Vie et Mort [Solo] /Gore\

Ils avaient gagné en puissance.
Chaque jour qui passait les faisait le réaliser un peu plus. Devant chez eux s'amassaient les cadavres qu'ils s'amusaient à laisser putréfier en un champs de mort et de mouches autour de la chapelle qui était leur territoire. Un marais nauséabond qui recouvrait peu à peu la terre de cendre, une peuvre peinte de moisissures, de vers et de larves.
Leur palais.

Ils se complaisaient dans cette nécrose, mais voulaient plus. Plus de maladie, plus de mort, quelque chose d'une plus grande échelle. Après s'être tant entrainés sur des rats, sur des souris, des insectes, des petits animaux comme des sangliers, des lapins, tout ces être éphémères qu'ils avaient rendus si beaux, si beaux ! Tous ces être dont les corps nourrissaient à présent la prochaine génération de leur nécrose, après s'être tant entrainés, ils étaient déçus que rien ne soit sorti de leurs expériences.
Ils avaient pourtant essayé, avec ce monstre-oiseau.
Ils avaient continué d'oeuvrer, mais sentaient qu'ils étaient bloqués par un problème de taille.

Il faisait frai, dans la Sylve. Un vent hivernal soufflait encore sur eux, alors que leur corps gargouillait dans l'une des mare à l'eau nébuleuse qui entourait leur chapelle en ruine. Ils devraient cesser de l'appeler Chapelle, mais Morbus aimait à se rappeler de son ancien statut désacralisé.
Un fin sourire étire leurs crocs, ivoire et vers.

Nous devrions commencer.

La voix qui s'élève vers le ciel ne s'adresse à personne, en réalité. Seulement à eux-mêmes, comme pour montrer que oui, il fallait y aller.
Neisseria aimait bien se prélasser. Mais ses rêves étaient grands, et aujourd'hui, ils sentaient assez de force pour les réaliser. Le corps grouillant s'extirpe de l'eau en un bruit mouillé, les yeux blancs ornés des autres globes qu'ils avaient amassés fouillant lascivement des yeux le lieu de leur prochaine recherche.
Ils avaient faim.

Allons-y !

La voix est enjouée, enfantine et pourtant, résonne des accents démoniaque d'un démon en pleine possession de ses moyens.

Mmmh ! Nord, Est, Ouest ?

Le gargouillement qui sort de la gueule de Neisseria n'a rien d'un rire, ni rien de lupin. Peu importe leur direction, mais ils ne voulaient pas retracer des chemins qu'ils avaient déjà trop terni de leur odeur. Les animaux les fuyaient, bien sur ;
Chaque fois, ils devaient aller plus loin. Chaque fois, leur peste grandissait, s'étalant à la face de la Sylve comme un furoncle délicieux sur la peau d'un loup. C'était une réussite ! Mais cela rendait tout plus difficile.

Peu importe.
Ils avancent, prenant soin de choisir des directions dont ils ne se souvenaient pas. Derrière eux, le pelage marron goutte d'une eau salie et infectée, mais les yeux cherchent.
Et lorsqu'ils trouvent ...

Mmh. Ce n'est pas commun.

Morbus se tend, tentaculaire, pour se saisir de l'objet. L'oeil démonique inspecte avant que Neisseria ne sourit.

Gardons le, pour le moment.

Ils pourront ensuite essayer de l'utiliser, oui ... Sur un de leurs sujets. Qu'ils devaient trouver, d'abord ! Plus joyeux, le pas est plus léger lorsqu'ils continuent à avancer.

Là.
Une ombre. Massive. Des cornes, tout aussi massives.
Ils connaissaient, cet adversaire. Leur premier combat les avaient permis d'en tuer pour la première fois. Mais cette fois-ci, ils le voulaient vivant. Vivant, blessé, infecté, comme ce monstre-oiseau la première fois.

Il est plus gros.

Tapis dans l'ombre, ils observent. Ils n'avaient pas encore été remarqués, mais peu importe. Ils avanceraient comme la maladie, comme la peste et la nécrose, dans le jour étouffant et de leurt lenteur inexorable.
Un sourire.

Nous allons te rendre beau.

Ils sortent de l'ombre, déjà puissants. Morbus tend ses bras arachnéans, fluides et grouillant de vie vers leur proie. Vif.
D'un coup sec, attrapent la gorge.
Confiants.

Trop, peut-être.
L'animal à corne mugit, à peine empêtré des miasmes de Morbus. Ils manque de parvenir à les arracher, leurs enfants, leurs vers et leurs mouches, les leurs ! Un rictus de surprise passe sur leur visage. Il était plus fort, plus fort que le dernier, plus gros ! Mais déjà empêtré dans leur bras, déjà pris.
La confiance revient, et le corps frappe.

Laisse toi faire.

Morbus s'agite, gargouille et soudain, frappe. Leur corps savait se faire précis, chirurgical, pour perforer la peau épaisse et entrer dans les moiteurs chaudes qui habitaient chaque être vivant. Un endroit parfait pour dévorer, pour y laisser leurs enfants, pour y voir fleurir leurs bouquets ! Mais cette fois-ci, surprise.
L'animal contre-attaque.
Neisseria glapit, alors qu'il rue. D'un coup de sabot, repousse Morbus qui éclate et se désagrège en un nuage de mouches. Ses vers tombent à terre, gargouillant, ses œufs éclatent sous la pression, ses mouchent meurent du choc simple. Et eux, eux ne peuvent soutenir cette vision, eux se rétractent d'un cri du coeur, un cri d'amour.

Mes enfants !

Les siens, les siens, il les avaient tué, ils les tuait, il les piétinait de ses sabotsd durs, il n'en avait rien à faire, rien rien rien RIEN

NOUS TE TUERONS

Morbus se tend, attaque. Les yeux roulent, les cornes repoussent, une fois encore.
Les oeufs éclatent, les faisant hurler. La faisant hurler ; Car en son sein, elle le sent : Morbus se rétracte, panse ses blessures. Des mouches, il y en avait multitude, mais elle ne pouvait les voir mourir. Elle bondit, alors. Ses crocs se dégagent, blanc, lupin, mais d'un geste trop souple, trop vif ! L'animal la piétine, elle, marche sur son corps et fait éclater son sang sur le sol.
Elle hurle, et ce hurlement se change en gargouillement.

Morbus rampe autour de son oeil, la pousse à se relever. Leur coeur, qui bat à l'unisson, leur organe de vie et de mort, s'affole dans leur poitrine. Entre leurs miasmes, la bête cherchait encore à s'échapper, mais elle ne le lacherait pas, ELLE NE LE LACHERAIT PAS AVANT QU'IL NE SOIT MORT

Enfant.

Elle halète.
Elle n'était plus une enfant.
Ils étaient forts.
FORTS.

Nous ne gagnerons pas.

Un instant passe, un nouveau coup qui fait hurler sa gorge pleine de sang. Le leur.
Le sien.

N'oublie pas nos forces.

Une certitude l'emplit, calmant soudain son coeur qui s'emballe. Il était là, Morbus. Il n'avait pas peur. Ensemble, elle n'avait jamais peur. Ensemble, la douleur n'existait pas. Ensemble, ils étaient forts.
Elle halète.
Ils sourient.

Oui. Oui. Ils étaient forts, mais pas comme ça. La jeune louve roule sous l'impulsion de son démon, leur accord se fait de nouveau et de nouveau, ils deviennent Ils plutot qu'Elle et Lui. Ils étaient forts. Ils vaincraient.
Mais pas ainsi.

Morbus ne tenait qu'à une fine branche, tentacule malheureuse que l'animal en furie cherchait tant bien que mal à écarteler, à piétiner. Il aurait pu les fouler de ses sabots, mais il voulait s'enfuir. Il ne voulait pas les toucher ; Il avait raison.

Nous l'avons déjà rencontré. Nous avons mangé sa chaire, de nos vers. Nous savons ceux qui le préfèrent.

Le sourire s'agrandit alors que le corps frêle et à demi tentaculaire se redresse sur des pattes tremblantes. Morbus avait toujours aimé la laisser réfléchir, mais maintenant qu'ils partageaient objectifs et pensées, c'était plus facile.
Plus facile, mais encore plus beau.

Neisseria souffle. Leur coeur, Unique, bat un rythme macabre. L'oeil blanchi de leur proie qui allait s'échapper croise le leur, prédateur.
Il s'échapperait, oui.
Pour un temps.

Soudain, le corps explose.
Une myriade de mouches, d'oeufs et d'insectes, de miasmes puissants et de particules s'échappent des orifices du démon, soufflé vers leur proie, l'enveloppant d'un brouillard bref mais immonde, à l'odeur délicieuse de putréfaction. Une fraction de seconde après, leur proie est relachée.
Sous leur oeil fatigué, le galop de ses sabots leur indique qu'il s'échappait.

Court, petit. Court.
La Peste te rattrapera.

Et, lentement, ils se mirent en traque.

Chaque fois que tu t'arrêteras, nous serons là.
Chaque eau que tu boiras, nous l'infecterons.
Chaque herbe que tu mangeras, nous la nécroserons.
Chaque fois que tu trouveras le sommeil, nous serons ton cauchemar.
Nous serons la fièvre de tes traces.
Nous serons tes sabots inflammés.
Nous serons tes jarrets tremblants.
Nous seront les vers qui grouillent dans ton ventre.
Nous seront les frissons de froid, les bouffées de chaud.
Nous seront la boue, la moisissure et l'excrément.
Nous seront la fatigue, la peur et la faim.
Nous serons la maladie, nous serons la mort.
Nous serons ceux qui te rendrons beau.
Nous serons Peste.

Ils avaient avancé, infatigables. Ils avaient dormi, si peu, si peu. Ils avaient bu, parfois. Ils avaient pansé leurs blessures, souvent. Ils avaient dévoré cadavres et rats, rampant dans la boue comme un reptile.
Les traces étaient leur seul objectif.
Au bout, leur proie.

Quelques jours étaient passés. Quelque jours de traque lente, où seule la certitude de leur Peste oeuvrant à distance les ayant maintenus vifs. Et puis, une ombre. Des cornes. Un ronflement, dans la brume.
Ils se rapprochaient.

D'abord, ils avaient simplement été l'ombre collante à celle de l'anbimal cornu. Grognant, le faisant fuir, l'épuisant. Puis, au fil de la fatigue, ils étaient devenus caresses. Chaque rencontre était l'occasion d'attaquer, de renforcer leur maladie, ce qui rongeait de l'intérieur leur proie.
Peu à peu, ils l'avait affaibli.
Peu à peu, les rencontres étaient plus fréquentes.

Ce jour là, ils ne le quittaient pas des yeux. L'animal boitait, soufflait. Ne trottait même plus, tirait une carcasse à travers la brume alors qu'eux tiraient la leur. Une course d'escargot, d'une lenteur belle et bonne, comme celle de la décomposition. L'oeil de Neisseria était rivé sur la croupe qui s'abaissait d'un rythme saccadé. Chaque fois qu'ils pensaient pouvoir le toucher, ils attaquaient. Rongeaient un peu plus les jarrets, ponctionnait les muscles, y logeaient encore leurs vers, leurs enfants.
Et puis ...

Il trébuche.
Tombe.
Ne se relève pas.

Eux s'avancent, prenant leur temps à présent. Ils savaient qu'ils avaient gagné. L'animal grogne, se débat. Ils restent à distance. Comprennent dans les gestes qu'il n'a plus assez de vie, pour se redresser.
Voulaient-ils encore le garder en vie ?

Il a tué nos enfants, il devrait en enfanter de nouveaux.

Le sourire s'agrandit. Et avec la douceur d'une mère, Neisseria vient caresser la carcasse encore chaude, vivante. Morbus s'infiltre, s'introduit et y laisse de quoi multiplier leurs enfants, remontant des intestins à la gorge, dans le corps encore vivant mais trop affaibli de la bête.
Ils se plaisent, à voir sa lumière perdurer pendant qu'il devenait demeure pour leurs enfants.
Et la nécrose, qui fleurit sur son ventre.
Et les vers, qui grouillent dans la chaire.
Et le mal, qui grandit dans son être.

Ainsi, il devint beau.