C'est quoi être Nakhu ? C'est une question que je me pose souvent mais j'ai toujours un peu de mal à y répondre. On est p't être juste le souvenir perpétué de ceux qui ont vécu là ou qui ont porté ce nom. Ceux qui continuent à le faire vivre pour qu'il ne disparaisse pas, pour permettre à ceux qui le portent encore de toujours avancer sans disparaître, pour ceux qui le porteront demain. On change pourtant, nous n'habitons plus au Dédale, vous n'êtes plus Yurai. Vous êtes pourtant sa continuité, vous êtes la Corneille qui veille sur ces terres et sur cette meute. Dysis, Stendhal, Grimalk, Lucian, moi et tout les autres, on est pas Kerguelen, ni Prudence, ni même avant Ajani ou Eva. » Ces noms que l'histoire portait. « Mais on est Nakhu quand même. Alors moi ce que j'veux, sans l'attendre comme une exigence, c'est qu'on continue à tout faire pour exister, pour que chacun puisse demeurer à jamais dans le souvenir de ceux qui suivront. »

En écho des souvenirs du passé, clamé la voix des lendemains. Être Nakhus simplement tous ensemble.

Echos

L'illumination sur le visage d'Aiiro firent à nouveau relever les oreilles d'Echos dans une expression attentive, curieuse également quand vient la suite, cette volonté de répondre à ses questions, de lui montrer cette vérité ignorée.
Se joue alors une scène aux couleurs du passé, ces champs de brumes n'existaient plus à présent. La louve ne peut être attentive face à ce qu'elle voit, ce scintillement qui représente la composition même du monde, celle sans doute que sa présence perturbe. Etait-ce comme ça que les dieux percevaient l'univers ? Avec cette image des particules et des flux magiques apparaissant devant leurs yeux ?
Le regard d'Echos ne se détache pas de cette vision, ni même de ce grand loup aux couleurs si semblables à celles de deux de ses pattes, à l'armure similaire à celle qui recouvre une partie de son visage et son épaule gauche. La pierre au dessus de laquelle il se penche, sans avoir été capable de la retrouver, elle la reconnaissait.

La louve claire demeure silencieuse durant tout le long du récit, comme un enfant absorbé par celui des légendes qu'on lui conte du monde. Elle voit et des questions trouvent réponses quand de nouvelles se posent en parallèle. C'est ainsi que les dieux, ceux-ci en tout cas, naissent... Mais alors qui est ce dieu blanc dont personne ne parle?
Et puis vint surtout les réponses sur elle même. Née du chaos primordial, elle n'est loup né de la chaire et du sang comme les autres mais de ces êtres façonnés par la magie, l'amalgame d'un vœu et d'un suffisamment sentiment puissant pour permettre de façonner une existence.

Elle est à l'instar d'Aiiro et des autres divinité… sans en être une elle même, puisqu'elle tient bien plus d'un souhait que d'un être plus puissant encore. Mais à cet instant, Echos se sent bien plus proche d'Aiiro qu'elle ne l'a jamais été auparavant, alors, même si elle demeure silencieuse – elle aura bien évidement des questions, plus tard, il y a avant tout beaucoup d'informations à digérer, à comprendre, à appréhender – elle étend son cou et de museau à museau, vient à la rencontre de la divinité, acceptant sa réponse, acceptant sa couleur, lui offrant toute sa foi.

Echos

Aiiro sourit, la divinité était heureuse sans doute que ses certitudes s'avèrent vraies. Echos, elle, prend plaisir dans cette confiance qu'on lui a accordé, palliant à celle qui lui manquait parfois. A sa patte apparaît au milieu du fouillis des autres, un bracelet brillant aux couleurs divines et c'est une fierté nouvelle qui emplit son cœur.
Cette épreuve, le glowstick, elle l'avait tant attendu durant son enfance, Echos, tout en la craignant. Elle avait voulu les couleurs de Yurai sans être certaine qu'elle correspondait à ses valeurs, finalement c'était auprès de sa nouvelle identité et de ses nouvelles valeurs.

« J'vous rendrais fier.e, vous verrez ! J'bâtirais des projets pour que les Nakhus le soit aussi d'en être ! »

C'est l'assurance d'Aiiro qu'elle partageait à présent. Elle qui était un vœu, réaliserait celui d'indépendance des Nakhus, pour qu'ils puissent faire face eux même face au pires événements, pour qu'ils puissent prospérer aujourd'hui comme demain.

Un souffle, qui fait redescendre un peu l'énergie des émotions.

« Merci, de me faire confiance. »