» Hohoho, bande de nazes ! [Mini Event]

Il avait fallu pas mal de temps pour que Lucien capte qu'il avait froid.
Enfin pas exactement : il avait bien fallu deux bonnes heures pour que Lucien capte qu'il était actuellement en train de se peler les miches sur la banquise. En même temps, il avait réagi comme les autres à cet éclair blanchâtre qui avait fendu le ciel : la masse de ses semblables décidant d'aller voir de quoi il s'agissait, était allé voir de quoi il s'agissait. Pas réellement pour faire comme tout le monde, en fait : plus parce qu'il était curieux, qu'on était en hiver et que la météo indiquait tout sauf un orage, et qu'il voulait comprendre d'où venait cette aberration climatique, foutredieu.

Et même s'il commençait à avoir très sérieusement froid - gnagnagna albinos, gnagnagna pilosité réduite gnagnagna génétique de merde ta mère - il semblait qu'il touchait au but de son voyage. Dans la foule des séides se dirigeant vers la grève, certaines têtes se relevaient vers une tâche sombre apparemment vivante qui évoluait dans l'univers glacial et immaculé de la banquise. Un être difforme, vaguement lupinoïde, hydrique, bicéphale et tout un tas de mot compliqués que Lucien était tout fier de posséder dans son vocabulaire se dressait devant eux. Pour la surprise et la curiosité, le tatoué n'était pas déçu.

L'animal semblait s'exprimer, communiquant avec tantôt l'une, tantôt l'autre de ses visages, lançant des défis particulièrement stupide à quiconque tentait d'engager la conversation. Un sourire étira les lèvres de Lucien : lui, il aimait les défis. Surtout quand ils étaient stupides, vains et particulièrement dangereux.

Baah, ils allaient bien s'entendre.

— Eh mec ! T'as pas cent balles ?

Sh'Eym avait entendu un appel. Des dires. Des sons. Des loups qui, parait-il, avaient rencontré un autre loup. On parlait d'un extra-terrestre, d'un monstre, d'un loup venu d'ailleurs. Certains en avaient peur, certains étaient curieux, mais aucun n'en reportait un comportement négatif. Il avait même entendu des idées plutôt étranges...
Et sa curiosité était, disoooons... Maladive. Oui, c'était ça, maladive, on pouvait dire. Sh'Eym se rendit donc sur la grève gelée, là où la plupart des loups avaient dit avoir vu le... La bête. Et lorsqu'il arriva, il l'aperçut, de nombreux loups autour de lui comme s'il était un prophète des temps anciens. Sh'Eym sentit son poil se hérisser doucement sous la morsure du froid. Ici, il neigeait, et c'était magnifique. Peut être son temps préféré. Vous comprenez qu'il était heureux !

Le loup avança en trottant doucement, et tourna une fois autour de l'étrangeté, qui donnait des défis aux loups de sa voix sombre et résonnante. Une légère musique flottait dans l'air, tout à fait surréaliste. Sh'Eym attendit patiemment son tour dans la foule de loups qui souhaitaient y passer, et secoua le cou pour en faire tomber le surplus de neige :

"Un p'tit solitaire comme moi aurait-il droit à un défi ? Ca a l'air plutôt... Fun."

Le monstre lui adressa un énorme sourire, un sourire beaucoup trop grand pour contenir toutes ses dents qui se battaient dans sa gueule, ses yeux vides luisant d'énergie. C'était très effrayant... Mais Sh'Eym était plutôt confiant envers la bête. Après tout, s'il avait voulu les agresser, il l'aurait fait depuis longtemps non ?

Caïn n'aimait guère qu'on le surprenne par télépathie. Ou il ne savait trop quoi. Surtout pour l'insulter en plus. Bon, ce n'était guère une attaque ciblée, étant donné que tous les loups présents autour de lui à ce moment là semblèrent aussi victime de cette putain de voix.
Instinctivement, les crocs de Caïn se dévoilèrent. Putain, on jouait pas à ça avec lui ! Il avait déjà envie d'étriper la personne responsable de ceci. Un louveteau qui venait d'obtenir son glowstick et faisait mumuse avec son pouvoir ? Non.
Ses sourcils se froncèrent quand l'autre continua. Un esprit de Noël pour les fêtes de fin d'années. Mmh. Et s'ils voulaient en savoir plus, il fallait se rendre à la grève gelée.
L'idée de marcher jusque là-bas ne l'enchanta guère.
Mais puisqu'il était Bêta, il pouvait réquisitionner qui il voulait pour l'aider à faire la route. Autant profiter des avantages du job, merde !

C'est ainsi que Caïn parvint à la grève gelée en boitillant, parfois épaulé par un soldat à la forte carrure. Putain de patte. Si ça se trouve, ce dégénéré pouvait faire quelque chose pour remédier à tout cela ? Il congédia son déambulateur vivant, et s'approcha d'Illa quand il aperçu son épaisse toison. Il fallait dire que les nuances de blancs, ça flashait sur le blanc.
La louve venait par ailleurs de se voir attribuer un défi, qui fit froncer le museau de Caïn.

« Eh bien Illa, tu as des idées de cadeaux pour Krilla ? Offre lui en un de ma part, tant que tu y es. Genre un porte-clé avec un œil et une patte, c'est bien ça. »

Car bien entendu, la louve n'allait pas lui filer son œil, tout de même. Non ? Ça le ferait un peu chier, quand même, que sa compagne devienne aveugle. C'était déjà difficile de se retrouver, étant donné que de un ils se situaient tout d'eux d'un bout à l'autre du continent, et de deux avec sa patte qui faisait des siennes il était beaucoup plus lent qu'auparavant, ne pouvant toujours point se permettre de courir comme le cabri qu'il fut.
Quoi qu'il en soit, ce monstre, ou plus prétendument cet esprit de Noël, l’intriguait lui aussi. Aussi fit-il un pas un avant, un petit sourire sur les lèvres.

« Allez, balance. »

Qu'on s'amuse un peu.

Un bonhomme de neige.
Il voulait un putain de bonhomme de neige.
Pour accompagner ses paroles, une vague de froid envahit alors son corps, faisant se dresser les poils de son échine. Ses crocs menacèrent de jouer des maracas, claquant faiblement entre eux par les vaines tentatives de Caïn de garder la gueule bien fermé pour ne pas trahir le fait qu'il mourrait de froid à cet instant précis. Afin de regagner un peu de chaleur, il colla son flanc contre celui d'Illa, se réchauffant à la douce chaleur qu'elle dégageait, mêlant ses poils aux siens.
De toute façon, ils n'avaient guère à se cacher, la plupart des membres de leur clan respectif étant déjà au courant de leur amourette digne d'une série pour adolescentes pré-pubères.
Quoi qu'il en soit, Caïn trouvait amusante l'idée de faire un bonhomme de neige.
Même si avec des pattes ça n'allait pas être de la tarte. M'enfin, il avait son museau, et un cerveau : il devrait pouvoir s'en sortir.
Il n'était guère disciple de Mido pour rien, après tout.
Un sourire s'étira sur ses babines, et Caïn se détacha du pelage de la louve, non sans se retourner un mètre après pour lui lancer un :

« Viens, on va jouer dans la neige. »

Et il se mit alors au boulot, amassant un peu de neige entre ses pattes pour former un semblant de boule, salement aplati sur les côtés. Il roula alors sa pseudo boule dans la neige, lui faisant gagner en épaisseur et en rondeur.
Petite boule plate devenant voluptueuse et pulpeuse.
En passant à côté de Khal, le gris lui donna un petit coup d'épaule taquin.

« Allez, fais pas la gueule! »

On s'amuse bien, non ?
Quoi qu'il en soit, Caïn prenait son pied, à ainsi former une boule de neige pour servir de tête au bonhomme. Car bon, chez eux, un bonhomme était difficilement un humanoïde, étant donné qu'ils ne connaissaient point cela, mais plutôt un chibi lupin.
Une fois que sa boule de taille moyenne fut formée, il était temps de s'occuper du corps. Un brin essoufflé, parce que balader ainsi une boule sur trois pattes valides dans un froid pénétrant ça fatiguait pas mal, il recommença l'opération, en mettant cette fois-ci bien plus de neige. Fallait que ça soit un tant proportionnel, non ? Même s'il n'avait guère un grand talent artistique, il voulait rester cohérent dans son œuvre éphémère, que s'amuserait sans doute à détruire l'esprit de Noël une fois qu'il l'aurait achevé -sisi, il le sentait vraiment venir ce coup là, ne me dites pas le contraire!-. Après l'avoir poussé à l'aide de ses pattes en se vautrant à moitié dessus, il ramena la grosse boule à côté de la moyenne.
Pressant plus ou moins proprement de la neige, il s'enquit de façonner des oreilles avant de les appuyer sur le sommet de la plus petites des boules. Et tandis que l'une tenue parfaitement, l'autre se casse un brin la gueule. Mouais, bon, ça ferait un bonhomme de neige à son effigie, ce n'était pas si dramatique que cela. Vint s'ajouter une petite boule pour former le museau, et la base était désormais faites.
Il se retourna alors vers sa chérie, un petit sourire flanqué sur les babines.

« La touche finale ? »

Ce qui constituait à l'aider à mettre une boule sur l'autre, puis à lui ajouter quelques détails comme une truffe, des yeux et autres accessoires punks.
Et parce qu'il fallait bien conclure cette petite mission, Illa lui fit apparaitre tout le nécessaire pour paufiner son chibi bonhomme de neige. La tête était dorénavant bien collé à la plus importante des boules, qui formait le corps.
Il ramena de la neige contre la plus grosse, la tapotant suffisamment pour qu'elle tienne correctement et gagne un aspect plus lisse, formant ainsi les cuisses de cet éphémère énergumène. Les pattes furent plus ou moins caché dans la neige, histoire de faire genre il s'était écrasé dedans, ce qui lui donnait un petit aspect cocasse.
Après tout, le faire trop sage, ça n'aurait pas été bien marrant, mmh ? Caïn aimait se qui sortait de l'ordinaire, aussi tout ce qui pouvait le différencier des autres étaient bon à prendre.
Sa sculpture de poudreuse faisait donc penser à un louveteau presque adolescent, qui enchainait les bourdes et les gamelles.

Maintenant, il n'y avait plus qu'à y ajouter des accessoires, et il serait terminé pour de bon.
De ses deux pattes avants, Caïn glissa l'écharpe autour du cou dodu, cachant par la même occasion la soudure un peu trop voyante à son goût entre les deux amas de neige. Il colla ensuite de petites billes d'argents dans ses oreilles, mimant là les piercings. Eh, fallait qu'il soit punk pour correspondre un tant soit peu au thème tout de même !
Et pour renforcer cette allure, c'est avec une branche de sapin qu'il lui érigea une jolie crête verte prononcée, au racine brune de part les branches.
Ouaaaais, pas mal du tout !
Caïn contempla son oeuvre avec un petit sourire au coin des lèvres.
Un galet noir fit office de museau, et deux plus petits noirs d'yeux. D'une griffe, il lui fit un sourire bancal, n'étant guère un grand artiste.
Soit, quelle importance ? Tant que ça convenait à l'autre demeuré, qui semblait plus porté sur les choses décalées plutôt que rationnelles.

Ainsi acheva-t-il son bonhomme de neige, répondant à la requête de l'autre fou.

Les oreilles dressées en avant, un sourire étirant ses babines, il se tourna vers ce dernier, non sans avoir une dernière fois vérifié tous les détails de son œuvre structurale. Pour une première, c'était pas si mal que ça. Certes, certains auraient été capable de le dépasser sans le moindre problème, mais ils n'avaient par chance pas eu le même défi que lui, lui laissant une chance de sortir vainqueur.
Le Bêta Séide s'adressa donc à l'Esprit de Noël, désignant d'un mouvement de la tête son nouvel ami le bonhomme de neige.

« Ça vous convient ? »

Parce qu'il commençait sérieusement à se les cailler profond, claquant des dents et grelottant sous l'effet de ce souffle glacé qui n'atteignait que lui ainsi qu'un autre Brethen.

Ça promettait d'être amusant.
C'était ce qu'il s'était dit dès lorsqu'il avait appris la venue de l'énergumène aux deux visages. Les défis ne l'effrayaient pas, de même que le ridicule qu'ils semblaient attirer sur les loups qui les recevaient. A commencer par Lucien, accroché dans un sapin, qu'il n'avait pas manqué d'apercevoir en arrivant. Hilare, il marcha vers lui et s'assit tranquillement près du tronc, le regard braqué sur son frangin qui pendait lamentablement dans le vide. Ska remua joyeusement la queue.

▬ T'es pas assez grand à ton goût ?

Plaisanterie à part, il était vraiment heureux de voir l'albinos. Il ne comptait même plus les jours, ou plutôt les années qui les séparaient de leurs dernière rencontre... qui avait eu lieu lorsqu'il était encore Séide. Lucien n'avait pas vraiment changé, il était toujours aussi chétif, à son grand regret et, si seulement ils ne vivaient pas à des lieues l'un de l'autre, Ska l'aurait probablement engraissé pour l'hiver en le gavant de gibier. Sauf que, là, ce n'était pas vraiment le moment. D'ailleurs, son frère ne devait pas avoir envie de manger. Mais de descendre, oui.

▬ Bon allez, c'est pas tout ça mais je vais te laisser descendre tranquillement ! Atuuuute ♥

Bien sûr qu'il aurait pu l'aider. Mais voir son frère galérer était bien plus plaisante. Au pire, il irait le décrocher si vraiment Lucien n'arrivait à rien. Mais plus tard. Pour l'instant, Ska souhaitait, lui aussi, se voir donner un défi par l'esprit punk de noël. Abandonnant l'albinos à son sort, il trottina tranquillement vers l'individu à deux têtes.

▬ Vous avez quelque chose à me faire faire ?

Un sapin.
UN PUTAIN DE SAPIN.
Ce n'était pas chose commune sur la banquise, la végétation, en partie parce que la banquise n'était constituée que d'une épaisse plaque d'eau gelée, et qu'un putain de sapin a besoin de minéraux pour grandir et de soleil aussi, enfin ça faisait aucun sens qu'il y en ait un qui se dresse like a boss sur un putain d'iceberg. Et il commençait à en avoir ras le cul du 'Ta Gueule C'est Magique' qui régissait tout ce putain de monde pour en expliquer chacune des aberrations, enre autres un esprit crétin avec deux putains de têtes, et aussi des loups qui parlent tatoués et albinos avec des dreads fin c'était relou à la fin quoi.

Bon pour être parfaitement honnête, Lucien ne rageait que parce qu'il était à la cime de ce maudit sapin, et qu'il venait de se rendre compte qu'il était sujet à l'acrophobie, comme si la génétique ne lui avait pas suffisamment filé un corps de lopette pour s'en contenter. Le séide se trouvait donc cramponné au tronc de l'arbre, à une bonne vingtaine de mètres du sol, dans la position la plus inconfortable qui soit, hurlant des jurons à qui voulait l'entendre - soit, à cette altitude, personne - jurons que je ne retranscrirai pas ici pour éviter de choquer un potentiel jeune public. Mais en bas, l'Esprit, cible de son courroux, ne l'entendait pas, trop occupé à martyriser les quelques courageux qui tentaient de se présenter à lui.

Bon maintenant, il fallait redescendre.

Facile à dire, évidemment, d'autant plus que les branches souples du résineux ne permettaient pas une désescalade simiesque. La meilleure - en partie parce que seule - solution restait encore la chute contrôlée en glissant le long du tronc façon barre de pompiers, même si Lucien n'avait aucune idée de ce que pouvait être un pompier. L'animal tenta alors de calmer sa respiration, fermant les yeux et desserrant très légèrement la prise sur le tronc, se laissant glisser de quelques mètres, comme pour tester l'efficacité de cette technique révolutionnaire.

Ce fut efficace.
Très efficace.
Trop efficace.

Au lieu de glisser paisiblement, Lucien se retrouva à dégringoler à toute vitesse entre les branches, les antérieurs frottant douloureusement contre l'écorce rêche du tronc. La brûlure lui tira un cri de demoiselle en détresse et, quand le tatoué parvint à raffermir sa prise de manière à faire cesser sa chute, il avait déjà parcouru une bonne moitié du chemin qui le séparait du sol. Soufflant comme une forge, voyant complètement flou, l'archiviste commençait à se sentir partir quand il secoua la tête, dans une tentative désespérée de rassembler un tant soit peu ses esprits. Puis, à nouveau, relâcha sa prise, mais de manière beaucoup moins marquée que lors de sa première tentative.

Les derniers mètres furent plus paisibles : Lucien ayant à peu près compris la technique, il se laissa descendre par à-coups, progressivement, jusqu'à ce que ses pattes reprennent contact avec le sol. Alors, il se laissa choir sur le flanc, dans la neige, épuisé qu'il était par la fatigue et par l'exercice impromptu qu'il venait de s'imposer. Quand il se releva, le loup blanc jeta un regard noir à l'Esprit, faisant mine d'oublier que c'était quand même lui qui avait demandé le défi, avant de reprendre le chemin, endolori et exténué, de sa sacro-sainte Bibliothèque, où aucun sapin innoportun ne venait le déranger.