Seconde [Edessa]

Il faisait si sombre cette nuit, que l’on aurait peiné à mettre une patte devant l’autre si les astres ne s’étaient fait constellations pour venir éclairer la plage. L’eau apparaissait noire, aussi sombre que l’encre, propice aux prédateurs discrets. Une nuit parfaite pour s’adonner à la pêche dans les eaux peu profonde de la lagune sans être trahie par sa propre stature.

La louve désavouée s’était mise en chasse. Nageant habillement près des rochers comme à son habitude, tout en contrôlant sa trajectoire pour ne pas se retrouvée projetée contre ceux-ci. Elle avait repris ses marques et demeurait l’un des meilleures nageuses du continent si l’on en exclus les Raeders métamorphosés qui demeuraient indétrônables de par leurs écailles et leur branchie.

La louve pourtant semblait se contente de se statu quo, ne cherchait pas réellement à rivaliser avec personne tant qu’elle parvenait encore à se nourrir convenablement. Il lui suffit de quelques plongeons pour remonter quelques oursins et autant de petits crustacés, suffisamment pour marger à sa faim et tenir les prochains jours. Elle alla s’installer sur les rochers, dégusta sa prise jusqu’à la derrière miette avant de se laisser glisser dans l’eau.

La louve aux reflets d’eau entendait profiter des eaux chaudes et calmes, c’est sans stress qu’elle se laissait flotter sur le dos parmi le va et vient des vagues tout en contemplant l’immensité du ciel.

Une Nuit de gloire.

Lorsqu’une voix s’adressa à son encontre, la louve émeraude fit une pirouette dans l’eau, se replaçant immédiatement sur le ventre avant de se laisser glisser jusqu’à la plage tel un serpent d’eau, jusqu’à émerger entièrement, sortant des vagues pour venir se poser au côté de la louve qui l’avait réclamée.

La louve à la crinière ornée de perles lui était inconnue, pourtant son odeur de sel et d’algues ne pouvait être manquée. Une raeders, une de plus qui venait à sa rencontre, mais rien d’impressionnant lorsque l’on vit à la fois si proche et si loin de leur territoire de pêches, ils semblaient tendre à plus d’influences sur les bords de côte, ne vivant plus reclus sur le morceau de terre qui avait toujours été leur foyer.

La louve arqua ses oreilles vers l’avance, s’avançant tout en conservant une distance respectable entre elle et l’inconnue.

« Il m’étonne que Chimaera ait tenu de tel propos. »

Elle ne le connaissait si sentimental après tout et ne semblait pas être tout à fait son genre. Mais puisqu’elle semblait s’intéresser particulièrement à elle, alors il convenait de demander :

« Qui es-tu et que me veux-tu ? »

Méfiante tout de même.

Les oreilles de la louve azurée se penchèrent vers l’arrière dans un tintement cristallin. Peut-être aurait-elle pu se montrer flattée des révélations de la louve quant à une certaine affection portée par le capitaine envers sa personne, mais le doute submergea l’éventualité. Méfiance si lisait sous ses traits impassibles, louve patiente qui attendait que la conversation s’écoule vers plus d’informations.

Nous ne sommes qu’ami de longue date, il est vrai que nous nous sommes perdu de vu pendant un certain nombre d’année.

Des aléas.

Elle resta évasive. Le compte lui était encore difficile à évaluer.
Lorsque la louve couleur de nuit lui tendit la patte, elle fut marqué d’une hésitation devait-elle lui serrer la patte, la saluer ou bien … Elle lui saisit la patte délicatement et y déposa un baiser, dans un baise-patte tout à fait distingué, qui n’était certes peut-être pas le plus approprié, mais qui lui semblait des plus poli pour marquer son respect.

Ravie de faire votre connaissance, Seconde Edessa.

Ses yeux quittèrent la patte pour venir s’enquérir du regard mordoré de la louve au pelage de ciel. Ses propres oreilles se redressèrent à leurs tours, pointées sur la seconde, agissant comme un miroir.

« Wasabi »

Par l’évocation de son nouveau patronyme, elle saurait s’il a tenu parole.

« J’eusse supposé que mon nom vous aurait été divulgué par avance, puisque vous semblez si bien connaître les tenants et aboutissants de ma relation avec votre capitaine. »

N’était-ce pas le cas ? L’aurait-il évoquée sans la nomme d’une quelconque façon ou bien était-ce un piège pour le tester, la louve émeraude était méfiante, elle connaissait son statut vis à vis de la meute et pourtant, elle avait promis. Promis de respecter les raeders autant que cela lui serait possible de le faire. Alors elle ne releva pas, ce qui aurait pu s’apparenter à une menace ou à une prise de pouvoir sur sa personne. Wasabi n’était du genre à fléchir, et cela n’arriverait pas, ni devant un Dieu, ni devant la seconde du capitaine.

« Je suppose que si vous êtes ici, ce n’est pas simplement pour discuter, ou faire connaissance, alors dites-moi honnêtement, que désirez-vous pour me compter parmi les vôtres. »

Ses moustaches frémirent, alors qu’elle l’avisa du regard, elle ne saurait être embarquée dans une entourloupe de plus, elle avait déjà suffisamment donné en affrontant la créature d’Aka.

Les deux émeraudes veillaient sans faiblir, soutenant à leur tour le regard flamboyant de la louve bouclée. Elle n’était de celle qui courbait l’échine désormais, il n’y avait guère qui l’orage encore capable de la faire vaciller sous la lune. Les arguments et attribut d’une louve si charmante et provocatrice soit-elle, n’aurait les moyens de la faire faiblir ou même de l’intimider, elle qui ne courbait réellement l’échine face au capitaine, qui n’avait de fierté et de cœur que pour sa propre liberté.

« Mon passé est derrière moi, je n’ai pas eu besoin des Raeders pour y renoncer. »

Si confronter le Dieu de son enfance et mettre fin à ses jours n’était pas suffisant, elle se demandait bien ce qu’il aurait fallu faire de plus.

Ce fut son choix, celui de se jeter d’une falaise plutôt que d’avoir à affronter ses paires lorsque l’histoire s’était trouvé complexifié et qu’elle aurait du se confondre en explications et en excuses certainement, elle avait fait le choix de la liberté plutôt que d’attendre sa sentence, préférait faire ses propres choix plutôt que mettre sa vie une nouvelle fois entre les mains des alphas. Elle n’aurait supporté la réclusion, l’emprisonnement, la privation et les puces. Une babine se releva à cette pensée, frémissement qui la parcourut, sentiment de rage éphémère qui fut rapidement dilué comme une goutte de sang dans l’Océan.

« Tout ce que je désires, c’est servir l’Océan de ma vie. Rien de plus.»

Elle était sincère et déterminée. L’océan signifiait pour elle, la liberté totale, celle qu’on ne conditionne pas. Elle avait cette vocation, celle d’être autre chose qu’un loup du continent, se métamorphoser.
L’Océan, Lui qui lui avait donné une seconde chance, semble-t-il.
Une juste retour des choses, elle avait choisi comment elle désirait vivre et mourir une seconde fois.

La louve au pelage bouclé se laissa absorbée par l’obscurité. Seule ses paroles raisonnaient encore dans l’esprit de la louve aux longs cheveux noirs. Être surveillée, peu lui importait que d’être surveillée tant qu’elle faisait partie entière de l’équipage, tant qu’elle était part de la meute qu’elle avait choisi il y a plus de 6 ans. Tant que tous le chemin qui avait été parcouru n’avait été fait en vain.

Merci Seconde Edessa.

Si elle l’avouait de vive voix, si elle n’allait le clamer sous la lueur des étoiles, elle était reconnaissante. Pour cette chance qui lui avait été offerte afin de replacer celle qui fut dérobée autre fois. Wasabi se retrouva à nouveau seule sur la plage de la lagune, le silence reprit ses droits et la louve se mit en route.